N° 4217 - Rapport de Mme Linda Gourjade sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’avenant portant première modification à l’entente en matière de sécurité sociale du 17 décembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec et de l’avenant portant seconde modification au protocole d’entente du 19 décembre 1998 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération (n°4121).




N
° 4217

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 novembre 2016

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation de l’avenant portant première modification à l’entente en matière de sécurité sociale du 17 décembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec et de l’avenant portant seconde modification au protocole d’entente du 19 décembre 1998 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération

PAR Mme Linda GOURJADE

Députée

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 4121.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE PROXIMITÉ CULTURELLE, POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE ENTRE LA FRANCE ET LE QUÉBEC, QUI SE TRADUIT PAR UNE FORTE PRÉSENCE DE NOS RESSORTISSANTS 7

A. DES RELATIONS POLITIQUES INTENSES FACILITÉES PAR LA PROXIMITÉ CULTURELLE 7

B. DE SOLIDES LIENS ÉCONOMIQUES 8

C. UNE FORTE PRÉSENCE DES RESSORTISSANTS FRANÇAIS ET QUEBECOIS EN CROISSANCE 9

1. Les migrations franco-québécoises : un enjeu démographique pour le Québec 9

2. La présence de la communauté française au Québec 10

3. Des mobilités étudiantes croissantes mais toujours asymétriques 10

II. DES ACCORDS SPÉCIFIQUE DE SÉCURITÉ SOCIALE ONT ÉTÉ SIGNÉS ENTRE LA FRANCE ET LE QUÉBEC 12

A. LES SPÉCIFICITÉS DU RÉGIME DE PROTECTION SOCIALE QUÉBÉCOIS 12

1. Le partage des compétences entre le Québec et le Canada 12

2. L’articulation des coopérations franco-québécoise et franco-canadienne en matière de sécurité sociale 13

a. Le contexte « délicat » des relations triangulaires entre la France, le Québec et le Canada 13

b. Une bonne coordination des coopérations de sécurité sociale 13

B. LES ACCORDS EXISTANTS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ SOCIALE ENTRE LA FRANCE ET LE QUÉBEC 14

1. L’entente de sécurité sociale du 12 février 1979 14

2. Le protocole d’entente du 19 décembre 1998 dit protocole « étudiants » 14

3. Les effets de l’entente et du protocole d’entente pour nos ressortissants au Québec 15

C. LES AVENANTS PORTANT MODIFICATIONS DE L’ENTENTE ET DU PROTOCOLE : AMÉLIORATION ET ACTUALISATION DES ACCORDS DE SÉCURITÉ SOCIALE ENTRE LA FRANCE ET LE QUÉBEC 15

1. Une adaptation nécessaire suite à l’évolution des régimes de sécurité sociale Français et québécois 15

2. L’extension du champ d’application territoriale et personnel de l’entente et du protocole d’entente 16

a. L’extension à Saint-Pierre-et-Miquelon 16

b. L’extension aux post-doctorants 17

3. L’amélioration des échanges d’information entre la France et le Québec en matière de sécurité sociale 17

4. Les autres dispositions prévues par les avenants 18

a. Modifications prévues par l’avenant portant première modification à l’entente en matière de sécurité sociale 18

b. Modifications prévues par l’avenant portant seconde modification au protocole d’entente 19

CONCLUSION 21

ANNEXE N° 1 : AUDITIONS 23

EXAMEN EN COMMISSION 25

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 27

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Notre commission est saisie de deux projets de loi visant à autoriser l’approbation de deux avenants aux textes qui régissent aujourd’hui les relations entre la France et le Québec en matière de sécurité sociale.

Le premier avenant modifie l’entente en matière de sécurité sociale signée le 17 décembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec, entré en vigueur en décembre 2006. Il vise à tenir compte des réformes des prestations familiales et de la protection universelle maladie intervenues au Québec et en France. Il étend également le champ d’application territorial et personnel de l’accord de 2003, notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le deuxième avenant modifie quant à lui le protocole d’entente du 19 décembre 1998 entre le Gouvernement de la République française et
le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale
des élèves et étudiants et des participants à la coopération. A l’instar du premier accord, celui-ci vise à étendre le champ territorial et personnel de l’accord de 1998, mais également à tenir compte de la réforme de l’assurance maladie universelle tenue en France, et à moderniser les modalités de protection des données personnelles.

Après avoir rappelé l’étroitesse des liens et l’importance des flux de population entre la France et le Québec, votre rapporteure détaillera les stipulations des deux avenants, au demeurant de facture classique.

La France et le Québec entretiennent des liens uniques, forgés par le partage d’une langue et d’une histoire commune, et par la proximité de leurs positions sur de nombreux sujets politiques.

En raison de ces liens, la France est le seul Etat à avoir des relations « directes et privilégiées » avec le gouvernement québécois depuis 1968. Le Québec est la seule entité fédérée dans le monde avec laquelle la France entretient des liens de cette nature. Le Consulat général de France à Québec et la Délégation générale du Québec à Paris (DGQP) disposent de compétences proches de celles d’ambassades et ont un rôle d’impulsion et d’animation des relations bilatérales.

La relation politique est institutionnalisée, depuis 1977, par la pratique des rencontres alternées des Premiers ministres, tous les deux ans, qui donnent lieu à la signature d’un relevé de décisions fixant les priorités de la relation et de la coopération bilatérales.

Lors de sa visite d’État au Canada (2 – 4 novembre 2014), le Président de la République a consacré une part substantielle de son déplacement au Québec, au terme duquel a été rappelée la spécificité de la relation franco-québécoise. Le Premier ministre du Québec, Philippe Couillard (Parti libéral du Québec, fédéraliste), élu le 7 avril 2014, a effectué son premier déplacement en France à l’occasion de la 18ème Rencontre alternée des Premiers ministres français et québécois (2-6 mars 2015). La 19ème Rencontre alternée s’est tenue à Québec les 13 et 14 octobre 2016 et a permis de mettre une fois de plus en évidence l’importance et la spécificité de la relation bilatérale.

La Rencontre alternée de mars 2015 a acté le principe d’une coopération accrue dans le domaine de la recherche (réflexion en vue de la création d’un institut maritime, coopération sur le Plan Nord). Lors de la Rencontre alternée d’octobre 2016, les perspectives de coopération dans les domaines maritime et numérique, ainsi que dans le domaine culturel et éducatif en Afrique ont été évoquées.

Par ailleurs, les relations entre la France et le Québec s’appuient sur un corpus de plus de soixante « ententes bilatérales », signées entre les deux gouvernements, qui couvrent un large spectre de domaines. La France et le Québec ont ainsi établi, à partir de 1965, une coopération fondée sur le financement conjoint de projets, sur des thèmes définis lors des rencontres ministérielles précédemment évoquées. La coopération franco-québécoise s’appuie notamment sur des organismes spécialisés, tels que l’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ), et le Conseil franco-québécois de coopération universitaire (CFQCU).

La coopération décentralisée est en essor. Les échanges entre collectivités territoriales françaises et québécoises se sont considérablement développés depuis plusieurs années, grâce au « Fonds franco-québécois pour la coopération décentralisée » (FFQCD), mis en place en 2005. La coopération décentralisée s’est ouverte en 2011 à des opérations en pays-tiers avec le lancement d’un appel à projets en Haïti.

La coopération scientifique et universitaire est dense. La plupart des actions cofinancées à parité avec la partie québécoise ont pour vocation de structurer les partenariats : création de cursus intégrés et de laboratoires conjoints, programmes de thèses en cotutelle (plus de 3000 soutenues à ce jour), mobilité des enseignants, organisation de colloques et manifestations scientifiques. Si cette coopération a longtemps pu s’appuyer sur un accord prévoyant une exemption tarifaire pour les étudiants français au Québec (droits de scolarité alignés sur le tarif québécois), la remise en cause de ce dispositif par le gouvernement du Québec a conduit la France et le Québec à conclure un nouvel accord le 6 mars 2015. Celui-ci se traduit par un alignement des frais des étudiants français nouvellement inscrits dans un programme de premier cycle québécois sur ceux dont doivent s’acquitter les étudiants canadiens (hors Québec) à compter de la rentrée 2015. L’accord prévoit en revanche le maintien de frais de scolarité similaires aux étudiants québécois pour les étudiants français en 2ème et 3ème cycle, ainsi que pour tous les étudiants français résidant à St-Pierre-et-Miquelon.

La coopération culturelle franco-québécoise est particulièrement intense dans tous les domaines de la création artistique contemporaine. Elle repose sur une logique de partenariats avec les nombreux opérateurs culturels et artistiques locaux. Le Québec est le premier marché d’exportation des industries culturelles françaises. Aujourd’hui, l’accent est mis sur la recherche de nouveaux partenariats, et les projets de co-création à haut niveau.

La relation franco-québécoise s’appuie également sur de solides liens économiques.

Les exportations françaises vers le Québec ont atteint 3 milliards d’euros en 2015, soit une progression de 27 % par rapport à l’année précédente. La France occupe désormais le 5ème rang des fournisseurs du Québec, avec une part de marché de 3,6%. Elle est le troisième client du Québec (1,4 milliards d’euros en 2015). 44% des produits français exportés en 2015 vers le Canada sont destinés au Québec et 43 % des exportations canadiennes vers la France proviennent du Québec.

Les échanges franco-québécois sont marqués par la prédominance du secteur des « matériels de transport » et des « machines et appareils », suivi des « produits chimiques et pharmaceutiques » qui ont connus une baisse significative en 2015 (-14%). La France exporte également de l’agroalimentaire (vins et fromages), de la parfumerie-cosmétique et des produits d’édition. Outre l’aéronautique, les exportations du Québec vers la France sont axées sur les demi-produits (aluminium, pâte à papier, papier journal) et les minerais.

Par ailleurs, depuis 2011, la France est, en flux, le premier investisseur étranger au Québec, le deuxième en stock. La province accueille les trois quarts des filiales françaises implantées au Canada. Ces 400 implantations (Air Liquide, Bolloré, EDF, Ubisoft, Alstom, etc.) génèrent plus de 30 000 emplois. 160 entreprises québécoises sont implantées en France, dont plusieurs grands groupes : Bombardier (aéronautique, construction ferroviaire), Cascades (papier), Québecor (imprimerie). Elles ont créé plus de 10 000 emplois.

Les questions économiques et commerciales sont évoquées lors des réunions annuelles du Groupe franco-québécois de coopération économique (GFQCE). La France et le Québec se sont lancés en 2013 sur un nouveau terrain d’échanges économiques, dans le cadre du développement nordique québécois (secteurs des mines, des énergies renouvelables et de l’aménagement numérique) et de l’électrification des transports.

L’immigration internationale est un enjeu d’importance majeure pour le Québec qui fait face à une natalité insuffisante et à une progression régulière du nombre de décès. Par ailleurs, des déficits sont constatés dans les migrations interprovinciales : davantage d’habitants quittent le Québec pour le reste du Canada que l’inverse. À cela s’ajoutent les départs à la retraite des « baby-boomers ».

Le Québec se caractérise donc par un fort besoin de main d’œuvre et cible sa politique d’immigration notamment sur les candidats jeunes, polyvalents, qualifiés, ayant des enfants et connaissant le français.

En 2014, les personnes nées en France constituaient ainsi le deuxième groupe national parmi les nouveaux immigrants au Québec. Elles constituent le premier groupe d’immigrants dans la ville de Québec et sa région. Cette communauté importante a connu une forte progression depuis dix ans, à l’exception du ralentissement enregistré entre 2009 et 2012.

Le pouvoir d’attraction du Québec est dû notamment au discours sur la qualité de vie sur place et les possibilités d’emplois qui y sont offertes, relayé par les médias. L’immigration française dans cette province est encouragée également par la mise en place d’ententes entre les deux gouvernements, par la reconnaissance d’acquis professionnels dans de nombreux secteurs professionnels, et des facilités en matière de couverture sociale.

Administrativement, la présence de la communauté française peut se décomposer de la manière suivante :

– les français inscrits au registre des français de l’étranger : en juin 2016, la communauté française de la circonscription consulaire de Québec s’élève potentiellement à 18 271 personnes, dont 10 720 inscrits valides pour la circonscription consulaire du Consulat général de France à Québec. Depuis 2002, cette communauté a doublé ;

– les personnes non inscrites : de nombreux ressortissants français n’ont pas le sentiment d’être en terre étrangère au Québec et ne s’inscrivent pas au registre consulaire. Ainsi, le nombre des Français présents au Québec est conventionnellement estimé à minima au double du nombre d’inscrits soit plus de 20 000 personnes ;

– les nouveaux immatriculés : les nouveaux inscrits en 2015 sont au nombre de 832, et représentent moins de 5 % de l’ensemble de la communauté. Ils arrivent en majorité de France. Ils peuvent toutefois avoir attendu plusieurs années avant de s’inscrire au registre consulaire ;

– les Français expatriés radiés : les radiations du registre intervenues en 2015 sont au nombre de 458 et sont dues au non renouvellement de l’inscription, au départ de la circonscription consulaire ou au décès (19 personnes).

S’agissant des traits caractéristiques de la communauté française au Québec, il convient de souligner qu’elle est composée de personnes relativement jeunes, avec une moyenne d’âge de 38 ans.

Les moins de 18 ans représentent 18 % des inscrits, les adultes de moins de 60 ans 66 % et les plus de 60 ans, 16 %.

Il faut rappeler que ces mobilités sont facilitées par un grand nombre d’accords universitaires bilatéraux (de l’ordre du millier).

En termes de mobilité entrante, la France est le 4ème pays d’accueil des étudiants canadiens, dont 55 % de Québécois. Le nombre d’étudiants québécois en France, qui avait stagné depuis le début des années 2000, est de nouveau en croissance, à hauteur de 7% par an.

Les étudiants français représentent quant à eux la deuxième population d’étudiants étrangers présents sur le territoire canadien, après la Chine et devant les Etats-Unis. Le Québec accueille 90 % des étudiants français qui viennent au Canada. Entre 2008 et 2014, le nombre d’étudiants français a progressé de plus de 10% par an en moyenne, ce qui est considérable en comparaison avec la croissance de la population étudiante issue d’autres pays (environ 5,5 %).

Les flux sont très asymétriques. En 2013, l’on comptait ainsi environ 10 000 étudiants français au Québec, contre un peu plus de 1 100 étudiants québécois en France.

La présence de ressortissants au Québec et en France, notamment d’étudiants, et les liens économiques et politiques qui nous unissent, sont venues justifier la négociation d’accords spécifiques en matière de sécurité sociale entre notre pays et la province canadienne. Ces accords sont en effet essentiels pour faciliter les migrations, garantir la protection sociale de nos ressortissants, et ainsi entretenir les relations franco-québécoises. Le maintien de ces relations explique aujourd’hui le souhait d’une actualisation de ces accords par les deux avenants faisant l’objet de ce projet de loi.

La relation entre la France et le Québec en matière de sécurité sociale complète la coordination de sécurité sociale existante avec le Canada, qui ne couvre que les questions à compétence fédérale. En effet, la province de Québec dispose d’une compétence particulière en matière d’assurance maladie et maternité, d’invalidité, d’accidents du travail, de maladies professionnelles et d’assurance vieillesse.

Au Canada, en matière sociale, le rôle de l’administration fédérale se borne pour l’essentiel aux aspects législatifs et financiers. Elle gère également certains programmes. Au Québec, les travailleurs salariés, comme les travailleurs indépendants et leurs ayants-droit, bénéficient du régime québécois de sécurité sociale sous condition de résidence.

Le gouvernement québécois comme celui des autres provinces est responsable de l’exécution des programmes d’assurance maladie. Le gouvernement fédéral verse des subventions pour aider au financement de ces régimes. Les subventions sont versées lorsque la province respecte les obligations énumérées dans la loi canadienne sur la santé (1).

Le régime d’assurance maladie du Québec relève du ministère de la santé et des services sociaux. Il est administré par la régie d’assurance maladie du Québec (RAMQ) qui gère également le régime public d’assurance médicaments.

Pour bénéficier des soins de santé, il faut être considéré comme résident au Québec (2).

Le caractère « direct et privilégié » des relations franco-québécoises a été accepté par le gouvernement fédéral du Canada en 1984. Depuis, les relations entre la France et le Québec demeurent un sujet d’attention des autorités canadiennes, et fluctuent selon les alternances politiques.

Le succès du parti Libéral du Québec, plus fédéraliste, aux dernières élections générales de 2014 démontre le rejet actuel de toute perspective de référendum sur la souveraineté par une majorité de la population québécoise qui, cependant, reste sensible à l’identité du Québec au sein du Canada.

Les libéraux de M. Couillard restent eux cependant sensibles à la préservation du lien étroit que le Québec entretient directement avec la France, son principal partenaire sur le plan international. Ils savent que l’opposition souverainiste et les milieux nationalistes ne manqueraient pas de critiquer tout recul de Québec sur ce terrain. Cette relation peut aussi leur servir face à Ottawa. C’est également pour cette raison que les autorités canadiennes demeurent et demeureront attentives à toute évolution de cette relation.

La coopération franco-québécoise ne remet en cause ni les relations que nous entretenons avec le Canada, ni les accords signés avec ce dernier. Les accords avec la province se placent davantage dans une volonté de complémentarité étant donné de la nature fédérale du Canada et de nos liens avec le Québec.

Ainsi, en matière de sécurité sociale, la France, signataire de 41 accords de sécurité sociale à ce jour, est liée à la fois à l’Etat fédéral canadien et à la province du Québec. Cette situation s’explique par la répartition des compétences qui prévaut au Canada en matière de sécurité sociale exprimés ci-dessus.

Néanmoins, par dérogation à ce principe, la province du Québec dispose également de compétences spécifiques relatives aux assurances invalidité et vieillesse. C’est ainsi que :

– l’accord franco-canadien du 9 février 1979, renégocié entre les parties et aboutissant à un nouvel accord signé le 14 mars 20133, détermine la législation applicable en cas de situation transnationale et coordonne les risques de long terme que sont la vieillesse, l’invalidité, le décès et la survie ;

– l’entente franco-québécoise du 17 décembre 2003, entrée en vigueur le 1er décembre 2006 et remplaçant l’entente conclue le 12 février 1979, prévoit quant à elle une coordination plus large en incluant toutes les branches de la sécurité sociale ;

– enfin, le protocole d’entente du 19 décembre 1998, remplaçant le protocole d’entente du 2 juin 1986, est adapté au besoin des étudiants4 et ne concerne que les assurances maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles.

Le 12 février 1979, la France a conclu une entente de sécurité sociale avec la province du Québec. Cet accord franco-québécois a été abrogé et remplacé par l’entente du 17 décembre 2003, entrée en vigueur le 1er décembre 2006. L’entente constitue un accord classique de sécurité sociale.

L’entente de sécurité sociale entre la France et le Québec est applicable aux personnes exerçant une activité salariée ou non salariée au Québec ou en France, quelle que soit leur nationalité, les fonctionnaires, ainsi que, pour l’application du chapitre relatif à l’assurance maladie maternité, toute personne assurée quelle que soit sa nationalité. Son champ d’application géographique s’étend aux départements européens et d’outre-mer français ainsi qu’au territoire québécois.

Toutes les branches d’assurance font l’objet d’une coordination dans l’entente franco-québécoise. La législation applicable est celle du territoire où est exercée l’activité professionnelle salariée ou non salariée.

En complément de l’entente et afin de faciliter les échanges entre étudiants français et québécois, la France et le Québec ont conclu le 2 juin 1986 un premier protocole d’entente, abrogé et remplacé le 19 décembre 1998 par le protocole d’entente relatif à la protection sociale des élèves, des étudiants et des participants à la coopération.

Le protocole d’entente du 19 décembre 1998 relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération a pour but de dispenser ces derniers d’affiliation dans la province ou l’État d’accueil, tout en permettant de bénéficier de la prise en charge des frais de santé pour les soins reçus sur ce dernier territoire. Les prestations ainsi servies font l’objet d’un remboursement de la part des institutions d’affiliation des intéressés. Son champ d’application géographique s’étend aux départements européens et d’outre-mer français ainsi qu’au territoire québécois.

Cette coordination ne s’applique qu’aux assurances maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles. Pour prendre en compte la spécificité du Québec, sont également mentionnées les assurances hospitalisation et médicaments, qui complètent leur assurance maladie.

En 2015, les soins de près de 11 000 ressortissants d’un régime de sécurité sociale français établis au Québec ont fait l’objet d’un remboursement par la France ; plus de 12 600 personnes perçoivent une pension vieillesse française au Québec ; 8 500 personnes sont titulaires d’une allocation retraite complémentaire française.

Le centre national des soins à l’étranger a remboursé au Québec en 2015 plus de 3,5 millions d’euros de soins de santé dans le cadre de ces deux accords et a encaissé 225 000 euros de la part du Québec.

Les principales modifications apportées par les deux avenants sont l’extension du champ d’application territoriale (à Saint-Pierre-et-Miquelon) et personnel (aux post-doctorants) de l’entente et du protocole d’entente, ainsi que les améliorations en matière d’échange d’informations entre la France et le Québec. En outre, les deux avenants prévoient une série de modifications relevant de la nécessité d’actualiser l’entente et le protocole d’entente suite à des évolutions des régimes de sécurité sociale français et québécois.

Les avenants portant modifications à l’entente et au protocole souhaitent améliorer et actualiser la coopération franco-québécoise. En particulier, en plus des évolutions intervenues en France comme en Québec en matière de sécurité sociale, cette modification est motivée par :

– les réformes des prestations familiales intervenues en France et au Québec ;

– la réforme de la protection universelle maladie en France, avec notamment la suppression de la notion d’ayant droit majeur ;

– la volonté de simplifier la liquidation des pensions d’invalidité en calant le dispositif sur celui de pensions vieillesses ;

– la modernisation des dispositions relatives à la protection des données personnelles (voir infra) ;

– l’extension du champ territorial de l’entente à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon (voir infra) ;

– l’élargissement de la définition des personnes occupant un emploi d’État au personnel diplomatique et consulaire des deux territoires dont la situation est jusqu’à présent régie par le « protocole étudiant ».

Depuis 2003, Saint-Pierre-et-Miquelon a le statut de collectivité d’Outre-Mer, régie par l’article 74 de la Constitution. La loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’Outre-Mer a défini un statut propre à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le régime de protection sociale applicable sur tout le territoire est similaire au régime métropolitain et est géré par une unique caisse : la caisse de prévoyance sociale (CPS).

Néanmoins, afin de tenir compte des particularités de l’archipel, le principe d’identité législative s’y applique. Ce principe suppose au préalable que le texte en vigueur en Métropole prévoie expressément son application à Saint-Pierre-et-Miquelon. Une fois le dispositif applicable localement, donc intégré au régime de sécurité sociale local, le principe d’identité législative peut librement produire ses effets.

Par son article 1er, qui apporte modification à l’article 1er de l’entente, l’avenant permet ainsi l’insertion de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le champ territorial de l’entente et du protocole d’entente. Cela devrait notamment faciliter la mobilité des Saint-Pierrais vers Québec en leur garantissant une protection sociale. Par ailleurs, l’accord conclu avec le Canada le 14 mars 2013, mais non encore entré en vigueur, prévoit également une extension de son champ à cette collectivité.

L’expression « post-doctorant », utilisée en France, suggère un statut de « post-étudiant » alors qu’il n’en est rien au regard du droit du travail et de la sécurité sociale. Les post-doctorants exercent des fonctions de chercheur et n’étant plus inscrits à l’université, ils ne relèvent pas du régime étudiant français de sécurité sociale. Ils peuvent être recrutés à des postes de chercheurs dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée de droit privé ou de droit public en fonction de la nature juridique de l’établissement de recherche.

En France, les post-doctorants ont donc un statut salarié alors qu’ils peuvent également être boursiers (5) au Québec.

Ainsi, les post-doctorants salariés, qu’ils viennent du Québec ou de la France, entrent dans le champ d’application personnel de l’entente et sont régis par les dispositions relatives au détachement temporaire. De même, les post-doctorants québécois qui sont en France dans le cadre de la coopération, en tant que « coopérants », sont d’ores et déjà visés par le Protocole.

Toutefois, les post-doctorants n’entrant pas dans ces deux catégories se trouvent hors du champ actuel des accords de coordination en matière de sécurité sociale entre la France et le Québec.

L’introduction de cette population dans le champ d’application du protocole d’entente par les articles 3 et 4 de l’avenant portant modification du protocole permettra ainsi d’aplanir cette disparité de traitement entre post-doctorants en leur donnant à tous, quel que soit leur statut, accès à la couverture maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles (6).

3. L’amélioration des échanges d’information entre la France et le Québec en matière de sécurité sociale

L’article 54 de l’entente prévoit des dispositions spécifiques visant la protection des renseignements personnels. Celui-ci stipule que toute « information » communiquée entre les parties est confidentielle et doit être exclusivement utilisée en vue de l’application de l’entente. Il précise également que l’accès à un dossier contenant des informations est soumis à la législation de la Partie sur le territoire de laquelle se trouve le dossier.

S’agissant du protocole d’entente, seul l’article 15 de l’arrangement administratif signé le 19 décembre 1998 fait référence à la protection de renseignements personnels. Cet article prévoit uniquement que tout renseignement fourni par les Parties est exclusivement utilisé en vue de l’application des dispositions du protocole.

La législation québécoise relative à la protection des données personnelles ayant évoluée, la commission mixte a décidé d’étoffer ces dispositions.

Les nouvelles dispositions fixent les conditions dans lesquelles les données personnelles peuvent faire l’objet d’une communication, avec ou sans consentement, de l’intéressé. Ainsi, la France et le Québec peuvent se communiquer, dans le cadre de l’Entente, des données ou renseignements personnels, avec ou sans le consentement de l’assuré concerné.

Trois cas sont prévus à cet effet : ces éléments sont nécessaires à l’exercice des attributions d’un organisme de l’un de ces territoires, leur communication est manifestement au bénéfice de la personne concernée ou celle-ci est nécessaire à l’application d’une loi au Québec ou en France.

Par ailleurs, ces territoires peuvent utiliser les informations recueillies, avec ou sans le consentement de l’intéressé, dans trois cas particuliers : une utilisation manifestement au bénéfice de l’intéressé, la nécessité d’appliquer une loi ainsi qu’une utilisation compatible ayant un lien direct et pertinent avec l’objectif selon lequel la donnée a été recueillie.

Outre les articles précités, l’avenant apporte un certain nombre de modifications, notamment afin d’actualiser l’entente en matière de sécurité sociale face à l’évolution des régimes québécois et français.

L’article 2 apporte des modifications au paragraphe 1 de l’article 2 de l’entente portant sur son champ d’application matériel, en introduisant la législation applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon et en supprimant les références aux prestations familiales au Québec. En effet, celles-ci ont été remplacées par un crédit d’impôt.

L’article 3 apporte une précision au paragraphe 2 de l’article 9 de l’entente, lequel prévoit la législation applicable aux personnes exerçant une double activité à la fois en France et au Québec. Cette précision concerne les personnes exerçant habituellement une activité salariée sur l’un des deux territoires et, simultanément, une activité non salariée sur l’autre territoire, dont la durée est inférieure à 3 mois et pour laquelle elles sont exemptées du versement de contributions ou de cotisations. Les conditions d’appréciation de cette période sont précisées et celle-ci doit être comprise dans la même année civile que l’activité salariée habituelle.

En modifiant les articles 14 et 16 de l’entente, les articles 4 à 7 refondent le mode de calcul des pensions d’invalidité sur le modèle de calcul des pensions de vieillesse et de survivants. Cette refonte a pour effet de créer un unique chapitre pour les pensions de vieillesse de survivants et d’invalidité et d’abroger ainsi le chapitre 2 du titre III de l’entente.

Ceci conduit à modifier le champ d’application matériel en ajoutant les pensions d’invalidité dans l’article 14 de l’entente (article 5). Les règles de totalisation des périodes d’assurance des pensions de vieillesse sont étendues aux pensions d’invalidité à des fins de simplification, en maintenant toutefois des dispositions spécifiques nécessaires à l’examen des droits au titre de l’invalidité.

L’article 8 prévoit les dispositions transitoires entre l’ancien système de calcul des pensions d’invalidité et le nouveau : les titulaires d’une pension d’invalidité verront leur prestation recalculée à la faveur du nouveau dispositif. Si le montant de la pension d’invalidité résultant de ce calcul est supérieur au montant actuel, ce mode de calcul leur sera applicable. Dans le cas contraire, leur pension d’invalidité originale sera maintenue.

L’article 9 abroge les articles 46 et 47 de l’entente, portant sur des dispositions désormais obsolètes relatives aux pensions d’invalidité et aux prestations familiales concernant le Québec.

L’article 10 remplace les dispositions de l’article 48 de l’entente par une nouvelle rédaction, qui maintient l’octroi des prestations familiales aux personnes relevant de la législation française (travailleurs détachés au Québec).

L’article 11 modifie l’article 49 de l’entente, relatif à l’arrangement administratif, en mettant au pluriel les organismes de liaison mentionnés.

L’article 12 procède à la réécriture de l’article 53 de l’entente, relatif aux expertises et contrôles sur les bénéficiaires des dispositions de l’entente. Dorénavant, outre les expertises et contrôles, l’institution compétente de l’une des deux parties peut solliciter auprès de l’institution compétente de l’autre partie la fourniture de documents médicaux concernant les bénéficiaires de l’entente résidant sur son sol.

L’article 14 modifie l’article 57 de l’entente, lequel prévoit les dispositions relatives au remboursement entre institutions, notamment des coûts des expertises effectuées à la demande de l’institution compétente de l’autre partie. Ces remboursements sont élargis aux coûts des contrôles également demandés.

L’article 15 est consacré aux dispositions finales ainsi qu’à l’entrée en vigueur de l’avenant.

L’article 1er remplace les dispositions de l’article 1er du protocole d’entente, lequel définit les expressions utilisées dans ce dernier, en précisant certaines définitions en supprimant des expressions, notamment la définition des agents publics au service de l’un ou l’autre des Gouvernements, ou en ajoutant d’autres, comme la définition des post-doctorants dont la situation est désormais encadrée juridiquement. Cet article prévoit l’élargissement du dispositif à tout étudiant quelle que soit sa nationalité, pourvu qu’il ait un lien avec la législation québécoise ou française de sécurité sociale.

L’article 2 prend en compte la suppression de la notion d’ayant droit majeur, issue de la réforme de la protection universelle maladie, en remplaçant les mots « ayants droit » par les mots « membres de la famille », mentionnés dans plusieurs articles du protocole d’entente.

L’article 5 met en oeuvre la levée de la condition de nationalité en remplaçant toutes les mentions relatives à la nationalité des bénéficiaires du protocole d’entente par la notion d’affiliation à l’un des régimes de sécurité sociale visés par le champ matériel.

L’article 6 abroge l’article 6 du protocole d’entente portant sur les fonctionnaires, cette catégorie étant dorénavant régie par l’entente.

L’article 7 apporte une modification de forme à l’article 7 du protocole d’entente.

L’article 8 tient compte du fait que l’établissement public Campus France, qui encadre la protection sociale des stagiaires québécois, ne gère que les stagiaires titulaires d’une bourse délivrée par le Gouvernement de la République française.

Les articles 9 et 10 ajoutent les articles 9.1 et 12.1 au protocole d’entente. Ces nouveaux articles prévoient les conditions dans lesquelles s’opère la prise en charge de la couverture maladie et de la couverture en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles des post-doctorants.

L’article 12 est consacré aux dispositions finales ainsi qu’à l’entrée en vigueur de l’avenant.

CONCLUSION

Les deux accords soumis à l’approbation de la commission des affaires étrangères traduisent le même souci de renforcer les relations humaines et économiques entre la France et le Québec.

En facilitant la mobilité professionnelle, ces avenants devraient permettre d’améliorer l’attractivité de notre territoire pour les Québécois. Ils devraient par ailleurs faciliter les échanges entre universités françaises et québécoises et ouvrir de nouvelles perspectives à nos étudiants qui souhaitent poursuivre leur cursus au sein l’enseignement supérieur québécois.

C’est pourquoi votre rapporteure émet un avis favorable à l’adoption des deux projets de loi visant à autoriser l’approbation de ces accords.

ANNEXE N° 1 :
AUDITIONS

Néant

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 15 novembre 2016, à 16 heures 30.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Stéphane Claireaux. Je voulais remercier la rapporteure pour son travail. Ces deux avenants sont très attendus par les Saint Pierrais et les Miquelonais, notamment ceux qui partent au Québec. C’est un travail de longue haleine, initié depuis 2007 par Annick Girardin, mon prédécesseur. C’est une véritable avancée notamment pour les étudiants de l’archipel qui sont de plus en plus nombreux à aller étudier dans la belle province. Je suis donc favorable à ces deux avenants.

Le travail n’est pas terminé, car comme évoqué dans ma question au gouvernement, la France devrait signer ce type d’accord avec d’autres provinces atlantiques canadiennes comme le nouveau Brunswick, la Nouvelle Ecosse, et Terre-Neuve-et-Labrador. Nos compatriotes de Saint Pierre et Miquelon se rendent aussi dans ces provinces canadiennes et il est important qu’ils soient couverts et puissent bénéficier des prestations de sécurité sociale.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi n° 4121 sans modification.

ANNEXE :

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article 1er

Est autorisée l’approbation de l’avenant portant première modification à l’entente en matière de sécurité sociale du 17 décembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec, signé à Québec le 28 avril 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article 2

Est autorisée l’approbation de l’avenant portant seconde modification au protocole d’entente du 19 décembre 1998 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération, signé à Québec le 28 avril 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 4121)

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