N° 4259 - Rapport de M. Pierre-Yves Le Borgn' sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro (n°4148).




N
° 4259

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 novembre 2016

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro,

PAR M. Pierre-Yves LE BORGN’

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 4148.

SOMMAIRE

___

Pages

I. LE RÉSULTAT D’UN PROCESSUS SANS HEURT : LE RAPPROCHEMENT DU MONTÉNÉGRO AVEC L’OTAN ET L’UNION EUROPÉENNE DEPUIS SON INDÉPENDANCE EN 2006 7

A. UNE SÉPARATION PACIFIQUE AVEC LA SERBIE 7

B. UN RAPPROCHEMENT CONSTANT AVEC LA ZONE EURO-ATLANTIQUE 7

1. L’OTAN 7

2. Des négociations d’adhésion à l’Union européenne en cours depuis 2012 8

C. UN PROCESSUS QUI N’A PAS ÉTÉ REMIS EN CAUSE PAR LES DERNIÈRES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES 9

II. UNE ADHÉSION FONDÉE 11

A. UN PROTOCOLE QUI NE SOULÈVE AUCUNE DIFFICULTÉ 11

1. Un texte classique 11

2. Treize ratifications déjà intervenues parmi les membres de l’OTAN 11

3. Une ratification parlementaire prévue au Monténégro 12

B. UNE DEMANDE JUSTIFIÉE 12

1. L’article 10 du traité de Washington et la déclaration du sommet du pays de Galles 12

2. Les modalités d’accession 13

3. Des forces de défense à proportion du pays, mais déjà engagées dans la coopération 13

a. Des forces très modestes encore en cours de modernisation 13

b. Un pays contributeur aux opérations de l’OTAN et de l’Union européenne 14

c. Une coopération bilatérale avec la France en plein essor 15

C. DES CONSÉQUENCES TRÈS LIMITÉES 15

1. Le 29e membre, mais aussi le plus modeste, d’une Alliance purement défensive 15

2. L’absence d’implication sur les demandes des autres pays candidats et sur le cas de l’Ukraine 16

a. Une prudence dans la politique de la porte ouverte, de la part de l’OTAN 16

b. L’Ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM) 17

c. La Bosnie-Herzegovine 17

d. La Géorgie 17

e. Le cas spécifique de l’Ukraine 18

3. Une adhésion qui ne peut être qualifiée de provocation vis-à-vis de la Russie 19

D. L’ABSENCE D’INTERFÉRENCE AVEC LE POSITIONNEMENT DE LA FRANCE AU SEIN DE L’OTAN 20

E. UN MESSAGE DE PAIX ET DE STABILITÉ ESSENTIEL POUR LA RÉGION DES BALKANS OCCIDENTAUX 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 29

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 31

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’Alliance atlantique a été fondée en 1949 au début de la guerre froide, par le traité de Washington, pour impliquer les États-Unis et le Canada dans la défense de l’Europe occidentale contre le risque d’une expansion militaire de l’Union soviétique. Douze États en sont membres fondateurs : la Belgique, le Danemark, la France, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada.

La Grèce et la Turquie ont adhéré à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en 1952. L’Allemagne y a adhéré en 1955 et l’Espagne en 1980.

L’Alliance a été fondée sur deux principes cardinaux et immuables : son caractère strictement défensif ; la clause d’assistance mutuelle de l’article 5, qui s’inscrit par conséquent dans le seul exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations unies, et qui prévoit qu’une attaque armée dirigée contre l’un de ses membres est considérée comme une attaque contre l’ensemble de ses membres.

L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a survécu à la chute du Mur de Berlin, car elle a su se transformer et ajouter à la mission de défense collective de ses membres la dimension nouvelle des opérations de stabilisation et de gestion de crise et établir avec les pays tiers, notamment ceux de son voisinage, une démarche de partenariat.

En même temps qu’elle s’est élargie aux pays d’Europe centrale et orientale à partir de 1999, passant à vingt-huit membres en 2009 , l’OTAN a su devenir un instrument de stabilité incarné par différentes opérations dont la plus importante est intervenue en Afghanistan. En 2003, en effet, elle a pris le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), déployée depuis 2001 au titre de la résolution 1384 du Conseil de sécurité de l’ONU et chargée d’assister les autorités afghanes, parallèlement à l’opération Enduring Freedom menée par les États-Unis.

Le concept stratégique actuel, adopté lors du Sommet de Lisbonne en 2010, définit ainsi les trois missions essentielles de l’Alliance : la défense collective et la dissuasion, la gestion de crise et la sécurité coopérative, qui est fondée sur le dialogue et la coopération, notamment les partenariats, avec des pays tiers et d’autres organisations, au premier rang desquels l’Union européenne.

L’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale de l’ancien bloc soviétique s’est faite en trois phases : en 1999, elle a concerné la Pologne, la République tchèque et la Hongrie ; en 2004, la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Slovénie, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie ; en 2009, la Croatie et l’Albanie.

Chaque protocole permettant l’adhésion de l’un de ces nouveaux États a été soumis au Parlement en vue de sa ratification en France, en raison de l’importance politique de tout élargissement de l’OTAN résultant de l’obligation de l’article 5.

De même que l’élargissement de l’Union européenne, l’élargissement de l’OTAN a laissé à l’écart, au cœur de l’Europe, les États des Balkans occidentaux.

Sont ainsi restés à part les pays qui ont été le plus marqués par l’éclatement de l’ex-Yougoslavie : la Bosnie-Herzégovine, l’Ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM), le Kosovo, la Serbie et le Monténégro.

Le présent projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro, présente ainsi un enjeu certes limité, puisqu’il ne concerne qu’un pays de 13 812 kilomètres carrés, de 620 000 habitants et dont le PIB s’élève à 3,6 milliards de dollars, mais il envoie un message de stabilité, de paix et de développement qui va au-delà de la faculté pour les pays des Balkans occidentaux d’entrer dans l’espace de sécurité euro-atlantique dès lors qu’ils le souhaitent et qu’ils en remplissent les conditions.

En l’absence d’enjeu géostratégique majeur et en raison des démarches engagées en parallèle en vue d’une adhésion à l’Union européenne, c’est un message qui est particulièrement bienvenu dans une région qui n’a que trop souffert au cours de son histoire, à la jonction entre plusieurs lignes de séparation : la division entre l’Empire romain d’Occident et l’Empire romain d’Orient, par Dioclétien en 285-286 ; la confluence des mondes slaves, grecs et latins dans le Haut-Moyen Âge ; la schisme religieux entre les catholiques et les orthodoxes en 1054 ; les avancées et reculs de l’Empire ottoman ; les luttes d’influence autrichiennes, russes et italiennes à la faveur de ce recul.

C’est dans cette perspective que votre rapporteur se prononce en faveur de l’adoption du présent projet de loi.

Le Monténégro a une identité propre provenant de son histoire antérieure à son intégration dans l’Empire ottoman.

Il a accédé à l’indépendance en 1878 à l’occasion du Congrès de Berlin, où il a été pris acte du recul de cet empire, militairement défait.

Il a été réuni à la Serbie assez tard, le 13 novembre 1918, à la faveur de sa libération par les troupes serbes et du départ des troupes d’occupation austro-hongroises qui y stationnaient depuis janvier 1916. Une assemblée a en effet démis le roi, alors en France comme chef d’État d’un pays allié occupé, et a voté cette unification.

Dans le cadre de la reconstruction de la Yougoslavie en 1945, le pays a cessé d’être un territoire de la Serbie et est devenu l’une des républiques fédérées de cet État. Au début des années 1990, contrairement aux autres républiques fédérées, il n’a pas pris son indépendance, constituant en 1992 avec la seule Serbie l’une des deux républiques constitutive de la troisième Yougoslavie.

En dépit de leur proximité linguistique et culturelle, les différences de l’histoire ont primé et les deux pays se sont séparés pacifiquement. Le peuple monténégrin s’est prononcé en faveur de l’indépendance le 21 mai 2006, par 55,5% des voix, après presque quatre-vingt-huit ans d’union avec la Serbie. Effective le 3 juin 2006, cette indépendance a été reconnue peu après par la Russie, puis par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, et ensuite, à la mi-juin, par la Serbie.

Cette séparation pacifique est un élément suffisamment rare dans la région des Balkans occidentaux pour ne pas devoir être soulignée.

Le Monténégro a manifesté au lendemain de son indépendance, en juin 2006, sa volonté de se rapprocher de l’OTAN.

Il a en effet adhéré dès décembre 2006 à la convention sur le statut des forces (SOFA) du Partenariat pour la paix (PPP) – convention entre les parties au traité de l’Atlantique Nord et les autres États participant au partenariat pour la paix du 19 juin 1995, facilitant la coopération et la tenue d’exercices dans le cadre du programme du PPP. Le sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008 a salué sa décision d’établir avec l'OTAN un plan d'action individuel pour le Partenariat (IPAP).

Manifestant la volonté d’aller au-delà, le Monténégro a été invité à rejoindre le Plan d’action pour l’adhésion (MAP) en décembre 2009.

Les progrès constants dans sa mise en œuvre ont été salués lors des sommets de Lisbonne en 2010 et de Chicago en 2012.

Le sommet du Pays de Galles de septembre 2014 a ouvert un dialogue renforcé avec le Monténégro en vue de permettre aux membres de se prononcer sur l’opportunité d’inviter le pays à adhérer à l’OTAN avant la fin de l’année 2015.

Les négociations d’adhésion du Monténégro à l’Union européenne ont été ouvertes, le 29 juin 2012, sur la base d’une « Nouvelle approche » reposant sur des exigences renforcées en matière d’État de droit et de lutte contre la criminalité organisée.

Les chapitres 23 (« pouvoir judiciaire et droits fondamentaux ») et 24 (« justice, liberté et sécurité »), relatifs à l’Etat de droit, sont prévus pour être ouverts très en amont et refermés à la toute fin des négociations. Conformément aux principes de cette approche, ce sont les avancées réalisées sur ces questions qui devront déterminer le rythme d’avancée des négociations. Le Monténégro est le premier pays pour lequel cette « Nouvelle approche » a été appliquée.

Les négociations se poursuivent à un rythme satisfaisant.

Depuis qu’elles ont été engagées, 24 chapitres sur les 35 que compte l’acquis européen ont été ouverts. Deux ont pu être fermés. Conformément à la « Nouvelle approche », les chapitres 23 (« pouvoir judiciaire et droits fondamentaux ») et 24 (« justice, liberté et sécurité ») ont été ouverts parmi les premiers, en décembre 2013, et font l’objet d’un suivi particulier sur la base de plans d’actions.

Six chapitres ont été ouverts en 2015 : les chapitres relatifs à la fiscalité (16) et aux relations extérieures (30) en mars, les chapitres relatifs aux services financiers (9) et aux réseaux transeuropéens (21) en juin puis les chapitres politique relatifs aux transports (14) et à l’énergie (15) en décembre.

Deux chapitres ont été ouverts le 30 juin 2016 : les chapitres 12 « sécurité sanitaire des aliments, politique vétérinaire et phytosanitaire » et 13 « pêche ».

Il faut observer que les citoyens monténégrins bénéficient d’un régime de libéralisation du régime de visas depuis le 19 décembre 2009 et sont donc exemptés de visas pour effectuer des courts séjours dans l’espace Schengen.

Une assistance financière communautaire est apportée au Monténégro dans le cadre de l’Instrument de pré-adhésion IPA. L’enveloppe de fonds IPA (Instrument de pré-adhésion) pour la période 2014-2020 s’élève à 270,5 millions d’euros pour le Monténégro.

Marqué depuis près de 26 ans par la personnalité de l’ancien Premier ministre, M. Milo Djukanovic, le pays n’a pas connu d’alternance politique.

Les heurts qui en ont résulté ont été réglés d’une manière pacifique.

A la suite de manifestations - parfois violentes - d’une faction minoritaire, radicale et pro-russe de l’opposition (Front démocratique), la majorité et l’opposition modérée, qui comprend des mouvements politiques réformateurs et pro-européens absents des élections législatives d’octobre 2012, ont en effet décidé en novembre 2015 d’organiser un processus de dialogue politique.

Après plusieurs mois de négociations, et sans intervention de la communauté internationale, un accord a pu être signé le 26 avril 2016 pour garantir le bon déroulement des élections législatives d’octobre dernier.

Le Premier ministre Djukanovic a accepté l’entrée de l’opposition dans un gouvernement de transition, qui a notamment pris de nombreuses mesures destinées à renforcer la transparence, dans le cadre d’une loi spécifique.

Le résultat des élections législatives du 16 octobre dernier, qui se sont tenues dans de bonnes conditions, sur le plan tant de la régularité que de la sécurité, selon les observateurs locaux et internationaux, a confirmé le sentiment majoritaire du corps électoral favorable au processus européen et à l’adhésion à l’OTAN. L’OTAN a été le sujet majeur de cette campagne, clivant profondément les formations politiques et l’électorat.

Le Parti démocratique socialiste (DPS) de M. Milo Djukanovic est arrivé en tête avec plus de 40% des voix, sans toutefois conquérir une majorité absolue en sièges au Parlement, à raison de 36 sur les 81 sièges que compte le Parlement.

Le Front démocratique, hostile à l’OTAN, est arrivé en deuxième position, mais loin derrière, avec 18 sièges, suivi de la « grande coalition La Clef » qui dispose de 9 sièges et du parti « Démocrates » avec 8 sièges.

Si les blocs majorité et opposition font presque jeu égal, soulignant le caractère compétitif de ces élections, le DPS a été en mesure de former un gouvernement majoritaire avec ses alliés traditionnels (partis des minorités).

L’opposition reste particulièrement divisée, notamment s’agissant de l’entrée dans l’OTAN.

Le 24 octobre, le DPS a annoncé que son candidat au poste de Premier ministre était M. Dusko Markovic, vice-président du parti et qui était jusque-là vice-premier ministre. Pour la troisième fois au cours de sa carrière, M. Milo Djukanovic a donc décidé de se mettre en retrait. Il reste président du DPS et pourrait se présenter à l’élection présidentielle l’an prochain.

Un gouvernement vient d’être constitué par M. Markovic avec le soutien du parti bosniaque, représentant la minorité du même nom, et le parti SDP.

Le texte du protocole, classique, clair et concis ne soulève aucune difficulté.

L’article 1er fixe la procédure permettant l’accession du Monténégro au traité de Washington du 4 mars 1949. Il prévoit l’envoi par le secrétaire général de l’OTAN au gouvernement monténégrin d’une invitation à l’adhésion au traité de l’Atlantique Nord.

Conformément à l’article 10, le Monténégro deviendra partie au traité à la date du dépôt de son instrument d’accession.

L’article 2 stipule que le protocole entrera en vigueur lorsque toutes les parties au traité auront notifié leur approbation au gouvernement des États-Unis, qui est l’État dépositaire du traité de Washington. Il s’agit des vingt-huit États membres de l’OTAN.

L’article 3 énonce que le texte, dont les versions en français et en anglais font également foi, sera archivé par le gouvernement des États-Unis.

À la date de la rédaction du présent rapport, treize États avaient déjà procédé à la ratification, parmi les vingt-huit Alliés.

La liste en est la suivante :

– Albanie,

– Bulgarie,

– Estonie,

– Hongrie,

– Islande,

– Lettonie,

– Lituanie ?

– Roumanie,

– Pologne,

– Royaume-Uni,

– Slovénie,

– Slovaquie,

– Turquie.

Pour les autres États, la ratification était annoncée d’ici la fin de l’année, à plusieurs exceptions près, celles des États-Unis, de l’Allemagne, du Canada, et des Pays-Bas où la ratification n’interviendrait pas avant 2017, selon les éléments communiqués.

Le Monténégro a la volonté d’adhérer à l’OTAN. Les élections législatives du 16 octobre dernier ont tranché l’incertitude que la campagne électorale avait pu faire apparaître : les partis politiques favorables au choix euro-atlantique l’ont emporté en voix et en sièges. Ce point a été clairement affirmé lors de l’entretien qu’elle a bien voulu accordée au rapporteur, par Son Exc. Mme Dragica Ponorac, ambassadrice du Monténégro en France.

C’est une priorité politique et diplomatique pour le pays.

La ratification interviendra une fois celle des Alliés acquises. La voie parlementaire est prévue, car la voie référendaire n’est pas nécessaire. Ce point a été confirmé par le nouveau Premier ministre, M. Markovic.

L’élargissement de l’OTAN est prévu à l’article 10 du traité de l’Atlantique Nord. Celui-ci dispose que peut accéder au traité tout « État européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent Traité et de contribuer à la sécurité de la région de l’Atlantique Nord ».

Le principal critère de l’élargissement est donc la contribution à la sécurité de l’espace euro-atlantique.

Lors du sommet de l’OTAN du pays de Galles (4-5 septembre 2014), les Alliés ont rendu explicite une autre dimension, indiquant que le contexte stratégique actuel impliquait plus que jamais pour les candidats de partager les valeurs et les principes sur lesquels reposaient l’Alliance.

L’adhésion ou l’accession à l’OTAN obéit à des modalités (et non des critères), qui font l’objet d’une certaine souplesse.

L’OTAN met en place des instruments visant à faciliter la mise en œuvre des réformes nécessaires à ces exigences : le Plan d’action pour l’adhésion (Membership action plan, ou MAP) et son principal instrument, le Programme national annuel (Annual national programme, ou ANP), programme de réformes défini, en consultation avec les Alliés, par le pays candidat. Les candidats à l’adhésion sont considérés, en premier lieu, à l’aune de leur capacité à « contribuer à la sécurité de la région de l’Atlantique Nord. »

Le Monténégro a franchi toutes ces étapes.

Les progrès continus du Monténégro dans la mise en œuvre du MAP ont été salués lors des sommets de l’OTAN de Lisbonne en 2010 et de Chicago en 2012. Le sommet du Pays de Galles de septembre 2014 a ouvert un dialogue renforcé avec le Monténégro en vue de permettre aux Alliés, à la fin de l’année 2015, de se prononcer sur l'opportunité d'inviter ce pays à adhérer à l'OTAN.

Au terme de ce dialogue, et sur la base des progrès réalisés depuis 2009, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’OTAN, réunis à Bruxelles le 2 décembre 2015, ont invité le Monténégro à entamer des pourparlers d’adhésion à l’Alliance.

Cette démarche a abouti à la signature par les États membres de l’OTAN du protocole au Traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la République du Monténégro. La cérémonie de signature du Protocole d’accession, qui entrera en vigueur lorsque tous les États membres de l’OTAN auront notifié leur approbation, a eu lieu le 19 mai 2016. Après la signature du protocole d’accession, le Monténégro a commencé à assister, en qualité d’observateur, aux réunions des Alliés et a participé au sommet de Varsovie avec ce même statut. Au terme des procédures de ratification de ce protocole par chaque pays de l’Alliance, le Monténégro pourra devenir, de plein droit, le 29e  membre de l’OTAN, ce qui lui conférera le même pouvoir décisionnel que tous les autres Alliés.

L’effort de défense du Monténégro représente environ 47 millions d’euros, soit 1,25 % du PIB. Il devrait être progressivement porté à 1,40 %.

Les forces armées monténégrines sont modestes, mais à la hauteur de la population du pays (620 000 habitants comme on l’a vu).

Elles comptent 1 850 personnels organisées autour de quatre composantes de niveau bataillon :

– un bataillon d’infanterie (600 personnels), qui intègrera prochainement une compagnie supplémentaire à dominante « forces spéciales » ;

– une composante maritime (350 personnels), dont les principales unités sont deux corvettes (classe Končar), récemment modernisées et reconverties en patrouilleurs ;

– une composante aérienne (225 personnels), qui dispose en pratique d’une douzaine d’hélicoptères légers de type Gazelle, non nécessairement armés ;

– une composante logistique (300 personnels).

À ces unités s’ajoutent, dépendant directement de l’état-major, trois compagnies spécialisées (transmissions, police militaire, renseignement), un centre d’entraînement et une garde d’honneur.

Ces forces armées sont en pleine modernisation. Le plan de développement à long terme, relatif à la période 2016-2025, prévoit un accroissement limité des effectifs, lesquels devraient atteindre 1950 personnels à l’horizon 2020.

Sur le plan des équipements, le Monténégro a hérité d’un parc qui est aujourd’hui en partie obsolète, car issu de l’armée ex-yougoslave. Les contraintes budgétaires pesant, la modernisation se fonde sur une approche progressive, priorisant les besoins pour répondre aux mieux aux engagements pris dans le cadre de l’intégration à l’OTAN.

Les forces armées du Monténégro sont déjà, pour partie, au niveau de la certification OTAN. Le pays œuvre en effet en vue de la certification OTAN d’une deuxième compagnie d’infanterie.

Conscient de ses responsabilités en qualité de futur membre de l’OTAN et de pays candidat à l’Union européenne, le Monténégro participe aux opérations dans différentes cadres multinationaux :

– au titre de l’OTAN, il est présent en Afghanistan dans le cadre de la mission Resolute Support d’assistance, de formation et de conseil aux forces afghances, au sein du contingent croate, avec 17 personnels ;

– au titre de l’Union européenne, il contribue aux missions EUTM Mali (un instructeur) et EUNAVFOR Atalante, opération dans laquelle une équipe de protection embarquée sera engagée le mois prochain, avec un soutien français (facilités offertes par les Forces françaises à Djibouti).

Il participe aussi à la mission de l’ONU au Libéria (un à deux personnels depuis plusieurs années), et depuis cette fin d’année, à celle déployée au Sahara occidental (deux personnels).

La coopération bilatérale franco-monténégrine est régie par un arrangement technique signé au printemps 2014.

Les premiers plans de coopération se sont articulés autour de l’enseignement du français, d’escales maritimes et de contacts à l’échelon stratégique.

Ils connaissent un certain essor dans quelques domaines, notamment le domaine maritime.

Cette coopération devrait se renforcer avec l’intégration continue du Monténégro dans les structures et opérations de l’OTAN et de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l’Union européenne.

Il faut aussi rappeler, dans un tout autre domaine, la coopération commerciale entre la France et le Monténégro. La France était, en 2015, le 16ème partenaire commercial du Monténégro et les échanges s’élevaient à 24,8 millions d’euros dont 19,4 millions pour les exportations et 5,4 millions pour les importations. L’entrée du Monténégro dans l’Alliance atlantique permettra peut-être de renforcer ces relations de coopération si l’industrie française est retenue pour répondre aux besoins monténégrins de modernisation des équipements.

Les conséquences de l’accession du Monténégro seront très limitées pour l’OTAN.

Le 29e membre de l’Alliance va d’emblée être le plus modeste.

La contribution aux financements communs de l’Alliance est évaluée à hauteur de 0,027% (environ 1 million d’euros). Pour l’instant, c’est l’Islande qui est le plus petit contributeur des 28 États membres (0,0519% du budget civil de l’OTAN).

Le seul changement sera de simplifier les procédures pour les actions dans le cadre de l’OTAN (entraînement, déplacements de militaires) en les alignant sur celles de droit commun entre alliés, établies par la convention dite SOFA OTAN entre les États parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres le 19 juin 1951.

Aucun projet de stationnement de forces étrangères sur le sol monténégrin, y compris américaines, ou d’installations militaires étrangères, ne figure à l’ordre du jour, selon les éléments communiqués.

Pour ce qui concerne les obligations résultant de la mise en œuvre de la clause d’assistance mutuelle de l’article 5, l’Alliance aura juridiquement un membre supplémentaire bénéficiaire du principe de la défense collective. L’effet reste assez limité compte tenu de l’environnement dans lequel se situe le Monténégro.

Le Sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008 a été le sommet de la porte ouverte, c’est-à-dire de l’élargissement.

Le paragraphe 18 de la déclaration des chefs d’État et de Gouvernement, du 3 avril 2008, a en effet déclaré que : « le processus d’élargissement en cours à l’OTAN est une réussite historique, qui a permis de faire avancer la stabilité et la coopération, et de nous rapprocher de notre but commun, d’une Europe entière et libre, unie dans la paix, dans la démocratie et par des valeurs communes. Conformément à l’article 10 du traité de Washington, la porte de l’OTAN restera ouverte aux démocraties européennes désireuses et capables d’assumer les responsabilités et les obligations liées au statut de membre. Nous rappelons que les décisions concernant l'élargissement sont du seul ressort de l'OTAN. »

Ensuite, ont notamment été mentionnés comme bénéficiaire de cette politique de la porte ouverte, non seulement l’Albanie et la Croatie, qui ont adhéré en 2009, mais aussi l’Ukraine, la Géorgie, ainsi que l’ARYM, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine auxquels des perspectives ont été offertes.

Après cet élan, les Sommets sont restés plus prudents, en ligne d’ailleurs avec les positions françaises.

Sans qu’il soit nécessaire de rappeler les conclusions, souvent longues et nuancées des différents sommets de l’OTAN, il suffit de rappeler que le communiqué du sommet de Varsovie, qui s’est tenu les 8 et 9 juillet 2016, comprend le paragraphe suivant : « Nous encourageons les partenaires qui aspirent à rejoindre l'Alliance – la Géorgie, l'exRépublique yougoslave de Macédoine et la BosnieHerzégovine – à continuer de mettre en œuvre les réformes et les décisions nécessaires pour préparer leur adhésion ».

L’ARYM est candidate à l’OTAN.

Deux éléments font cependant obstacle à ce qu’une telle perspective se concrétise.

D’une part, le pays connaît certaines difficultés en matière de libertés fondamentales et d’État de droit.

D’autre part, il y a aussi la question du nom. Les conclusions du Sommet de Bucarest en 2008 sont en effet claires : « nous sommes convenus qu’une invitation serait faite à l’ex-République yougoslave de Macédoine dès qu’une solution mutuellement acceptable aura été trouvée à la question du nom. »

Pays candidat à l’OTAN, la Bosnie-Herzégovine n’a pas progressé sur la question de la répartition de ses propriétés de défense entre l’État bosnien et les entités fédérées.

Par conséquent, elle n’a pas encore été en mesure de présenter un programme national annuel (ANP).

Les conclusions du sommet de Varsovie ont été très favorables à la Géorgie, comme elles l’ont été à l’Ukraine.

En effet, elles ont précisé : « Nous déclarons aujourd’hui que nous soutenons la candidature de ces pays au MAP. Nous allons maintenant entrer dans une période de collaboration intensive avec l’un et l’autre à un niveau politique élevé afin de résoudre les questions en suspens pour ce qui est de leur candidature au MAP. Nous avons demandé aux ministres des Affaires étrangères de faire, à leur réunion de décembre 2008, une première évaluation des progrès accomplis. Les ministres des Affaires étrangères sont habilités à prendre une décision sur la candidature au MAP de l'Ukraine et de la Géorgie. »

Depuis, la crise géorgienne de l’été 2008, qui a porté atteinte à l’intégrité territoriale du pays, est intervenue, et la situation n’a pas avancé comme initialement prévu. La Géorgie n’a pu accéder au MAP.

Pour autant, le pays est un partenaire militaire clé de l’OTAN et de la France : il contribue avec 750 soldats à la mission Resolute Support de l’OTAN en Afghanistan. Il est intervenu aux côtés des la France en Afghanistan, mais aussi en RCA : en 2014, la Géorgie a fourni 150 soldats dans le cadre de l’opération EUFOR RCA, ce qui constituait le plus important contingent des forces européennes présentes dans le pays.

Le rapprochement entre l’OTAN et la Géorgie passe d’abord par la pleine utilisation par la Géorgie de l’outil que sont les programmes nationaux annuels (ANP).

Le sommet du pays de Galles a prévu un paquet substantiel en faveur de la Géorgie. Celui-ci vise à renforcer les défenses de la Géorgie ainsi que l’aptitude des forces géorgiennes à travailler côte à côte avec celles de l’OTAN. Il porte sur le conseil et la formation, un renforcement de la liaison, des exercices multinationaux, et de nouvelles opportunités dans le domaine de l’interopérabilité. Ces mesures aideront la Géorgie à continuer de se préparer à l’adhésion à l’Alliance.

Il s’est en particulier traduit par l’ouverture du Centre d’évaluation et d’entraînement conjoint OTAN-Géorgie en août 2015. La France contribue directement au « paquet substantiel » au travers d’une expertise sur le segment de la défense aérienne, qui est un domaine clé de notre coopération bilatérale.

Pour autant, les perspectives d’adhésion de la Géorgie ne sont pas à ce stade à l’ordre du jour. La priorité de l’Alliance est la préservation de sa capacité politique et militaire à remplir ses responsabilités premières de défense collective. Il n’y a pas de consensus en vue d’une nouvelle étape vers l’adhésion de la Géorgie à l’OTAN, même si celle-ci doit rester un objectif.

Le communiqué du Sommet de Varsovie de juillet dernier incite ainsi : « La Géorgie à continuer de tirer pleinement parti de toutes les possibilités de se rapprocher de l'Alliance qu’offrent la Commission OTANGéorgie, le programme national annuel, son rôle de partenaire « nouvelles opportunités », sa participation à notre initiative de renforcement des capacités de défense et le paquet substantiel OTANGéorgie. »

Comme on l’a vu, au Sommet de Bucarest en 2008, les chefs d’État et de Gouvernement des pays de l'Alliance étaient convenus que l’Ukraine deviendrait un membre de l’OTAN.

L’Ukraine a renoncé en 2010 à sa candidature à l’OTAN. Elle était alors dirigée par le président Viktor Ianoukovitch.

Le sujet n’a pas été remis à l’ordre du jour par les autorités ukrainiennes lors des nombreuses réunions de la Commission OTAN-Ukraine qui se sont tenues ces dernières années. Cette question n’est donc pas d’actualité.

En revanche, la coopération est très étroite. La Charte de partenariat spécifique OTAN-Ukraine de 1997 demeure le texte fondateur des relations OTAN-Ukraine. La Commission OTAN-Ukraine (COU) permet de diriger les activités en coopération et constitue l’instrument privilégié de consultation entre les Alliés et l’Ukraine sur les enjeux de sécurité d’intérêt commun.

L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et le séparatisme armé dans le Donbass ont complètement modifié la relation entre l’Ukraine et l’OTAN.

La priorité a été d’aider l’Ukraine à réformer son outil de défense et à former ses forces armées et pour la France, comme pour l’Allemagne, à œuvrer dans la cadre des réunions du format Normandie (Russie, Allemagne, France et Ukraine), pour appliquer les accords de Minsk 2 de février 2015.

La Russie a une position de principe opposée à l’élargissement de l’OTAN.

Cette position de principe s’applique au Monténégro. La Douma a même voté un appel en ce sens, qui a été transmis aux Nations unies fin 2015.

Elle invoque en l’espèce les liens historiques entre les peuples russe et monténégrin et fait appel en fait à une solidarité slave idéalisée.

Elle ne manque pas de rappeler que lors de l’intervention de 1999, en raison de la crise du Kossovo, quelques bombardements, très limités heureusement, sont intervenus au Monténégro.

Cependant, les autorités russes ont déclaré qu’elles respecteraient la décision des autorités du Monténégro, selon les éléments communiqués.

Compte tenu de l’enjeu, on peut en effet se demander ce qui relève de la posture politique de ce qui relève du fond dans le positionnement russe sur l’adhésion du Monténégro, compte tenu de l’éloignement géographique.

Lorsqu’il était Premier ministre, M. Milo Djukanovic a d’ailleurs pu assurer dans les médias russes que l’intégration à l’OTAN n’était pas une marque d’hostilité envers Moscou. C’est la marque de l’adhésion de son pays aux objectifs et valeurs de la communauté euro-atlantique.

Il est clair que la relation entre l’OTAN et la Russie intervient dans un cadre bien plus vaste, lequel n’est pas un cadre d’hostilité, mais de dialogue, même si la crise ukrainienne a conduit à l’assortir d’une nécessaire dimension de fermeté. La relation avec la Russie repose donc actuellement sur l’équilibre entre le dialogue et la fermeté.

Celui-ci est fixé par trois éléments.

D’une part, le point 11 du communiqué de Varsovie, qui précise que l’OTAN a répondu au nouvel environnement de sécurité vis-à-vis de la Russie en « renforçant sa posture de dissuasion et de défense, y compris par une présence avancée dans la partie orientale de l'Alliance, et en suspendant toute coopération civile et militaire pratique entre l'OTAN et la Russie, tout en demeurant ouverte au dialogue avec ce pays ». Tout en étant prête à faire face à toutes les éventualités, l’OTAN reste ainsi disponible et prévisible.

Par conséquent, l’OTAN prend certes les mesures nécessaires à la défense des Alliés, mais elle ne menace en aucun cas la Russie.

Ensuite, la poursuite du dialogue avec Moscou, pour faire passer clairement les messages, dissiper les incompréhensions et prévenir les incidents, se fait dans le cadre du conseil OTAN-Russie, qui doit être utilisé, régulièrement, à cet effet. Deux réunions sont intervenues cette année, le 20 avril et le 13 juillet. Une troisième réunion était envisagée à la date de la rédaction du présent rapport.

Enfin, l’acte fondateur OTAN-Russie de 1997 est à cet égard une référence utile et nécessaire, et les Alliés sont attachés à le respecter, en souhaitant que la Russie le fasse également.

C’est la garantie de ne pas revenir à une conception de la sécurité du continent européen fondée sur l’équilibre de la confrontation et la délimitation de sphères d’influence.

L’adhésion du Monténégro n’aura aucune conséquence sur le positionnement de la France au sein de l’OTAN.

La France se définit au sein de l’Alliance comme un allié fiable et solidaire.

Ses capacités militaires, de tout premier plan en Europe, sont essentielles à la bonne mise en œuvre des missions de l’OTAN.

Notre pays garde naturellement une capacité d’action en dehors de l’Alliance et conserve sa pleine autonomie de décision.

Cela lui permet d’assumer le fait de faire valoir ses intérêts au sein de l’Alliance, d’y conserver une voix originale et d’y représenter une force de proposition.

La réintégration dans le commandement intégré en 2009 a été assortie de plusieurs conditions qui ne sont pas remises en cause :

– la préservation d’une liberté d’appréciation totale pour les contributions aux opérations de l’OTAN ;

– le maintien de l’indépendance nucléaire : la France a décidé de ne pas rejoindre le Groupe des plans nucléaires de l’OTAN (NPG), qui définit la politique nucléaire de l’Alliance ;

– le fait qu’aucune force française ne soit placée en permanence sous un commandement de l’OTAN en temps de paix ;

– la non-participation au financement commun de certaines dépenses décidées auparavant.

Le rapport pour le Président de la République française sur les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, sur l’avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l’Europe de la défense, présenté par M. Hubert Védrine, le 14 novembre 2012, a validé le retour de la France dans le commandement intégré tel que décidé en 2009.

Comme l’a indiqué lors de son audition Son Exc. Mme Dragica Ponorac, ambassadrice du Monténégro en France, l’adhésion du Monténégro à l’OTAN est un bon choix pour l’ensemble de la région.

Certes, l’enjeu essentiel pour la stabilité régionale est l’intégration dans l’Union européenne, mais l’Union soumet les pays candidats à des critères très précis et très exigeants particulièrement en ce qui concerne l’État de droit, mais pas seulement. Lorsqu’il entre dans l’Union européenne, un pays doit avoir mis à niveau l’ensemble de sa législation. Ce respect de l’acquis communautaire exige du temps.

Pour ce qui concerne l’OTAN, la déclaration issue du sommet du pays de Galles (4-5 septembre 2014), a rappelé que les « Alliés forment une communauté de valeurs unique en son genre, attachée aux principes de la liberté individuelle, de la démocratie, des droits de l'Homme et de l'É tat de droit. »

Les membres ont donc indiqué que le contexte stratégique actuel impliquait plus que jamais pour les candidats de partager les valeurs et les principes sur lesquels reposaient l’Alliance.

Cependant, l’appréciation du respect de ces critères est de nature politique, et non juridique. L’invitation à l’adhésion doit être évaluée comme le précise l’article 10 du Traité de l’Atlantique Nord, à l’aune de la contribution de l’État candidat à la sécurité de l’espace euro-atlantique.

Cela implique trois choses essentielles : un certain respect de l’État de droit ; un contrôle démocratique des forces armées ; l’absence de conflit avec les pays voisins.

Dans cette perspective, l’adhésion à l’OTAN peut représenter pour les pays qui le souhaitent une première étape vers une adhésion à l’Union européenne, sans pour autant les dispenser des efforts nécessaires pour remplir tous les critères nécessaires pour que cette dernière devienne effective.

Elle est un message, un témoin, de la capacité d’un pays, et au-delà, d’une région d’accéder à la stabilité.

Le Monténégro, depuis son indépendance, a œuvré très utilement pour la paix dans cette région encore troublée. Il entretient de bonnes relations avec l’ensemble de ses voisins, quand bien même la perspective d’adhésion à l’OTAN a refroidi quelque peu le lien avec la Serbie. Les objectifs de politique européenne et étrangère du Monténégro sont calés sur ceux de l’Union européenne.

L’adhésion du Monténégro à l’OTAN est dans cet esprit l’intérêt de la France comme des autres pays européens.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 29 novembre 2016.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Axel Poniatowski. Il est assez inhabituel dans notre commission de ne pas approuver une convention internationale. Cela arrive assez rarement. Mais nous sommes dans ce cas de figure aujourd’hui. On ne peut pas approuver l’intégration du Monténégro dans l’OTAN. Je ne dis pas que cela soit impossible à moyen ou long terme mais aujourd’hui c’est beaucoup trop tôt. Monsieur le rapporteur, vous êtes le député des Français de l’étranger de ce territoire. Je ne remets pas en cause votre honnêteté mais peut-être un peu votre impartialité sur le sujet. Le Monténégro n’est pas prêt aujourd’hui à intégrer l’OTAN. Il faut sortir à un moment donné de la « bien-pensance » générale telle qu’a trop tendance à s’exprimer. C’est une adhésion précipitée. Nous savons tous qu’elle est loin de faire l’unanimité au Monténégro. La population est partagée à 50/50. Nous ne sommes absolument pas dans la configuration de la Pologne ou des Etats baltes lorsque ceux-ci avaient intégré l’OTAN. Dans ces pays, une quasi-unanimité de la population souhaitait intégrer l’OTAN.

De plus, l’intégration du Monténégro tient davantage à des raisons politiques que militaires puisque ce pays ne représente rien militairement : 630 000 habitants, un budget militaire d’environ 47 millions d’euros. La contribution du Monténégro à l’OTAN n’apporte rien. En revanche, il existe des forces politiques qui poussent fortement cette intégration pour certaines des raisons que vous avez évoquées. Or, certaines d’entre elles sont des mauvaises raisons.

Mais surtout, le Monténégro ne remplit pas aujourd’hui les cases d’un État de droit. C’est un point fondamental et je ne nous vois pas, qu’elle que soit nos groupes d’appartenance, approuver l’intégration d’un État qui est quasiment un État mafieux. Il faut dire les choses comme elles le sont. Monsieur Djukanovic est, tout de même, au pouvoir depuis 25 ans avec son clan. C’est une structure autoritaire qui tient le pays d’une main de fer. Il y a eu récemment des tentatives de coup d’Etat. Nous ne sommes pas dans une démocratie. Je ne souhaite pas donc pas que la France, le Parlement français adopte comme ça à l’unanimité l’intégration de ce pays à l’OTAN. Cela serait déshonorant pour des parlementaires d’approuver une telle intégration.

Enfin, c’est d’autant moins un État de droit que les frontières du Monténégro restent imprécises. Elles ne sont pas arrêtées et reconnues partout en particulier dans le sud.

Je considère donc que nous ne pouvons pas entériner cette intégration aujourd’hui. Nous le pourrons peut-être à l’avenir. Le Monténégro a des progrès à faire. Il est loin d’avoir coché toutes les cases d’un Etat qui susceptible d’intégrer au minimum une organisation aussi importante, respectable et utile que l’OTAN. Cette dernière a, tout de même, pour but de nous défendre dans des situations de péril graves. Ce n’est pas une organisation de formation à la démocratie pour les Etats qui veulent y entrer. Notre groupe est donc franchement opposé à l’adoption de ce projet de loi aujourd’hui en souhaitant, néanmoins, que cela soit possible à l’avenir. Le Monténégro n’est pas prêt à intégrer l’OTAN.

M. Jean-Pierre Dufau. Je souhaite féliciter le rapporteur pour l’exhaustivité de sa présentation, l’historique fouillé du Monténégro, le rappel processus d’adhésion à l’OTAN qu’il a explicité et sur l’aspect démocratique de l’État de droit sur lequel, d’ailleurs, notre collègue vient d’intervenir. Pour ma part, je n’ai vu nulle part l’idée selon laquelle la population du Monténégro était divisée à 50/50 sur cette intégration. Lors des dernières législatives, il y avait une majorité de Monténégrins favorable à cette intégration.

Je suis moins sévère sur la qualité de l’État de droit dans ce pays même s’il y a des progrès à faire comme dans l’ensemble des pays des Balkans. Je rappelle que le Monténégro a pris ses décisions à chaque fois après un vote. Par exemple, la séparation avec la Serbie a eu lieu après un vote à la majorité qualifiée à un peu plus de 55%. Chaque modification importante a donc eu lieu à la suite d’un processus démocratique.

Le rapporteur nous a expliqué que l’intégration du Monténégro à l’OTAN viendrait compléter celles d’autres pays de l’Adriatique comme la Croatie et l’Albanie. Il serait de mauvais augure de faire une spécificité. Il faut accorder au Monténégro ce que l’on a accordé aux autres et qui ont des caractéristiques similaires.

En ce qui concerne la Géorgie et l’Ukraine, ceci est un tout autre sujet. Cela n’a rien à voir. A ce stade, nous pouvons donner un avis favorable au rapport pour pouvoir discuter dans l’hémicycle sur le fond. En conséquence, le groupe socialiste donnera un avis favorable au rapport qui lui est proposé.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Cette intégration du Monténégro peut paraître assez accessoire au regard du projet d’intégration de l’Ukraine et de la Géorgie. Mais elle est symptomatique de cette politique qui semble assez aveugle puisque, d’un côté, elle entretient des tensions pour un bénéfice assez modeste, au regard de la force militaire que constitue le Monténégro. De l’autre, la réalité est que l’OTAN crispe cette région, notamment la Serbie.

L’alignement systématique de la diplomatie française sur la diplomatie anti-russe de la Pologne, de la Roumanie ou des pays Baltes est paradoxal. Il ne rapporte aucun contrat, et par ailleurs, incite la Russie à riposter avec un vaste arsenal à Kaliningrad. A ce titre, on peut regretter que la France ait perdu ce rôle très positif, celui de l’équilibre et de l’apaisement au regard du choix qui est fait aujourd’hui.

La situation intérieure du Monténégro devrait nous interpeller. Ce n’est pas un véritable État de droit ou un véritable État démocratique. C’est, par exemple, une plaque tournante de la contrebande de cigarettes. Plusieurs millions de tonnes ont transité par les ports libyens contrôlés par l’EI. Cela me paraît donc une mauvaise idée que de vouloir intégrer ce pays à l’OTAN.

M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur. J’entends la position et les préventions d’Axel Poniatowski pour lequel j’ai beaucoup de respect, mais je vais lui opposer un certain nombre d’arguments. Il pensait que j’étais relativement partial dans mon appréciation en étant député des Français qui vivent dans cette région de l’Europe. Je souhaite corriger cela. Ce n’est pas parce que l’on connaît bien un endroit que l’on a une vision biaisée de la situation. Je suis entré dans ce débat par la lecture des derniers rapports de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) sur l’État de droit au Monténégro. Croyez bien que s’il n’y avait aucune forme de progrès en la matière, je ne recommanderais pas la ratification. Membre de l’APCE depuis 2012, j’ai vu de manière récurrente les rapports sur les pays des Balkans occidentaux, et j’ai noté que parmi les six, le Monténégro était celui qui avait le plus probablement le plus avancé. Il n’est pas à ce stade, loin s’en faut, une démocratie telle que l’Allemagne, mais les progrès sont là, et c’est ce qui conforte dans l’idée que l’adhésion à la communauté euro-atlantique est un plus pour son trajet. Si j’étais injuste dans les arguments que je pourrais vous retourner, cher collègue, je rappellerais que le Portugal de Salazar était membre de l’OTAN.

Il est vrai que la population du Monténégro est partagée. Elle ne l’est pas à 50/50, sinon le résultat des dernières élections n’aurait pas été celui-là. Mais, c’est un débat clivant. Lors de mon dernier déplacement, ce mois-ci, j’ai vu de nombreux journalistes monténégrins qui tous souhaitaient m’interroger sur le sujet sachant que j’étais rapporteur de ce texte. Certains journaux défendaient le rejet, d’autres demandaient l’inverse. J’ai écouté ce débat, j’ai aussi réfléchi à cette étrange tentative de coup d’État et j’ai interrogé mes interlocuteurs sur l’état du trafic au Monténégro. Je n’ignore pas qu’il y a des trafics notamment de cigarettes. Mais s’il y a eu des conclusions concordantes et positives de l’Union européenne, de l’OSCE, du Conseil de l’Europe sur l’organisation du débat concourant aux élections du 16 octobre, comme sur l’organisation du scrutin, cela ne peut pas être un hasard. Les progrès du Monténégro doivent être regardés comme un fait tangible.

Les frontières sont-elles imprécises ? Sur le Sud, je n’ai rien entendu de tel, en revanche, au Nord, oui, à proximité de la Croatie. Il me semble que des discussions pacifiques et respectueuses du droit interviennent avec les autorités croates, de la même manière qu’entre la Croatie et la Slovénie. Ces questions ne sont pas suffisamment inquiétantes au point de ne d’ailleurs pas voter la ratification.

Je remercie Jean-Pierre Dufau d’être moins sévère dans son appréciation.

Quant aux questions soulevées par Mme Le Pen, est-ce que l’OTAN crispe cette région ? Sincèrement non, et pas seulement au Monténégro. S’il y a dans les six pays des Balkans occidentaux le souvenir ce qui s’est passé il y a une vingtaine d’années, il y a aussi une jeunesse qui se tourne vers l’avenir, et ne regarde pas vers l’OTAN dans un esprit de crainte, mais regarde l’avenir en termes de construction de l’État de droit et de construction d’une économie qui l’emploie. La présence de l’OTAN est vécue concurremment à l’adhésion à l’Union européenne. Est ressenti le besoin de s’ancrer dans une communauté de valeurs et de principes qui est la communauté européenne au sens large, et l’on ne peut pas dire que la diplomatie française depuis quatre ans soit antirusse. Elle est « pro-droit international. »

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Merci beaucoup cher collègue, cher rapporteur, pour le travail intense, approfondi et très fouillé que vous avez effectué. Vous connaissez très bien cette région. J’ai pu voir dans un récent voyage en Albanie à quel point vous y étiez apprécié pour le travail que vous y faites.

J’ai vu également à quel point dans ces pays, il y a une inspiration à se rapprocher davantage de l’Union européenne que de l’OTAN. Mais ces intégrations sont vécues comme complémentaires et certainement pas comme conflictuelles. Ces pays ont la volonté de se débarrasser de la guerre dont ils ont trop souffert. Ils en ont été délivré durablement, mais il y a besoin dans ces pays de consolider la paix et l’État de droit, et il faut les aider dans cette démarche.

La perspective de l’adhésion à l’Union européenne est la principale voie. Elle leur a été ouverte dès 2000. Je suis toujours réservé sur les élargissements systématiques de l’Union européenne ou de l’OTAN. J’estime que l’on a été beaucoup trop loin en particulier dans les années récentes. On peut effectivement voir comme des erreurs ou des promesses inconsidérées les élargissements passés de l’OTAN, notamment vis-à-vis de l’Ukraine ou la Géorgie.

Cependant, il faut éviter les amalgames et accepter ce protocole, qui est une reconnaissance des progrès accomplis. En effet, il y a toujours beaucoup de progrès à faire au Monténégro. Mais la vraie question est de savoir si nous encourageons sa perspective d’une intégration à l’Union européenne par la ratification de l’adhésion à l’OTAN, ou si nous le laissons à l’écart. Puisqu’il faut raisonner en termes d’intérêts, notre intérêt français et européen est de consolider la marche vers l’État de droit et la stabilité dans les Balkans.

A cet égard, le rapport est mesuré et ne cache aucun des défauts ou des progrès à accomplir. Notre intérêt est de favoriser la stabilité pour faire face à tous ces défis, dont notamment le développement, la maitrise des migrations, la lutte contre toutes les formes de criminalité qui empoisonnent ces pays.

Laissons de côté les caricatures : la politique de la France vis-à-vis de l’Union européenne, de l’OTAN ou de ses grands partenaires, se détermine en fonction de la conception que nous nous faisons de nos intérêts et des valeurs auxquelles nous sommes attachées. Nous n’avons jamais cessé de dialoguer avec ce grand voisin qu’est la Russie, avec lequel nous devons développer une politique européenne.

Les accords de Minsk prouvent que ce dialogue a non seulement existé et continue à exister. Il continue à donner à des résultats concrets. Le président Hollande et Madame Merkel ont permis, par leur travail de dialogue et de négociations avec M. Poutine et M. Porochenko, de conclure ces accords. Ils sont d’ailleurs considérés comme le seul espoir pour la paix pour l’ensemble des parties prenantes, que ce soient l’Ukraine, les séparatistes ou la Russie. Personne n’a intérêt à ce que l’état de guerre s’installe. Nous avons accompli cet effort, en s’opposant par ailleurs à la volonté des États-Unis de livrer des armes à l’Ukraine. Je récuse les caricatures qui alimentent un débat qui n’a pas lieu d’être.

Je respecte les arguments selon lesquels l’État de droit n’est pas assez développé ou la démocratie suffisamment bien ancrée au Monténégro. Mais il ne s’agit pas pour autant de repousser l’adhésion, car cela encouragerait l’instabilité. Il faut au contraire encourager le pays dans une voie qui a produit des résultats déjà reconnus par plusieurs institutions internationales.

Cette approbation est donc raisonnée et modérée dans son inspiration. Nous avons intérêt à voter le projet de loi.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 4148 sans modification.

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

– Son Exc. Mme Dragica Ponorac, ambassadrice du Monténégro en France.

ANNEXE :

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro, signé à Bruxelles le 19 mai 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte du protocole figure en annexe au projet de loi (n° 4148)

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