N° 3806 - Rapport de M. Jean-Pierre Door sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Door et plusieurs de ses collègues pour l'avenir de notre système de soins (3710).



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N° 3806

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le mardi 7 juin 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI pour l’avenir de notre système de soins,

Par M. Jean-Pierre DOOR,

Député.

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Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3710.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 11

II. EXAMEN DES ARTICLES 27

Article premier (Art. L. 1411-1 du code de la santé publique) : Définition des objectifs de la politique de santé 27

Article 2 (Art. 83 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ; art. L. 161-36-3, L. 161-36-4, L. 162-21-1 et L. 871-1 du code de la sécurité sociale) : Suppression de la généralisation du tiers payant 30

Article 3 (Art. L. 6112-1 à L. 6112-6, L. 6112-9 du code de la santé publique) : Assouplissement des conditions d’exercice des missions de service public hospitalier pour les établissements de santé privés 37

Article 4 : Expérimentation relative à la transformation du statut juridique des établissements publics de santé 43

Article 5 (Art. L. 6122-8 du code de la santé publique) : Durée des autorisations accordées par les agences régionales de santé aux établissements de soins 48

Article 6 (Art. L. 1431-2, L. 6327-1 et L. 6327-2 et du code de la santé publique) : Création des plateformes territoriales d’appui de la médecine libérale 50

Article 7 (Art. L. 1434-12 du code de la santé publique) : Modalités de constitution des communautés professionnelles territoriales de santé 54

Article 8 (Art. L. 631-1, L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-5 du code de l’éducation) : Régionalisation des épreuves classantes nationales de médecine 57

Article 9 (Art. L. 6323-1 du code de la santé publique) : Création de centres ambulatoires universitaires 61

Article 10 (Art. L. 162-16-3-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale) : Lutter contre la iatrogénie médicamenteuse 66

Article 11 : Rapport au Parlement sur les conditions de mise en place d’un parcours de prévention en matière de santé tout au long de la vie 68

Article 12 : Compensation des charges pour les organismes de sécurité sociale et pour l’État 73

INTRODUCTION

La préservation de la santé est sans aucun doute l’un des biens les plus précieux de chacun de nos concitoyens. Dès lors, notre responsabilité, en tant que législateur, est de garantir à chacun les trois principes sur lesquels repose la sécurité sociale en France depuis 1945, c’est-à-dire l’égalité d’accès aux soins, la qualité des soins dispensés et la solidarité.

Plusieurs exigences découlent de ces trois principes. En premier lieu, notre système de santé doit être capable de se moderniser, pour s’adapter notamment aux évolutions de la demande de soins ou aux progrès médicaux. En second lieu, pour permettre à chacun d’accéder à des traitements efficaces mais néanmoins coûteux, il est essentiel que l’organisation de notre système de santé soit efficiente.

Pourtant, force est de constater, aujourd’hui, que le système de santé français n’est pas à la hauteur de ces enjeux : cette proposition de loi propose en conséquence d’y apporter des réponses.

En préambule, il convient de souligner que cette proposition est le fruit d’un travail de concertation important avec l’ensemble des acteurs de notre système de santé.

En amont du dépôt du texte, le rapporteur a en effet conduit près d’une vingtaine d’auditions, menées conjointement avec certains de ses collègues du groupe Les Républicains, avec des représentants de médecins ou d’étudiants en médecine, des fédérations hospitalières, des organismes de complémentaire santé, des représentants des secteurs de l’industrie du médicament et des dispositifs médicaux, ou encore des économistes et experts spécialistes des questions de santé.

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur
(auditions organisées par le groupe Les Républicains)

Ø M. Frédéric Bizard, économiste et spécialiste des questions de santé

Ø Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) – Dr Jean-Paul Ortiz, président

Ø Fédération hospitalière de France (FHF) – M. Frédéric Valletoux, président, et M. Cédric Arcos, délégué général adjoint

Ø Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) – M. Lamine Gharbi, président

Ø Mme Élisabeth Hubert, ancienne Ministre de la Santé

Ø InterSyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) – M. Yves-Marie Vincent, président

Ø Les entreprises du médicament (LEEM) – M. Philippe Lamoureux, directeur général

Ø M. Claude Le Pen, économiste de la santé, professeur à l’université Paris-Dauphine

Ø MG France – Dr. Claude Leicher, président

Ø Ordre national des médecins – M. Patrick Bouet, président

Ø Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (REAGJIR) – M. Jacques-Olivier Dauberton, président

Ø Représentants des organismes de complémentaire santé :

– Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP)

– Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA)

– Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) – M. Étienne Caniard, président

Ø Syndicat des médecins libéraux – M. Éric Henry, président

Ø Syndicat national des industries et technologies médicales (SNITEM) – M. Éric Le Roy, directeur général

Ø Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) – Dr Émilie Frelat, présidente

Ø Union nationale des omnipraticiens français (UNOF) – Dr Luc Duquesnel, président

Ø Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE) – M. Patrick Gasser, président

1. Le système de santé français n’est pas à la hauteur des enjeux de santé publique du XXIsiècle

a. Un système qui ne répond plus qu’imparfaitement aux besoins de santé de la population

La démographie médicale est actuellement marquée par des bouleversements significatifs, dont le plus alarmant est la diminution progressive du nombre de médecins sur l’ensemble du territoire national.

Ce ralentissement démographique s’accompagne en outre d’une désaffection des médecins pour l’exercice libéral, qui entraîne une inégale répartition des médecins sur le territoire : à l’issue de leurs études, principalement réalisées en milieu hospitalier, les jeunes médecins choisissent en effet souvent de poursuivre leur carrière à l’hôpital, ou exercent leur activité en ville, mais en optant pour le statut de salarié.

La médecine générale est elle aussi particulièrement affectée par le moindre attrait des étudiants en médecine pour cette spécialité. Dans son Atlas de la démographie médicale rendu public début juin 2016, le Conseil national de l’Ordre des médecins constate ainsi que, si le rythme actuel de diminution du nombre de médecins généralistes se poursuit, la France pourrait perdre un médecin généraliste sur quatre entre 2007 et 2025.

Ajoutée à la désaffection des médecins pour l’exercice libéral, la désaffection des étudiants en médecine pour la spécialité de médecine générale forme peu à peu un déficit d’offre de soins de premier recours et de spécialistes sur le territoire, affectant plus particulièrement certains départements, comme le montre la carte ci-après, qui présente la densité médicale toutes spécialités confondues.

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Source : Conseil national de l’Ordre des médecins, Atlas de la démographie médicale (2016).

Une faible présence médicale, parfois même l’absence de médecins sur un territoire donné, implique pour les patients de parcourir de longues distances pour recevoir les traitements nécessaires, d’accepter l’allongement des délais de prise de rendez-vous voire, dans certains cas, de renoncer à des soins. L’inégale répartition des médecins sur le territoire pose donc un véritable défi à notre système d’assurance maladie, qui est supposé garantir à tous les citoyens un égal accès à des soins de qualité.

L’organisation du système de santé, historiquement centrée sur l’hôpital, ne permet pas non plus de pallier le déclin de l’offre de médecine libérale.

En tout état de cause, tant que l’on n’agit pas concrètement sur ces données pour redonner aux médecins l’envie d’exercer leur activité en libéral, et pour étoffer l’offre de soins de premier recours dans tous les territoires, le fameux « virage ambulatoire » tant évoqué sera vain.

b. La politique de santé conduite depuis 2012 : une occasion manquée de rénover le système de santé

Alors que la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé était l’occasion de proposer des réponses aux principaux défis de santé, cette loi s’est au contraire attelée à démanteler, un par un, plusieurs des fondements historiques de l’organisation du système de santé, aggravant certaines de ses caractéristiques devenues pourtant inadéquates au regard des besoins exprimés par la population, et omettant de traiter ses principaux dysfonctionnements.

L’accroissement des démarches administratives et, parallèlement, la diminution des marges de manœuvre des médecins sont les premières conséquences de la mise en œuvre des mesures de la loi du 26 janvier.

La généralisation obligatoire du tiers payant concentre en premier lieu l’essentiel des préoccupations. Les professionnels de santé, qui étaient loin d’appeler cette réforme de leurs vœux, s’inquiètent en effet de voir cette mesure empiéter encore sur leur temps médical, déjà fortement réduit par les nombreuses contraintes administratives auxquelles ils doivent se soumettre, et regrettent que le coût de la généralisation du tiers payant n’ait jamais fait l’objet d’une estimation crédible.

D’autres mesures conduisent à réduire les marges de manœuvre des médecins, notamment parce qu’elles donnent davantage de poids aux agences régionales de santé (ARS) en leur permettant par exemple d’imposer aux médecins le regroupement au sein de communautés professionnelles territoriales de santé.

La déstabilisation de l’hospitalisation privée est un autre écueil majeur de la loi du 26 janvier 2016 : cette loi a en effet remis en cause la conception du service public hospitalier telle qu’elle avait été définie par la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » du 21 juillet 2009, conduisant à écarter de facto la majorité des établissements de santé privés de la participation au service public hospitalier, alors qu’ils en exerçaient traditionnellement les missions.

En définitive, la superposition de contraintes administratives imposées aux médecins et la défense de l’« hospitalo-centrisme » par la loi dite de « modernisation de notre système de santé » contribuent à renforcer certaines des caractéristiques qui avaient pourtant fait preuve de leur inefficience, et qu’il aurait été urgent de réformer.

2. La nécessité de construire un cadre nouveau d’exercice de la médecine, en donnant davantage de marges de manœuvre aux professionnels et aux établissements de santé

L’objet de la présente proposition de loi est donc de proposer les aménagements indispensables pour améliorer à court terme les capacités d’adaptation de notre système de santé ainsi que sa performance, au service de nos concitoyens.

a. Revaloriser la médecine libérale : la priorité absolue

Le premier axe de réforme de la proposition de loi consiste à donner à la médecine libérale tous les moyens nécessaires à son développement.

Il s’agira tout d’abord de redonner confiance aux professionnels de santé, notamment à ceux qui exercent en ville, fortement éprouvés par l’instauration des mesures non concertées qui ont conduit à accroître leurs démarches administratives et à réduire leur temps médical. La suppression de la généralisation du tiers payant proposée à l’article 2 permettra ainsi aux médecins de se recentrer sur leur cœur de métier.

La seconde priorité est de revaloriser l’image de la médecine libérale, et notamment de la médecine générale, qui restent largement méconnues des étudiants en médecine. Au cours de leurs études, les jeunes médecins côtoient en effet surtout le monde de l’hôpital. Il est primordial de leur donner envie de s’orienter vers la médecine libérale, ce qui ne peut passer que par une meilleure connaissance des enjeux et de l’intérêt de ce type de médecine de proximité : telle est l’ambition poursuivie par la création des centres ambulatoires universitaires proposée à l’article 9, et par les aménagements apportés à la formation initiale des médecins à l’article 8.

Par ailleurs, afin de favoriser l’exercice regroupé de la médecine et de faire en sorte que ces regroupements viennent du terrain et ne soient pas imposés par les agences régionales de santé (ARS), l’article 6 propose la création de plateformes territoriales d’appui de la médecine libérale, et l’article 7 supprime la possibilité pour les ARS d’imposer aux professionnels de santé de se regrouper au sein de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), en cas de carence de CPTS sur un territoire donné.

b. Garantir l’équité entre privé et public pour assurer l’efficience du système de santé

Afin de garantir une véritable équité entre l’ensemble des offreurs de soins, quel que soit leur statut – public ou privé –, l’article premier élève au rang des objectifs de la politique de santé l’objectif d’efficience de notre système de santé, et confie à l’État un rôle de garant de la concurrence entre les offreurs de soins.

De plus, l’article 5 dispose que les autorisations accordées par les ARS aux établissements de soins devront être de même durée, quel que soit le statut de l’établissement considéré.

L’article 3 de la proposition de loi propose ensuite de réhabiliter la possibilité pour les établissements de santé privés d’exercer des missions de service public hospitalier (SPH) au même titre que les établissements de santé publics. En effet, les cliniques privées ont été injustement écartées de l’exercice du SPH par la loi du 26 janvier 2016, qui précise que ces établissements ne peuvent participer au SPH qu’à la condition qu’aucun dépassement d’honoraire ne soit appliqué pour l’ensemble des missions exercées au sein de ces établissements, y compris s’agissant des missions qui n’entrent pas dans le champ du SPH. Cette condition très stricte n’a pas d’équivalent dans les établissements de santé publics – où les professionnels de santé peuvent tout à fait pratiquer des dépassements d’honoraires pour leurs activités autres que les activités de service public. En raison de cette injustice, seul un quart des établissements de santé privés pourraient actuellement exercer des missions de SPH, d’où la nécessité d’assouplir les règles de leur participation au service public hospitalier.

Dans le cadre d’une expérimentation de cinq ans, il est par ailleurs proposé à l’article 4 de donner davantage d’autonomie aux établissements publics de santé qui le souhaitent, en rapprochant leur statut de celui applicable aux établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC), qui disposent de davantage de marges de manœuvre, notamment en matière de gestion des ressources humaines.

c. Promouvoir une nouvelle approche de la prévention en matière de santé

Le dernier axe de cette proposition de loi est tourné vers la prévention.

L’article 10 propose tout d’abord de prévenir les risques d’intoxication médicamenteuse liée aux erreurs de prise ou de dosage des médicaments, en permettant aux pharmaciens d’accéder, à l’instar des médecins, à l’historique des médicaments remboursés par l’assurance maladie.

Enfin, l’article 11 propose une nouvelle approche de la prévention reposant sur une logique contractuelle entre le patient et l’assurance maladie et ce, afin d’encourager les patients à se maintenir en bonne santé tout au long de la vie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du 7 juin 2016, la commission des affaires sociales examine la proposition de loi de M. Jean-Pierre Door pour l’avenir de notre système de soins (n° 3710) (M. Jean-Pierre Door, rapporteur).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je salue notre collègue Jean-Pierre Door, qui est aujourd’hui parmi nous malgré les inondations qui se sont produites dans sa circonscription. Nous l’en remercions d’autant plus et nous l’assurons, dans ces circonstances difficiles, de tout notre soutien.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Merci, madame la présidente. Au cours de cet épisode de crue et d’inondations, j’ai dû faire évacuer deux maisons de retraite et un établissement de santé, ce qui n’avait rien d’évident.

J’ai travaillé à cette proposition de loi pour l’avenir de notre système de soins avec mes collègues Arnaud Robinet, Bernard Accoyer et Jean Léonetti.

La préservation de la santé est sans doute l’un de nos biens les plus précieux. Dès lors, notre responsabilité, en tant que législateur, est de garantir à chacun de nos concitoyens les trois principes sur lesquels repose la sécurité sociale en France depuis 1945 : l’égalité d’accès aux soins, la qualité des soins et la solidarité. Pour ce faire, notre système de santé doit répondre à deux exigences : être capable de se moderniser pour s’adapter, entre autres, aux évolutions de la demande de soins ou aux progrès médicaux ; reposer sur une organisation efficiente qui permette à chacun d’accéder à des traitements efficaces, souvent coûteux. Or force est de constater aujourd’hui que ces objectifs ne sont pas satisfaits.

Ce constat est partagé au sein du groupe Les Républicains et nous a été confirmé par la majorité des personnes que nous avons rencontrées au cours de la préparation de cette proposition de loi. Plusieurs facteurs sont en cause.

En premier lieu, l’accès aux soins est de plus en plus inégal sur l’ensemble du territoire. D’abord, on observe un inquiétant recul de la médecine générale dans notre pays. Selon les chiffres publiés la semaine dernière par le Conseil national de l’ordre des médecins dans son Atlas de la démographie médicale, le nombre de médecins généralistes a diminué de 8,4 % entre 2007 et 2016, et la France pourrait perdre un médecin généraliste sur quatre sur la seule période allant de 2007 à 2025. L’exercice libéral de la médecine connaît une véritable désaffection dans notre pays, et le nombre de médecins choisissant d’exercer leur activité en libéral diminue considérablement.

Ces évolutions se traduisent, d’une part, par une véritable désertification médicale dans certains territoires qui sont dépourvus de structure hospitalière et manquent cruellement de médecins spécialistes, et, d’autre part, par des difficultés d’accès aux soins de premier recours. Ainsi, beaucoup de nos concitoyens sont d’ores et déjà obligés de parcourir de nombreux kilomètres pour accéder aux soins primaires, ce qui n’est évidemment pas souhaitable au regard de l’objectif d’égalité d’accès aux soins.

En second lieu, on peut reprocher au système de santé actuel d’être encore trop organisé autour de l’hôpital, et en particulier de l’hôpital public. Or l’hospitalo-centrisme coûte cher, et il ne permet pas de répondre à l’ensemble des besoins de la population. Le virage ambulatoire dont on parle tant semble n’être resté qu’un vœu pieu.

Ces défis sont connus depuis longtemps. Pourtant, les récentes orientations qui ont été données à notre système de santé ont contribué à affaiblir celui-ci plutôt qu’à l’adapter aux enjeux que je viens d’évoquer. En particulier, la loi de santé du 26 janvier 2016 a augmenté les contraintes administratives et réduit les marges de manœuvre des médecins. La généralisation obligatoire du tiers payant en est la principale illustration : en imposant à l’ensemble des médecins un système de paiement par tiers payant complexe et peu sécurisé, comme l’a d’ailleurs montré la censure partielle du dispositif par le Conseil constitutionnel, le tiers payant réduit le temps médical et augmente les contraintes des médecins, ce qui ne peut que décourager les plus jeunes d’entre eux d’opter pour l’exercice libéral.

La loi de santé a également largement contribué à déstabiliser l’hospitalisation privée, en revenant sur les critères du service public hospitalier (SPH) énoncés par la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) de 2009, et en écartant sans ménagement les cliniques privées de l’exercice de ces missions de service public hospitalier. Or l’hôpital privé est le deuxième pilier de notre système de santé ; il est plus que jamais nécessaire de reconnaître son rôle essentiel dans l’organisation de notre système de santé et de lui permettre d’exercer pleinement ses missions.

L’objet de cette proposition de loi est donc d’introduire les aménagements qui apparaissent indispensables pour améliorer la performance de notre système de santé au service de nos concitoyens.

Le premier axe de la proposition de loi donne la priorité à la médecine libérale.

Pour commencer, l’article 2 propose la suppression du tiers payant généralisé afin de simplifier les démarches administratives des médecins exerçant en ville. Cette suppression n’aura aucune incidence sur l’application du tiers payant pour les patients qui y ont déjà droit, dès lors qu’ils sont éligibles à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou à l’aide à la complémentaire santé (ACS) par exemple.

L’article 6 crée les plateformes territoriales d’appui de la médecine libérale pour la coordination des parcours de soins complexes qui, contrairement aux plateformes créées par la loi de santé, replacent le médecin au cœur du dispositif.

L’article 7 propose d’assouplir les modalités de regroupement des médecins qui souhaitent se réunir au sein des communautés professionnelles territoriales de santé, en supprimant la possibilité pour les agences régionales de santé (ARS) d’imposer de tels regroupements, car il va de soi que l’exercice regroupé ne peut être efficace que s’il émane de la volonté des professionnels de santé eux-mêmes.

Pour encourager les jeunes médecins à choisir l’exercice libéral plutôt qu’une carrière hospitalière, les articles 8 et 9 proposent de réformer les études de médecine, ce qui est réclamé de longue date : d’une part, en régionalisant les examens organisés à l’issue de la première année et de la sixième année du cursus universitaire ; d’autre part, en créant des centres ambulatoires universitaires (CAU) qui proposeront aux étudiants de médecine une formation aux soins ambulatoires en dehors du milieu hospitalier, et qui permettront de renforcer la recherche et l’enseignement en matière de soins ambulatoires.

Le deuxième axe de la proposition de loi est le rétablissement de l’équité entre l’hôpital public et l’hôpital privé pour garantir l’efficience du système de santé dans son ensemble.

L’article 1er donne ainsi à l’État un rôle d’arbitre chargé de réguler la concurrence entre les offreurs de soins, tout en rappelant le principe fondamental de libre choix du patient.

L’article 3 rétablit la possibilité pour les cliniques privées qui le souhaitent d’exercer les missions de service public hospitalier.

Pour alléger les contraintes administratives pesant également sur les hôpitaux, l’article 4 instaure une expérimentation permettant aux établissements de santé publics d’être soumis aux règles applicables aux établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC), plus souples, notamment en matière de gestion des ressources humaines. Il s’agit d’évoluer vers une possible autonomie des hôpitaux, comme il existe une autonomie des universités.

L’article 5 précise que les autorisations accordées par les ARS aux établissements de santé doivent être de même durée, quel que soit le statut de l’établissement concerné.

Le troisième et dernier axe de la proposition est l’amélioration des traitements et de la prévention.

L’article 10 vise à lutter contre l’iatrogénie médicamenteuse en permettant aux pharmaciens d’accéder, comme les médecins, à l’historique des remboursements de l’assurance maladie.

Enfin, l’article 11 propose une nouvelle approche de la prévention en matière de santé, en développant une logique contractuelle entre le patient et l’assurance maladie ou les organismes payeurs : il s’agit avant tout de rendre le patient conscient de sa capacité à se maintenir en bonne santé tout au long de sa vie.

Je terminerai mon propos en soulignant que cette proposition de loi est le fruit d’une concertation avec les acteurs de notre système de santé. En amont du dépôt de ce texte, nous avons rencontré, avec les collègues que j’ai cités, près d’une vingtaine de représentants des médecins, des fédérations hospitalières, des étudiants en médecine, des complémentaires santé ou encore d’experts en matière de santé.

Mme Bernadette Laclais. La proposition de loi initiée par notre collègue Jean-Pierre Door a pour objectif de « proposer les aménagements qui apparaissent indispensables pour améliorer à court terme les capacités d’adaptation du système et sa performance au service de nos concitoyens. » Elle propose de rééquilibrer le système en le « déshospitalisant » et en redonnant toute sa place à la médecine de ville, nous dit-on.

Effectivement, on peut d’ores et déjà le noter dans son titre, cette PPL ne comporte pas de propositions s’inscrivant dans une vision globale du système de santé, ni dans une remise en cause de la loi de modernisation de notre système de santé portée par Marisol Touraine et promulguée le 26 janvier 2016. Elle n’en apporte pas davantage sur les sujets dits prioritaires que le rapporteur a énumérés dans son propos liminaire. Aucun article ne vise à amender ou à compléter la loi dans son volet prévention, ce dont nous nous réjouissons. Ni les articles concernant le paquet neutre, qui se met en place ces jours-ci, ni les articles relatifs aux salles de consommation à moindre risque, qui ont pourtant mobilisé notre hémicycle à votre initiative, ne sont évoqués, pas plus d’ailleurs que la lutte contre l’obésité ou les maladies chroniques.

Nous nous réjouissons que vous ayez fait vôtre ce titre Ier relatif à la prévention, qui préfigure bien ce que doit être, à nos yeux, un système de soins à l’avenir : un système qui sait anticiper, prévenir dès le plus jeune âge et protéger le plus possible des maladies qui peuvent être évitées. D’ailleurs, en en faisant le titre Ier de sa loi, la ministre avait bien signifié qu’elle entendait faire de la prévention un axe prioritaire du système de santé, dans l’objectif de combattre les inégalités, mais aussi de préserver notre système de sécurité sociale, car il est toujours plus coûteux de guérir que de prévenir. De fait, les efforts réalisés depuis 2012 nous permettent d’enregistrer des évolutions positives des comptes de la sécurité sociale, sans procéder à des déremboursements et en prenant néanmoins en charge les innovations thérapeutiques – nous l’avons constaté avec satisfaction pour l’hépatite C.

Vous centrez votre PPL sur des sujets que nous savons être pour vous des totems, que vous brandissez comme des arguments pour inquiéter nos concitoyens ou donner des gages à votre électorat. Mais au fond, vous en conviendrez, il y a peu ou pas de propositions nouvelles, pas de nouveau cap, simplement une suite d’articles qui viennent compléter ou amputer, sur quelques points emblématiques, la loi de janvier 2016 qui comporte, rappelons-le, pas moins de 227 articles.

Ainsi en est-il de l’article 1er, qui pourrait laisser penser à un lecteur non averti que la loi de janvier 2016 reviendrait sur le libre choix du patient, alors même que l’article L. 1110-8, premier alinéa, du code de la santé publique précise que « le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire ».

De la même manière, la loi du 26 janvier n’a pas remis en cause la liberté d’installation des médecins, comme nous l’avons parfois entendu ici ou là. Nous notons d’ailleurs avec satisfaction que votre PPL ne revient pas non plus sur la notion de communauté professionnelle de territoire de santé et son corollaire, le contrat territorial de santé, même si votre article 7, sous prétexte de souplesse, vise ni plus ni moins à supprimer l’initiative que pourraient avoir les ARS en cas de défaut d’initiative des professionnels.

Permettez-moi, comme je l’ai fait lors des débats dans l’hémicycle, de vous dire notre désaccord, mais surtout notre perplexité devant votre proposition de loi : au fond, vous proposez, ni plus ni moins, de créer des inégalités entre les territoires et entre nos concitoyens.

Nous savons tous très bien qu’il y a aujourd’hui des communautés qui peuvent fonctionner, et des territoires où les professionnels sont insuffisants ou peu organisés entre eux. Faut-il accepter cet état de fait et considérer que l’ARS n’aurait pas, dans ces territoires, à encourager, à initier, à rechercher les moyens de recréer la synergie ? Non, bien sûr, et la rédaction de cet article, reprise en concertation avec les acteurs, a permis de rassurer sur les intentions. L’ARS n’interviendrait qu’à défaut d’initiative des professionnels et en concertation avec les unions régionales et les représentants des centres de santé.

Deux articles de votre proposition de loi portent sur l’hôpital. L’article 3 vise à rétablir le modèle de la loi HPST et supprimer la notion de service public hospitalier, tel qu’il est défini par l’article 99 de la loi de santé, qui réaffirme solennellement l’existence du service public hospitalier autour d’un bloc d’obligations, comme l’absence de dépassements d’honoraires, la permanence de l’accueil et l’égalité d’accès aux soins. S’il respecte ce cadre, un établissement privé à but lucratif peut participer au service public hospitalier tel que le prévoit l’article L. 6112-3 du code de la santé publique. Il nous semble normal que l’on puisse se réclamer du service public si l’on en respecte les valeurs et les contraintes.

À quelques mois d’échéances importantes, on voit bien la finalité de votre proposition. Arrêtons-nous quelques instants sur l’enjeu : améliorer l’accès aux soins de tous les Français. Si vous avez raison de souligner que les plus fragiles ont déjà le tiers payant, vous passez complètement sous silence la situation de ceux qui sont juste au-dessus des plafonds de la CMU-C et de l’ACS.

C’est dans ce cadre que s’inscrit la mesure de généralisation du tiers payant que vous voulez supprimer. Celui-ci se mettra en place progressivement s’agissant de la prise en charge par l’assurance maladie obligatoire. En outre, les professionnels pourront proposer le tiers payant pour la partie remboursée par les organismes complémentaires. Par ailleurs, conformément à la demande exprimée par notre assemblée, l’assurance maladie et les assurances complémentaires ont proposé, dans le cadre d’un rapport présenté devant notre commission le 15 mars, une solution technique commune.

Pour toutes ces raisons, et d’autres sur lesquelles j’aurais l’occasion de revenir lors de la présentation de nos amendements, nous ne voterons pas cette PPL. Non seulement, celle-ci revient sur des dispositions à nos yeux emblématiques et fondamentales de la loi de modernisation du système de santé, mais, en se centrant sur quelques points relatifs au système de soins, elle ne propose, de surcroît, qu’une vision très partielle de la problématique, alors même que notre système de santé a besoin aujourd’hui d’ambition, de caps clairs et de décisions fortes, celles-là mêmes que nous avons entérinées par notre vote, le 18 décembre dernier.

M. Arnaud Robinet. L’intérêt d’un texte ne se mesure pas au nombre de ses articles. D’ailleurs, les professionnels de santé auditionnés ont reproché à Mme Touraine d’avoir présenté un texte fourre-tout qui ne répondait ni à leurs attentes ni à celles de nos concitoyens – dont l’intérêt doit pourtant guider toute action législative en la matière.

Tel est, du reste, l’objet de la proposition de loi de M. Door et du groupe Les Républicains, qui vise précisément à améliorer cette loi. À la différence de la majorité, en effet, nous considérons, nous, que la richesse du système de santé français tient à ses deux piliers : un secteur privé et un service public performants. Pour nous, il n’y a pas, d’un côté, les méchants et, de l’autre, les gentils. Nous avons besoin des deux systèmes pour permettre à nos concitoyens d’avoir partout accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Il est des territoires dont l’histoire a fait que les établissements privés sont plus importants, en présence ou en offre de soins, que le service public.

J’ajoute qu’au moment où nous renforçons le rôle de l’ambulatoire, il nous faut réorganiser la médecine de ville libérale. Or cela ne peut se faire qu’avec les professionnels de santé, qui connaissent leur métier et sont quotidiennement en contact avec nos concitoyens. Nous devons donc leur faire confiance, tout en les rappelant à leurs responsabilités. L’un des articles de la proposition de loi vise ainsi à réorganiser le système en permettant aux médecins libéraux et, au-delà, à l’ensemble des professionnels de santé, médicaux ou paramédicaux, de s’organiser en réseau en fonction des besoins d’un territoire.

En ce qui concerne le service public hospitalier, nous recherchons l’équité. Actuellement, pour intégrer le service public hospitalier, un établissement privé doit respecter certaines conditions, notamment en matière de dépassements d’honoraires. Or, nous sommes bien placés pour le savoir, ceux-ci sont également pratiqués dans les hôpitaux publics. Il nous semble logique, pour garantir l’offre de soins sur un territoire, que les établissements privés puissent intégrer sans condition le service public hospitalier.

Par ailleurs, nous voulons renforcer le rôle des hôpitaux publics, notamment des centres hospitaliers universitaires (CHU), qui doivent retrouver leurs véritables missions : la recherche, l’innovation et l’excellence. À ce propos, il est un sujet qui n’est pas abordé dans la proposition de loi – mais celle-ci n’est que l’ébauche d’un véritable programme de réforme du système de santé –, c’est celui de la gestion des urgences qui demande à être examiné de manière approfondie. En tout état de cause, il nous faut peut-être faciliter la gestion des ressources humaines dans les hôpitaux publics et leur accorder davantage d’autonomie, sur le modèle que nous avons adopté sous l’ancienne législature pour les universités. Une plus grande liberté pour adapter leur offre de soins sur leur territoire, c’est en tout cas ce que souhaitent un certain nombre de directeurs, et la Fédération hospitalière de France (FHF) n’y est pas du tout opposée.

Un thème était totalement absent du projet de loi de Marisol Touraine : la formation des jeunes médecins. Nous l’abordons dans la proposition de loi, du point de vue notamment du numerus clausus ou de l’adaptation du recrutement aux besoins de chaque territoire, tout en garantissant, dans le cadre de la problématique des déserts médicaux, en milieu rural ou urbain, la liberté d’installation des médecins, à laquelle nous tenons tout autant qu’au libre choix de son médecin par le patient.

Parce que nous ne voulions pas présenter un texte fourre-tout, nous avons choisi d’aller à l’essentiel, notamment en matière de prévention. Mais nous aurions pu aller beaucoup plus loin, notamment sur la réforme de la médecine libérale ou la question des maisons de santé, qui ne correspondent pas aux besoins de tous les territoires. Nous avons également discuté des groupements hospitaliers de territoire (GHT), car, là encore, nous ne pouvons pas imposer un modèle unique à l’ensemble des territoires. Dans certains d’entre eux, les GHT fonctionnent remarquablement – c’est le cas dans mon département –, mais, dans d’autres, ils posent des difficultés, en particulier lorsque, dans une commune, le principal établissement de santé est un établissement privé, donc exclu à ce titre du GHT, et que l’hôpital public le plus proche est à plusieurs dizaines de kilomètres. Ce que nous souhaitons, en tout cas, c’est une politique de santé adaptée aux besoins de chaque territoire, en fonction de leur population, de leur histoire et de leur géographie.

En conclusion, je tiens à féliciter Jean-Pierre Door et l’ensemble des députés qui ont travaillé sur cette proposition de loi, car elle marque un tournant dans la façon d’appréhender la politique de santé. Nous devons, en effet, sortir de l’hospitalo-centrisme ; nous, nous souhaitons une politique de santé équitable sur l’ensemble du territoire, dans laquelle le privé et le public ont leur place. En aucun cas, nous ne souhaitons opposer l’un à l’autre.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Robinet, permettez-moi de vous faire remarquer que, le 18 février 2015, Jean-Louis Costes, Bérengère Poletti et Francis Vercamer, tous trois députés de l’opposition, ont déposé une proposition de loi dans laquelle il est question d’exercer une coercition en matière d’installation des médecins. Il serait souhaitable que vous fassiez preuve de cohérence si vous voulez que nos concitoyens comprennent quels seront vos choix l’an prochain.

M. Arnaud Robinet. D’une part, M. Vercamer est membre du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI). D’autre part, je pourrais faire la même remarque à propos de certains membres de votre groupe, madame la présidente.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je disais cela sans esprit polémique, souhaitant simplement souligner que l’ensemble des groupes parlementaires sont divisés sur la question de savoir s’il faut poursuivre la politique d’incitation actuelle ou passer à une politique de coercition. C’est une question qu’il faudra bien trancher.

Par ailleurs, vous avez mentionné la situation des urgences. Or je vous rappelle qu’il y a un an, nous avons publié un rapport d’information consacré à l’ensemble des urgences, et à la permanence des soins en général ; ce rapport, qui comporte plusieurs préconisations, a été adopté à l’unanimité par notre commission. La réflexion que vous souhaitez engager a donc été menée et conclue…

Mme Isabelle Le Callennec. Je veux tout d’abord féliciter Jean-Pierre Door pour le travail qu’il a consacré à cette proposition de loi, qui peut être considérée comme un contre-projet à la loi de santé du 16 janvier dernier que le groupe Les Républicains n’a pas votée. Certes, cette loi comporte des avancées, notamment en matière de prévention, mais il faut bien reconnaître qu’elle a crispé les professions médicales.

La proposition de loi vise ainsi à réaffirmer le principe du libre choix par le patient de son professionnel de santé et à revenir sur la généralisation du tiers payant. Elle considère que les cliniques aussi peuvent exercer des missions de service public et tend à faire évoluer la formation des médecins afin qu’ils découvrent d’autres pratiques que les seules pratiques hospitalières – et, peut-être, apporter une réponse au problème du choix d’installation des jeunes médecins.

Elle présente également l’avantage de tenir compte des difficultés qui sont observées sur le terrain quelques mois seulement après la promulgation de la loi de santé. Elle vise ainsi à faire évoluer les plateformes territoriales d’appui aux professionnels de santé et les communautés territoriales professionnelles de santé, qui sont vécues sur le terrain comme des innovations technocratiques. Je pourrais également mentionner les groupements hospitaliers de territoire qui, s’ils fonctionnent à certains endroits, ne manquent pas d’inquiéter les élus, qui se sentent écartés des choix qui seront faits à terme s’agissant de ces groupements.

Force est de constater, compte tenu des commentaires de nos collègues de la majorité et des amendements de suppression qui ont été déposés sur chacun de ses articles, que cette proposition de loi a une courte espérance de vie. Elle risque fort, en effet, d’être rejetée en séance publique, alors que, pour le groupe Les Républicains, elle constitue une véritable réponse concrète aux interrogations des professionnels de santé sur le terrain et de nos concitoyens.

J’ajoute que la question du financement de la politique de santé et de la protection sociale en général se pose à nous tous, quelles que soient nos sensibilités politiques. Mais l’organisation du système de soins demeure perfectible. C’est pourquoi je voterai cette proposition de loi.

M. Michel Liebgott. Les chiffres les plus récents démontrent qu’en matière de santé publique, la ministre de la santé et des affaires sociales est parvenue à réduire les coûts sans remettre en cause les droits des malades, puisque le déficit que nous a légué la précédente majorité a été réduit de 70 % sans que le reste à charge des assurés augmente. C’est un point important, car ces économies ont vocation à être réinvesties et à dégager des marges de manœuvre pour améliorer la santé de la population.

Par ailleurs, on a le sentiment que cette proposition de loi a pour seul objet de supprimer la généralisation du tiers payant. En cela, elle apparaît comme l’expression d’un certain corporatisme. Je veux donc réaffirmer ici que la politique de santé a pour objectif de permettre aux gens de se soigner et de leur assurer un « état de complet bien-être physique, mental et social », pour reprendre la définition que l’OMS donne de la santé. Celle-ci n’a pas de prix, dit-on, mais elle a un coût, hélas ! La prise en charge des médicaments dans le cadre du tiers payant, que personne ne conteste aujourd’hui, pourrait être étendue – et c’est ce que nous avons voté – à l’ensemble des professions médicales, afin de rétablir un équilibre qui a été largement mis à mal par les dépassements d’honoraires et par le creusement des inégalités dans l’accès aux soins.

La généralisation du tiers payant est donc un symbole fort qu’il ne faut pas remettre en cause. Bien entendu, certains médecins ont pu le contester, pour des raisons que l’on peut comprendre, et nous pouvons sans doute en améliorer la mise en œuvre.

Pour conclure, je veux dire qu’il n’y a pas lieu d’opposer le public et le privé. Le premier doit être privilégié parce que l’hôpital public est l’hôpital de tout le monde. Pour autant, chacun constate dans son territoire que public et privé coopèrent harmonieusement.

M. Rémi Delatte. Nous avons tous en mémoire la manifestation historique du 15 mars 2015. Médecins, chirurgiens, pharmaciens, infirmières, bref tous les professionnels de santé, qu’ils exercent dans le public ou dans le privé, s’étaient levés pour dire non au projet de loi de Marisol Touraine, qui les avait traités avec mépris et avait balayé leurs demandes d’un revers de main. Pendant ce temps, nous avons mené un travail de concertation et d’écoute dont la proposition de loi de Jean-Pierre Door est le résultat.

Ce texte frappé au coin du bon sens poursuit ainsi plusieurs objectifs voulus par les professionnels. J’en retiendrai trois. Le premier est la simplification administrative, puisque nous proposons de revenir sur la généralisation du tiers payant, que nous nous sommes engagés à supprimer.

Le deuxième objectif est l’inscription de la médecine ambulatoire au centre de notre système de santé, dont tout le monde parle sans forcément définir les moyens d’y parvenir. Je salue, à cet égard, la proposition novatrice de créer des centres ambulatoires universitaires. En effet, les professionnels s’accordent à dire qu’il faut en finir avec un enseignement « hospitalo-centré ».

Le troisième est la recherche d’un équilibre, au sein du service public hospitalier, entre les établissements publics et les établissements privés, ces derniers ayant été particulièrement mis à mal par la loi du 26 janvier. Par l’article 3, qui assouplit les conditions d’exercice des missions de service public hospitalier pour les établissements de santé privés, nous proposons de renouer avec l’excellence de notre système de santé, qui repose sur la complémentarité entre public et privé.

Enfin, je souhaiterais interroger notre rapporteur sur la convergence tarifaire, qu’il était prévu d’appliquer en 2012, puis en 2018, et qui a finalement été abandonnée par le gouvernement actuel. Comment relancer cette convergence, puisqu’il en va, là aussi, de la rationalisation des dépenses de santé ?

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le rapporteur, je trouve intéressant que nous ayons, sur ce sujet, un débat d’idées, au-delà des polémiques habituelles qui opposent nos deux camps. Vous estimez, dans votre projet de rapport, que le « système est aujourd’hui à bout de souffle », mais vous avez été aux responsabilités pendant un certain temps ! Par ailleurs, Mme Dormont, dont vous citez une note de 2014, a tenu des propos qui devraient vous faire hurler, puisqu’elle estime que « la généralisation du tiers payant est une mesure extrêmement structurante. [...] C’est d’une certaine manière la mort annoncée du système libéral ». Je ne suis pas certain, que dans ce domaine, elle aille dans votre sens.

Et puis il est un peu simpliste de prétendre que la droite défendrait le système libéral et que la gauche voudrait le mettre à bas. C’est beaucoup plus compliqué, et vous le savez. L’objectif de la réforme était de faire de notre système de soins, reconnu pour son efficience en dépit de ses difficultés, un système qui favorise la prévention. Nous en sommes tous responsables ; vous parlez vous-même de prévention.

Par ailleurs, vous picorez dans le rapport du sénateur Maurey, qui appartient au groupe UDI. Il a, certes, proposé des pistes de réforme des études médicales, mais, en matière de coercition, il n’y va pas avec le dos de la cuillère ! Il propose ainsi un conventionnement sélectif, des obligations pour les spécialistes, une possible coercition, à terme, pour les médecins généralistes, et j’en passe. Lorsque vous citez des auteurs, citez-les jusqu’au bout !

Nous avons là un débat de fond ; nous devons assumer nos choix. Je ne suis pas, pour ma part, favorable à la fin de la médecine libérale. Nous avons du reste rappelé, lors de la discussion du projet de loi de modernisation du système de santé, que ses principes n’étaient pas touchés par ce texte. Vous estimez que nous en sommes les fossoyeurs ; je crains que vous n’ayez de la question une vision à géométrie variable qui sert uniquement vos intérêts politiques.

M. Bernard Perrut. Nous sommes tous attachés au respect des principes fondamentaux qui fondent notre système de santé : l’égal accès de tous aux soins, la qualité des soins, le principe de solidarité. Il repose à la fois sur une médecine libérale et sur notre système public de santé.

À juste raison, monsieur le rapporteur, vous réaffirmez ce droit du citoyen au libre choix de son professionnel de santé, en apportant votre soutien aux médecins qui peuvent être inquiets d’une bureaucratisation de la médecine. Vous évoquez surtout les cliniques, à travers la possibilité, pour celles qui le souhaitent, d’exercer des missions de service public dans le cadre de règles précises. Il faut bien qu’il y ait des coopérations, des mutualisations d’équipement entre cliniques et hôpitaux qui se trouvent à proximité.

La mise en place des communautés hospitalières de territoires (CHT) n’est-elle pas l’occasion de prendre mieux en compte les établissements privés, trop souvent ignorés dans la constitution de ces CHT ? J’aimerais avoir votre avis, monsieur le rapporteur.

Je suis, par ailleurs, très favorable à la création de plateformes territoriales d’appui à la médecine libérale, car il est important d’assurer la prise en charge globale des patients relevant de parcours souvent complexes, impliquant à la fois professionnels de santé et acteurs sociaux. Cela éviterait des hospitalisations inutiles et des ruptures de parcours, selon le principe que je ne me lasse pas de prôner : le juste soin, au bon endroit, au bon moment. Ainsi, le patient est pris en charge, qu’il s’agisse de structures privées ou publiques, quel que soit le lieu où il habite.

M. Gérard Bapt. Si l’on a, dans ce pays, une regrettable tendance à démolir ce qui a été fait précédemment, ce n’est pourtant pas ce que nous avons fait avec la loi HPST ; nous l’avons prolongée au regard des ARS, des GHT et de la définition des soins primaires.

Je m’interroge à propos de trois articles de la proposition de loi. D’abord, pourquoi inscrire dans la loi que le tiers payant ne doit pas être obligatoire alors qu’il s’agit d’un tiers payant généralisé ? Devant nous, la ministre a affirmé qu’aucune sanction ne serait prise contre ceux qui ne le pratiqueraient pas, hors les cas où s’appliquent la CMU-C ou l’ACS. Le vrai problème de la médecine libérale, c’est plutôt son manque d’attractivité ; quand arrive le moment de l’installation, les jeunes n’en veulent pas.

Ensuite, vous reprochez aux plateformes territoriales d’appui mises en place par la loi de santé leur lien avec le cadre hospitalier et les ARS, et vous créez les plateformes territoriales d’appui à la médecine libérale. Alors que vous prétendez ne pas créer de concurrence, vous accentuez les cloisonnements et les coûts inutiles. Je ne comprends pas bien.

Enfin, à l’article 11, vous abordez la question de la prévention, déjà bien traitée par le titre Ier de la loi de santé. Vous prévoyez un parcours de prévention « donnant lieu à la signature d’un contrat de prévention conclu entre l’organisme compétent et l’assuré s’engageant à être acteur de son maintien en bonne santé. » Faut-il comprendre que ces contrats incluront des sanctions et que, si le taux de glycémie du patient ne s’est pas normalisé ou que son poids ne s’est pas suffisamment réduit, il pourra se voir opposer un refus de prise en charge, comme cela s’observe en Europe de l’Est ?

M. Arnaud Viala. Je n’ai décidément guère de points de convergence avec notre collègue Gérard Bapt. Alors qu’après quatre années aux affaires, les membres du Gouvernement rejettent encore sur la majorité précédente la responsabilité de tous les maux, ses propos me paraissent proprement invraisemblables.

Si nous avons dû déposer cette proposition de loi quelques mois seulement après l’adoption de la loi pour la modernisation du système de santé, c’est qu’elle a donné lieu à des débats insuffisamment ouverts, aussi bien en commission qu’en séance publique. Les propositions que nous avons défendues ont été rejetées pour des raisons politiques, puisque vous aviez décidé d’inscrire dans la loi le principe d’universalité notamment pour le tiers payant, avec pour corollaire l’affaiblissement de la médecine privée, et sans tenir compte des particularismes territoriaux.

Dans ma circonscription rurale, je constate que la mise en œuvre du GHT, avec des hôpitaux de proximité adossés au CHU, eux-mêmes têtes de réseaux d’une médecine libérale souvent en difficulté, est extrêmement compliquée. Les dispositifs législatifs doivent permettre d’épouser la diversité des situations particulières sur les territoires, ce que le texte en vigueur ne fait pas. C’est pourquoi je soutiens cette proposition de loi.

M. Renaud Gauquelin. Tout semble, au fond, tourner autour de la question de savoir si la médecine doit être ou non libérale. Or 90 % des jeunes médecins généralistes déclarent vouloir être salariés, alors que 90 % voulaient exercer de manière libérale à mon époque. C’est donc un faux problème puisqu’on ne peut pas obliger un médecin à exercer différemment de ce qu’il souhaite.

Sur ces questions, je n’ai en vérité pas le sentiment qu’existe un profond clivage entre la droite et la gauche, sauf en ce qui concerne les dépassements d’honoraires, plus sévèrement combattus par nous. Mais le clivage entre secteur public et secteur privé n’est plus d’actualité. Le dossier médical partagé contraint, au demeurant, l’un et l’autre à coopérer.

Les syndicats de médecins ont pu exercer des pressions contre le tiers payant généralisé. Ce dernier présente certes des inconvénients, comme une éventuelle surconsommation de soins – et encore ! –, mais ils sont plus que largement contrebalancés par les avantages de la formule. En 2009, lorsque je présidais l’Association des maires Ville et Banlieue de France (AMVBF), j’avais commandé une étude sur la question. Elle faisait ressortir que 41 % des jeunes n’accédaient pas aux soins de premiers recours dans les quartiers relevant de la politique de la ville, et ce principalement pour des raisons d’argent, tandis qu’une autre étude a montré que l’accès aux spécialistes restait insuffisant dans les catégories socio-professionnelles les moins favorisées.

Avec le tiers payant, les médecins seront-ils payés ou non ? Notre commission a reçu les responsables de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et des mutuelles, qui nous ont expliqué que les praticiens percevraient même des indemnités de retard s’ils n’étaient pas payés dans les quatre ou cinq jours. En revanche, les femmes seules avec enfant et les jeunes ne connaîtront plus de problème de paiement. Cela fait, en outre, baisser le risque d’agression qui était devenu si élevé pour les pharmaciens qu’ils devaient, comme les buralistes, se rendre à la banque jusqu’à quatre fois par jour.

Pour conclure, je rappellerai que la France a la meilleure médecine du monde, comme le prouvent ses excellents résultats en matière de longévité des patientes après un cancer du sein.

M. le rapporteur. Il y a bien deux visions de la médecine : la vision socialiste, administrée, et la vision libérale. Nous n’avons pourtant pas voulu chercher une opposition frontale et systématique, mais au contraire tenté d’adopter une attitude constructive en avançant des propositions. Elles sont certes en nombre assez restreint, mais cela est dû à la nature de l’examen en ordre du jour réservé, dit « niche parlementaire », qui est extrêmement contraignant quant à la durée des débats, ne permettant l’examen que de textes de huit à dix articles tout au plus. Cela peut sembler peu par rapport aux quelque 200 articles de la dernière loi relative à la santé...

En tout état de cause, nous nous sommes efforcés de formuler des propositions pour faire évoluer le système de santé. Par exemple, le fait de ne pas appliquer le tiers payant ne sera pas assorti de sanctions pour le médecin ; mais nous voulons aller plus loin et préciser expressément que le tiers payant est facultatif. J’ai moi aussi assisté à l’audition des responsables de la CNAM et des mutuelles, mais elle ne m’a guère rassuré : nous entrons dans une médecine administrée sous tutelle des caisses, bien loin du modèle de la médecine libérale. C’était déjà le cas pour le traitement des maladies chroniques et graves, requérant des soins de longue durée et pris en charge à 100 %. Mais l’extension de cette approche va à l’encontre de la médecine libérale.

Nous regrettons que les établissements privés aient été mis de côté pour l’organisation du service public hospitalier, alors que la loi HPST les laissait intervenir, dans le cadre de contrats, pour remplir des missions de service public. Certains services, tels que SOS mains ou les services de cardiologie interventionnelle, sont plutôt des établissements privés. C’est une erreur de les mettre de côté ! D’autant que, dans mon esprit, ces établissements n’interviendraient qu’à partir du moment où ils auraient signé un cahier des charges ou une convention. Comme l’a dit notre collègue Arnaud Robinet, dans certains endroits de notre territoire, le secteur privé est plus présent que le secteur public.

Quant au fait que 90 % des jeunes préfèrent le salariat, j’ai, pour ma part, rencontré les représentants de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ADEMF) qui m’ont avoué mal connaître l’exercice libéral de la médecine. Les étudiants sont happés par les chefs de service hospitaliers qui ont besoin d’eux pour faire des heures, mais ils ne savent pas ce qu’est la vraie médecine libérale.

Notre idée est de leur offrir la possibilité de sortir de ce cadre pour qu’ils aillent dans des maisons de santé ou des services ambulatoires afin qu’une prise de conscience puisse s’opérer chez eux. Nous avons, par exemple, pensé aux centres ambulatoires universitaires, dont les médecins seraient leur maître de stage. Dans ces maisons pluridisciplinaires, ils pourraient rester en stage, non quelques semaines ou quelques mois, mais un an ou un an et demi. En travaillant au contact des seniors, ils découvriraient une nouvelle facette du métier et choisiraient peut-être de s’installer en libéral.

Avec nos plateformes communautaires, nous n’allons certes pas plus loin que la loi de santé. Mais nous voulons que l’organisation de ces plateformes vienne du terrain, non qu’elle soit décidée par les ARS. Hier même, je suis allé discuter avec la directrice de l’ARS dont je dépends d’un financement qui m’a été refusé parce que le projet en question n’avait pas été initié par ladite ARS. À force de rencontrer des refus, les médecins sur le terrain, c’est sûr, ne prendront plus d’initiative. Nous voulons aller dans le sens d’une déshospitalisation et d’un recours accru à la médecine ambulatoire, en poussant les choses plus loin que dans la loi Touraine.

M. Liebgott a sorti les résultats de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS). Tant mieux si le déficit se réduit, mais, en lisant attentivement ces résultats, on voit que ce n’est pas sur les soins de ville ni sur l’hôpital qu’a lieu cette réduction ; c’est sur les retraites, grâce à la loi Fillon qui a reporté le départ à soixante-deux ans, sur la famille, depuis la modulation des allocations familiales, et sur l’AT-MP, car il y a eu moins d’accidents de travail – peut-être parce que le chômage est élevé.

Mme Dormont a de bonnes idées, monsieur Sebaoun, mais il y en a d’autres que je n’accepte pas du tout. Elle souligne que le système français laisse peu de place à « la comparaison et à la concurrence, ce qui n’est pas propice à un service de qualité », et elle a raison. Nous demandons plus de concurrence, donc plus d’autonomie. Je suis évidemment, comme vous, contre la coercition.

C’est vrai que la médecine libérale est en panne. Nous cherchons des solutions, vous aussi, mais nous n’allons pas dans la même direction.

M. Bapt a parlé des communautés territoriales. Si elles sont construites par les professionnels de santé sur le terrain, elles peuvent présenter des avantages formidables. Il faut laisser les médecins travailler ensemble plutôt que sous la tutelle parfois trop rigide de l’ARS. Certaines maisons de santé n’ont pas de financement. L’ARS se tourne vers les collectivités et celles-ci refusent les paiements si le projet n’est pas validé par l’ARS.

Nous allons plus loin dans la prévention, car c’est le parent pauvre de la politique sociale, à 4 % de nos dépenses, contre 15 à 20 % dans les pays nordiques ou le Canada. C’est la prévention tout au long de la vie, dès le plus jeune âge, qui permettra de limiter l’explosion des maladies chroniques. C’est là une demande des associations de patients, par exemple des patients du diabète, qui nous parlent trop souvent du manque d’observance, d’arrêts de traitement…

La prévention doit être contractuelle entre le patient et les organismes payeurs. Si quelqu’un ne respecte pas son traitement dans le cadre d’une prise en charge d’affection de longue durée (ALD) à 100 %, il faut qu’une alerte soit possible. Il ne s’agit pas d’interdire, à l’anglaise, les interventions cardiaques à ceux qui continuent de fumer, comme il en a été question un moment, mais nous pouvons envisager des contrats de prévention suivis par les organismes payeurs et le médecin traitant, alors qu’une personne aujourd’hui en ALD y reste toute sa vie même si elle guérit – les critères de sortie n’ont jamais été revus.

En ce qui concerne l’autonomie des hôpitaux, nous croyons à ce qui a été fait avec les universités. Il faut voir si les hôpitaux sont demandeurs. La fédération hospitalière de France n’est pas contre. Nous pourrions expérimenter une extension du statut des établissements de santé privés d’intérêt collectif, à but non lucratif, qui fonctionnent bien : certains de ces établissements marchent même mieux, à Paris, que l’AP-HP.

S’agissant du groupement hospitalier de territoire, l’erreur de la loi a été de définir les périmètres avant le projet médical. Au 1er juillet, le GHT est obligatoire, dans ma circonscription, alors que le projet médical n’est pas encore sur pied. Il faut donner aux équipes le temps de construire ce projet, alors qu’on leur impose, dans certains territoires, un périmètre dont elles ne veulent pas. Le rapport Martineau-Hubert a permis de rectifier la loi en montrant que le projet médical n’était souvent pas assez construit pour pouvoir créer un GHT. Je suis personnellement favorable au GHT, mais à condition que le projet médical soit construit au préalable.

Notre majorité, en son temps, avait souhaité la convergence tarifaire, qui devait être totale en 2018. Cette convergence est aujourd’hui arrêtée mais, quand nous reprendrons les rênes, nous la relancerons. Quant à la tarification à l’activité (T2A), elle a besoin de réforme. Le rapport Véran est favorable à la T2A à condition qu’elle soit modifiée en prévoyant parallèlement d’autres types de subsides, par exemple dans le cadre des MIGAC (missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation), et j’approuve ce point de vue, car les hôpitaux ont des niveaux d’activité différents.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il y aura des mesures dans le PLFSS 2017 pour des activités dites non rentables : soins de jour, soins intensifs, soins de réanimation et soins palliatifs, notamment.

À l’attention de ceux qui se font du souci pour leurs hôpitaux de proximité, je rappelle que Mme Touraine a annoncé un plan d’investissement de 2 milliards d’euros sur cinq ans. Un décret va sortir avec la liste des hôpitaux retenus.

Article premier
(Art. L. 1411-1 du code de la santé publique)

Définition des objectifs de la politique de santé

Cet article vise à compléter la définition des objectifs de la politique de santé en confiant à l’État un rôle de régulation de la concurrence entre les offreurs de santé, et en rappelant le principe fondamental de libre choix du patient.

Le système de santé français a vocation, depuis 1945, à garantir trois principes fondamentaux : l’égal accès de tous les citoyens aux soins, la qualité des soins et le principe de solidarité. Il repose sur deux socles, la médecine de ville, d’une part, et l’hôpital, d’autre part, qui s’est notamment organisé autour des centres hospitaliers universitaires créés en 1958.

Mais ce système est aujourd’hui à bout de souffle. La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a particulièrement mis à mal les deux piliers que sont la médecine de ville et l’hôpital, en écartant les établissements de santé privés du service public hospitalier, en imposant aux professionnels de santé des contraintes administratives, au premier rang desquelles figure le tiers payant généralisé, qui détournent les médecins de leur cœur de métier, ou encore en donnant aux agences régionales de santé des prérogatives exorbitantes.

Cette réforme a perdu de vue l’objectif primordial d’efficience du système de soins et n’a pas non plus veillé à assurer une concurrence équilibrée entre les différents offreurs de soins.

Or, de nombreux observateurs s’accordent à dire que le système français d’assurance maladie ne permet plus de garantir les trois principes fondamentaux qui le fondent, alors même qu’il est extrêmement coûteux.

Dans une note de 2014, plusieurs économistes du Conseil d’analyse économique ont dressé un portrait peu reluisant du système de santé en France qui laisse selon eux « peu de place à l’évaluation, la comparaison et la concurrence, ce qui n’est pas propice à un service de qualité » (1). Les auteurs notaient par ailleurs qu’en France, contrairement aux pays dans lesquels une concurrence régulée a été mise en place, « les incitations sont faibles pour les assureurs : la Sécurité sociale est en monopole et l’organisation actuelle des complémentaires dénature la concurrence entre organismes ». De ce fait, les différents acteurs du système de soins – établissements de santé et professionnels de santé – n’ont aucune incitation à diminuer leurs frais de gestion tout en améliorant la qualité des soins proposée. De surcroît, les patients n’ont pas vocation, et n’en n’ont d’ailleurs pas les moyens, à peser sur le coût et la qualité des soins. En effet, « il est irréaliste de penser que l’assuré puisse instaurer un rapport de force pour limiter les dépassements dans son face à face avec le médecin, et ce d’autant plus que son information imparfaite sur la qualité des soins le conduit à interpréter des dépassements élevés comme un signe de qualité ».

Sans remettre en cause la disponibilité d’une offre à tarifs conventionnels sur le territoire, qui garantit l’égal accès de tous les patients aux soins, il est urgent de faire de notre système de santé un système régulé, pour améliorer l’offre de soins de qualité.

Les objectifs de la politique de santé sont actuellement définis à l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, qui précise notamment que la politique de santé « tend à assurer la promotion de conditions de vie favorables à la santé, l’amélioration de l’état de santé de la population, la réduction des inégalités sociales et territoriales et l’égalité entre les femmes et les hommes et à garantir la meilleure sécurité sanitaire possible et l’accès effectif de la population à la prévention et aux soins ».

Le deuxième alinéa de l’article L. 1411-1 précise par ailleurs que la politique de santé « relève de la responsabilité de l’État », sans définir pour autant quelle est la nature du rôle de l’État à l’égard des établissements de santé et des professionnels de santé.

Le présent article propose en conséquence de compléter l’article L. 1411-1 par un alinéa précisant que la politique de santé est fondée « sur la recherche de l’efficience et sur une concurrence régulée par l’État entre les offreurs de services de santé ».

L’instauration d’une véritable concurrence régulée par l’État doit en effet permettre, comme il a été dit, d’inciter les établissements et les professionnels de santé à proposer une offre de qualité. Le patient n’étant pas en mesure de faire jouer la concurrence entre les différents offreurs de services de santé, c’est bien à l’État, comme dans n’importe quel champ concurrentiel, d’endosser cette responsabilité.

La régulation par l’État implique que ce dernier mette en place les conditions d’une totale transparence en matière d’offres de soins – notamment s’agissant de l’offre de soins publique –, et qu’il assure par ailleurs une égalité de traitement entre l’ensemble de ces offreurs, quel que soit leur statut – public ou privé.

Elle suppose également que l’État veille à ce que la libre concurrence n’entrave pas le principe de solidarité qui fonde notre système d’assurance maladie : il importe en effet de continuer à garantir pour tous les citoyens l’accès aux soins.

En conséquence de la garantie d’une meilleure régulation de l’offre de soins de santé, il est proposé de rappeler que le patient peut librement choisir :

– son professionnel de santé ;

– l’établissement de santé dans lequel il souhaite être soigné ;

– et le mode de prise en charge qui lui convient.

Ce libre choix est d’ores et déjà garanti à l’article L. 1110-8 du code de la santé publique en tant que « principe fondamental de la législation sanitaire ». Le présent article permet donc d’élever ce principe fondamental au rang des principes essentiels de la politique de santé définis à l’article L. 1411-1 du même code.

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La Commission examine l’amendement AS1 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Nous proposons de supprimer l’article 1er de la proposition de loi, qui vise à compléter l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, lui-même profondément modifié par la loi de modernisation de notre système de santé en vue de préciser les finalités de la politique de santé, redéfinir son périmètre et clarifier la place des acteurs. Il ne nous semble pas que la politique de santé puisse se résumer à une « recherche de l’efficience » et à une « concurrence régulée ». De même, le libre choix du patient est d’ores et déjà garanti à l’article L. 1110-8 du même code, complété lors du débat parlementaire à la satisfaction des associations de patients.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Rien ne dit dans cet article que la politique de santé doit se résumer à ces deux objectifs. Nous ne faisons qu’ajouter un alinéa précisant qu’il est nécessaire d’en tenir compte, sans supprimer les objectifs actuels. Il est nécessaire de confier à l’État un rôle de régulateur de la concurrence entre les offreurs de soins. L’État doit être garant et non gérant de la santé.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

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Article 2
(Art. 83 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ; art. L. 161-36-3, L. 161-36-4, L. 162-21-1 et L. 871-1 du code de la sécurité sociale)

Suppression de la généralisation du tiers payant

Cet article revient sur la généralisation du tiers payant prévue par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, en supprimant le caractère obligatoire du tiers payant pour les soins pratiqués par les professionnels de santé exerçant en ville.

Considérant que la pratique disparate du tiers payant parmi les professionnels de santé était préjudiciable en termes d’accès aux soins des patients, le Gouvernement a souhaité généraliser l’application du tiers payant à l’ensemble des consultations de médecine de ville. En vertu de l’article 83 de la loi du 26 janvier 2016, les professionnels de santé exerçant en ville seront ainsi tenus d’appliquer le tiers payant sur la part des dépenses prise en charge par l’assurance maladie obligatoire (2) :

– dès le 31 décembre 2016, pour les patients atteints d’une affection de longue durée et pour les bénéficiaires de l’assurance maternité ;

– à compter du 30 novembre 2017, pour tous les bénéficiaires de l’assurance maladie.

Or, la généralisation obligatoire du tiers payant pose de nombreuses difficultés, tant en ce qui concerne les motifs avancés pour justifier cette réforme que les modalités de mise en place du dispositif.

Il convient en premier lieu de rappeler que la généralisation du tiers payant marque une rupture avec le principe d’ordre déontologique fixé par l’article L. 162-2 du code de la sécurité sociale, en vertu duquel le patient s’acquitte directement du paiement des honoraires auprès du médecin qu’il consulte.

En outre, les justifications avancées pour démontrer la nécessité de cette réforme posent une première série de difficultés. En effet, le principal argument motivant la réforme est celui de l’amélioration de l’accès aux soins pour les patients amenés à renoncer aux soins, notamment pour des raisons financières. Or, de nombreux dispositifs permettent d’ores et déjà aux patients de bénéficier de l’avance des frais médicaux ; la nécessité de généraliser cette dispense n’est donc pas démontrée.

Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le tiers payant (3) a ainsi rappelé que les dispenses d’avance de frais concernent déjà environ un tiers des actes effectués par les médecins de ville (35 %). Les dispenses couvrent en effet quatre types de situations ciblées pour lesquelles l’avance des frais serait susceptible de freiner l’accès aux soins :

– le premier type de dispense est destiné aux ménages modestes. Plusieurs dispositifs, dont les plus importants sont la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS), permettent aux personnes dont les revenus sont inférieurs à un plafond de bénéficier d’une dispense d’avance de frais, sous réserve du respect du parcours de soins coordonné par le médecin traitant ;

La couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), créée en 1999, est une assurance maladie complémentaire fournie gratuitement à toute personne ayant un revenu mensuel inférieur à 721 euros par mois (en métropole), et 1 082 euros par mois pour un couple.

Les bénéficiaires de la CMU-C sont dispensés de la prise en charge du ticket modérateur, du forfait journalier hospitalier ainsi que des forfaits de dépassements pour les lunettes, les prothèses dentaires, les dispositifs médicaux et les audioprothèses. Ils sont également exonérés de la participation forfaitaire et des franchises médicales.

En outre, les professionnels de santé ont l’obligation de prendre en charge les bénéficiaires de la CMU-C au tarif opposable.

L’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS), en vigueur depuis 2005, est une aide financière à destination des personnes dont les revenus sont inférieurs au seuil de la CMU-C majoré de 35 % (soit 973 euros pour une personne seule et 1 460 euros pour un couple vivant en métropole). Elle vise à faciliter l’accès aux soins des bénéficiaires en prenant en charge la part complémentaire de leurs dépenses de santé.

Les bénéficiaires de l’ACS disposent également depuis le 1er juillet 2015 d’une dispense totale d’avance des frais et bénéficient des tarifs médicaux sans dépassement d’honoraires dans le parcours de soins coordonnés.

Enfin, les bénéficiaires de l’ACS sont, également depuis le 1er juillet 2015, dispensés des franchises médicales et de la participation financière d’un euro.

– les actes coûteux – c’est-à-dire les actes de spécialités affectés d’un coefficient égal ou supérieur à 60 ou d’un tarif égal ou supérieur à 120 euros – sont également dispensés d’avance de frais pour la part prise en charge par l’assurance maladie obligatoire ;

– les actes pratiqués dans certains lieux, tels que les centres de santé ou les établissements de santé (hors actes et consultations externes) sont également dispensés de toute avance de frais pour la part prise en charge par l’assurance maladie obligatoire ;

– certains actes spécifiques, tels que les actes et traitements découlant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ceux à visée préventive organisés par les campagnes publiques – dépistage du cancer du sein ou du cancer colorectal par exemple –, ou les actes effectués dans le cadre de la permanence des soins les nuits, week-ends et jours fériés, sont également dispensés de l’avance de frais par le patient.

De plus, tout médecin peut déjà pratiquer le tiers payant s’il le souhaite ; cette pratique a d’ailleurs été reconnue par la convention médicale du 26 juillet 2011 (4). Selon le rapport précité, le taux moyen d’actes en tiers payant hors tiers payant légal (CMU-C et patients pris en charge au titre de l’assurance accidents du travail et maladies professionnelles) et hors affections de longue durée (ALD) est de 13,6 % pour les médecins généralistes, et de 30,3 % pour les médecins spécialistes.

Ces situations couvrent ainsi un grand nombre de cas spécifiques qui peuvent justifier la dispense d’avance des frais par le patient.

Néanmoins, rien ne prouve que l’extension obligatoire du tiers payant à l’ensemble des consultations de médecine de ville permettrait d’améliorer l’accès aux soins des patients. S’agissant par exemple des ménages les plus modestes, le rapport de l’IGAS explique que « l’accès aux soins de ville des ménages les plus modestes renvoie très au-delà du sujet de l’avance des frais ». En effet, des obstacles autres que financiers peuvent entraîner des situations de renoncement aux soins, notamment des obstacles administratifs, géographiques ou culturels, qui renvoient à la connaissance et à la compréhension par l’assuré de ses droits à l’assurance maladie obligatoire et à l’assurance maladie complémentaire.

Par ailleurs, cinq mois après la promulgation de la loi, les modalités opérationnelles de mise en place de la généralisation du tiers payant continuent de susciter de fortes craintes chez les médecins.

Le principal sujet d’inquiétude, inchangé depuis les premiers débats sur la généralisation du tiers payant, est celui du coût du dispositif.

L’inconnue sur les conséquences financières de la généralisation du tiers payant a été signalée très tôt : le rapport de l’IGAS précité soulignait en effet que la seule étude disponible sur le coût du tiers payant portait sur des données très anciennes et très partielles, et avait dès lors recommandé de réaliser, avant toute généralisation du tiers payant, « une étude de ses conséquences financières, a fortiori dans une situation de déficit structurel de l’assurance maladie, et ne serait-ce que pour déterminer les gages financiers nécessaires à une mesure dont l’intérêt social serait retenu » (recommandation n° 5). Or, aucune étude exhaustive de ce type n’a été réalisée en amont du projet de loi.

De surcroît, alors que l’article 83 de la loi du 26 janvier 2016 prévoyait explicitement une évaluation de la faisabilité opérationnelle et financière des solutions techniques appropriées, le rapport conjoint de l’assurance maladie obligatoire et des complémentaires santé sur les solutions techniques permettant la mise en place du tiers payant généralisé (5), rendu public en février 2016, ne fournit aucune étude financière précise du coût de la mise en place du tiers payant.

Or, il serait inexact de considérer que le tiers payant ne génère aucun coût supplémentaire : l’Inspection générale des affaires sociales estimait ainsi dans un rapport de 2013 (6) que le surcoût lié à la pratique du tiers payant dans les centres de santé représentait entre 1,2 et 3,50 euros par acte.

Un autre sujet d’inquiétude repose sur les conséquences de la généralisation du tiers payant en termes d’augmentation des consultations chez le médecin, d’autant que la recommandation n° 6 du rapport de l’IGAS sur le tiers payant, invitant à mettre en place un dispositif permettant au patient de connaître les frais de soins qu’il suscite, n’a pas été suivie. En d’autres termes, le patient n’aura pas connaissance du coût réel de sa consultation, ce qui risque d’entraîner, à terme, une déresponsabilisation des patients.

Enfin, le caractère chronophage de la généralisation du tiers payant pour les médecins libéraux est également à craindre, d’autant que la censure partielle de l’article 83 par le Conseil constitutionnel (7) a rendu le dispositif remarquablement complexe. Constatant que l’application du tiers payant aux dépenses prises en charge par les organismes d’assurance maladie complémentaire reposait sur des garanties insuffisantes, le Conseil constitutionnel a en effet invalidé la généralisation du tiers payant pour la part prise en charge par l’assurance maladie complémentaire. Les patients pourront en conséquence être amenés à avancer les frais correspondant à la part complémentaire – 6,90 euros pour une consultation chez le médecin généraliste –, ce qui rend le dispositif illisible à la fois pour les médecins et pour les patients.

Les nombreux écueils soulevés par la généralisation du tiers payant invitent donc à supprimer les principales mesures de l’article 83 de la loi du 26 janvier 2016 prévoyant l’application du tiers payant à l’ensemble des consultations de médecine de ville.

Le I abroge ainsi les paragraphes I, II, VI et VII de l’article 83, respectivement relatifs :

– au déploiement du mécanisme du tiers payant ;

– à la remise de rapports sur l’application du tiers payant par la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et les complémentaires santé ;

– à l’entrée en vigueur de la généralisation du tiers payant au 1er janvier 2017 ;

– et au pilotage du déploiement et de l’application du tiers payant généralisé par l’assurance maladie.

Le II supprime ensuite les dispositions relatives au tiers payant obligatoire qui figurent d’ores et déjà dans le code de la sécurité sociale.

Le du II abroge ainsi l’article L. 161-36-3, qui définit les conditions d’application du tiers payant par le professionnel de santé ainsi que les garanties apportées à ce dernier au titre du paiement dû par l’assurance maladie, et l’article L. 161-36-4, qui récapitule les obligations que l’assuré doit remplir pour bénéficier du tiers payant, telles que la présentation de sa carte vitale au professionnel de santé ou le respect du parcours de soins coordonné.

Le du II supprime la dispense automatique de frais prévue à l’article L. 162-21-1, pour la part garantie par les régimes obligatoires d’assurance maladie, pour les actes et consultations réalisés par des professionnels de santé exerçant en ville.

Enfin, le du II supprime les modifications apportées à l’article L. 871-1 prévoyant l’obligation, pour les contrats de couverture santé complémentaire, de pratiquer le tiers payant afin de bénéficier de la qualification de « contrats responsables » et d’être ainsi éligibles au taux réduit de taxe supplémentaire sur les contrats d’assurance.

Il convient de souligner que le présent article ne remet pas en cause la possibilité pour les professionnels de santé de pratiquer le tiers payant ; il supprime seulement le caractère obligatoire de cette pratique, et par conséquent les obligations qui en découlent pour les professionnels de santé comme pour les organismes de complémentaire santé et l’assurance maladie. En outre, les patients aux revenus modestes ne seront pas affectés par la suppression de la généralisation du tiers payant, puisqu’ils pourront continuer à bénéficier du tiers payant au titre de la CMU-C ou de l’ACS.

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La Commission examine l’amendement AS2 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. L’article 2 vise à revenir sur la généralisation obligatoire du tiers payant. Parce que nous sommes persuadés que le tiers payant généralisé peut contribuer à l’amélioration de l’accès aux soins de nos concitoyens, et pas seulement des plus fragiles, car au-dessus des plafonds de la CMU-C et de l’ACS il y a des personnes en difficulté qui sont parfois contraintes de différer des soins pour des raisons de trésorerie, nous proposons de supprimer cet article.

Mme Isabelle Le Callennec. M. Bapt semblait dire que le tiers payant généralisé était une option au choix des médecins. Or, s’il est généralisé, ce n’est plus un choix, et c’est bien ce que vous écrivez dans l’exposé sommaire de cet amendement : « Le tiers payant devient un droit pour l’ensemble des patients pris en charge à 100 % » au 31 décembre 2016, et « deviendra un droit pour tous les Français » au 30 novembre 2017.

M. Gérard Bapt. Le tiers payant est actuellement obligatoire pour ceux qui ont des ressources inférieures à 720 euros par mois, pour la CMU-C, et à 950 euros par mois, pour l’ACS. Il est d’ores et déjà possible pour les ALD, et les médecins qui sont en mesure de le faire le pratiquent pour leur clientèle connaissant des conditions sociales difficiles. Le tiers payant généralisé, cela signifie que la possibilité est généralisée à tous les patients, mais il n’y a pas de sanction pour le médecin qui le refuserait. La ministre a été très claire à ce sujet. De nombreux secteurs de la médecine libérale sont déjà au tiers payant. Ces praticiens, au premier rang desquels les radiologues et les biologistes, restent des libéraux : cela n’a pas remis en question le fondement de la médecine libérale.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Pour nous, le tiers payant ne doit pas devenir obligatoire. Il doit rester facultatif et dépendre du choix de chaque professionnel de santé. Le rendre obligatoire serait mettre la médecine libérale sous tutelle des organismes payeurs. Très peu de professionnels de santé ou de syndicats soutiennent d’ailleurs cette proposition.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous employez l’expression « professionnels de santé », mais vous parlez des médecins. Je ne pense pas que les pharmaciens, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes et d’autres soient sous tutelle des organismes payeurs.

M. Gérard Sebaoun. Le sujet sous-jacent au tiers payant, que les médecins pratiquent déjà et seront conduits à pratiquer davantage, notamment sous la pression amicale de leurs patients, c’est que vous êtes pour le paiement à l’acte et que nous y sommes clairement hostiles.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Disons que nous ne sommes pas pour le « tout acte ».

M. Gérard Bapt. Je connais un groupe de médecins, installés à Castres, qui ont signé avec leur banque un accord qui leur permet de proposer à leurs patients un paiement différé – or l’intérêt du patient, c’est bien la dispense de l’avance de frais. Rien ne remet là en cause l’exercice libéral de la médecine ! C’est une guerre picrocholine que vous menez, même si je comprends bien qu’il s’agit d’alimenter une campagne électorale. Chez les médecins même, les avis sont, vous le savez tous, extrêmement partagés.

Mme Isabelle Le Callennec. Sans reprendre ici les longs débats que nous avons eus dans l’hémicycle, je veux redire que c’est bien le fait d’obliger les médecins à pratiquer le tiers payant qui nous pose problème. Certains nous disent, en outre, que la sécurité sociale accuse un retard certain dans les paiements.

S’agissant du paiement à l’acte, c’est un débat important et ouvert. Aujourd’hui, le tarif d’une consultation médicale est le même quel que soit l’acte : or renouveler une ordonnance ou annoncer une maladie grave, ce n’est pas du tout pareil.

M. le rapporteur. En effet, monsieur Sebaoun, nous sommes, nous, favorables au paiement à l’acte, complété par d’autres formes de paiement éventuellement.

M. Gérard Bapt. Moi aussi, et la ministre aussi ! Lui, c’est un frondeur ! Je ne peux pas laisser dire que le groupe socialiste est contre le paiement à l’acte.

M. le rapporteur. J’oubliais les différences au sein de votre groupe !

Mme la présidente Catherine Lemorton. J’entends, cet après-midi, des choses contradictoires – qu’il faut absolument maintenir le paiement à l’acte et la médecine libérale, mais aussi que beaucoup de médecins préfèrent être salariés…

M. Renaud Gauquelin. Le paiement à l’acte est, à mon sens, un système qui peut se révéler pervers ; mais il faut souligner qu’il existe déjà la possibilité de réaliser des consultations longues, pour des affections de longue durée par exemple, avec un tarif spécifique.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

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Article 3
(Art. L. 6112-1 à L. 6112-6, L. 6112-9 du code de la santé publique)

Assouplissement des conditions d’exercice des missions de service public hospitalier pour les établissements de santé privés

Cet article propose de revenir sur les modifications des conditions d’exercice des missions de service public hospitalier par les établissements de santé privés, qui ont été considérablement rigidifiées par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 relative à la modernisation de notre système de santé.

Les fondements du service public hospitalier ont été posés par la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière. Le service public hospitalier (SPH) couvrait alors principalement les activités de soins, de prévention médicale, d’enseignement et de recherche, et pouvait être assuré soit par les établissements publics de santé, soit par les établissements de santé privés, sous réserve de certaines conditions.

Afin d’assurer une meilleure répartition territoriale des missions de service public hospitalier, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi « HPST », a préféré retenir une définition matérielle du service public hospitalier, synthétisée au travers de quatorze missions de service public prévues à l’article L. 6112-1 du code de la santé publique (cf. tableau infra).

Tous les établissements de santé pouvaient être appelés à assurer en tout ou partie l’une ou l’autre de ces missions de service public, quel que soit leur statut – et donc sans distinction du caractère public ou privé de l’établissement – sous réserve d’assurer aux patients certaines garanties prévues par la loi. Les établissements de santé susceptibles de concourir au service public hospitalier étaient donc :

– les établissements de santé publics ;

– les établissements de santé privés (à but lucratif) ;

– et les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC), anciennement appelés « établissements participant au service public hospitalier » (PSPH), c’est-à-dire des établissements de santé privés à but non lucratif.

Tout patient pris en charge par des personnes morales ou physiques assurant une ou plusieurs missions de service public bénéficiait de garanties identiques quel que soit le type d’établissement d’accueil, à savoir : l’égal accès à des soins de qualité, la permanence de l’accueil et de la prise en charge ou, le cas échéant, l’orientation vers un autre établissement ou une autre institution, et la prise en charge des soins aux tarifs conventionnés par l’assurance maladie.

Liste des missions de service public que les établissements de santé pouvaient être appelés à assurer, en tout ou partie, en application de l’article L. 6112-1 du code de la santé publique (dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 janvier 2016)

1° La permanence des soins ;
2° La prise en charge des soins palliatifs ;
3° L’enseignement universitaire et post-universitaire ;
4° La recherche ;
5° Le développement professionnel continu des praticiens hospitaliers et non hospitaliers ;
6° La formation initiale et le développement professionnel continu des sages-femmes et du personnel paramédical et la recherche dans leurs domaines de compétence ;
7° Les actions d’éducation et de prévention pour la santé et leur coordination ;
8° L’aide médicale urgente, conjointement avec les praticiens et les autres professionnels de santé, personnes et services concernés ;
9° La lutte contre l’exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi que les associations qui œuvrent dans le domaine de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion et la discrimination ;
10° Les actions de santé publique ;
11° La prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement ;
12° Les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier, dans des conditions définies par décret ;
13° Les soins dispensés aux personnes retenues en application de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
14° Les soins dispensés aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté.

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a profondément modifié les fondements du service public hospitalier tels que définis par la loi HPST.

Plutôt que de retenir une liste limitative de missions de service public, l’article L. 6112-1 du code de la santé publique précise désormais que « le service public hospitalier exerce l’ensemble des missions dévolues aux établissements de santé par le chapitre Ier [du titre du code de la santé publique relatif à l’organisation des activités des établissements de santé] ainsi que l’aide médicale urgente, dans le respect des principes d’égalité d’accès et de prise en charge, de continuité, d’adaptation et de neutralité », et conformément aux obligations définies au I de l’article L. 6112-2 du même code, qui incombent à tout établissement de santé et à tout professionnel de santé assurant le service public hospitalier. Ces obligations incluent :

– un accueil adapté, notamment en cas de handicap ou lorsque la personne est en situation précaire ;

– la permanence de l’accueil et de la prise en charge, cette dernière s’effectuant dans les conditions prévues par le cahier des charges établi par les agences régionales de santé (ARS) dans le cadre de la permanence des soins ;

– l’égal accès à des activités de prévention et des soins de qualité ;

– l’absence de dépassements des tarifs de responsabilité et des tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires dus par les assurés sociaux aux professionnels.

La participation au service public hospitalier entraîne par ailleurs, pour les établissements de santé, une série d’obligations ou d’actions à mettre en œuvre. Ces obligations, résumées au III de l’article L. 6112-2, sont :

– la participation aux communautés professionnelles territoriales de santé mentionnées à l’article L. 1434-12 (cf. commentaire de l’article 7) si le directeur général de l’ARS les désigne ;

– la possibilité d’être désignés par le directeur général de l’ARS en cas de carence de l’offre de services de santé, pour développer des actions permettant de répondre aux besoins de santé de la population ;

– le développement, à la demande de l’ARS, des actions de coopération avec d’autres établissements de santé, établissements sociaux et médico-sociaux et avec les professionnels de santé libéraux, les centres de santé et les maisons de santé ;

– l’obligation d’informer l’ARS de tout projet de cessation ou de modification de leurs activités de soins susceptible de restreindre l’offre de services de santé, et la recherche avec l’agence des évolutions et coopérations possibles avec d’autres acteurs pour répondre aux besoins de santé de la population ;

– le développement des actions en matière de santé afin d’améliorer l’accès et la continuité des soins dans les territoires isolés des collectivités d’outre-mer ainsi qu’à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les modalités de participation des établissements de santé privés au service public hospitalier, ensuite, ont été considérablement revues.

L’article L. 6112-5 du code de la santé publique crée tout d’abord un régime d’association au service public hospitalier pour les établissements de santé privés disposant d’une autorisation d’exercice de l’activité d’urgences. Dans ce cadre, la prise en charge des patients en situation d’urgence se fait conformément aux obligations du service public hospitalier définies à l’article L. 6112-2, s’agissant notamment du non-dépassement des honoraires.

Des conditions d’habilitation au service public hospitalier très strictes pour les établissements de santé privés

En application du 4° de l’article L. 6112-3 du même code, pour tous les établissements de santé privés, à l’exception des ESPIC, l’habilitation par le directeur général de l’ARS et l’avis favorable de la commission médicale d’établissement (CME) constituent désormais un préalable indispensable pour pouvoir assurer le service public hospitalier.

Or, les modalités de l’habilitation sont très sévères pour les établissements privés, puisqu’il est précisé qu’ils ne pourront être habilités que s’ils s’engagent à respecter l’engagement, retranscrit dans le contrat pluriannuel d’objectif et de moyens (CPOM) conclu avec l’ARS, d’exercer « l’ensemble de leur activité » dans les conditions énoncées à l’article L. 6112-2. En d’autres termes, les établissements de santé privés à but lucratif et les professionnels de santé qui y exercent doivent s’engager à ne pratiquer aucun dépassement d’honoraire, non seulement pour les activités relevant des missions de service public, mais aussi pour toutes les activités qui n’entrent pas dans le champ de ces missions.

Ce système, que d’aucuns qualifient d’ « hospitalo-centré », revient de facto à exclure du service public la plupart des cliniques privées : le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi relatif à la santé (8) indiquait ainsi que seules 29 cliniques « Médecine, chirurgie, obstétrique », 13 cliniques en psychiatrie et 234 cliniques de soins de santé et de réadaptation n’avaient pratiqué aucun dépassement d’honoraires en 2013, ce qui signifie qu’à peine plus du quart des 1 022 établissements de santé privés recensés la même année seraient en mesure de demander l’habilitation à assurer le service public hospitalier.

Le rapporteur tient à souligner que cette mesure est profondément inégalitaire, dans la mesure où les praticiens des établissements publics de santé peuvent, eux, continuer de pratiquer des dépassements d’honoraires, sans que l’appartenance de leur établissement au service public hospitalier soit pour autant remise en cause.

Afin de reconnaître le rôle incontournable des établissements de santé privés dans l’organisation du service public hospitalier, le présent article propose de restaurer la possibilité pour les établissements de santé privés de participer pleinement aux missions du service public hospitalier, en proposant de les « associer » au service public hospitalier.

Le a du modifie ainsi le 4° de l’article L. 6112-3 du code de la santé publique afin de préciser que le service public hospitalier peut être assuré par « les établissements de santé privés associés au service public hospitalier », sous réserve qu’ils aient été habilités préalablement par le directeur général de l’ARS et qu’ils aient reçu l’avis conforme de la CME, comme c’est déjà le cas.

Le a du modifie ensuite le début de l’article L. 6112-1 afin de préciser que ce sont « les établissements de santé » assurant le service public hospitalier qui peuvent exercer l’ensemble des missions dévolues aux établissements de santé par le chapitre du code de la santé publique consacré au service public hospitalier.

S’agissant des établissements de santé privés, le b du complète l’article L. 6112-1 par un II visant à définir précisément les missions de service public auxquels ces établissements de santé, lorsqu’ils sont associés au service public hospitalier, peuvent être appelés à assurer.

Ces missions reprennent l’ensemble des missions définies par l’article L. 6112-1 dans sa rédaction issue de la loi « HPST », c’est-à-dire : la permanence de soins, la prise en charge des soins palliatifs, l’enseignement universitaire et post-universitaire, la recherche, le développement professionnel continu des praticiens, la formation initiale et le développement professionnel continu des sages-femmes et du personnel paramédical, les actions d’éducation et de prévention pour la santé et leur coordination, l’aide médicale urgente, la lutte contre l’exclusion sociale, les actions de santé publique et les soins dispensés aux personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, aux personnes détenues en milieu pénitentiaire ou retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté ou en rétention.

Le a du précise donc bien que lorsqu’ils sont associés au SPH, les établissements de santé privés n’ont vocation à assurer en tout ou partie qu’une ou plusieurs des missions mentionnées ci-dessus.

Afin de mettre un terme à l’injustice interdisant aux professionnels de santé exerçant dans un établissement de santé privé de pratiquer des dépassements d’honoraires dès lors que l’établissement assure des missions de service public, alors que les professionnels de santé exerçant dans les établissements de santé publics ne sont pas soumis à cette exigence, le b du modifie l’article L. 6112-3 afin de préciser que l’habilitation des établissements de santé privés à assurer le service public hospitalier implique le respect des garanties annoncées à l’article L. 6112-2 uniquement lorsqu’ils assurent une ou plusieurs missions de service public hospitalier – et non pour l’ensemble de leur activité.

En conséquence, le c du rappelle, à l’article L. 6112-2, que les garanties mentionnées ne sont applicables, dans les établissements de santé associés au service public hospitalier, que dans les cas où le patient est admis au titre de l’urgence, ou qu’il est accueilli et pris en charge dans le cadre de l’une des onze missions de service public mentionnées à l’article L. 6112-1.

Le b du modifie d’ailleurs la garantie définie au 2° de l’article L. 6112-2, en précisant que les établissements de santé assurant le SPH ou associé à ce dernier doivent garantir, à défaut de prendre en charge le patient dans le cadre de la permanence des soins, « l’orientation vers » un autre établissement de santé susceptible de dispenser les soins nécessaires, et non « la prise en charge » par ce dernier, que l’établissement n’est pas en mesure de garantir.

Le d du précise ensuite que les établissements de santé « assurant le service public hospitalier » sont également tenus de mettre en place les actions prévues par le III de l’article L. 6112-2, c’est-à-dire notamment la participation aux communautés professionnelles territoriales de santé, le développement d’actions en cas de carence de l’offre de services de santé ou encore l’information de tout projet de cessation ou de modification des activités de soins susceptible de restreindre l’offre de services de santé.

Cette rédaction semble dispenser les établissements de santé privés de ces obligations, ce qui n’était pas l’intention du rapporteur. Un amendement sera donc proposé afin de préciser que les établissements de santé privés, lorsqu’ils sont associés au service public hospitalier seront également tenus de mettre en place ces actions.

Dispositions de coordination

Les dispositions suivantes effectuent les nécessaires coordinations liées aux modifications précédemment présentées :

– le i du a du , le et le précisent, lorsque cela est nécessaire, que les établissements de santé associés au SPH sont soumis aux mêmes obligations que les établissements de santé assurant le SPH ;

– le ii du a du précise que les garanties assurées par les établissements de santé au titre de l’article L. 6112-2 s’appliquent à toute personne « prise en charge dans le cadre des missions du service public hospitalier » ;

– le c du précise que lorsqu’un établissement de santé privé est associé au SPH, son CPOM fait l’objet d’un avenant afin de préciser les engagements nouveaux pris par l’établissement pour assurer les missions correspondantes ;

– le abroge l’article L. 6112-5 relatif au régime d’association au SPH des établissements de santé privés autorisés à exercer une activité de soins prenant en charge des patients en situation d’urgence, sous réserve des garanties applicables au SPH. En effet, l’aide médicale urgente étant l’une des missions (8°) mentionnées au II de l’article L. 6112-1, dans sa rédaction issue du présent article, il n’y a pas de raison de faire cohabiter deux régimes différents d’association au service public hospitalier ;

– enfin, le abroge l’article L. 6112-9 prévoyant des mesures réglementaires pour l’application des articles L. 6112-1 et L. 6112-5, le premier étant modifié et le second abrogé par le présent article.

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La Commission examine l’amendement AS3 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. L’article 3 tend à revenir sur la définition du service public hospitalier proposée par l’article 99 de la loi de modernisation de notre système de santé. Or, s’il ne s’agit nullement pour nous d’opposer secteur public et secteur privé, nous croyons que l’appartenance au service public hospitalier oblige à en accepter les contraintes. C’est une question de principe.

M. le rapporteur. La loi de santé a mis sur la touche les établissements de santé à but lucratif, en prétextant les problèmes de dépassements d’honoraires. Mais ceux-ci ne sont pas systématiques, notamment dans les domaines où les communautés hospitalières de territoire (CHT) ou les groupements de coopération sanitaire (GCS) permettaient aux établissements privés d’exercer certaines missions de service public.

Cet article vise donc à rétablir l’équilibre entre secteur public et secteur privé : ils sont complémentaires. Je suis défavorable à sa suppression.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Les amendements AS13 et AS14 du rapporteur n’ont plus d’objet.

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Article 4
Expérimentation relative à la transformation du statut juridique des établissements publics de santé

Cet article met en œuvre une expérimentation permettant aux établissements publics de santé de se voir appliquer, pendant une durée maximale de cinq ans, les règles applicables aux établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC), lesquels disposent d’une plus grande autonomie.

La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi « HPST », a souhaité mettre en exergue la liberté d’organisation des établissements de santé. Il s’agissait alors « de doter l’hôpital d’une chaîne hiérarchique claire et responsable, d’approfondir le principe du pilotage médico-administratif et d’introduire un réel management de proximité via les pôles »  de santé (9). Cette loi veillait notamment à conforter les pouvoirs et l’autonomie du directeur d’hôpital, qui se voyait confier la pleine responsabilité de l’établissement de santé, en particulier la mise en œuvre du projet médical de l’établissement, en étroite concertation avec le corps médical.

Or, les réformes législatives récentes, et en particulier la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ne proposent aucun assouplissement des modalités de gestion, parfois rigides, de l’hôpital public.

La rigidité de la gestion des ressources humaines est la meilleure illustration du manque d’autonomie des hôpitaux publics. Dans ces derniers, les médecins titulaires sont des agents publics, alors qu’ils sont majoritairement libéraux dans les établissements de santé privés, et salariés dans les établissements privés à but non lucratif. Or, la marge de manœuvre des hôpitaux publics en matière de recrutement des médecins est très limitée, car contrairement aux cliniques privées, les praticiens hospitaliers doivent être nommés par arrêté du directeur du Centre national de gestion, ce qui laisse de facto très peu de marge de manœuvre aux directeurs d’hôpitaux.

Ce mode de recrutement entraîne dès lors des difficultés structurelles de recrutement dans certains hôpitaux publics. Comme l’a souligné un rapport de M. Olivier Véran (10) à la fin de l’année 2013, bien que cette problématique de recrutement soit ancienne, « la situation s’est dégradée ces dernières années », et les facteurs d’explication sont multiples : le différentiel de rémunération entre le public et le privé y contribue sans conteste, mais le rapport souligne également qu’il est « régulièrement question d’une carrière hospitalière trop figée, manquant d’attrait au long cours ».

Les modalités de recrutement des praticiens hospitaliers par les établissements de santé publics laissent donc à désirer, et le cadre normatif applicable au recrutement des médecins au sein des établissements de santé publics est pour partie responsable de cet état de fait. Le rapport précité rappelle ainsi que « les hôpitaux disposent réglementairement de peu d’autonomie » : en matière de rémunération des praticiens, les dispositions statutaires sont jugées « peu attracti[ves] pour un médecin qui peut gagner beaucoup plus en travaillant à temps partiel, via des missions de courte durée ». De même, les possibilités salariales sont peu attractives « pour un médecin libéral qui souhaiterait rejoindre à temps partiel ou complet l’hôpital au cours de sa carrière ».

Pour pallier les difficultés de recrutement et assurer l’indispensable continuité des soins, certains établissements publics n’ont d’autre solution que de recourir de plus en plus fréquemment à des missions temporaires de courte durée, qui coûtent très cher aux hôpitaux publics et sont une source d’inquiétude légitime quant à la qualité et à la continuité des soins dispensés. Dans certains hôpitaux publics, cette autonomie limitée conduit à ce que M. Véran appelle des « stratégies d’adaptation », expliquant que les directeurs d’hôpitaux, « soucieux d’assurer la continuité du service public, prennent le risque de déroger à la réglementation, en proposant une rémunération largement supérieure à celle prévue par les statuts », quitte à mettre en jeu la responsabilité directe du directeur.

Dès lors, l’absence de liberté de gestion des directeurs d’hôpitaux, qui se traduit notamment en matière de ressources humaines, est problématique au regard de l’objectif d’efficience de l’hôpital public.

Afin de redonner davantage d’autonomie aux établissements publics de santé, cet article propose une expérimentation permettant à ces établissements d’adopter un nouveau statut juridique.

L’expérimentation proposée vise à permettre aux établissements publics de santé mentionnés à l’article L. 6141-1 du code de la santé publique, qui sont des personnes morales de droit public dotées de l’autonomie administrative financière, soumis au contrôle de l’État, de demander à adopter pendant une durée de cinq ans « un statut d’association ou de fondation » leur permettant d’acquérir « une meilleure autonomie de gestion ».

Les établissements publics qui en font la demande de manière volontaire seraient soumis, pendant toute la durée de l’expérimentation, aux règles applicables aux établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC) mentionnés à l’article L. 6161-5 du code de la santé publique.

Les ESPIC

Les établissements qualifiés d’ESPIC par la loi HPST sont les centres de lutte contre le cancer ou les établissements de santé privés gérés par des organismes sans but lucratif. L’article 99 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a précisé la définition de cette seconde catégorie d’établissements, en indiquant que ces derniers devaient être gérés par les personnes morales de droit privé mentionnées au 1° du II de l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, c’est-à-dire des coopératives, des mutuelles, des unions ou des fondations ou associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

En outre, l’article 99 de la loi du 26 janvier 2016 oblige désormais les établissements de santé gérés par les personnes morales de droit privé à obtenir préalablement une habilitation du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) afin de bénéficier de la qualité d’ESPIC. Cette habilitation leur est accordée sous réserve de l’engagement des établissements à exercer leur activité dans les conditions mentionnées à l’article L. 6112-2 relatif aux obligations des établissements et aux garanties à apporter aux usagers de ces établissements, lorsqu’ils assurent le service public hospitalier.

Les règles applicables aux ESPIC sont globalement moins complexes et moins contraignantes que celles applicables aux hôpitaux publics. Les ESPIC bénéficient ainsi d’une plus grande autonomie en matière d’organisation interne, qui se traduit en particulier par une souplesse de gestion des ressources humaines et le suivi des règles de droit privé en matière de marchés et de comptabilité.

DIFFÉRENCES ORGANISATIONNELLES
ENTRE LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE SANTÉ ET LES ESPIC

 

Établissement public de santé

Établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC)

Participation au service public hospitalier (SPH)

Oui

Habilitation de plein droit à exercer le SPH, sauf opposition de leur part ou refus motivé par le directeur de l’ARS et sous réserve des obligations liées au SPH

Statut du personnel

Fonction publique (État et hospitalière)

Statut privé

Règles applicables aux marchés

Code des marchés publics

Encadrement par des procédures issues du droit européen, moins rigides que les règles issues du code des marchés publics

Comptabilité

De droit public (comptes soumis aux contrôles des juridictions financières)

De droit privé, mais obligation de faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes

Source : Secrétariat de la Commission des affaires sociales

Modalités de mise en place de l’expérimentation

Le deuxième alinéa du présent article renvoie à un décret les modalités de mise en place de l’expérimentation. Ce décret devra ainsi déterminer :

– les modalités de désignation des établissements publics de santé volontaires ;

– les modalités de transformation du statut juridique de ces établissements, pour la durée de l’expérimentation ;

– les conditions d’emploi de leurs personnels. En effet, il convient de déterminer la situation statutaire de ces agents durant la période de l’expérimentation ;

– et enfin, les conditions de la continuité de la participation des établissements participant à l’expérimentation au service public hospitalier.

Évaluation de l’expérimentation

Le troisième alinéa de l’article prévoit enfin l’évaluation de l’expérimentation. Il demande ainsi au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement, six mois avant le terme de l’expérimentation, afin d’évaluer les résultats de celle-ci. Le rapport devra également détailler les mesures qu’il propose de prendre pour les établissements concernés et les autres établissements publics de santé, en vue de l’éventuelle généralisation de l’expérimentation.

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La Commission examine l’amendement AS4 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. L’expérimentation proposée ici ne nous semble pas pertinente ; en particulier, elle ne répond pas aux besoins des CHU. En effet, les établissements publics de santé (EPS), et notamment les CHU, disposent déjà d’une forte autonomie de gestion, comme le précise l’article L. 6141-1 du code de la santé publique. De plus, l’adoption par des établissements publics de règles de gestion privées serait susceptible d’engendrer des coûts de transition très importants, pour un gain difficile à évaluer – ce dont vous avez conscience, puisque vous ne proposez qu’une expérimentation.

Les règles budgétaires et les règles de financement sont déjà très proches pour les EPS et les ESPIC. Le nouveau code des marchés publics est applicable dans les mêmes conditions aux EPS et aux ESPIC.

Par ailleurs, sans remettre en cause le statut des établissements de santé, le ministère travaille depuis plusieurs années déjà avec des représentants hospitaliers pour mettre en œuvre des mesures visant à simplifier la réglementation et les modalités de gestion des établissements.

Enfin, les GHT contribueront à atteindre les objectifs que vous fixez dans cet article.

M. le rapporteur. Cette mesure ne concernerait pas seulement les CHU ; elle ne s’appliquerait, en outre, que sur la base du volontariat et de façon expérimentale.

Cette mesure a été proposée par la Fédération hospitalière de France, mais aussi par la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs : on ne peut accuser ni l’une ni l’autre de ne jurer que par le privé !

Je peux vous donner un exemple d’ESPIC qui fonctionne extrêmement bien : l’Institut Montsouris, à Paris. Avec ce statut, les grilles de salaires sont les mêmes, mais les embauches se font différemment, et le fonctionnement est plus fluide.

Nous nous inspirons là de l’exemple des universités, devenues peu à peu autonomes au cours de la législature précédente. Cela n’a pas si mal marché !

M. Gérard Bapt. Si un CHU devient un ESPIC, que deviennent les personnels de la fonction publique hospitalière ? Je crains pour la paix sociale !

M. le rapporteur. Il s’agit, je le répète, d’agir sur la base du volontariat. Je redis également que les CHU ne seraient pas seuls concernés : il y a aussi les centres hospitaliers régionaux (CHR), par exemple. À chaque établissement de choisir de s’engager dans cette démarche.

M. Gérard Sebaoun. L’Institut Montsouris exerce une médecine d’excellence, mais à un coût très élevé !

M. le rapporteur. Les hôpitaux aussi coûtent très cher.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

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Article 5
(Art. L. 6122-8 du code de la santé publique)

Durée des autorisations accordées par les agences régionales de santé aux établissements de soins

Cet article vise à préciser que la durée des autorisations accordées par les agences régionales de santé (ARS) aux établissements de soins doit être la même pour tous les établissements, quel que soit leur statut.

En vertu de l’article L. 6122-1 du code de la santé publique, tous les projets relatifs à la création d’un établissement de santé, les projets relatifs à la création, à la conversion et au regroupement d’activités de soins – y compris sous la forme d’alternatives à l’hospitalisation ou d’hospitalisation à domicile – et les projets relatifs à l’installation des équipements matériels lourds sont soumis à l’autorisation de l’ARS.

L’autorisation est accordée sous réserve :

– que le projet réponde aux besoins de la population, tels qu’identifiés par le projet régional de santé et, le cas échéant, par le schéma interrégional de santé et le schéma régional de santé spécifique ;

– qu’il soit compatible avec les objectifs fixés par ces schémas ;

– et qu’il satisfasse à des conditions d’implantation et à des conditions techniques de fonctionnement.

L’autorisation peut être accordée à un ou plusieurs médecins, à un établissement de santé ou à une personne morale dont l’objet porte notamment sur l’exploitation d’un établissement de santé, d’une activité de soins ou d’un équipement matériel lourd, ou la pratique des activités propres aux laboratoires de biologie médicale (art. L. 6122-3 du même code).

L’article L. 6122-8 du même code précise que cette autorisation est accordée « pour une durée déterminée, fixée par voie réglementaire », étant précisé que cette durée ne peut être inférieure à cinq ans, sauf pour les activités de soins nécessitant des dispositions particulières dans l’intérêt de la santé publique. L’article R. 6122-37 du même code fixe cette durée au plancher défini par l’article L. 6122-8, c’est-à-dire cinq ans.

Le du présent article vise à préciser que la durée de l’autorisation ne peut être fixée pour une durée différente en fonction du caractère public ou privé de l’établissement de santé concerné, afin de sécuriser juridiquement l’égalité de traitement entre les établissements de santé publics et les établissements de santé privés.

Le supprime deux dispositions devenues obsolètes en application de l’ordonnance n° 2010-177 du 23 février 2010 de coordination avec la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

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La Commission examine l’amendement AS5 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. L’article 5 propose que la durée des autorisations obligatoirement accordées à tous les établissements de soins par les ARS ne puisse être différente pour les établissements publics et les établissements privés. Cette mesure est superflue : l’article L. 6122-8 du code de la santé publique ne prévoit pas de différences de traitement selon le statut de l’établissement.

M. le rapporteur. La mesure que nous proposons vise à assurer une meilleure sécurité juridique. Mme la ministre a promis de la prendre au niveau réglementaire, mais il nous paraît très simple de l’insérer dans la loi. Refaire un dossier est difficile et coûte très cher. L’amendement AS15 propose donc un plancher de dix ans pour cette autorisation.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 5 est supprimé.

L’amendement AS15 du rapporteur n’a plus d’objet.

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Article 6
(Art. L. 1431-2, L. 6327-1 et L. 6327-2 et du code de la santé publique)

Création des plateformes territoriales d’appui de la médecine libérale

Cet article vise à remplacer les fonctions et plateformes d’appui aux professionnels pour la coordination des parcours de santé complexes par des plateformes territoriales aux modalités d’organisation plus souples, adaptées aux parcours de santé complexes et recentrées autour de la médecine libérale.

Dans notre système de santé, le médecin généraliste joue un rôle essentiel de coordination des soins de premier recours. Selon l’article L. 4130-1 du code de la santé publique, le médecin généraliste est ainsi chargé d’ « orienter ses patients, selon leurs besoins, dans le système de soins et le secteur médico-social », et de « s’assurer de la coordination des soins nécessaire à ses patients ».

La coordination des soins de proximité est traditionnellement assurée par les établissements de santé, les maisons de santé, les centres de santé, les services d’hospitalisation à domicile ou encore les centres locaux d’information et de coordination gérontologique (CLIC).

Ce travail d’orientation et de coordination des soins peut toutefois se révéler plus ardu lorsque le patient se trouve dans une situation médicalement complexe, caractérisée notamment par des pathologies multiples et sévères, et qui peuvent engendrer des hospitalisations répétées. Dans ce type de situations, le médecin généraliste peut avoir besoin d’un appui afin de lui permettre de mieux évaluer l’état de santé du patient, de mobiliser les intervenants adéquats et de garantir ainsi la continuité du parcours de soins du patient.

En dépit de plusieurs initiatives, lancées en particulier dans le secteur médico-social (11), la coordination des parcours de soins complexes n’en est encore qu’à ses débuts.

La mise en place des plateformes d’appui aux professionnels de santé pour la coordination des parcours complexes par l’article 74 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 a pourtant constitué une initiative intéressante, en donnant un fondement législatif au concept de plateforme territoriale d’appui développé dans le cadre des expérimentations du « Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie » (PAERPA).

Mais ces plateformes, mises en place et pilotées par les agences régionales de santé (ARS), ne placent pas les médecins libéraux au cœur du dispositif. Il en résulte dès lors un enchevêtrement des compétences qui fait douter du caractère véritablement opérationnel de ces plateformes. En effet, selon la répartition proposée aux articles L. 6327-1 et L. 6327-2 du code de la santé publique, les ARS sont seules compétentes pour organiser l’appui aux professionnels dans le cadre des plateformes. C’est à elles qu’il revient de réaliser le diagnostic, en concertation avec les acteurs du premier recours, et d’identifier les ressources et les besoins des professionnels en matière de coordination. Le dispositif ne peut cependant être déclenché que par le médecin traitant – ou par le médecin en lien avec celui-ci, alors même que le médecin n’a pas participé à la mise en place de la plateforme.

Le rapporteur considère qu’en écartant ainsi les médecins de la constitution de ces plateformes, le dispositif risque de ne pas intégrer suffisamment les médecins libéraux de la coordination des parcours de soins complexes, ce qui ne permettra pas de répondre à l’objectif premier de ces plateformes : éviter les hospitalisations inutiles ainsi que les ruptures de parcours de soins des patients.

Afin de donner aux seuls professionnels de santé exerçant une activité libérale la possibilité de se regrouper pour assurer la coordination des parcours de soins complexes, cet article propose la création de nouvelles plateformes, intitulées « plateformes territoriales d’appui de la médecine libérale ». Contrairement aux plateformes créées par la loi du 26 janvier 2016, ces plateformes constituent un outil très souple, qui doit pouvoir s’adapter aux situations complexes et aux besoins de tous les territoires, et qui, surtout, replacent le médecin au cœur du dispositif.

Le I propose une nouvelle rédaction du chapitre VII du titre II du livre III de la sixième partie du code de la santé publique, créé par l’article 74 de la loi du 26 janvier 2016, dont les articles L. 6327-1 à L. 6327-3 sont consacrés respectivement aux fonctions et aux plateformes territoriales d’appui à la coordination des parcours de santé complexes.

Le du I modifie l’article L. 6327-1 afin de créer les plateformes territoriales d’appui de la médecine libérale, supprimant de fait les plateformes d’appui aux professionnels de santé mises en place par la loi du 26 janvier 2016. Par coordination, le II supprime le j du 2° de l’article L. 1431-2 du code de la santé publique, qui confiait aux ARS l’organisation des fonctions d’appui aux professionnels pour la coordination des parcours de santé complexes.

Comme les plateformes territoriales d’appui créées par la loi du 26 janvier 2016, les plateformes territoriales d’appui de la médecine libérale ont vocation à assurer la prise en charge globale des patients relevant de parcours de santé complexes lorsque l’état de santé, le handicap ou la situation sociale du patient rend nécessaire l’intervention de plusieurs catégories de professionnels de santé, sociaux ou médico-sociaux. De même, ces plateformes contribuent à « prévenir les hospitalisations inutiles ou évitables » ainsi que les ruptures de parcours de santé complexe.

Le I de l’article L. 6327-1 enrichit cette mission par un second type de mission : la participation « à des actions de santé publique, de prévention, d’éducation pour la santé et à des actions sociales », sous réserve que ces actions aient été prévues par la convention constitutive de ces plateformes. La mission de ces plateformes est ainsi conçue de manière globale : les médecins auront toute latitude pour organiser la coordination des soins, mais ils pourront de surcroît y associer d’autres types d’actions, telles que des actions de prévention, afin de proposer aux patients une prise en charge exhaustive en fonction de leurs besoins.

Afin de laisser aux seuls professionnels de santé souhaitant s’associer la liberté de créer de telles plateformes, le II de l’article L. 6327-1 prévoit que la création d’une plateforme territoriale d’appui est subordonnée à la conclusion d’une convention entre professionnels de santé sociaux ou médico-sociaux. D’autres personnes appelées à participer aux actions prévues par la convention peuvent également être associées à sa conclusion.

Cette convention laisse donc une grande liberté d’organisation aux professionnels de santé, qui rompt avec les conditions de création des plateformes d’appui créées par la loi du 26 janvier 2016, lesquelles relevaient exclusivement de la compétence des agences régionales de santé (ARS). Le rapporteur considère en effet qu’il est impératif de permettre aux médecins de définir l’organisation la plus adéquate en fonction de leurs compétences respectives et des besoins de leurs patients.

La convention devra définir les missions, les engagements ainsi que les apports des différents signataires. En outre, compte tenu de la liberté d’organisation laissée aux signataires de la convention, deux garde-fous ont été prévus :

– il est ainsi précisé, en premier lieu, que la convention doit être compatible avec les orientations du schéma régional de santé mentionné au 2° de l’article L. 1434-2. Ce schéma régional, qui est l’une des deux composantes du plan régional de santé, est établi sur cinq ans sur la base d’une évaluation des besoins sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Il a pour mission de déterminer des prévisions d’évolution et des objectifs opérationnels pour l’ensemble de l’offre de soins et de services de santé, y compris en matière de prévention, de promotion de la santé et d’accompagnement médico-social ;

– en second lieu, il est précisé que la convention doit être transmise, pour information, à l’agence régionale de santé.

Afin que le parcours de soins du patient pris en charge dans le cadre d’une plateforme territoriale d’appui soit le plus complet possible, le III de l’article L. 6327-1 permet à différents types d’établissements ou de structures de santé de participer au fonctionnement d’une ou de plusieurs plateformes territoriales d’appui. Peuvent ainsi être associés :

– les établissements de santé autorisés à assurer un service d’hospitalisation à domicile ou de soins infirmiers à domicile (1°) ;

– les équipes de soins primaires mentionnées à l’article L. 1411-11-1 du code de la santé publique, qui regroupent plusieurs professionnels de santé autour de médecins généralistes de premier recours (2°) ;

– les communautés professionnelles territoriales de santé mentionnées à l’article L. 1434-12 du même code (3°) ;

– les réseaux de santé (4°) et maisons de santé (5°) mentionnés à l’article L. 6323-1 du même code ;

– les maisons de santé (6°) et les pôles de santé (7°) respectivement mentionnés aux articles L. 6323-3 et L. 6323-4 du même code.

L’intérêt des plateformes territoriales d’appui de la médecine libérale est de placer les médecins au cœur du dispositif, et non de les y associer a posteriori, une fois la plateforme constituée et mise en place.

Aussi, la nouvelle rédaction de l’article L. 6327-2 proposée par le du I précise que la décision de recours à une plateforme territoriale d’appui ne pourra être déclenchée qu’avec l’aval du médecin traitant, soit parce qu’il a lui-même proposé le recours à la plateforme, soit parce qu’il a donné son accord à un autre médecin souhaitant orienter le patient vers la plateforme.

La plateforme assurera ensuite un service de centralisation et de régulation des demandes, afin de répondre « aux demandes d’information, de conseil et d’orientation des patients ». La plateforme assurera également la coordination du parcours de santé complexe.

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La Commission examine l’amendement AS6 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Si nous nous félicitons que le groupe Les Républicains approuve désormais la mise en place des plateformes territoriales d’appui aux professionnels pour améliorer la coordination des parcours complexes, nous ne sommes pas favorables à votre proposition de réécriture, qui recentre ces plateformes sur l’offre libérale.

Le développement d’une médecine de parcours, qui met le patient au centre de la prise en charge, implique une coordination des offreurs de soins. Les professionnels des soins primaires, qu’ils soient libéraux ou salariés, sont au cœur de cette évolution ; le décret d’application de l’article 74 de la loi de modernisation de notre système de santé est en cours de concertation avec eux. Il ne paraît pas utile de réécrire cet article.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La création et le pilotage de ces plateformes est aujourd’hui confiée à l’ARS ; les professionnels de santé – les médecins et les autres – sont écartés. Nous souhaitons, au contraire, que les professionnels libéraux soient étroitement associés au processus de création de ces plateformes.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

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Article 7
(Art. L. 1434-12 du code de la santé publique)

Modalités de constitution des communautés professionnelles territoriales
de santé

Cet article vise à supprimer toute possibilité d’intervention des agences régionales de santé au stade de la constitution des communautés professionnelles territoriales de santé, créées par l’article 65 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

● La loi du 26 janvier 2016 a souhaité encourager la coordination de l’action des professionnels de santé et a ainsi rénové les fondements de la structuration locale des parcours de santé, en proposant un dispositif en deux volets.

Le premier volet, défini à l’article 64 de la loi, institue des équipes de soins primaires, qui sont une forme de coopération souple entre les professionnels de premier recours, organisées autour des médecins généralistes. L’article L. 1411-11-1 du code de la santé publique définit ainsi les équipes de soins primaires comme « un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours, choisissant d’assurer leurs activités de soins de premier recours […] sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent », étant précisé que ces professionnels peuvent se regrouper au sein de maisons de santé ou de centres de santé.

Le second volet, présenté à l’article 65 de la loi du 26 janvier 2016 et codifié à l’article L. 1434-12 du même code, encourage les professionnels de santé qui le souhaitent à se regrouper au sein de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

● Ces communautés peuvent regrouper une ou plusieurs équipes de soins primaires, mais aussi des acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours ainsi que des professionnels sociaux ou médico-sociaux concourant à la réalisation des objectifs du projet régional de santé. Les CPTS ont vocation à améliorer la prise en charge des patients dans l’organisation locale des soins ambulatoires, grâce à une forme de coopération relativement souple. Le regroupement des professionnels de santé en communautés permet notamment d’assurer la continuité des soins, mais elle permet également d’en améliorer la cohérence et la qualité.

Dans la mesure où l’association des professionnels de santé est la clé de la réussite de ces communautés, l’article L. 1434-12 a confié l’initiative de la création d’une communauté professionnelle territoriale de santé aux professionnels de santé eux-mêmes.

Toutefois, lorsqu’aucune initiative spontanée de regroupement des professionnels de santé n’a été prise, le dernier alinéa de l’article L. 1434-12 dispose que l’agence régionale de santé (ARS) doit « prendre les initiatives nécessaires à la constitution de communautés professionnelles territoriales de santé ». En d’autres termes, la reprise en main par l’ARS est systématique dès lors qu’elle constate la carence de CPTS sur un territoire donné. Dans cette hypothèse, l’ARS est tout de même tenue de consulter préalablement les unions régionales des professionnels de santé (URPS) ainsi que les représentants des centres de santé, mais leur avis n’est pas contraignant.

Or, le rapporteur rappelle qu’en matière de coordination des professionnels de santé et de cohérence des parcours de soins, les dispositifs les plus efficients sont les modes d’association souples, qui laissent aux professionnels de santé toute latitude pour s’organiser selon les modalités de leur choix et en fonction des besoins observés au sein de leur territoire. La coordination risque donc d’échouer si elle est imposée aux professionnels de santé par un tiers.

D’autre part, il convient de rappeler que tous les professionnels de santé ne souhaitent pas se regrouper de manière structurelle ; il s’agit là d’un des fondements de l’exercice de la médecine libérale. Le fait d’imposer à ces professionnels des mesures directives en matière de regroupement est donc totalement contradictoire avec le libre exercice de la médecine libérale. Le rapporteur considère dès lors que la mainmise de l’ARS sur l’organisation des soins ambulatoires au niveau local est éminemment regrettable et nuit aux principes mêmes de la médecine libérale.

En conséquence, considérant que l’efficience de la coordination des soins grâce au regroupement des professionnels de santé ne peut résulter que d’une initiative des professionnels de santé eux-mêmes, cet article supprime le dernier alinéa de l’article L. 1434-12. Cela signifie qu’en l’absence de constitution d’une CPTS sur un territoire donné, l’ARS ne pourra pas obliger les professionnels à se regrouper au sein d’une communauté. Rien n’empêche néanmoins les ARS d’apporter un soutien logistique ou méthodologique en réponse à la demande de professionnels de santé qui souhaiteraient se regrouper.

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La Commission examine l’amendement AS7 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. L’article 7 porte sur les communautés professionnelles territoriales de santé. Aux termes de la loi de santé, l’ARS peut prendre les initiatives nécessaires pour créer ces communautés, à défaut d’initiative des professionnels. Ce point a d’ailleurs fait l’objet d’une large concertation.

Je comprends votre préoccupation, monsieur le rapporteur, mais la rédaction de la proposition de loi ne résout pas le problème que vous souleviez. Les débats parlementaires ont été très clairs, je crois, sur le fait que si la contractualisation implique une discussion avec l’ARS, l’initiative doit venir des professionnels de santé eux-mêmes : le fait que l’ARS s’oppose à un projet imaginé par des professionnels me paraît aller à l’encontre de l’esprit du législateur.

M. le rapporteur. Nous ne sommes pas éloignés sur ces sujets ; nous sommes même entièrement d’accord sur la définition et le but de ces communautés. Nous voulons ici relayer les inquiétudes des professionnels de santé qui souhaitent s’engager dans cette démarche mais craignent de passer sous la coupe des ARS : ce que nous demandons, c’est de la souplesse. Les professionnels connaissent les besoins de leur territoire. L’ARS doit financer ces structures ; elle doit les aider, mais elle ne doit pas les diriger. Laissons les professionnels construire leurs propres projets !

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 est supprimé.

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Article 8
(Art. L. 631-1, L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-5 du code de l’éducation)

Régionalisation des épreuves classantes nationales de médecine

Afin d’améliorer la sélection et la formation des médecins pour l’adapter aux besoins de santé de l’ensemble du territoire national, cet article propose de régionaliser les épreuves clôturant la première année et le second cycle des études de médecine, alors que ces épreuves sont aujourd’hui organisées au niveau national.

La désertification médicale est sans conteste l’un des principaux défis auxquels notre système de santé est confronté. Alors que le nombre total de médecins n’a jamais été aussi élevé en France, comme le soulignait le rapport d’information de M. Hervé Maurey sur la présence médicale sur l’ensemble du territoire (12), l’inégale répartition des spécialités médicales et des médecins ne permet pas aux patients vivant dans certains territoires d’accéder à des soins de qualité dans des conditions de proximité et de délai satisfaisantes.

Cette inégale répartition s’observe notamment pour la médecine de premier recours : ainsi, selon le rapport de M. Maurey, la densité départementale pour les médecins généralistes était en 2011 de 138,9 médecins pour 100 000 habitants. Mais cette moyenne cache d’importantes disparités, de 101,2 médecins généralistes pour 100 000 habitants dans le département de l’Eure à 226,9 médecins généralistes pour 100 000 habitants à Paris.

Les écarts de densité sont encore plus alarmants pour les médecins spécialistes. Alors que la moyenne nationale s’établit à 137,3 médecins spécialistes pour 100 000 habitants, la Haute-Loire, le département le moins doté, ne dispose que de 64,3 médecins spécialistes pour 100 000 habitants, contre 501,3 médecins spécialistes pour 100 000 habitants à Paris, le département le mieux doté.

La faible présence médicale au sein de certains territoires a des conséquences directes sur l’accessibilité aux soins des populations qui y vivent. Le rapport précédemment cité rappelle que dans les zones sous-dotées, les temps d’attente avant l’obtention d’un rendez-vous s’allongent, ce qui retarde inévitablement la délivrance de soins aux patients.

Un ensemble de facteurs peuvent expliquer cette inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire. En particulier, les études de médecine elles-mêmes peuvent être considérées comme partiellement responsables de cette inégalité.

En premier lieu, les études de médecine sont consacrées quasi exclusivement à la découverte du milieu hospitalier et ne permettent généralement pas aux étudiants de découvrir la pratique de la médecine libérale, et notamment la médecine de premier recours.

Comme le souligne le rapport précité, « on forme aujourd’hui [principalement] des médecins hospitaliers », d’autant que les étudiants qui font le choix de la médecine générale font encore trop souvent ce choix « par défaut » et « ne se sentent pas toujours suffisamment préparés, à l’issue de leur cursus, pour l’exercice libéral ».

La première conséquence de cet hospitalo-centrisme est une nette réduction du nombre d’étudiants en médecine choisissant la spécialité de médecine générale : selon les données publiées par le Conseil national de l’Ordre des médecins (13), le nombre de médecins généralistes a diminué de 8,4 % entre 2007 et le 1er janvier 2016, et ce mouvement à la baisse devrait se poursuivre, l’Ordre estimant qu’entre 2007 et 2025, l’absence de remplacement des médecins généralistes partant à la retraite en raison de la baisse d’attractivité de ce métier provoquera une diminution de 25 % du nombre de généralistes.

Or, dans les zones rurales ou semi-rurales, dans les villes moyennes ou dans les zones périurbaines, les soins de premier recours, dans la coordination desquels le médecin généraliste joue un rôle majeur, demeurent la principale voie d’accès aux soins.

En second lieu, le système de formation initiale ne met pas en adéquation les compétences acquises et les besoins des territoires.

Ainsi, le concours organisé à l’issue de la première année de médecine est commun aux études de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de sage-femme. Le nombre d’étudiants admis est fixé par arrêté pour chaque faculté : c’est le principe du numerus clausus. En théorie, ce dispositif tient compte de la démographie médicale : le 2° de l’article L. 631-1 du code de l’éducation précise en effet que le nombre d’étudiants admis dans chacune des filières « tient compte des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques et des capacités de formation des établissements concernés ». En pratique, pourtant, la répartition des postes décidée par voie réglementaire prend surtout en compte les capacités d’accueil et de formation des universités, et relègue donc au second plan l’objectif de régulation de la démographie médicale.

De même, les épreuves classantes nationales (ECN) organisées à l’issue du second cycle permettent à chaque étudiant de choisir, selon son rang de classement, un centre hospitalier universitaire (CHU) d’affectation et une spécialité. Cependant, le nombre et la répartition des postes proposés visent avant tout à répondre aux besoins des CHU au sein desquels les étudiants effectueront leur internat : ces épreuves ne tiennent ainsi pas compte de la démographie médicale, ni des besoins médicaux sur un territoire donné.

L’inégale répartition des praticiens sur le territoire est donc accentuée à la fois par le désintérêt des étudiants de médecine pour l’exercice libéral et les modalités de répartition des postes.

Selon le rapport de M. Maurey, environ 80 % des jeunes médecins s’installent dans la région où ils ont fait leurs études. Sur le fondement de ce constat, le présent article propose de modifier le titre III du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation afin d’adapter la répartition des étudiants en médecine, tant à l’issue de la première année qu’à l’issue des épreuves du second cycle, en déterminant, pour un territoire donné, un quota de postes qui soit en adéquation avec les particularités de cette subdivision territoriale en termes de démographie médicale.

Le modifie ainsi l’article L. 631-1 du code de l’éducation afin de préciser que les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé déterminent par voie réglementaire non seulement le nombre des étudiants admis dans chacune des filières (études de médecine, d’odontologie, de pharmacie ou de sage-femme), mais aussi « leur répartition par subdivision territoriale », en tenant compte des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques et des capacités de formation des établissements concernés.

Le nombre et la répartition des étudiants admis en seconde année ne seraient donc plus déterminés au niveau national, mais au niveau d’une « subdivision territoriale », qui pourrait être la région.

S’agissant des épreuves classantes organisées à l’issue du second cycle des études de médecine mentionnées à l’article L. 632-2 du même code, le b du précise qu’elles seraient désormais organisées au niveau « de la subdivision territoriale » et non plus au niveau national. Comme le propose le conseil national de l’Ordre des médecins (14), il pourrait ainsi être envisagé d’organiser des épreuves classantes sur cinq grandes interrégions, par exemple l’Île-de-France, le Nord-Ouest, le Sud-Ouest, le Sud-Est ou le Nord-Est. Dans cette hypothèse, pour chaque spécialité, les règles seraient définies en fonction des besoins démographiques de l’interrégion.

Le propose ensuite de modifier l’article L. 632-1 du même code pour préciser que l’organisation des études médicales théoriques et pratiques relève non seulement des unités de formation et de recherche (UFR) de médecine mais aussi, le cas échéant, des centres ambulatoires universitaires créés par l’article 9 de la présente proposition de loi, lorsqu’ils sont liés par une convention à une UFR.

Ces centres ont en effet vocation à délivrer une formation spécifique en matière de soins ambulatoires, permettant aux étudiants de médecine, et en particulier aux étudiants ayant fait le choix de la spécialité de médecine générale, de découvrir la réalité de l’exercice libéral.

Par coordination, le a du modifie l’article L. 632-2 du même code afin de préciser que l’arrêté des ministres en charge de l’enseignement supérieur et de la santé visant à déterminer le nombre de postes d’interne offerts chaque année et par CHU détermine également le nombre de postes offerts au sein des centres ambulatoires universitaires.

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La Commission examine l’amendement AS8 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Vous nous proposez, par cet article, la régionalisation des épreuves classantes nationales (ECN). Nous pensons qu’une modulation régionale est nécessaire pour améliorer la répartition territoriale des médecins, mais que le respect d’un cadre national est également important.

C’est dans cet esprit que la première mesure de la « grande conférence de santé » prévoit la mise en place, dès la rentrée 2016, d’une modulation régionale du numerus clausus national. Cette modulation se fera en lien avec les acteurs locaux pour déterminer au mieux les besoins de santé et évaluer les capacités réelles de formation dans chaque territoire.

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l’article 8.

M. le rapporteur. En proposant la régionalisation des ECN, nous proposons de revenir aux internats régionaux qui existaient auparavant. L’intérêt du dispositif était qu’une grande partie des jeunes qui avaient réussi l’épreuve classante régionale restaient dans le territoire où ils avaient passé leur internat. Mais ce dispositif a été supprimé avec l’institution de l’internat national.

Le président des doyens de l’Académie de médecine a lui-même évoqué la régionalisation des ECN, pour tenter de fidéliser les étudiants sur les territoires. De toute façon, un jour ou l’autre, on y viendra. Les doyens y pensent beaucoup, et si cela ne s’est pas encore fait, c’est pour des raisons de capacité d’accueil insuffisante des facultés. Mais la situation peut évoluer. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 8 est supprimé.

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Article 9
(Art. L. 6323-1 du code de la santé publique)

Création de centres ambulatoires universitaires

Deuxième volet de la réforme des études universitaires de médecine, cet article propose la création de centres ambulatoires universitaires visant, d’une part, à proposer aux étudiants de médecine une formation aux soins ambulatoires en dehors du milieu hospitalier et, d’autre part, à renforcer la recherche et l’enseignement en matière de soins ambulatoires.

Depuis 1958, le système français de formation universitaire et post-universitaire des médecins repose presque exclusivement sur les enseignements dispensés au sein des centres hospitaliers universitaires (CHU). Créés à l’initiative du professeur Robert Debré par l’ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958 (15), les CHU se sont en effet vus confier l’organisation des enseignements publics universitaire et post universitaire ainsi que la recherche médicale et les enseignements paramédicaux.

En précisant que les études médicales théoriques et pratiques « doivent permettre aux étudiants de participer effectivement à l’activité hospitalière », et en confiant à l’hôpital public une triple mission de soins, d’enseignement et de recherche, l’ordonnance faisait clairement le choix de placer l’hôpital public au cœur du système de santé, contribuant sans nul doute à faire de ce système l’un des plus performants au monde.

Mais cette logique hospitalo-centrée de notre système de soins est de plus en plus décriée, car elle se traduit notamment par une inadéquation croissante de la formation des médecins à la pratique ambulatoire, qui est pourtant amenée à se développer fortement, et par d’importantes carences en matière de recherche en soins primaires.

L’organisation de l’hôpital public et les soins qui y sont dispensés ne permettent pas de répondre à l’ensemble des besoins de santé de la population sur le territoire, en particulier s’agissant des soins ambulatoires – ou soins primaires –, qui relèvent traditionnellement de la médecine de ville.

Définition des soins ambulatoires (INSEE)

Les soins ambulatoires (ou soins de ville) comprennent les soins effectués en cabinet de ville, en dispensaire, centres de soins ou lors de consultations externes d’établissements hospitaliers publics ou privés. Ils se composent des soins dispensés au titre de l’activité libérale par les médecins, les dentistes et les auxiliaires médicaux (les infirmiers, les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes), des actes d’analyse effectués en laboratoire et des soins dispensés en cures thermales.

Dès lors, la formation des jeunes médecins, quasi exclusivement délivrée en milieu hospitalier, ne leur permet pas de maîtriser la pratique de la médecine ambulatoire. Or, les pathologies soignées en ville ont des caractéristiques propres : leur niveau de gravité est généralement moindre que celui observé à l’hôpital, par exemple. Le rôle du médecin traitant, et notamment du médecin généraliste, s’est également considérablement étoffé ces dernières années, puisque le médecin traitant est devenu le pivot de la coordination des soins ambulatoires entre les différents professionnels de santé exerçant en ville.

L’impossibilité pour les jeunes médecins de maîtriser l’ensemble des outils nécessaires à la pratique de la médecine de ville en raison des carences de leur formation initiale est d’autant plus paradoxale que près de la moitié des médecins exercent en ville : l’exercice libéral concerne ainsi une large majorité des médecins généralistes, qui sont environ 60 % à exercer leur activité en ville ; il concerne également plus d’un tiers des médecins spécialistes, qui sont 38 % à déclarer pratiquer une activité libérale (16).

Dès lors, l’on constate aujourd’hui que de nombreux jeunes médecins hésitent désormais à s’installer en libéral, notamment en milieu périurbain, semi-rural ou rural, y compris s’agissant des médecins généralistes. Il est donc urgent d’agir pour revaloriser l’exercice de la médecine libérale en créant des formations spécifiques à cette fin, d’autant que les besoins en médecins de ville seront amenés à s’accroître dans un futur proche, compte tenu de la place croissante accordée aux soins ambulatoires dans notre système de santé.

Le second écueil posé par le système hospitalier de formation universitaire et post-universitaire des médecins se manifeste par l’important retard pris par la France en matière de recherche en soins primaires. L’hôpital public concentre en effet l’essentiel des activités de recherche médicale. Pourtant, les travaux de recherche clinique menés dans le cadre hospitalier ne sont pas directement exploitables pour améliorer la connaissance des pathologies et pratiques propres à la médecine de ville.

Ce constat n’est pas nouveau : dans un rapport de 2006 (17) remis au Ministre de la Santé, M. Gérard de Pouvourville soulignait déjà qu’alors que, « pour toutes les spécialités médicales, la recherche est un moteur essentiel de l’amélioration de la qualité des soins […], la médecine générale souffre indéniablement en France d’un handicap par rapport aux autres spécialités médicales, tant en matière de formation à la recherche, que par la faiblesse quantitative et l’éparpillement des travaux qui sont conduits sur l’amélioration de la prise en charge des malades par les services de santé de première ligne ».

Alors que la recherche en milieu ambulatoire est une source de données très riche – elle permet notamment d’améliorer la connaissance de l’état de santé de la population, des procédures de soins spécifiques au milieu ambulatoire, de la prévention ou encore de la collaboration interprofessionnelle entre les professionnels de santé exerçant en ville –, depuis dix ans, peu d’actions ont été entreprises pour inverser cette tendance.

L’on peut certes relever la création des maisons et centres de santé pluriprofessionnel universitaires par l’article 118 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 relative à la modernisation de notre système de santé, mais ces structures ne permettent pas à de jeunes médecins d’y travailler en exercice libéral, puisque le code de la santé publique précise explicitement que les médecins exerçant dans les centres de santé sont salariés.

Pour pallier le manque d’attractivité de la médecine de ville, et en particulier de la médecine générale, et pour développer la recherche et l’enseignement en matière de soins ambulatoires, le présent article propose la création de centres ambulatoires universitaires (CAU).

Ces centres seraient en charge d’assurer la formation médicale universitaire et post-universitaire en matière de soins ambulatoires ainsi que la recherche et les enseignements paramédicaux en matière de soins ambulatoires, étant précisé que cette mission s’exerce « sans préjudice des attributions des autres établissements de recherche et d’enseignement ».

Les centres ambulatoires universitaires seraient ainsi des lieux de soins, de recherche et d’enseignement.

L’objectif poursuivi en premier lieu est d’adapter la formation des étudiants en médecine aux pratiques médicales applicables en ville, et de lever par la même occasion les réticences des jeunes médecins à s’installer en ville : en effet, la découverte de l’exercice libéral, en favorisant l’identification professionnelle des jeunes médecins, fait souvent naître des vocations, et peut générer des installations en libéral, y compris dans les zones où la démographie médicale est en baisse.

L’accent mis sur la recherche paramédicale en matière de soins ambulatoires est également nécessaire, compte tenu des multiples et indispensables interactions qui existent entre les professionnels de santé dispensant des soins de premier recours, qu’il s’agisse des médecins ou des professionnels paramédicaux – infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes, etc.

Outre l’intérêt évident qu’elles présentent pour rattraper les carences en matière de recherche en soins primaires, les missions de recherche et d’enseignement confiées aux CAU sont également de nature à enrichir les activités et donc les perspectives des professionnels de santé qui y travaillent, et de rendre en conséquence plus attractif l’exercice d’une activité libérale.

Afin de définir comment s’articule les formations dispensées aux seins des CAU avec les études médicales théoriques et pratiques dispensées par ailleurs dans le cadre de la formation universitaire et post-universitaire des médecins, la création d’un CAU serait formalisée par la signature d’une convention entre le centre, un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel comportant une unité de formation et de recherche (UFR) de médecine, et l’agence régionale de santé.

Il est enfin précisé que les modalités de fonctionnement, d’organisation et d’évaluation des centres ambulatoires universitaires seront fixées par décret en Conseil d’État.

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La Commission examine l’amendement AS9 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Il nous semble que la création, proposée à l’article 9, de centres ambulatoires universitaires est déjà satisfaite, notamment par l’article 118 de la loi de modernisation de notre système de santé, qui prévoit la création de centres de santé pluri-professionnels universitaires comportant une unité de formation et de recherche de médecine, ayant pour objet le développement de la formation et de la recherche en soins primaires.

Cette mesure s’inscrit dans la continuité du Pacte territoire santé lancé en 2013. Et depuis 2014, le ministère de la santé a autorisé les maisons et les centres de santé à porter, sans lien avec une structure hospitalière, des projets dans le cadre des programmes hospitaliers de recherche clinique.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 9.

M. le rapporteur. Vous passez vraiment le texte au hachoir ! Il y a une différence fondamentale entre les centres ambulatoires universitaires et le dispositif mis en place par la loi de santé. Dans le premier cas, les médecins peuvent exercer en libéral, alors que dans le second, les médecins sont obligatoirement salariés.

Nous souhaitons que, dans leurs maisons de santé, dans leurs centres, les médecins libéraux puissent faire de l’enseignement, recevoir des étudiants et leur apprendre ce qu’est la médecine ambulatoire, la médecine générale, la médecine de famille.

Dommage que vous ne souscriviez pas à cette idée, nous la trouvions intelligente ! Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 9 est supprimé.

Les amendements AS16, AS18 et AS17 du rapporteur n’ont plus d’objet.

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Article 10
(Art. L. 162-16-3-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale)

Lutter contre la iatrogénie médicamenteuse

Afin de lutter contre le fléau de la iatrogénie, c’est-à-dire les effets indésirables provoqués par la prise de médicaments aux effets incompatibles, cet article vise à autoriser les pharmaciens à avoir accès à l’historique de remboursements des actes, produits ou prestations pris en charge par l’assurance maladie, à l’instar des médecins.

La prise de médicaments, avec ou sans prescription médicale, s’est aujourd’hui banalisée, multipliant les risques d’erreur dans la prise de médicament ou d’apparition d’interactions indésirables entre les différents médicaments ingérés. Or, ces actes en apparence anodins peuvent entraîner une moindre efficacité des traitements ou, dans les cas les plus graves, provoquer ou majorer des effets indésirables.

À l’instar des médecins, les pharmaciens ont un rôle clé à jouer en matière de prévention des risques de iatrogénie. Ils peuvent en effet sécuriser la dispensation des médicaments en permettant d’éviter les risques d’interaction entre médicaments et les traitements redondants.

Grâce au dossier pharmaceutique créé par la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007 (18), les pharmaciens peuvent déjà consulter l’historique des médicaments qui ont été dispensés au patient et ainsi conseiller au patient, le cas échéant, un médicament qui n’est pas contre-indiqué avec son traitement habituel.

Toutefois, ce dispositif n’autorise la consultation de l’historique des médicaments que sur une période limitée de quatre mois ; or, cette période peut se révéler trop courte pour permettre au pharmacien de prendre connaissance d’un médicament délivré pour une longue durée.

En conséquence, le présent article crée un article L. 162-16-3-2 au sein du code de la sécurité sociale, qui vise à autoriser les pharmaciens délivrant les médicaments remboursés par l’assurance maladie à « consulter les données issues des procédures de remboursement ou de prise en charge qui sont détenues par l’organisme dont relève chaque bénéficiaire de l’assurance maladie ».

Il est précisé que c’est par l’intermédiaire de la carte vitale, mentionnée à l’article L. 161-31 du code de la sécurité sociale, que le pharmacien peut avoir accès à l’historique de remboursement du bénéficiaire. En outre, le pharmacien doit informer préalablement le patient de son intention de consulter l’historique, et le patient doit avoir donné expressément son accord.

Le contenu du relevé des données mis à la disposition du pharmacien est également précisé :

– ce relevé doit contenir en premier lieu les « informations nécessaires à l’identification des actes, des produits ou des prestations pris en charge pour les soins délivrés en ville ou en établissement de santé », notamment au regard des listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 165-1 et L. 162-17 du même code, qui ont notamment vocation à définir les actes, prestations, médicaments, dispositif médicaux ou autres produits de santé pris en charge ou remboursés par l’assurance maladie ;

– le relevé des données doit également contenir un code permettant d’identifier les produits concernés dans ces listes, le niveau de prise en charge et, pour les patients atteints d’une affection de longue durée, les éléments constitutifs du protocole de soins mentionné à l’article L. 324-1 du même code.

En revanche, le relevé de données ne peut contenir aucune information qui permettrait d’identifier les professionnels de santé prescripteurs.

Les modalités d’application de cet article seront déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et du Conseil national de l’ordre des médecins. Le décret pourra notamment déterminer les actes, prestations, médicaments, dispositifs médicaux ou autres produits de santé auxquels le pharmacien peut avoir accès dans le cadre de l’historique des remboursements, au regard notamment des prérogatives du pharmacien définies à l’article L. 4211-1 du code de la santé publique.

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La Commission examine l’amendement AS10 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Dans son travail, le pharmacien dispose du dossier pharmaceutique – 99 % des pharmaciens sont connectés et 34 millions de dossiers sont ouverts. Dans ce dossier pharmaceutique est retracé l’historique de la délivrance des médicaments, qui nous semble plus complet que le seul historique des remboursements par l’assurance maladie.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, non pas hachoir mais pragmatique.

M. le rapporteur. Lorsque nous avions évoqué le sujet, nous avions eu l’impression que tout le monde était d’accord avec nous. Certes, le dossier pharmaceutique permet aux pharmaciens de connaître les médicaments dispensés au patient. Mais s’ils avaient, comme les médecins, accès au site AMELI et au site de remboursement des médicaments, ils auraient une vision à plus long terme – douze ou dix-huit mois.

Et puis, le pharmacien peut ne pas avoir le dossier pharmaceutique. À partir de la carte Vitale du patient, il pourrait savoir quels médicaments lui ont été remboursés au cours de la dernière année. Pourquoi le médecin aurait ces renseignements et pas le pharmacien ? Cela pourrait aussi permettre d’éviter quelques incidents iatrogéniques. Et ce n’est pas compliqué à faire. Du reste, je ne sais même pas si cela relève de la loi.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le dossier pharmaceutique permet de remonter sur quatre mois. On peut penser que le médicament qui n’apparaît plus dans la liste n’est plus pris par le patient, et qu’il n’y a donc plus de risque d’iatrogénie médicamenteuse.

M. le rapporteur. Sauf s’il a le médicament chez lui.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Certes, mais il peut aussi le prendre sans le dire au médecin.

M. le rapporteur. Et s’il n’a pas de dossier pharmaceutique ? Il y a 34 millions de dossiers ouverts mais 64 millions de Français.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Si l’on avait avancé sur le dossier médical personnel (DMP), on ne se poserait pas toutes ces questions. Mais vous le savez, vous qui avez été responsable, en 2008, d’une mission d’information pour le relancer.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 10 est supprimé.

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Article 11
Rapport au Parlement sur les conditions de mise en place d’un parcours de prévention en matière de santé tout au long de la vie

Cet article demande au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement sur les conditions de mise en place d’un parcours de prévention en matière de santé tout au long de la vie.

En dépit de l’allongement de l’espérance de vie, les années supplémentaires de vie s’accompagnent de maladies chroniques et de handicaps plus longs qui affectent gravement la qualité de vie des Français. Or, beaucoup de pathologies sont évitables ou pourraient être largement retardées, grâce à l’amélioration de la prévention et ce, dès le plus jeune âge.

La prévention longtemps délaissée au profit d’une logique curative

Historiquement, les politiques de santé publique ont toujours encouragé les actions de prévention sanitaire. L’un des premiers textes significatifs en la matière est la loi du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique, qui visait à prévenir ou éradiquer les maladies transmissibles, et imposait la vaccination antivariolique.

Toutefois, les progrès de la médecine curative ont progressivement détourné les politiques de santé publique de leur démarche préventive originelle, jusqu’à privilégier trop souvent une logique essentiellement curative. Or, la multiplication de pathologies liées au moins pour partie aux modes de vie des patients, telles que l’obésité, le diabète ou certains cancers liés par exemple à une consommation élevée d’alcool ou de tabac, invitent désormais à réhabiliter les politiques de prévention sanitaire. En effet, ces facteurs de risque sont le plus souvent connus, et provoquent des maladies parfois évitables, dont le traitement entraîne des soins lourds pour les patients, et pèse d’ailleurs significativement sur les finances déjà dégradées de notre système de santé.

Dans beaucoup de pays de l’OCDE, la prévention apparaît dès lors comme un pilier essentiel de l’action publique en matière de santé. Plusieurs initiatives ont notamment été recensées dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2003 (19), qui a étudié plus spécifiquement les initiatives lancées par la Norvège, du Québec et du Royaume-Uni. Dans ces trois pays, la mise en œuvre des politiques de prévention sanitaire est essentiellement locale – décentralisée en Finlande, déconcentrée au Royaume-Uni et au Québec. Ce mode d’organisation permet de faciliter les actions de proximité et d’encourager la prise en charge globale des patients, quel que soit leur âge, en prêtant une attention toute particulière à la cohérence des interventions des acteurs sanitaires et des acteurs médico-sociaux.

Des actions de prévention souvent ciblées sur une seule catégorie de la population

En France, la mise en place d’actions de prévention sanitaire est encore très souvent ciblée sur une catégorie de la population, ou sur une politique publique en particulier, écartant toute approche transversale de la prévention.

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ne remet pas en cause cette logique compartimentée, puisqu’elle propose la mise en place d’actions de prévention ciblées, notamment en matière de lutte contre le tabagisme, de lutte contre l’obésité ou contre les infections sexuellement transmissibles, sans que la prévention de ces politiques publiques soit pour autant envisagée de manière globale.

Les politiques de prévention des maladies liées aux comportements individuels ont par ailleurs tendance à se concentrer sur les personnes âgées, lesquelles sont plus sujettes aux pertes d’aptitude physique ou mentale en raison du vieillissement, ou sur les personnes identifiées comme étant à risque. Or, l’ensemble de la population gagnerait à être mieux informée sur les comportements à adopter pour se maintenir en bonne santé tout au long de la vie.

Permettre aux individus d’être acteurs de leur maintien en bonne santé

Le présent article propose donc de rompre avec l’approche essentiellement sectorielle de la prévention, afin de donner à chaque individu les moyens d’être pleinement acteur de son maintien en bonne santé, grâce à une approche tournée vers la responsabilité individuelle. Il demande au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement « sur les conditions de mise en place d’un parcours de prévention en matière de santé tout au long de la vie ».

Le rapporteur est en effet convaincu que chaque citoyen a les moyens de prévenir ou de retarder de nombreux problèmes de santé. Mais cela suppose d’instaurer une « culture de la prévention » tout au long de la vie, et ce dès le plus jeune âge.

Ce « parcours de prévention » serait mis en place par les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie. Afin de responsabiliser l’assuré, le rapport devra étudier les modalités de l’engagement de celui-ci à être acteur de son maintien en bonne santé, grâce à la signature d’un contrat de prévention avec son organisme d’assurance maladie.

L’intérêt de ce type de contrat n’est pas d’identifier les comportements susceptibles d’avoir un effet néfaste sur la santé, mais au contraire d’inciter chaque individu à prendre sa santé en main, grâce à un programme de prévention personnalisé.

Le rapport pourrait d’ailleurs utilement s’intéresser aux initiatives de ce type mises en place à l’étranger.

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La Commission examine l’amendement AS11 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. L’article 11 propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les conditions dans lesquelles pourrait être mis en place un parcours de prévention pris en charge par l’assurance maladie, donnant lieu à la signature d’un contrat conclu entre l’organisme compétent et l’assuré s’engageant à être acteur de son maintien en bonne santé.

Je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit excellemment notre collègue Gérard Bapt. Si l’on peut partager l’idée d’un parcours de prévention, dont la loi de modernisation de notre système de santé a fait sa première priorité, on ne saurait souscrire à celle d’un contrat passé entre l’assuré et l’organisme compétent compte tenu du risque de contrainte et de refus de prise en charge si un certain nombre de clauses n’étaient pas respectées.

Une telle proposition est particulièrement inquiétante dans la mesure où elle rend l’individu seul responsable de sa bonne santé, ce qui n’est évidemment pas le cas, et pourrait à terme conditionner le remboursement de l’assurance maladie obligatoire ou complémentaire à des bons comportements, sans que l’on sache d’ailleurs ce que ce terme pourrait recouvrir.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 11.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous reconnaissez vous-même tout le travail qu’il reste à faire en matière de prévention ; c’est d’ailleurs ce qui ressort de la loi de santé. Il faut tout de même que les Français réalisent que la santé a un coût, et que leur responsabilité individuelle est aussi appelée à s’exercer.

Affirmer que cet article est d’inspiration très libérale me semble donc assez caricatural. En tout cas, on ne peut pas tout demander à la société.

M. Gérard Bapt. Monsieur le rapporteur, votre plume me semble bien avoir dérapé ! Et l’appel de Mme Le Callennec à la responsabilité du patient en accentue le trait. Vous voulez mettre, par un contrat, le patient à la merci d’un payeur – ce à quoi vous vous opposez s’agissant du médecin et du tiers payant généralisé. Le risque est grand de s’engager sur cette voie.

En 2011, le Conseil d’État a cassé une circulaire de l’assurance maladie qui remettait en question le financement de l’appareillage pour l’apnée du sommeil lorsque les données connectées montraient que cet appareillage n’était pas utilisé. C’est un sujet qui a donné lieu à un long débat, et nous allons voter dans le prochain PLFSS une disposition qui fera la clarté sur l’utilisation des données de santé connectées concernant l’emploi qui est fait des dispositifs médicaux pris en charge par l’assurance maladie.

Même s’il s’agit d’une expérimentation, cet article est lourd de menaces. Je pense que le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) ou les différentes associations de patients vous feront remonter un certain nombre d’inquiétudes.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Cela revient à faire porter la responsabilité sur le citoyen, alors que notre système a été construit sur le traitement et non sur la prévention. On ne pourra « se retourner » vers lui que le jour où notre système de prévention sera bien en place.

Encore aujourd’hui, les diététiciens-nutritionnistes n’ont pas de conventionnement avec la CNAM. Ils ne sont toujours pas reconnus dans le système de santé, puisqu’ils sont « transparents » au niveau des remboursements. La seule exception est l’expérimentation mise en place par Marisol Touraine l’année dernière sur le surpoids des enfants de trois à huit ans, avec un couple psychologue-diététicien, financée sur le Fonds d’intervention régional (FIR).

De la part de politiques, je trouve un peu fort de renvoyer la responsabilité de leur santé sur les citoyens auxquels on ne propose plus vraiment de médecine de travail ni de médecine scolaire, et alors même que sur des territoires entiers il n’y a plus de médecins. Pour l’instant, notre système, en France, n’est pas encore prêt à faire endosser cette responsabilité à nos concitoyens.

Mme Isabelle Le Callennec. La prévention, on en parle depuis des années. Nous sommes donc fondés à penser qu’elle n’a pas été mise en œuvre comme il le fallait. Si l’on fait de la prévention une priorité tout en responsabilisant les patients, on peut espérer que tout le monde prendra conscience de l’enjeu et que les choses bougeront. Car force est de constater que la prévention n’est pas, dans notre pays, au même niveau que dans les pays scandinaves, par exemple.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Cela s’explique par le fait qu’à la différence du nôtre, les systèmes de santé scandinaves ont été construits sur le care et non sur le cure. Je vous renvoie au dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire sur le cancer du col de l’utérus : il montre que les lacunes en matière de frottis préventifs et de vaccination affectent les mêmes populations, car les messages de prévention ne les touchent pas. Il nous faut donc commencer par élaborer des messages efficaces, afin que tout le monde soit bien informé et se sente concerné.

Construisons d’abord un bon système de prévention ! Nous agissons, les choses progressent, mais faire évoluer un système demande beaucoup de temps. Actuellement, l’acte du médecin n’est pas valorisé lorsqu’il fait de la prévention.

M. le rapporteur. Il faudra bien, un jour, que nous passions d’une médecine entièrement curative à une médecine préventive. Les systèmes suédois et canadien, qui ne sont tout de même pas ultralibéraux, ont opté pour une médecine plus préventive que curative en instaurant des contrats de suivi conclus entre le patient, acteur de sa santé, et son médecin traitant, les organismes payeurs pouvant également éventuellement intervenir. Il ne s’agit pas de sanctionner. L’article 11 n’a rien d’inquiétant : nous demandons simplement au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport afin qu’un débat puisse s’engager sur l’éventuelle instauration de ce type de contrats de prévention tout au long de la vie. Vous ne souhaitez pas que ce débat s’engage, tant pis ! Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 11 est supprimé.

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Article 12
Compensation des charges pour les organismes de sécurité sociale et pour l’État

Cet article vise à prévoir un mécanisme de compensation des charges pour les organismes de sécurité sociale et pour l’État qui résulteraient de la mise en place des dispositions des articles 1er à 11 de cette proposition de loi.

Le dispositif proposé repose sur une augmentation à due concurrence des droits pesant sur les tabacs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et qui concernent : les cigarettes, cigares, cigarillos, tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes ainsi que les autres tabacs à fumer, priser et mâcher.

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La Commission examine l’amendement AS12 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Amendement de coordination. Il s’agit, j’en suis désolée, monsieur Door, de tirer les conséquences de la suppression des articles précédents.

M. le rapporteur. C’est la cerise sur le gâteau, en quelque sorte… Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 12 est supprimé.

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Tous les articles ayant été supprimés par la Commission, c’est le texte de la proposition de loi initiale qui sera examiné en séance publique le jeudi 16 juin 2016.

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