N° 3863 - Avis de M. Philippe Nauche sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant les centres d’excellence mis en oeuvre dans le cadre de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles (n°3695).




N
° 3863

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juin 2016.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI (n° 3695),

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant les centres d’excellence mis en œuvre dans le cadre de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles,

PAR M. Philippe NAUCHE,

Député.

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : UN ACCORD POUR RATIONALISER LE SECTEUR MISSILIER EUROPÉEN 7

I. MBDA : UN GROUPE EUROPÉEN DE DIMENSION MONDIALE 7

A. PRÉSENTATION DU GROUPE MBDA, PREMIÈRE SOCIÉTÉ DE DÉFENSE EUROPÉENNE TOTALEMENT INTÉGRÉE 7

1. Rappels sur la genèse et la structure du groupe 7

2. Rapide panorama du marché missilier mondial 10

B. LA COOPÉRATION FRANCO-BRITANNIQUE : MOTEUR DE L’ÉVOLUTION DU GROUPE MBDA 11

1. Une évolution qui répond aux objectifs du traité de Lancaster House 11

2. L’initiative « One MBDA » de rationalisation industrielle 11

II.  UN ACCORD D’OPTIMISATION INDUSTRIELLE ET DE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION FRANCO-BRITANNIQUE EN MATIÈRE DE DÉFENSE 12

SECONDE PARTIE : LES STIPULATIONS DE L’ACCORD 15

I.  LA MISE EN PLACE DE CENTRES D’EXCELLENCE : CœUR DE L’ACCORD 16

A. LES DEUX TYPES DE CENTRES D’EXCELLENCE 16

1. Les centres d’excellence fédérés 17

2. Les centres d’excellence prédominants spécialisés 18

3. Le calendrier de mise en place des centres d’excellence 19

4. Les effectifs concernés en France et au Royaume-Uni 19

B. LES GRANDS PRINCIPES DE GOUVERNANCE DE L’ACCORD 20

1. Les objectifs, le champ d’application et les stipulations d’ordre financier 20

2. La mise en place d’instances de gouvernance spécifiques 21

II. LE FONCTIONNEMENT DES CENTRES D’EXCELLENCE 22

A. LES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT QUOTIDIEN 22

1. Les engagements réciproques des parties en matière de sécurité d’approvisionnement pour les éléments produits par les centres d’excellence 22

2. Les stipulations relatives aux modalités de protection et de classification des éléments produits par les centres d’excellence 22

3. Les modalités de transfert et d’exportation de produits liés à la défense 23

a. Le transfert de produits liés à la défense entre les parties 24

b. Les modalités de transfert et d’exportation à des tiers à l’accord 25

4. Les règles de divulgation et d’utilisation d’information entre les parties 26

B. L’ÉVOLUTION INTERNE ET EXTERNE DES CENTRES D’EXCELLENCE 27

1. Le suivi des capacités industrielles communes 27

2. Les modalités d’élargissement de l’accord à d’autres États 28

III. LES STIPULATIONS DIVERSES 28

A.  STIPULATIONS GÉNÉRALES, MODALITÉS DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS ET D’AMENDEMENT DE L’ACCORD 28

B.  STIPULATIONS FINALES : ENTRÉE EN VIGUEUR, DURÉE ET MODALITÉS DE DÉNONCIATION DE L’ACCORD 28

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 33

INTRODUCTION

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant les centres d’excellence mis en œuvre dans le cadre de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles (n° 3695).

Cet accord a pour principal objet de rationaliser le secteur missilier européen en créant des « centres d’excellence » au sein des filiales française et britannique du groupe MBDA. Ces centres techniques, situés au sein des filiales MBDA-France et/ou MBDA-UK, permettront de consolider l’expertise commune de ces deux sociétés dans des domaines technologiques et des sous-systèmes déterminés.

De deux types, ces centres créeront de fait une interdépendance progressive entre la France et le Royaume-Uni dans les domaines concernés par cette mutualisation des compétences et des ressources :

– dans les centres dit « fédérés », le partage des compétences entre les filiales nationales s’opérera de manière équilibrée, instaurant une co-dépendance entre les deux États ;

– dans les centres dits « prédominants spécialisés », l’une des deux parties détiendra la grande majorité des compétences, chaque État devenant donc presqu’intégralement dépendant de l’autre dans certains domaines.

L’accord donne un cadre à cette dépendance mutuelle tout en préservant l’autonomie stratégique des parties, la sécurité de leurs approvisionnements et l’indépendance de leur politique extérieure, notamment dans le domaine des exportations d’armement. Il sera positif au niveau industriel, cette stratégie d’intégration plus poussée permettant de renforcer la compétitivité du groupe MDBA en minimisant les redondances et les investissements dupliqués entre les deux filiales. En retour, il sera également positif pour les autorités publiques de chaque pays, la réduction de la charge de développement des missiles produits par MBDA pouvant se traduire par une diminution du coût d’acquisition de ce type d’équipements pour les armées française et britannique.

S’appuyant sur les liens forts qui existent entre les communautés de défense et les forces armées françaises et britanniques, cet accord s’inscrit en outre dans la continuité d’une relation bilatérale exemplaire en la matière – comme en témoigne notamment le traité dit de Lancaster House – et en constitue une étape supplémentaire.

PREMIÈRE PARTIE : UN ACCORD POUR RATIONALISER LE SECTEUR MISSILIER EUROPÉEN

Issu de la fusion du groupe MBD (Matra BAe Dynamics), d’Aerospatiale Matra et d’Alenia Marconi Systems, le groupe MBDA a été créé en 2001, devenant dès lors le leader européen à dimension mondiale dans le domaine des missiles et systèmes de missiles.

MBD étant lui-même issu de la fusion, opérée en 1996, entre le français Matra Défense et le britannique BAe Dynamics, le rapprochement et l’intégration entre les parties française et britannique est un processus entamé il y a 20 ans. À cet égard, l’accord dont l’approbation est demandée au Parlement ne constitue qu’une étape supplémentaire et naturelle dans l’histoire du groupe.

La structure actionnariale du groupe MBDA est très resserrée, celui-ci étant détenu pas trois actionnaires :

– Airbus Group, à hauteur de 37,5 % ;

– BAe Systems, à hauteur de 37,5 % ;

– et Finmeccanica-Leonardo (1), à hauteur de 25 %.

STRUCTURE DU GROUPE MBDA

Source : MBDA.

En 2015, MDBA comptait près de 10 000 salariés dont 60 % d’ingénieurs et de techniciens. Présents dans six pays, ces personnels sont principalement employés en France (4 500 personnes), au Royaume-Uni (2 850 personnes), en Italie (1 350 personnes) et en Allemagne (1 250 personnes). Le groupe compte également des collaborateurs en Espagne (12 personnes) et aux États-Unis (40 personnes).

En France, les effectifs sont répartis entre les sites du Plessis-Robinson (2 450 personnes), de Bourges et Selles-Saint-Denis (1 570 personnes), de Compiègne (380 personnes) et de Cazaux (centre d’essais ; 10 personnes).

Au Royaume-Uni, les effectifs sont employés sur les sites de Stevenage (1 860 personnes), Bristol (660 personnes), Lostock (2) (320 personnes) et le siège situé à Londres (10 personnes).

IMPLANTATIONS EUROPÉENNES ET EFFECTIFS DU GROUPE MBDA

Source : MBDA.

En 2015, MBDA a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 2,8 milliards d’euros – dont la moitié en France – pour un portefeuille de commandes de 14,5 milliards d’euros. Les prises de commandes ont atteint 5,2 milliards d’euros en 2015, dont 70 % à l’export, à la suite notamment de la vente des avions de combat Rafale à l’Égypte et au Qatar.

Représentant 20 à 25 % du marché mondial accessible (3) du secteur missilier, MBDA est un acteur de dimension mondiale dans ce domaine, proposant une large gamme de produits avec 45 produits et systèmes de contre-mesure actuellement en service. Grâce à son offre et à un certain nombre de produits phares – Mica, Meteor, Scalp, ASMP-A, Aster, Mistral, Milan, Exocet, missile de croisière naval (MdCN) – le groupe est présent sur l’ensemble des segments, ainsi que le rappelle le tableau suivant.

L’OFFRE DU GROUPE MBDA PAR SEGMENT

Segment

Principaux programmes français ou en coopération européenne

Air-air

• MICA

• METEOR

Air-surface

• SCALP

• AASM

• ASMP-A

Défense aérienne – terrestre

• MISTRAL

• VL-MICA

• ASTER – SAMP/T

• MMP

Défense aérienne – navale

• MISTRAL-SIMBAD

• VL-MICA

• ASTER – SAAM/PAAMS

Combat terrestre

• ERYX

• MILAN ER

Anti-navire

• Exocet SM-39

• Exocet MM-40

• FASGW/ANL (a)

Surface-surface

• MdCN

(a) : Future Anti-Ship Guided Weapon/Anti-Navire Léger.

Source : commission de la Défense d’après MBDA.

Globalement, la structure du marché missilier mondial fait apparaître les caractéristiques suivantes :

– le marché européen est fragmenté et se caractérise – au mieux – par sa stabilité, les États de l’Union européenne étant soumis à une forte contrainte budgétaire qui pèse sur les budgets de défense et les programmes d’équipement associés ;

– les marchés export sont certes en forte croissance, mais ils se révèlent de plus en plus concurrentiels ;

– le marché américain, qui représente plus de 40 % du marché mondial actuel et qui continuera à en représenter plus d’un tiers à l’horizon 2020, est quasiment inaccessible aux entreprises étrangères.

STRUCTURE DU SECTEUR MISSILIER MONDIAL

Source : MBDA.

Trois acteurs majeurs se partagent 75 % du marché mondial dit accessible – c’est-à-dire hors Russie et Chine – : deux groupes américains Raytheon et Lockheed Martin, et le groupe MBDA. Ce sont les seules entreprises à avoir développé un modèle d’acteur global caractérisé par une large couverture du marché, une présence sur l’ensemble des segments et la maîtrise des technologies-clés.

À l’origine de l’évolution de la structure industrielle de MBDA se trouve le traité dit de Lancaster House de coopération en matière de défense et de sécurité conclu entre la France et le Royaume-Uni en novembre 2010, dont plusieurs stipulations constituent le fondement de l’accord dont l’approbation est demandée.

Ainsi, l’un des objectifs de ce traité est de « renforcer l’industrie de Défense des deux Parties, promouvoir la coopération en matière de recherche et de technologie, et développer des programmes de coopération en matière d’équipements » (4).

Par ailleurs, son article 2 stipule que la coopération entreprise par les deux parties au traité « couvre notamment […] le développement de leurs bases industrielles et technologiques de défense et de centres d’excellence autour de technologies clés, assortis de mécanismes de gouvernance d’entreprise efficaces sur le territoire des deux Parties, en développant entre elles une interdépendance plus grande ».

Enfin, en vertu de son article 9, la France et le Royaume-Uni « s’emploient à limiter au maximum les obstacles réglementaires superflus, à améliorer le dialogue entre leurs entreprises de défense et à favoriser leur rationalisation en vue de permettre l’acquisition des équipements les plus adaptés à leurs exigences en matière de performances et de coûts ».

C’est dans ce cadre que l’initiative « One MBDA » a été lancée, dès 2010, en réponse à ces objectifs et préoccupations.

Les centres d’excellence évoqués dans le traité de Lancaster House constituent le principal instrument de mise en œuvre de cette stratégie de rationalisation industrielle. Globalement, ils ont vocation à assurer une allocation optimale des ressources et des compétences entre les deux États parties à l’accord, dont certaines sont parfois dispersées entre les deux filiales nationales, ce qui engendre des surcoûts et, potentiellement, renchérit le prix des produits qui seront par la suite proposés aux armées française et britannique.

Ces centres permettront de réduire les tailles critiques nécessaires au maintien des activités concernées, d’élaborer des solutions techniques plus robustes, de profiter au mieux des synergies entre programmes, d’appliquer des politiques techniques communes, de partager davantage les résultats en matière de recherche et d’études amont, et donc de réduire les coûts de développement des produits issus en tout ou partie de ces centres.

Comme l’ont précisé au rapporteur pour avis les représentants du groupe MBDA, la mise en œuvre du programme FASGW/ANL (5) est à cet égard révélatrice. En effet, l’accord de coopération qui lui est rattaché a permis d’organiser les activités du groupe selon les principes qui seront appliqués aux futurs centres d’excellence. La mise en œuvre optimisée de ce programme s’est traduite par des coûts de développement et de série réduits.

● Cela a été rappelé, l’accord dont l’approbation est demandée au Parlement s’inscrit dans le cadre du traité de Lancaster House de 2010.

Il s’inscrit en outre pleinement dans le cadre de l’accord-cadre du 27 juillet 2000 visant à faciliter les restructurations et le fonctionnement de l’industrie européenne de défense et dont les États signataires (6) indiquaient, au terme de son préambule :

– souhaiter « créer le cadre politique et juridique nécessaire pour faciliter les restructurations industrielles afin de promouvoir une base technologique et industrielle de défense européenne plus compétitive et plus solide sur le marché mondial de la défense […] » ;

– et reconnaître « que les restructurations industrielles peuvent conduire à la création de sociétés transnationales de défense et à l’acceptation d’une dépendance réciproque […] ».

Enfin, le sommet franco-britannique de Brize-Norton du 31 janvier 2014 avait appelé à un approfondissement de la coopération bilatérale dans le domaine des systèmes de missiles. Celle-ci devait passer, dans un premier temps, par la mise en œuvre de centres d’excellence au sein de MBDA, laquelle doit nécessairement être encadrée par un accord intergouvernemental.

Les négociations menées dans cette perspective ont débuté en février 2014, l’accord final ayant été signé à Paris le 24 septembre 2015 par le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian et par le Secretary of State for Defence britannique Michael Fallon.

● Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, la France et le Royaume-Uni ont décidé d’accompagner le groupe MBDA « dans la voie d’une intégration plus poussée des activités des filiales française et britannique ». Les centres d’excellence dont la création est envisagée créeront de fait une interdépendance progressive entre les deux États signataires pour la fourniture de technologies intégrées dans les systèmes de missiles puisque :

– dans les centres dit « fédérés », le partage des compétences entre les filiales française et britannique se fera à parité, les deux États étant co-dépendants, de manière équilibrée, dans les domaines concernés ;

– dans les centres dits « prédominants spécialisés », l’une des deux parties détiendra la grande majorité des compétences (à hauteur de 80 %), chaque État devenant donc presqu’intégralement dépendant de l’autre dans certains domaines.

L’accord donne un cadre à cette dépendance mutuelle tout en préservant l’autonomie stratégique des parties, la sécurité de leurs approvisionnements (7) et l’indépendance de leur politique extérieure, notamment dans le domaine des exportations d’armement (8).

SECONDE PARTIE : LES STIPULATIONS DE L’ACCORD

L’accord comprend un préambule et 16 articles dont les principales stipulations sont rappelées ci-après.

● Le préambule rappelle tout d’abord le cadre institutionnel et juridique dans lequel l’accord s’inscrit, en visant les principaux traités, accords, normes et positions officielles de référence compte tenu de la nature dudit accord :

– au niveau communautaire : le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et l’ensemble du droit dérivé (9) correspondant. Le préambule ne mentionne explicitement qu’une seule norme de droit dérivé, la directive 2009/43/CE simplifiant les conditions de transferts de produits liés à la défense dans la Communauté (10), ce qui est naturel puisque c’est sur le fondement de cette directive que l’accordpourra concrètement être mis en œuvre (cf. infra article 8) ;

– l’accord-cadre du 27 juillet 2000 relatif aux mesures visant à faciliter les restructurations et le fonctionnement de l’industrie européenne de défense (11) ;

– le traité dit de Lancaster House du 2 novembre 2010 (12) ;

– l’accord dit de sécurité franco-britannique du 27 mars 2008 (13) ;

– l’intention exprimée par les gouvernements français et britannique lors des sommets franco-britanniques de 2012 et 2014.

En outre, le préambule précise le champ et l’implantation de chacun des huit centres d’excellence dont l’accord prévoit la création (cf. infra article 1er) et fait état des gains attendus d’une telle création, tant en termes industriels que stratégiques.

● Globalement, l’objectif recherché par l’accord est double :

–  le renforcement de la compétitivité du groupe MBDA dans son ensemble en minimisant, par une stratégie d’intégration, les redondances et les investissements dupliqués constatés au sein des deux filiales française et britannique ;

– la réduction de la charge de développement des missiles produits par MBDA, susceptible d’entraîner des économies quant au coût d’acquisition pour les armées française et britannique.

Le mécanisme retenu pour atteindre ce double objectif est la constitution de centres d’excellence partagés entre les filiales française et britannique (MBDA-France et MBDA-UK). Il s’agira de centres techniques situés au sein des filiales MBDA-France et/ou MBDA-UK, dans le but de consolider l’expertise commune de ces deux sociétés dans des domaines technologiques et des sous-systèmes déterminés.

D’après les informations communiquées au rapporteur pour avis, l’objectif est d’atteindre quelque 30 % de réduction de coût sur le périmètre « One MBDA » – c’est-à-dire le périmètre concerné par l’accord (France et Royaume-Uni).

En effet, à l’heure actuelle, le maintien d’équipes dans ces deux pays suppose des investissements conséquents, qu’il s’agisse des moyens matériels
– bancs et outillages de test – ou des logiciels – mathématiques notamment –, afin de permettre à l’ensemble de ces équipes de rester à un niveau technologique élevé. La mise en place des centres d’excellence permettra une rationalisation de la dépense qui, à son tour, assurera le maintien des compétences, lequel suppose des investissements coûteux que le groupe ne peut se permettre de dupliquer.

Classiquement, l’article 1erest un article de définition des termes et notions utilisés dans l’accord. Parmi eux, deux retiennent naturellement l’attention, qui ont trait aux deux types de centres d’excellence prévus par l’accord : les centres d’excellence fédérés (CEF) et les centres d’excellence prédominants spécialisés (CEPS).

De manière synthétique, les centres d’excellence obéissent aux caractéristiques suivantes :

– ils s’analysent comme le regroupement de l’ensemble des compétences relevant d’un domaine, sous la responsabilité d’une autorité unique reconnue ;

– ils seront chargés d’élaborer des solutions innovantes et compétitives dans leurs domaines d’activité respectifs ;

– ils permettront un développement de l’expertise et des meilleures pratiques au service des solutions qu’ils seront chargés d’élaborer ;

– enfin, ils assureront la préparation de l’avenir grâce au maintien d’un niveau technologique optimal.

● D’après le point 2 de l’article 1er, les CEF sont des centres combinant les expertises et les compétences situées au sein de deux filiales, française et britannique. Au titre de tels centres, les deux filiales et, par conséquent, les deux pays, conserveront un niveau « significatif et équilibré » de compétences.

Quatre CEF sont prévus par l’accord, dont l’importance en termes de répartition des compétences, des personnels, et de charge sera équivalente et situés chacun en France et au Royaume-Uni.

DOMAINES DE COMPÉTENCE ET RÉPARTITION DES CENTRES D’EXCELLENCE FÉDÉRÉS

Domaine

Localisations

Charges militaires complexes

• France : Le Plessis Robinson

• Royaume-Uni : Lostock/ Bolton

Systèmes de navigation inertielle 

• France : Le Plessis Robinson

• Royaume-Uni : Bristol et Stevenage

Algorithmes

• France : Le Plessis Robinson

• Royaume-Uni : Bristol et Stevenage

Logiciels

• France : Bourges et Le Plessis Robinson

• Royaume-Uni : Bristol, Stevenage et Lostock

Source : commission de la Défense d’après les réponses au questionnaire du rapporteur pour avis.

● Les principes de fonctionnement des CEF seront les suivants.

Les équipes de chaque CEF seront constituées des personnels spécialistes du domaine considéré relevant des deux filiales, MBDA-France et MBDA-UK. Naturellement, elles bénéficieront des moyens et compétences des autres entités de MBDA en tant que de besoin. Ces personnels resteront dans leur pays d’origine.

En revanche et logiquement, leur pilotage sera partagé selon le principe de gouvernance unique : un seul responsable aura autorité sur les équipes françaises comme britanniques d’un même CEF. Chaque CEF faisant partie d’une « fonction multinationale » de niveau supérieur, le responsable de chaque CEF rendra compte au directeur de la fonction considérée.

Le responsable de chaque CEF s’attachera à déterminer la meilleure répartition des tâches entre les filiales permettant d’offrir la meilleure prestation et, si nécessaire, de lisser la charge de travail entre celles-ci. Conformément au principe d’équilibre, la répartition des responsabilités s’effectuera sur la base d’une stricte parité avec deux responsables français et deux responsables britanniques.

Chaque CEF sera le maître d’œuvre unique interne de MBDA pour les solutions relatives à son domaine, que celles-ci se rapportent à des projets français, britanniques ou menés en coopération. Le niveau technologique le plus élevé devra être maintenu dans chacun des deux pays en vertu du principe d’équilibre.

La mise en place de licences globales permettra aux personnels français et britanniques d’échanger tout élément utile – données, matériels, technologies, logiciels, process ou expérience – sur l’ensemble des activités du CEF. La seule limitation à ce principe de partage concerne naturellement les éléments qui seront classifiés « Spécial France » ou « For UK Eyes Only ».

● Les quatre CEPS dont la création est envisagée permettront de consolider à titre principal sur le territoire d’un des deux États certaines compétences et expertises, seules des capacités résiduelles pouvant subsister, le cas échéant, sur le territoire de l’autre État. Il s’agira, en somme, de spécialiser l’une des deux filiales. De fait l’accord impliquera l’arrêt de certaines capacités nationales liées aux technologies concernées, celui-ci étant compensé – du point de vue industriel – par le développement d’autres capacités en vertu de la spécialisation. En effet, les domaines couverts par ces centres doivent permettre de parvenir à un équilibre technologique et industriel global dans la répartition des compétences entre les deux filiales, et donc entre les deux États.

DOMAINES DE COMPÉTENCE ET RÉPARTITION DES CENTRES D’EXCELLENCE PRÉDOMINANTS SPÉCIALISÉS

Domaine

Pays-hôte du CEPS

Localisations

Calculateurs de missiles

France

Le Plessis Robinson (centre de production : MEL à Compiègne)

Équipements de test 

France

Bourges (centre de production : Bourges)

Liaisons de données missiles 

Royaume-Uni

Stevenage et Bristol (centre de production : Lostock/Bolton)

Actionneurs de missiles

Royaume-Uni

Stevenage (centre de production : Lostock/Bolton)

Source : commission de la Défense d’après les réponses au questionnaire du rapporteur pour avis.

● Concrètement, d’après les informations communiquées au rapporteur pour avis, chaque CEPS sera spécialisé à hauteur de 80 %, des capacités résiduelles subsistant à hauteur de 20 % au sein de la filiale n’accueillant pas le CEPS. Ce partage a été déterminé en fonction de l’expérience et des capacités que détenait déjà le pays-hôte retenu dans chaque domaine considéré. Les 20 % de ressources résiduelles maintenus dans l’autre pays serviront à couvrir les besoins essentiels nationaux dans lesdits domaines.

En termes de gouvernance, chaque CEPS sera dirigé par un responsable du pays-hôte.

● Il convient de rappeler que les centres nationaux ne sont pas concernés par l’accord. Il s’agit des centres compétents dans les deux domaines « furtivité » et « simulations à éléments réels ». Considérés comme stratégiques et porteurs d’informations hautement sensibles, chaque État souhaite naturellement les conserver en propre.

Afin de préparer la mise en œuvre opérationnelle des centres d’excellence – qui ne pourra intervenir qu’une fois les processus de ratification achevés dans les deux pays –, la société MBDA avait déjà mis en place, fin 2014, quatre centres spécialisés pilotes, mais sur un périmètre plus réduit que les futurs centres de plein exercices, et selon les procédures actuellement en vigueur (absence de licence globale pour l’ensemble des éléments notamment).

MBDA assure avoir procédé à toutes les démarches nécessaires pour que les centres d’excellence puissent fonctionner en « régime de croisière », selon les principes et modalités prévus par l’accord, dès que les licences globales permettant leur fonctionnement quotidien auront été accordées par les autorités compétentes.

D’après les informations transmises au rapporteur pour avis, il est prévu que quelque 1 000 personnes travailleront directement dans les centres d’excellence, soit environ 600 personnes en France et 400 personnes au Royaume-Uni. Toutefois, ces effectifs seront forcément appelés à varier en fonction, notamment, des plans de charge et des calendriers de mise en œuvre des différents programmes relevant de chaque centre.

RÉPARTITION INDICATIVE DES EFFECTIFS PAR DOMAINE, PAR CENTRE ET PAR PAYS

Domaine

Type de centre

Effectifs France

Effectifs Royaume-Uni

Calculateurs de missiles

CEPS France

165

25

Équipements de test

CEPS France

195

60

Actionneurs de missiles

CEPS Royaume-Uni

10

50

Liaisons de données missiles

CEPS Royaume-Uni

10

40

Algorithmes

CEF

50

55

Logiciels

CEF

150

145

Senseurs de navigation 

CEF

20

10

Charges militaires complexes 

CEF

15

30

TOTAL

615

415

Source : commission de la Défense d’après les réponses au questionnaire du rapporteur pour avis.

● L’article 2 est un simple article de rappel des objectifs généraux de l’accord en tant qu’acte de droit international. Rappelant que ce dernier s’appuie « sur les liens étroits existant entre les communautés de défense et les forces armées respectives des Parties dans le domaine des Systèmes de Missiles et sur les stipulations prévues à l’article 3 du Traité de Lancaster House (14) », l’article 2 stipule que l’accord a pour objectifs de :

– définir les obligations réciproques des parties relatives à la mise en œuvre par MBDA des centres d’excellence ;

– et de fournir un cadre au titre duquel celles-ci travaillent ensemble pour permettre à MBDA de mettre efficacement en œuvre les centres d’excellence sur leurs territoires respectifs.

● L’article 3 relatif au champ d’application de l’accord rappelle logiquement que celui-ci se borne à « couvrir les obligations et exigences des Parties relatives à la mise en œuvre par MBDA des Centres d’excellence ».

Il apporte toutefois une précision d’importance en stipulant que les centres d’excellence doivent par principe être considérés par les deux parties comme le fournisseur privilégié des deux filiales concernées par leur mise en place – MBDA-France et MBDA-UK – pour la fourniture d’informations (15) et de technologies (16) destinées à des sous-systèmes intégrés dans tout programme de systèmes (17) de missiles relevant de la maîtrise d’œuvre de la société MBDA.

● L’article 4 stipule que l’accord ne crée aucune obligation financière pour les États signataires.

L’article 5 décrit les modalités de gouvernance de l’accord par les parties. Il précise tout d’abord que, dans ce domaine, celui-ci est soumis aux stipulations de l’article 4 du traité de Lancaster House relatif à la « gestion de la coopération » et qui prévoit la création d’un « groupe de haut niveau » (18) dont les chefs de chaque délégation nationale sont nommés respectivement par le président de la République française et par le Premier ministre britannique.

L’article prévoit en outre la création d’une instance de pilotage spécifique ad hoc, le « comité en charge de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles » (ci-après « le comité »), lequel comprend quatre membres :

– un membre représentant chacun des États signataires ;

– un membre associé de chaque filiale concernée, MBDA-France et MBDA-UK.

Il est prévu que le comité rende compte de son activité aux directeurs nationaux de l’armement (19) de chaque partie et au « groupe de travail de haut niveau » (20), qui lui-même rend compte au groupe de haut niveau.

Classiquement, l’article 5 stipule que le consensus est la règle pour toute décision se rapportant à l’accord. En tant que simples membres associés, les représentants des filiales française et britannique ne participent pas au processus décisionnel.

Le point 5 de l’article 5 dresse une liste non exhaustive des activités relevant du comité. On retiendra à titre principal :

– la supervision de l’accord au niveau exécutif ;

– la prise des décisions nécessaires à la mise en œuvre de celui-ci ;

– le suivi des activités des centres d’excellence, y compris leur processus de mise en œuvre ;

– ou encore l’appréciation de l’opportunité d’une extension des stipulations de l’accord à de nouveaux centres d’excellence.

L’accord crée une dépendance mutuelle entre la France et le Royaume-Uni pour ce qui concerne les différents éléments produits par les centres d’excellence. Aussi, en application de l’article 6, les parties s’engagent-elles réciproquement à garantir la sécurité d’approvisionnement concernant les informations et les technologies qui seront développées et fabriquées par les centres d’excellence.

Les deux États s’engagent à ce qu’aucun obstacle ni aucune entrave n’empêche la fourniture de tels éléments et mettent en place toute mesure permettant d’assurer un tel approvisionnement, ainsi qu’un « soutien efficace des ressources, activités et compétences associées » aux centres d’excellence.

Une telle obligation présente un caractère absolu puisqu’il est précisé qu’elle est valable en temps de paix comme en temps de crise ou de conflit armé.

Chaque partie s’engage dès lors à mettre à disposition de l’autre « toute installation, tout équipement, tout composant et toute fonction de soutien qui relèvent du domaine d’activité des Centres d’excellence couverts par le présent Accord et garantit l’accès sans entrave à ceux-ci dans les conditions et selon les modalités prévues par les stipulations de l’article 6 du Traité de Lancaster House (21) ».

L’article 7 a trait aux dispositions de sécurité – niveaux de protection et de classification – applicables aux informations et technologies créées par les centres d’excellence.

Afin que « les échanges des données pertinentes et nécessaires entre les Parties et MBDA-France et MBDA-UK ne soient pas inutilement entravés par des restrictions de sécurité nationale », l’article rappelle la nécessité pour les États signataires d’avoir une appréciation partagée des niveaux de protection ou de classification des éléments produits par les centres d’excellence.

Aussi les éléments sensibles seront-ils identifiés, d’une part, par la classification de sécurité correspondante et, d’autre part, par un marquage « binational » commun « Spécial France/Royaume-Uni » et son équivalent anglais « For UK/French Eyes Only » plutôt que par des restrictions uniquement nationales, sauf si l’une des parties estime nécessaire de maintenir de telles restrictions. De fait, le succès des centres d’excellence dépendra en partie de l’interprétation que les deux États signataires feront de cette stipulation.

Pour les éléments préexistant à la mise en place des centres d’excellence, qui ont déjà fait l’objet de mesures de restriction nationale mais dont le partage entre les parties s’avère nécessaire au bon fonctionnement des centres, les États signataires s’engagent à réviser les niveaux de sécurité associés et à leur appliquer un nouveau marquage.

Plus globalement, l’article 7 stipule que l’échange d’informations entre les parties – y compris les informations classifiées – s’effectue conformément à l’article 11 du traité de Lancaster House, lequel vise également l’accord dit de sécurité franco-britannique du 27 mars 2008 relatif à la protection réciproque des informations classifiées.

Il convient de rappeler à titre liminaire qu’en application de la loi n° 2011-702 (22:

– les « transferts » concernent les opérations effectuées au sein de l’Union européenne et sont régis par la directive dite TIC (23), transposée en droit français par la loi précitée. Le présent accord distingue deux types de transferts : ceux réalisés entre les deux États signataires, pour ce qui concerne les produits liés à la défense nécessaires au bon fonctionnement des centres d’excellence ; et ceux réalisés avec d’autres États membres de l’Union européenne tiers à l’accord, pour ce qui concerne des systèmes de missiles incluant des produits liés à la défense élaborés par ces mêmes centres ;

– les « exportations » concernent les opérations effectuées hors de l’Union européenne et pour lesquelles chaque État membre de l’Union européenne reste libre de déterminer les principes de contrôle. La France a fait le choix de généraliser les outils prescrits par la directive TIC à l’ensemble des exportations.

● L’article 8 a trait au transfert des produits liés à la défense entre les parties, qui doivent le faciliter « dans toute la mesure du possible ». Pour ce faire, elles s’engagent à mettre en œuvre les modalités de transfert les plus appropriées, l’instrument privilégié à cet égard devant être des licences globales (24) réciproques et de même portée, couvrant l’ensemble du domaine d’activité de chaque centre d’excellence.

Logiquement, les éléments classifiés « Spécial France » ou « For UK Eyes Only » échapperont à ce principe général de partage.

Les parties s’engagent à examiner rapidement les demandes de licence globale et sont tenues à une obligation d’information réciproque dès lors que serait envisagé le retrait d’une licence précédemment accordée portant sur les centres d’excellence.

● La délivrance de licences globales constituera l’un des éléments-clé du bon fonctionnement des centres d’excellence en fluidifiant le circuit de transfert.

En effet, d’après les informations transmises au rapporteur pour avis, les transferts entre les filiales française et britannique sont actuellement soumis à la délivrance préalable d’une licence individuelle. Chaque échange nécessite donc le dépôt d’une demande spécifique devant la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Un tel processus entraîne logiquement la multiplication des délais d’instruction et de traitement qui sont parfois incompatibles avec les exigences d’un travail mené en coopération, lequel nécessite le plus souvent des prises de décision rapides.

Des licences globales peuvent être accordées mais elles ne concernent qu’un type de produit, et non « la totalité du domaine d’activités de chacun des centres d’excellence », ainsi que l’envisage l’article 8 de l’accord.

Rappelons que la licence individuelle est délivrée pour une opération spécifique de transfert (même menée en plusieurs fois), les licences globales permettront le transfert, pour une durée déterminée (25), de produits liés à la défense sans limitation de quantité ni de montant.

Il convient également de préciser que les transferts effectués dans le cadre de l’accord seront susceptibles de bénéficier des dispositions prévues à l’article L. 2335-11 du code de la défense. En effet, en application du 3° de cet article, l’autorité administrative – en l’espèce la CIEEMG – peut accorder des dérogations à l’obligation d’autorisation préalable que constitue la licence lorsque « le transfert est nécessaire pour la mise en œuvre d’un programme de coopération en matière d’armements entre États membres de l’Union européenne ».

L’article 9 précise les modalités de transfert – à des États membres de l’Union européenne non parties à l’accord – et d’exportation – à des États tiers – de systèmes de missiles incluant des produits liés à la défense élaborés par les centres d’excellence mis en place dans le cadre de l’accord.

Il stipule qu’aucune demande de vente ne pourra être refusée par l’un ou l’autre État signataire, « sauf pour des motifs de politique étrangère et de sécurité nationale ». Notamment, un tel refus ne peut être opposé pour des motifs de concurrence industrielle et commerciale, dans l’hypothèse où les deux parties chercheraient à vendre au même tiers un système de missiles ou une plateforme pouvant être équipée d’un système de missiles équivalents.

Les deux parties doivent donc convenir de principes communs régissant ces opérations de transfert et d’exportation à des tiers, en développant des procédures relatives aux décisions encadrant de telles opérations. On retiendra à cet égard les principes suivants :

– la société MBDA devra établir, à destination des parties, une liste préliminaire de destinataires finaux potentiels afin que celles-ci soient informées le plus en amont possible de la destination possible des transferts et exportations incluant des produits liés à la défense élaborés par les centres d’excellence ;

– sur la base de cette première liste, les parties élaboreront des listes préliminaires de destinataires finaux qu’elles transmettront à MBDA afin de donner une indication à la société quant à l’acceptabilité des opérations envisagées. Il ne s’agira que d’une indication simple, qui ne vaut pas autorisation de l’opération. Ces listes seront révisables ;

– les parties sont tenues de s’informer mutuellement dès confirmation d’une vente à un tiers comprenant des produits liés à la défense élaborés par les centres d’excellence, et ce avant la signature du contrat.

D’après les informations transmises au rapporteur pour avis, les organismes français et britannique de contrôle des exportations d’armement (26) sont actuellement en cours de discussion sur un processus de gestion de ces listes.

En dernière analyse, la responsabilité de la délivrance d’une licence de transfert ou d’exportation à un État tiers à l’accord relèvera des autorités de l’État sur le territoire duquel le système de missiles concerné par l’opération se trouve au moment de celle-ci.

L’article 10 précise les règles de divulgation et d’utilisation d’information entre les deux États signataires pour ce qui concerne les éléments générés par les centres d’excellence.

● Le point 1 de l’article 10 stipule que sauf restrictions sérieuses tenant à des considérations de sécurité nationale, les deux parties s’obligent mutuellement à ne pas empêcher l’échange d’informations entre les deux filiales MBDA-France et MBDA-UK. Elles s’engagent également à ne pas empêcher les cessions ou transferts de droits de propriété intellectuelle issus des centres d’excellence, ni l’octroi des licences d’exploitation attachées à ces droits.

Le point 1 de l’article 10 institue donc une obligation pesant sur les parties à l’accord – les deux États signataires – et au bénéfice de tiers à l’accord – les deux filiales nationales. En ce sens, il institue une stipulation pour autrui, soit une convention par laquelle les parties à un acte – en l’espèce l’accord – conviennent que c’est une tierce personne qui n’est pas partie à l’acte qui bénéficiera des avantages que celui-ci prévoit (27).

● Le point 2 du même article prévoit que, dans le cadre des activités prévues par l’accord, les deux parties s’accordent mutuellement des droits d’utilisation équivalents des informations produites par les centres d’excellence. Le même principe s’applique aux « informations préexistantes » (28) nécessaires à l’utilisation de ces « informations générées » (29), lorsqu’elles sont la propriété de la société MBDA et qu’elles ont été fournies par un centre d’excellence.

Les parties s’engagent également à ne pas empêcher la réutilisation d’informations préexistantes détenues par les filiales française et britannique et relevant de leur domaine d’activité pour mener les programmes prévus par l’accord. Il est précisé que cette réutilisation ne donne lieu à aucune redevance entre les parties (30).

● Enfin, le point 8 de l’article 10 stipule que chaque partie bénéficie de licences d’utilisation irrévocables, non exclusives et ne donnant lieu au versement d’aucune redevance, dès lors que celles-ci portent sur une invention faisant l’objet d’un brevet ou d’une demande de brevet comprenant des « informations générées » par les centres d’excellence et dont les droits sont détenus par MBDA-France et MBDA-UK à titre individuel ou de manière conjointe. Les parties s’assurent elles-mêmes que la société MBDA accorde à chacune d’elle de telles licences.

Ce faisant, le point 8 institue une clause de porte-fort (31). Une clause ou promesse de porte-fort est le nom donné à la convention par laquelle une partie s’engage envers une autre – en l’espèce les parties à l’accord – à obtenir l’approbation d’un tiers – en l’espèce la société MBDA – à un acte – en l’espèce l’octroi des licences d’utilisation dans les conditions précitées.

L’article 11 institue une procédure spécifique de consultation et d’instruction préalables en cas d’évolution des centres d’excellence.

Ainsi la société MBDA sera tenue de consulter les parties à l’accord dès lors qu’elle envisagera une évolution des capacités industrielles des centres, lorsqu’une telle évolution pourrait avoir une incidence négative sur l’une ou l’autre partie, ou sur les deux. D’après les informations communiquées au rapporteur pour avis, le critère pris en compte est essentiellement celui de la charge prévisionnelle, dans l’hypothèse où celle-ci tomberait en deçà de celle nécessaire au maintien d’un seuil critique de compétences. Toutefois, l’industrie de l’armement reste une industrie de cycle long avec une visibilité relativement forte compte tenu de l’organisation des productions (avec des programmes d’armement à moyen et long terme notamment), ce qui permet d’anticiper de manière satisfaisante les évolutions de charge.

Le même article prévoit que le comité institué à l’article 5 de l’accord est chargé d’instruire toute proposition de modification des centres d’excellence.

Enfin, afin de ne pas vider l’accord de sa substance et sauf si celui-ci est dénoncé, l’article 11 précise que les parties doivent s’abstenir de financer des projets ou de prendre des décisions qui contribueraient à « la reconstitution ou au rétablissement sur leur territoire de capacités industrielles transférées sur territoire de l’autre Partie dans le cadre des Centres d’excellences ». Hors hypothèse de dénonciation de l’accord, de telles décisions restent envisageables sous réserve que la partie souhaitant les mettre en œuvre présente ses projets en ce sens à l’autre partie et lui en expose les raisons. Dans ce cas, les parties examinent ces projets conformément aux modalités de gouvernance de l’accord prévues à l’article 5 (règle du consensus notamment).

L’article 12 pose le principe d’un élargissement possible des centres d’excellence à d’autres États « en vue d’associer en temps voulu d’autres composantes nationales de MBDA ». Le cas échéant, de nouveaux accords intergouvernementaux devraient être conclus entre les parties actuelles et les nouveaux États concernés.

Concrètement, compte tenu des implantations européennes de la société MBDA, le modèle des centres d’excellence pourrait être étendu aux filiales situées en Italie (32), en Allemagne (33) et en Espagne (34), les domaines concernés étant déterminés en fonction de la situation industrielle au moment où l’extension de l’accord serait envisagée.

● Classiquement, l’article 13 stipule que l’accord est mis en œuvre conformément aux obligations internationales auxquelles les États signataires sont soumis, au droit de l’Union européenne et à leurs législations et réglementations nationales respectives.

● L’article 14 précise que tout différend entre les parties ayant trait à l’application ou à l’interprétation de l’accord est réglé par voie de consultations entre elles.

● L’article 15 stipule que l’accord peut être amendé à tout moment par consentement écrit des parties.

Enfin, de manière classique, l’article 16 comporte un certain nombre de stipulations concernant les conditions d’entrée en vigueur, de durée et de dénonciation de l’accord.

Celui-ci entre en vigueur à la date de réception de la dernière notification écrite par laquelle les parties s’informent de la fin des procédures internes requises pour son entrée en vigueur. Le Royaume-Uni ayant fait savoir par note verbale du 23 février 2016 qu’il avait achevé sa procédure interne de ratification, il appartient dorénavant à la partie française d’achever sa propre procédure.

L’accord est conclu pour une période indéfinie, jusqu’à la notification par écrit d’une partie de son intention de le dénoncer, celle-ci devant respecter un préavis minimum de 24 mois avant de procéder à une telle dénonciation.

L’article 16 prévoit une sortie progressive de l’accord en cas de dénonciation de celui-ci. Il oblige tout d’abord les parties à continuer d’honorer les engagements et obligations qui découlent de l’accord tant que ceux-ci demeurent applicables. Par ailleurs, dès lors que les différents éléments relevant des centres d’excellence ne seraient plus partagés, l’article 16 stipule que chaque partie reconnaît à l’autre la possibilité de reconstituer ses capacités auprès de services et sources alternatifs aux centres d’excellence.

À cet égard une stipulation spécifique est prévue pour ce qui concerne les éléments produits par les CEPS, puisqu’il s’agit de centres dont les compétences et les ressources sont majoritairement situées – à hauteur de 80 % – dans l’un ou l’autre État. Afin de permettre à chacun de reconstituer les spécialisations concernées sur son propre territoire, les parties explorent les « mesures raisonnables » permettant de déterminer les modalités de conservation et de communication à l’autre partie d’éléments produits par un CEPS de l’État-hôte d’un tel centre.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Philippe Nauche, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant les centres d’excellence mis en œuvre dans le cadre de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles (n° 3695), au cours de sa réunion du mercredi 22 juin 2016.

Un débat suit l’exposé du rapporteur pour avis.

M. Gilbert Le Bris. Je remercie le rapporteur pour son exposé. Est-ce que le dossier de l’anti-navire léger (ANL) a été, au moins partiellement, à l’origine de cette volonté de développer les synergies en la France et le Royaume-Uni ?

M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis. Tout à fait, le programme ANL a constitué une sorte de préfiguration au modèle des centres d’excellence prévu par l’accord.

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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Ø MBDA* – M. l’amiral (2S) Xavier Païtard, conseiller défense du président, M. Nathaniel Saidenberg, directeur de l’optimisation de la base industrielle – Projet « One MBDA » et Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement.

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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