N° 4216 - Rapport de M. Boinali Said sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'assistance alimentaire (n°1962).




N
° 4216

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 novembre 2016

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n°1962, autorisant la ratification de la convention relative à l’assistance alimentaire,

PAR M. Boinali SAID

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1962

I. LA SOUS-ALIMENTATION DANS LE MONDE 7

A. L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE 7

B. LES INITIATIVES INTERNATIONALES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE 7

C. LES CONVENTIONS DE 1967 ET DE 1999 8

D. LA CONVENTION DE LONDRES 9

1. Sortir de la logique des surplus agricoles 9

2. Améliorer à long terme la sécurité alimentaire 9

3. Élargir la palette d’outils 10

4. Privilégier le caractère humanitaire des interventions 11

II. CONSÉQUENCES POUR LA FRANCE DE LA CONVENTION 13

A. CONTRIBUTION FRANÇAISE À L’ASSISTANCE ALIMENTAIRE 13

1. Opérateurs et diversification des outils 13

2. Répartition géographique de l’aide alimentaire programmée 14

B. CONSÉQUENCES ADMINISTRATIVES 15

C. CONSÉQUENCES JURIDIQUES 16

III. CONTENU DE LA CONVENTION 17

A. PRÉAMBULE ET PRINCIPES 17

B. DISPOSITIF D’ASSISTANCE 18

C. COMITÉ DE L’ASSISTANCE ALIMENTAIRE ET SECRÉTARIAT 19

D. MODALITÉS D’ADHÉSION ET DE RETRAIT 20

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

ANNEXE : AUDITIONS 25

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 27

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Notre commission est saisie du projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l’assistance alimentaire.

Cette convention a été signée par la France à Londres le 2 novembre 2012 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2013. Elle se substitue à la Convention relative à l'aide alimentaire (CAA) de 1999, elle-même issue du renouvellement à plusieurs reprises de la Convention relative à l'aide alimentaire créée en 1967 sous la forme d'un accord international.

Les conventions successives sur l’assistance alimentaires visaient à créer un cadre juridique au sein duquel les signataires s’engageaient à contribuer à l’effort international visant à réduire l’insécurité alimentaire dans le monde. Ces conventions ont permis depuis 1967 d’assurer une assistance alimentaire continue aux pays les plus menacés par des crises alimentaires.

Deux constats principaux ont toutefois amené les États signataires de la convention de 1999 à souhaiter une modification du régime de l’assistance alimentaire.

En premier lieu, l’assistance alimentaire en nature, consistant en une simple livraison de produits alimentaires généralement issus des surplus agricoles des États contributeurs, s’est révélée plus adaptée aux situations d’urgence alimentaire ponctuelles qu’à celles d’insécurité alimentaire structurelle.

En second lieu, l’assistance alimentaire en nature tend à entrer en concurrence avec les secteurs alimentaires locaux, qui par définition sont déjà en difficulté lorsqu’une assistance alimentaire est requise. Il est donc apparu nécessaire d’adapter l’assistance alimentaire aux besoins spécifiques de chaque pays bénéficiaire, certains ayant besoin d’une assistance directe et rapide, d’autres ayant besoin d’une assistance plus indirecte et compatible avec leur développement à long terme.

Les conventions successives sur l’assistance alimentaire engagent les parties à fournir un certain volume d’assistance alimentaire et définissent les actions pouvant être prises en compte au titre de l’assistance alimentaire. La convention de Londres vise à réorienter ces engagements vers une assistance mieux adaptée aux besoins actuels.

Selon les chiffres de la Food and Agriculture Organization (FAO), le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde était d’un milliard en 1990 puis a progressivement diminué pour atteindre le chiffre de 794 millions en 2014. Pour les régions en développement, ce chiffre est passé de 990 millions en 1990 à 780 millions en 2014. Cette amélioration est cependant à nuancer puisqu’une augmentation est parallèlement observée en Afrique Subsaharienne, le chiffre passant de 175 millions de personnes en 1990 à 220 millions en 2014, pour une population totale qui passe de 640 millions à 1,1 milliard. La majorité des personnes en insécurité alimentaire se trouve cependant en Asie du Sud, notamment dans le sous-continent indien.

Les crises alimentaires sont souvent le produit d’un contexte d’insécurité alimentaire structurelle dans lequel intervient un problème ponctuel. Ainsi, en janvier 1983, le Système mondial d’information et d’alerte rapide (SMIAR) de la FAO a pour la première fois donné l'alerte au sujet des conséquences catastrophiques de la sécheresse qui frappait l'Afrique. Cette sécheresse, une des pires qu'ait connues le XXe siècle, a culminé en 1984, principalement dans le Sahel et en Afrique australe et orientale. Dans certains pays, les effets de la guerre civile se sont ajoutés à ceux de la destruction des récoltes, causant la mort de centaines de milliers de personnes.

Dans certains pays, les situations d'insécurité alimentaire sont plus structurelles, mais les crises majeures sont toujours la résultante de plusieurs facteurs, découlant d'une combinaison de causes naturelles et humaines. La liste des pays considérés comme étant en situation de crise prolongée a été mise à jour en 2012 par la FAO et englobe 20 pays.

Les facteurs principaux en sont le changement climatique, les crises politiques et l'instabilité des prix au plan mondial ou local. En d'autres termes, les crises prolongées sont devenues la nouvelle norme, bien que des pics puissent intervenir comme en 2008 avec les émeutes de la faim liées aux prix mondiaux des produits vivriers. La grande pauvreté de certaines populations, urbaines et rurales, est un facteur sous-jacent majeur.

Le Congrès mondial de l'alimentation, tenu à Washington, en juin 1963, a mis au premier plan de l'actualité le problème de la faim et de la malnutrition. Il a exhorté tous les gouvernements ainsi que les organisations internationales gouvernementales et non-gouvernementales à relever le défi de la faim et à proposer son éradication comme tâche prioritaire pour la génération contemporaine. Le Congrès a adopté de nombreuses recommandations visant à surmonter les contraintes techniques, humaines (comme l’éducation) et économiques qui freinaient le développement agricole. Beaucoup de ces recommandations ont été reprises par d'autres grandes conférences telles que la Conférence mondiale de l'alimentation de 1974 et le Sommet mondial de l'alimentation de 1996.

La Conférence internationale sur la nutrition, tenue sous les auspices conjoints de la FAO et de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), s'est tenue à Rome en décembre 1992. Cette initiative a été inspirée par la prise de conscience du fait que quelque 800 millions d'êtres humains étaient sous-alimentés d'où la nécessité de mieux connaître les causes, la nature et l'ampleur du problème afin de définir des stratégies coordonnées et des objectifs réalistes, de renforcer la solidarité internationale et de mobiliser les ressources nécessaires.

L’effort pour réduire la pauvreté et éradiquer la faim a été affirmé par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa Déclaration du Millénaire adoptée en 2000. La Déclaration du Sommet mondial sur la sécurité alimentaire de 2009 a également stipulé l’effort pour éradiquer la faim, dans la continuité du Plan d’action du Sommet mondial de l’alimentation adopté à Rome en 1996.

En 2015, les Etats Membres de l'ONU ont adopté le programme de développement durable à l'horizon 2030. Ce programme comprend 17 objectifs de développement durable (ODD) et notamment l'ODD 2 qui consiste à éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l'agriculture durable. Le but est d’aboutir à l’éradication de l’insécurité alimentaire malgré un contexte contraint par le changement climatique. Il faudra augmenter la production agricole de 60 % d’ici 2050 pour nourrir 9 milliards de personnes.

La présente convention se substitue à la Convention relative à l'aide alimentaire (CAA) de 1999, elle-même issue de la Convention relative à l'aide alimentaire créée en 1967 sous la forme d'un accord international.

La Convention relative à l'aide alimentaire de 1967 a été renouvelée à plusieurs reprises. Jusqu'en 1999, il s'agissait d'un accord international dans le cadre duquel les pays développés disposant d'excédents agricoles s'engageaient à fournir aux pays en développement qui en avaient besoin un niveau minimum d'aide alimentaire, notamment des céréales. À l'issue du dernier renouvellement, de nombreux pays membres de la CAA, ont toutefois estimé que la Convention ne répondait plus aux exigences et pratiques de l'assistance alimentaire.

La France et l’Union européenne souhaitaient par conséquent renégocier ce texte pour l’adapter au contexte actuel, en faisant notamment évoluer son objectif d’une logique de gestion de surplus agricoles à une contribution à la sécurité alimentaire mondiale via la fourniture d’assistance alimentaire aux plus vulnérables, particulièrement dans les situations de crise, de transition et de fragilité.

La décision de modification a toutefois été différée afin d'attendre l'issue des négociations du programme de Doha pour le développement.

La nouvelle Convention d’assistance alimentaire adoptée à Londres doit permettre d’améliorer l’efficacité des actions d’assistance et le travail commun de l’ensemble des acteurs impliqués, en préservant des vies, protégeant les moyens de subsistance et en renforçant les capacités de résistance des populations confrontées à des crises alimentaires.

Les pays donateurs ont estimé dans un premier temps que le moyen le plus simple de fournir une assistance alimentaire consistait à écouler les surplus agricoles, l'État achetant à un prix correct ces surplus aux agriculteurs, pour les envoyer ensuite dans les pays qui avaient besoin d'aide alimentaire. Il s'agissait donc de fournir de l'aide alimentaire au niveau international tout en soutenant les producteurs nationaux en maintenant les prix des matières premières. Cette modalité avait cependant pour corolaire la déstabilisation des marchés locaux et contribuait ainsi indirectement à l'insécurité alimentaire à long terme.

La majorité des donateurs est ainsi passée d'une aide alimentaire en nature à une stratégie d'assistance comprenant une multiplicité de réponses à l'insécurité alimentaire. Dans les faits, entre 1999 et 2008, les livraisons réelles d'aide alimentaire en nature dans le cadre de la CAA ont baissé de 15 à 6,8 millions de tonnes. En fin de compte, la majorité de l'aide alimentaire en nature ne concerne plus que la réponse aux situations d'urgence. La convention a donc été modifiée pour tenir compte de cette évolution.

La Convention entend contribuer à l’amélioration à long terme de la sécurité alimentaire et à promouvoir les capacités de résistance des populations, via la fourniture d’assistance alimentaire aux plus vulnérables, particulièrement dans les situations de crise, de transition et de fragilité.

Dans certaines régions du monde, les crises successives ont en effet épuisé les capacités de résilience des populations qui se sont paupérisées. De nouveaux outils d'aide alimentaire ont dû être créés permettant aux populations de surmonter ces crises et de ne plus être dépendantes de la fourniture continue de produits alimentaires.

Les effets négatifs des dispositifs précédents se sont par ailleurs fait sentir sur le développement à long terme. Les importations d'aide alimentaire par exemple ont empêché le développement de filières locales (comme le lait au Sahel) en fournissant des produits gratuits ou à très bas prix qui concurrençaient très fortement les produits locaux. De ce fait, en période d'insécurité alimentaire, les filières qui avaient commencé à se créer localement se trouvaient en très forte difficulté du fait de l'afflux massif de produits alimentaires donnés aux populations et n'arrivaient plus à se relancer à la fin de la crise.

La nouvelle convention élargit également la palette d’interventions éligibles afin de prendre en compte la diversité d’outils, autre que l’aide alimentaire en nature, qui peuvent s’avérer plus efficaces et mieux adaptés aux besoins des populations. Il en va ainsi d’outils tels que les bons d’achat, les transferts monétaires, la fourniture de semences ou les interventions vétérinaires. La convention permet également de faire évoluer la nature des engagements et d’exprimer ceux-ci en valeur monétaire plutôt qu’en volume (exprimés en tonnes équivalent céréales).

Selon la convention de 1999, seuls les produits suivants étaient éligibles :

– les céréales (blé, orge, maïs, millet, avoine, seigle, sorgho ou triticale) ou le riz ;

– les produits de céréales ou les produits du riz de première ou de deuxième transformation ;

– les légumineuses ;

– l’huile comestible ;

– les tubercules comestibles (manioc, pommes de terre rondes, patates douces, ignames, taro), lorsque ceux-ci étaient fournis dans le cadre de transactions triangulaires ou d’achats locaux ;

– la poudre de lait écrémé ;

– le sucre ;

– les semences de produits éligibles ; et

– les produits qui entraient dans le régime alimentaire traditionnel des groupes vulnérables ou qui entraient dans des programmes de compléments nutritionnels et qui satisfaisaient aux conditions mentionnées dans la convention.

Dans le cadre de leur engagement, les membres pouvaient également fournir des micronutriments en association avec des produits éligibles. Ils étaient encouragés à fournir, le cas échéant, des produits d’aide alimentaire fortifiés, notamment dans les situations d’urgence et dans le cadre de projets de développement ciblés.

La nouvelle convention rend donc éligibles des activités autres que la fourniture et la distribution de produits alimentaires, notamment :

– le transfert monétaire pour protéger et assurer la consommation alimentaire ;

– le transfert de bons d’achats alimentaires ou de bons en espèces pour protéger et assurer la consommation alimentaire ;

– des interventions nutritionnelles visant à améliorer la consommation alimentaire, en particulier l’alimentation thérapeutique et complémentaire, l’enrichissement et la fortification ainsi que l’apport de micronutriments.

Au titre des produits admissibles, qui contribuent à la satisfaction des besoins alimentaires et à la protection des moyens de subsistance dans des situations d’urgence et de redressement rapide, sont également retenus :

– les semences, les semis et les boutures ;

– les outils portatifs de base servant à l’agriculture et à la pêche ;

– l’équipement de base pour la préparation des aliments ;

– le bétail destiné à la consommation de lait et de viande.

La nouvelle convention vise donc à prendre acte de la diversité des outils en matière d'assistance alimentaire (aide alimentaire en nature, bons d'achat, transferts monétaires, actions nutritionnelles) afin de que l’assistance mise en place soit à la fois plus efficace et moins génératrice d’effets pervers.

Enfin, la nouvelle convention donne la priorité aux pays les moins avancés et aux pays à faible revenu dans l’allocation de l’aide alimentaire et privilégie le caractère humanitaire de cette dernière en prévoyant pour les parties des engagements annuels, exprimé en termes de valeur ou de quantité. L’assistance alimentaire visée par la convention est une assistance de court terme, adaptée aux situations d’urgence, plutôt qu’une assistance à long terme qui fait l’objet d’autres secteurs des politiques d’aide au développement.

Ce faisant, elle contribue à maintenir les lignes budgétaires correspondantes des donateurs et, en conséquence, la capacité de mobilisation internationale de l’aide alimentaire.

La Convention incite par ailleurs les parties à fournir l'assistance alimentaire en se fondant strictement sur les besoins identifiés selon des critères objectifs et en tenant compte du contexte local. Elle prévoit également des outils de suivi et d'évaluation adéquats et favorise le partage des meilleures pratiques.

L’article V de la Convention dispose que chaque Partie accepte de prendre un engagement annuel minimum en matière d’assistance alimentaire, exprimé en termes de valeur ou de quantité. La France a annoncé, pour 2013-2015, un engagement annuel minimum de 35 millions d’euros en matière d’assistance alimentaire. Il s’agit d’un montant constant depuis 2009.

À titre de comparaison, l’engagement annuel minimum de l’Union européenne devrait se monter à une hauteur de 200 millions d’euros et celui de la Finlande à 6 millions d’euros. Le budget de la DG ECHO (Aide Humanitaire et Protection Civile) fait partie du budget global de la Commission Européenne auquel la France a contribué à hauteur de 15,8% en 2014. Cette direction générale attribue environ 1 Mds d'aide par an, dont 200 Millions d'Euros environ dédiés à l'aide alimentaire d'urgence.

Le montant que la France s’est engagée à verser correspond à l’aide alimentaire programmée mobilisée chaque année sur les crédits budgétaires du programme 209, rattaché à la mission « Aide publique au développement » de la loi de finances.

En 2015, le budget total de l’aide alimentaire programmée (AAP) s’est élevé à 34 153 144 € et devrait s’élever à 31 147 610 € en 2016, 3 005 504 € supplémentaires devant être alloués au mois d’octobre 2016. La multiplication des crises, et leur pérennisation, depuis 2013 a fortement mobilisé l’aide alimentaire programmée pour des opérations d’urgence, au détriment relatif des activités de soutien à la résilience.

Le premier opérateur partenaire de l’aide alimentaire programmée reste, sur la période 2015-2016, le Programme alimentaire mondial (PAM) avec 17,5 millions d’euros en 2015 et 13,97 millions d’euros en 2016. Le second bénéficiaire le plus important est le Comité international de la Croix Rouge (CICR), avec 4,6 millions d’euros en 2015 et 3,1 millions d’euros en 2016. Viennent ensuite les organisations non gouvernementales (8,45 millions d’euros en 2015 et 8,64 millions d’euros en 2016), l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, 1,4 millions d’euros en 2015 et 3,25 millions d’euros en 2016, dont bénéficient également les camps palestiniens du Liban, en plus de ceux de Cisjordanie et de la bande de Gaza) et la FAO (1,2 millions d’euros en 2015 et 0,92 millions d’euros en 2016).

La présente convention invite à aller au-delà de l’aide alimentaire directe, du fait des coûts de transport et des risques de distorsion des marchés locaux. Des instruments innovants fondés sur la distribution d’argent liquide, de cartes de paiement, ou de coupons distribués directement lui sont aujourd’hui largement préférés par les pays contributeurs. C’est pourquoi l’aide alimentaire directe diminue progressivement. Elle est passée de 59 % en 2014 à 56 % en 2015 dans notre aide alimentaire programmée. Elle concerne principalement les pays touchés par la crise syrienne, l’aide alimentaire aux réfugiés risquant moins de perturber le fonctionnement d’un marché ou d’un secteur agricole local.

Les outils de soutien à la résilience présentent quant à eux une grande variété et incluent désormais la distribution de semences, les formations en nutrition ou en techniques agricoles ou les travaux de restauration des terres. Ces modes opératoires permettent d’inscrire dans le temps la prévention de l’insécurité alimentaire dans des zones fragiles et sensibles au dérèglement climatique.

Les contrôles de maitrise des coûts, d’une part, et de service fait, d’autre part, sont réalisés en amont (analyse des budgets des projets présentés) et en aval à travers les rapports d’exécution des projets ONG qui sont transmis par les ambassades de France et l’analyse des rapports d’activité des organismes multilatéraux dans les pays bénéficiaires.

Les conséquences humanitaires de la crise syrienne, en Syrie, au Liban, en Jordanie, en Turquie et en Irak ont fortement mobilisé les moyens de l’aide alimentaire programmée. En 2015, 10,6 millions d’euros ont ainsi été alloués à cette zone. La situation humanitaire de plus de 4 445 000 réfugiés syriens dans les pays du Levant ainsi que des manques de financement importants devraient entraîner une poursuite de l’effort pour les années à venir. La France est également restée engagée dans les Territoires palestiniens (2,1 millions d’euros en 2015 et 2,2 millions d’euros en 2016), et au Yémen (0,4 millions d’euros en 2015 et 0,5 millions d’euros en 2016).

L’accroissement du nombre de crises en Afrique a conduit à la recherche d’un équilibre entre la réponse aux nouvelles urgences humanitaires (comme le phénomène climatique El Nino ou la crise politique au Burundi), à la crise sécuritaire liée à Boko Haram, à la suite de la crise en République centrafricaine d’une part, et à la nécessité de maintenir un engagement important dans les régions à l’instabilité alimentaire et nutritionnelle chronique d’autre part, au premier plan le Sahel.

L’Afrique de l’Ouest a continué à bénéficier d’une part importante des moyens de l’aide alimentaire française (8,1 millions d’euros en 2015 et 6,3 millions d’euros en 2016). Les sources multiples de l’insécurité alimentaire dans la région (dérèglement climatique, perturbation des marchés, instabilité politique, importance de la pauvreté) impliquent un suivi continu et la mise en place d’outils de soutien à la résilience, en plus d’une réponse d’urgence ponctuelle lors des périodes d’insécurité alimentaire et nutritionnelle accrue.

En Afrique centrale, l’instabilité politique en République centrafricaine a fait l’objet d’un engagement français important en réponse aux conséquences alimentaires de la crise, non seulement en République centrafricaine même, mais également à destination des réfugiés centrafricains au Cameroun et en République démocratique du Congo. Par ailleurs, la crise alimentaire due aux agissements de Boko Haram a nécessité une aide au Tchad et au Cameroun. Pour l’Afrique centrale, 6,7 millions d’euros ont été alloués en 2015 et 6,1 millions d’euros en 2016.

En Afrique australe et orientale, l’aide alimentaire programmée a pu intervenir dans des zones fortement touchées par El Nino, principalement à Madagascar, en Éthiopie et dans les deux Soudan, ainsi que, dans une moindre mesure, à Djibouti, au Kenya, en Somalie, au Mozambique et en Tanzanie. Au total, 3,05 millions d’euros ont été alloués dans cette région en 2015 et 5,65 millions d’euros en 2016. En 2016, le Burundi a fait quant à lui l’objet d’une aide particulière d’un montant de 1,5 millions d’euros en faveur des populations déplacées.

L’aide alimentaire programmée a également pu être maintenue en Asie à hauteur de 2,375 millions d’euros en 2015 et 2,49 millions d’euros en 2016, avec un focus sur la Birmanie et dans la zone Amérique Centrale-Caraïbes, autre région fortement touchée par El Nino (0,8 millions d’euros en 2015 et 0,5 millions d’euros en 2016 au bénéfice de Haïti).

Les dispositifs prévus par la nouvelle convention (Comité d’aide alimentaire, élaboration de rapports annuels par chaque Partie) sont déjà en place. Il s’agit en effet des mêmes dispositifs que ceux prévus par la Convention d’aide alimentaire de 1999. Le Secrétariat du Conseil international des céréales (CIC) continue d’agir en tant que Secrétariat du Comité. Le CIC est une organisation intergouvernementale spécialisée dans les échanges de céréales et d’oléagineux. Il administre la Convention sur le commerce des céréales de 1995. Le Secrétariat du CIC assure les services administratifs du Conseil international des céréales. Il constitue une source indépendante de renseignements et d’analyses faisant autorité sur l’évolution des marchés mondiaux des céréales et des oléagineux.

Cette nouvelle convention n’entraîne aucune modification du cadre institutionnel et administratif de mise en œuvre de l’aide alimentaire. Celle-ci continue d’être affectée par le Comité interministériel de l’Aide alimentaire, qui réunit le Ministère des Affaires étrangères, le Ministère de l’Agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt, le Ministère de l’Économie et des Finances et l’Agence française de développement.

Les engagements pris par les pays donateurs et bénéficiaires en vue d’améliorer l’efficacité de l’aide au développement ont été énoncés dans la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) adoptée en 2005.

Au niveau européen, l’Union a signé la Convention relative à l’assistance alimentaire, celle-ci permettant de réaliser les objectifs relatifs à l’aide humanitaire visés à l’article 214, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. L’Union était également partie à la Convention relative à l’aide alimentaire de 1999. Les orientations de la Convention sont conformes à la politique de l’Union en matière d’assistance alimentaire, et en particulier aux Conclusions du Conseil sur l’assistance alimentaire à caractère humanitaire adoptées le 10 mai 2010.

L’aide alimentaire est par ailleurs un sujet qui figure dans l’Accord relatif à l’agriculture de l’OMC de 1994. Cet accord fixe des règles quant à sa prise en compte dans les engagements et notamment en matière de subventions à l'exportation. Il est prévu que toute question relative à ces règles soit traitée par le Comité de l'agriculture, institué en vertu de cet accord. La présente convention d’aide alimentaire n’a aucun mandat pour influer ou déroger sur les obligations figurant dans cet accord. Par ailleurs en cas de différend, c’est ce comité de l’agriculture qui reste seul compétent.

La nouvelle convention prend acte de la diversité des outils en matière d'assistance alimentaire (aide alimentaire en nature, bons d'achat, transferts monétaires, actions nutritionnelles) et encourage leur combinaison afin de mettre en place l'assistance la plus efficace et la plus efficiente possible pour faire face à une crise spécifique. Elle privilégie également le caractère humanitaire de l'assistance alimentaire puisqu'elle porte sur des activités à court terme d'un an au maximum : chaque Partie à la Convention prend un « engagement annuel minimum » exprimé en termes de valeur ou de quantité.

La convention incite désormais à fournir l'assistance alimentaire en se fondant strictement sur les besoins identifiés selon des critères objectifs et en tenant compte du contexte local. Elle encourage par ailleurs les achats d'aliments sur les marchés locaux ou régionaux. Elle prévoit enfin des outils de suivi et d'évaluation adéquats et favorise la diffusion des meilleures pratiques.

La structure de la convention se compose d’un préambule et de dix-neuf articles.

Le préambule réaffirme l'engagement des signataires à l’égard des objectifs de la convention relative à l’aide alimentaire de 1999 et rappelle le souhait des Parties d’améliorer l’efficacité et la qualité de l’assistance alimentaire. Il affirme que les États sont les premiers responsables de leur sécurité alimentaire nationale et, en conséquence, de la mise en œuvre du « droit à l’alimentation », ainsi que des stratégies nationales visant à s’attaquer aux causes de l’insécurité alimentaire.

Il se réfère par ailleurs au droit international humanitaire, aux principes humanitaires fondamentaux et aux Principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaire approuvés à Stockholm en 2003.

Il énonce également l’objectif de parvenir à la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale ainsi que l’effort pour réduire la pauvreté et éradiquer la faim, réaffirmé dans la déclaration du millénaire de l’Assemblée générale des Nations unies, dans la déclaration du sommet mondial sur la sécurité alimentaire de 2009 et dans le plan d’action du sommet mondial de l’alimentation de 1996.

Il fait également référence aux engagements pris par les pays donateurs et bénéficiaires dans le cadre de la déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement de l’OCDE en 2005.

Il rappelle enfin que les Parties agissent conformément à leurs obligations dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en particulier en matière d’aide alimentaire.

L’article 1erfixe les objectifs de la convention : sauver des vies, réduire la faim et améliorer la sécurité alimentaire et l’état nutritionnel des populations les plus vulnérables.

L’article 2 traite des principes d’assistance alimentaire qui doivent être mis en œuvre lorsque les Parties fournissent et livrent une assistance alimentaire. Il s’agit :

– des principes généraux d’assistance alimentaire (tenir compte des objectifs de réhabilitation et de développement de long terme, renforcer l’autonomie et la résilience des populations vulnérables, éviter de créer de la dépendance et réduire les éventuels impacts négatif sur les bénéficiaires, sur la production et les marchés locaux, fournir une aide sous forme de dons lorsque cela est possible) ;

– des principes d’une assistance alimentaire efficace (réduire autant que possible les coûts associés, coordonner les programmes d’assistance alimentaire avec ceux d’autres domaines connexes, promouvoir les achats locaux et régionaux, fournir une aide déliée lorsque cela est possible, éviter que l’assistance alimentaire soit utilisée pour promouvoir des objectifs économiques des Parties, éviter la réexportation de l’aide alimentaire) ;

– des principes relatifs à la fourniture de l’assistance alimentaire (bien cibler les besoins alimentaires et nutritionnels des populations vulnérables, faire participer les bénéficiaires à la conception, mise en œuvre et évaluation de l’assistance alimentaire, respecter les habitudes alimentaires locales et culturelles, ainsi que la dignité des bénéficiaires) ;

– des principes de responsabilisation en matière d’assistance alimentaire (renforcer la transparence des politiques et programmes d’assistance alimentaire, surveiller, évaluer et communiquer les résultats des programmes afin de développer davantage les bonnes pratiques et en augmenter l’efficacité).

L’article 3 porte sur la relation de la convention avec les accords de l’OMC, la convention n’ayant pas pour effet de déroger aux obligations existantes ou futures qui s’appliquent entre les Parties dans le cadre de l’OMC.

L’article 4 définit les pays, populations vulnérables, produits, activités admissibles et les coûts associés. Les pays admissibles constituent l’ensemble des pays inscrits sur la liste des bénéficiaires de l’aide publique au développement établie par le Comité d’aide au développement de l’OCDE, et de tout autre pays désigné dans les règles de procédure. Les populations vulnérables admissibles correspondent aux populations vulnérables de tout pays admissible. Concernant les produits admissibles, il s’agit des produits qui contribuent à la satisfaction des besoins alimentaires et à la protection des moyens de subsistance. Leur liste figure dans les règles de procédure. Les activités admissibles comprennent la fourniture et la distribution de produits admissibles, la fourniture de fonds en espèce et de bons d’achats, les interventions nutritionnelles. Les coûts associés sont liés à la prestation des activités admissibles.

L’article 5 porte sur l’engagement : chaque Partie doit prendre un engagement annuel en matière d’assistance alimentaire, exprimé en termes de valeur (dans une devise choisie par la Partie) ou de quantité. Les contributions réalisées dans ce cadre devraient être faites exclusivement sous forme de dons, lorsque cela est possible, et doivent être déliées. Les contributions doivent être dirigées uniquement vers des pays admissibles ou des populations vulnérables admissibles, et peuvent se faire via des organisations internationales, intergouvernementales ou d’autres partenaires en matière d’assistance alimentaire, à l’exclusion des autres Parties. Si une Partie ne remplit pas son engagement annuel, sa quotité non réalisée est ajoutée à l’engagement annuel de la Partie pour l’année suivante. Il en va de même si la Partie dépasse son engagement annuel.

L’article 6 concerne les rapports annuels et l’échange d’information. Chaque Partie doit remettre, chaque année, un rapport qui précise comment elle a rempli l’engagement annuel minimum pris au titre de la convention. Les Parties doivent échanger des informations sur leurs politiques en matière d’assistance alimentaire ainsi que sur les résultats de ces politiques.

L’article 7 porte sur le Comité de l’assistance alimentaire. Il décrit sa composition, ses fonctions, les modalités de prise de décision (par consensus) et son rôle de forum entre les Parties pour les questions relatives à l’assistance alimentaire. L’article 8 concerne le président et vice-président du Comité : il énumère les fonctions du président et les conditions de son remplacement. L’article 9 porte sur les sessions officielles et les réunions informelles : le Comité d’assistance alimentaire tient au moins une session officielle par année, et des observateurs et parties prenantes concernées peuvent y être invitées.

L’article 10 est consacré au secrétariat. Celui-ci est désigné par le Comité de l’assistance alimentaire et s’occupe des tâches administratives.

L’article 11 définit les modalités de résolution des différends qui incombe au Comité de l’assistance alimentaire de résoudre.

Les articles 12 à 18 concernent les modalités d’adhésion et de retrait de la convention, qui est ouverte à l’adhésion de tout État ou de territoire douanier distinct. Le dépositaire de la convention est le secrétaire général des Nations unies.

Cette convention dispose que chaque Partie accepte de prendre un engagement annuel minimum en matière d’assistance alimentaire. Par ailleurs, dans l’hypothèse où cet engagement, ne serait pas tenu, il sera reporté sur l’année suivante (sauf circonstances extraordinaires). Ainsi l’engagement, de nature obligatoire représente bien une charge financière directe et immédiate pour l’État, qui dépasse manifestement les dépenses de fonctionnement courant incombant à l’administration. Dès lors, la convention engage les finances de l’État, elle est donc soumise au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.

CONCLUSION

La Convention relative à l’assistance alimentaire a été signée par la France le 2 novembre 2012 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2013. La Convention compte actuellement quatorze signataires : l’Australie, l’Autriche, la Bulgarie, le Canada, le Danemark, les États-Unis d’Amérique, la Finlande, la France, la Grèce, le Japon, le Luxembourg, le Portugal, la Suisse et l’Union européenne. L’article 15 de la Convention prévoyait son entrée en vigueur à cette date si, au 30 novembre 2012, cinq des signataires avaient déposé leur instrument de ratification, d'approbation ou d'acceptation. Six signataires avaient déposé leur instrument de ratification, d'approbation ou d'acceptation au 30 novembre 2012 : l’Union européenne, le Canada, le Danemark, le Japon, la Suisse et les États-Unis). L’Australie, l’Autriche, l’Espagne, la Fédération de Russie, la Finlande, le Luxembourg, la Slovénie et la Suède avaient également déposé leur instrument de ratification, d'approbation ou d'acceptation au 10 novembre 2016.

La présente convention ne modifie en rien la politique française d’assistance alimentaire de la France. Elle permet en revanche d’accompagner l’évolution de l’assistance alimentaire internationale vers des pratiques plus efficaces et moins génératrices d’effets indésirables et imprévus.

Votre rapporteur recommande par conséquent d’approuver ce projet de loi.

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EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 15 novembre 2016, à 16 heures 30.

Après l’exposé du rapporteur et suivant son avis, la commission adopte le projet de loi n° 1962 sans modification.

ANNEXE :
AUDITIONS

Néant

ANNEXE :

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de la convention relative à l’assistance alimentaire, signée à New York le 2 novembre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1962)

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