N° 4363 - Rapport de M. Dominique Potier sur la proposition de loi, après engagement de la procédure accélérée, de MM. Olivier Faure, Dominique Potier et plusieurs de leurs collègues relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle (4344).




N
° 4363

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 janvier 2017.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
SUR LA PROPOSITION DE LOI

relative à la
lutte contre l’accaparement des terres agricoles
et au
développement du biocontrôle
(n° 4344)

par M. Dominique POTIER,

Député.

——

Voir le numéro : 4344.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LUTTER CONTRE L’ACCAPAREMENT DES TERRES 7

A. UN FONCIER AGRICOLE EN PÉRIL 7

B. DES OUTILS D’INTERVENTION NOMBREUX MAIS NÉCESSAIRES 8

II. DÉVELOPPER LE BIOCONTRÔLE 9

A. UN BESOIN D’AGROÉCOLOGIE 9

B. DES APPORTS DE LA LOI D’AVENIR POUR L’AGRICULTURE, L’ALIMENTATION ET LA FORÊT EN MATIÈRE DE BIOCONTRÔLE 12

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 15

II. EXAMEN DES ARTICLES 30

TITRE IER – PRÉSERVATION DES TERRES AGRICOLES 30

Article 1er(article L. 143-15-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Limitation de l’acquisition de foncier agricole aux sociétés dont l’objet principal est la propriété agricole 30

Article 2 (articles L. 322-2 et L. 322-22 du code rural et de la pêche maritime) : Possibilité d’acquisition, pour les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, de plus de 30 % des parts de groupements fonciers agricoles ou ruraux 32

Article 3 (article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime) : Droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural en cas de cession partielle de parts ou actions de sociétés agricoles 35

Article 4 (article L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime) : Obligation de conserver cinq ans les droits sociaux reçus en contrepartie d’un apport en société de terres agricoles 36

Article 5 (article L. 142-4 du code rural et de la pêche maritime) : Possibilité, pour les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, de maintenir leur participation au capital d’une société de personnes jusqu’à cinq ans, pour rétrocéder ensuite les droits acquis 37

Article 6 (articles L. 312-3 et L. 312-4 du code rural et de la pêche maritime) : Publication annuelle d’un barème de la valeur vénale des terres agricoles 38

Article 7 (article L. 221-2 du code de l’urbanisme) : Assouplissement du régime de concession temporaire de terres à usage agricole 40

Après l’article 7 (articles L. 411-11 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime) : Suppression de la commission paritaire nationale des baux ruraux et du comité technique départemental 41

TITRE II  – DÉVELOPPEMENT DU BIOCONTRÔLE 43

Article 8 (article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime) : Élargissement de la dispense d’agrément aux produits de biocontrôle 43

Article 9 (article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime) : Exemption de Certiphyto pour les salariés temporaires disposant des diffuseurs passifs de certains produits de biocontrôle 46

Après l’article 9 48

Article 10 : Ratification de l’ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques 50

TITRE III – DISPOSITIONS DIVERSES 53

Article 11 : Gage 53

TABLEAU COMPARATIF 55

INTRODUCTION

Les articles de la présente proposition de loi relatifs à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles sont le fruit d’un travail commun des deux assemblées et du Gouvernement et répondent à une préoccupation du monde agricole entendue par les parlementaires, au-delà des logiques partisanes au cours de l’examen de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II »).

Mais, par une décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions de ladite loi relatives au foncier agricole ne présentaient pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi initial présenté par le Gouvernement (cavaliers législatifs).

Dans la continuité de son combat porté au cours de la discussion de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour agriculture, l’alimentation et la forêt, votre rapporteur avait été à l’initiative de l’intégration, dans le projet de loi Sapin II, de dispositifs de régulation foncière ayant pour objectif de mettre fin à l’opacité d’opérations sociétaires aux finalités spéculatives. La réflexion, initiée par votre rapporteur avec ses collègues députés, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), l’ensemble des syndicats agricoles et le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, s’est traduite par l’adoption en première lecture de plusieurs articles qui ont été affinés entre la commission et la séance publique puis substitués au Sénat par des dispositions plus abouties juridiquement. La discussion et la réflexion se sont utilement poursuivies, jusqu’à parvenir à un accord, à l’issue d’une nouvelle lecture, sur 5 articles consolidés.

Votre rapporteur formule le souhait d’enfin parvenir à mettre fin à l’accaparement des terres.

Pour autant, votre rapporteur reste lucide sur le fait que les travaux menés sur la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt pour l’agriculture précitée et la présente proposition de loi n’épuisent pas le sujet. Il plaide pour une grande loi foncière pour que la répartition du foncier soit à la hauteur de la gestion de ce bien commun, il en va de la souveraineté alimentaire, de la lutte contre le changement climatique et de la vitalité de nos espaces ruraux.

La loi d’avenir et le plan Ecophyto 2 présenté par le Gouvernement en novembre 2015 mettent en œuvre les moyens de la réussite de l’agroécologie. L’esprit de la loi d’avenir est en effet de développer la réglementation relative aux produits phytopharmaceutiques selon trois objectifs : renforcer la traçabilité des échanges et des utilisations de ces produits, renforcer l’obligation d’information et de conseil des utilisateurs professionnels ou non-professionnels et développer les techniques alternatives aux produits phytopharmaceutiques de synthèse et notamment les techniques de biocontrôle. Sur ce dernier point, la proposition de loi apporte des compléments nécessaires au développement de l’usage des produits de biocontrôle.

C’est dans le même esprit qu’a été mis en place par ordonnance le dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP). Ces certificats visent à inciter les distributeurs à promouvoir ou à mettre en œuvre auprès des utilisateurs professionnels des actions permettant de réduire l’utilisation, les risques et les impacts des produits phytosanitaires. L’ordonnance instaurant ces CEPP doit acquérir une valeur législative afin de pérenniser le dispositif.

Conscient que les débats parlementaires se sont déjà tenus à l’occasion de l’examen du projet de loi Sapin II et compte tenu du calendrier législatif de la fin de la législature, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur la présente proposition de loi.

La ressource foncière a toujours été au centre d’enjeux économiques et de société : les questions de suffisance alimentaire ne doivent pas être perdues de vue, les conflits d’usage liés au développement économique et aux changements sociologiques conduisent à un développement de la forêt et de l’urbanisation avec des conséquences économiques et environnementales importantes.

On distingue deux enjeux :

– un enjeu de protection du foncier : comme le souligne le rapport d’application de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, « entre 2006 et 2015, l’artificialisation des terres a gagné 490 000 hectares, environ 55 000 hectares par an dont près des deux tiers aux dépens des espaces agricoles. Les conséquences sont le mitage des terres agricoles, le recul des activités agricoles et l’imperméabilisation des sols aux conséquences écologiques et économiques extrêmement graves » (1) ;

– un enjeu de répartition du foncier : les investisseurs étrangers sont depuis longtemps présents dans les pays en développement. Ils sont plus récemment arrivés en Europe, en particulier en France où les prix des terres agricoles sont bien inférieurs aux prix européens (19 000 € l’hectare en Italie, 16 000 € en Allemagne, par exemple). Selon l’analyse des marchés fonciers ruraux de la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSAFER), en 2015 les terres et prés libres ont atteint en France une valeur de 6 010 € l’hectare. Cette valeur est en augmentation même si de fortes disparités existent entre productions.

L’accaparement de ces terres constitue une menace pour les exploitations familiales et l’installation des jeunes agriculteurs, en renchérissant le prix des terres et en limitant le foncier disponible à l’achat.

Des sociétés internationales achètent des sociétés de portage foncier ainsi que des sociétés d’exploitation agricole. L’essentiel des transferts passe par la vente de parts sociales sans que les pouvoirs publics puissent connaître l’identité des propriétaires des sociétés mères.

En 2016, l’inquiétude a pris une autre ampleur avec l’acquisition, par une société holding chinoise, de 1 700 hectares de terres dans l’Indre par l’intermédiaire de quatre opérations d’investissements. Selon la FNSAFER, cette holding détient déjà 13 000 hectares de terres agricoles en Mongolie.

La conséquence est l’augmentation de la taille des unités de production et le développement du salariat agricole au détriment des exploitations familiales.

Le Comité économique et social européen (CESE) a d’ailleurs estimé « nécessaire d’élaborer, tant au niveau des États membres qu’à l’échelle de l’Union européenne (UE), un modèle clair en matière de structures agricoles ». Il demande de préserver l’exploitation familiale dans toute l’Union européenne, pour des raisons de sécurité alimentaire, d’attractivité des territoires, de localisation de la valeur ajoutée et de prise en compte de l’environnement.

La loi d’avenir précitée a contribué au ralentissement et à la compensation de la perte de foncier agricole et à la meilleure gestion de ce foncier mais les outils d’intervention existant doivent être renforcés, dans le même esprit, afin de bloquer les stratégies de contournement toujours plus inventives.

Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ont une mission générale de protection des espaces agricoles, naturels et forestiers. Les SAFER ont le statut d’organismes privés, auxquels les juridictions ont reconnu une mission d’intérêt général s’apparentant à la gestion d’un service public.

Les SAFER doivent favoriser l’installation, le maintien et la consolidation d’exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable.

Les biens acquis n’ont pas vocation à rester dans le patrimoine des SAFER mais doivent être rétrocédés aux exploitants agricoles, avec une priorité à l’installation.

Chaque extension du pouvoir des SAFER au fil des lois agricoles depuis les années 1960 a toujours été proportionnée au respect de leur mission d’intérêt général.

Dans le même esprit, l’article 29 de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée a procédé à un renforcement important des pouvoirs des SAFER, notamment :

– les SAFER doivent être informées préalablement par le cédant de tout projet de cession de parts ou d’actions de société entrant dans leur champ d’intervention : ainsi les SAFER ont connaissance des mouvements portant sur la propriété des entreprises agricoles et structures de portage foncier (article L. 141-1-1 du code rural et de la pêche maritime) ;

– les SAFER peuvent aussi exercer leur droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole, lorsque l’exercice de ce droit a pour objet l’installation d’un agriculteur. La loi d’avenir a ainsi étendu de manière substantielle le droit de préemption des SAFER, qui a été élargi également aux donations et aux cessions démembrées entre nue-propriété et usufruit.

Le décret n° 2015-954 du 31 juillet 2015 relatif aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural a permis l’application de ces mesures à compter du 1er janvier 2016. Pour autant, l’application antérieure de ces dispositions n’aurait pas évité l’acquisition des terres agricoles dans l’Indre. Les SAFER en auraient été informées mais sans pouvoir agir, faute de disposer d’un droit de préemption sur les cessions partielles de parts sociales.

Selon le rapport annuel de la Fédération nationale des SAFER (FNSAFER), en 2015, les SAFER ont acquis 10 300 biens pour une surface totale de 83 900 hectares et pour une valeur de 1,04 milliard d’euros.

Elles ont exercé 1 260 préemptions (1 140 préemptions simples et 120 préemptions avec révision de prix) sur une surface de 6 000 hectares et pour une valeur de 54 millions d’euros.

Elles ont reçu 220 300 notifications de la part des notaires et ont procédé à 12 180 rétrocessions, ce qui représente au total 232 500 informations de vente traitées, en hausse de 9 % en nombre, de 6 % en surface et de 20 % en valeur.

Le marché de l’espace rural a enregistré 232 000 transactions pour 570 000 hectares et pour une valeur de plus de 18 milliards d’euros. Les SAFER ont eu la possibilité d’intervenir par préemption sur 302 000 hectares (elles ne peuvent pas, par exemple, intervenir lors d’acquisitions par les fermiers en place et s’agissant des terrains à bâtir faisant l’objet d’un engagement de construction). Cette surface accessible est en hausse de 8 % par rapport à 2014. Le taux de prise de marché (la part du marché accessible aux SAFER) diminue pour s’établir à 27,8 % des surfaces du marché accessibles.

Parmi les 12 180 rétrocessions des SAFER :

– 10 618 actes, représentant 90,7 % du total des rétrocessions, ont été effectués en faveur du maintien et du développement d’une agriculture dynamique et durable, dont 36 % en faveur des installations ;

– 1 562 actes, représentant 9,3 % du total des rétrocessions, ont été effectués en faveur du développement local et de l’aménagement du territoire.

Briser l’opposition traditionnelle entre économie et environnement est le défi de l’agroécologie. Comme votre rapporteur le souligne dans son rapport « Pesticides et agroécologie, les champs du possible » (2), utiliser de façon inconsidérée des pesticides pour produire plus peut se révéler contre-productif. Il faut faire de la nature un allié afin que l’usage des pesticides ne la retourne pas contre nous. Le monde paysan est la première sentinelle des désordres actuels et face à la voie sans issue des solutions agrochimiques, l’agroécologie est d’abord une réponse réaliste.

La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée instaure désormais l’objectif de promouvoir et de pérenniser les systèmes de production qui combinent performance économique, sociale, environnementale et sanitaire. Ces systèmes privilégient l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité, notamment en réduisant leur consommation d’intrants, dont les produits phytopharmaceutiques.

Cette loi a inscrit à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime que « l’État encourage le recours par les agriculteurs à des pratiques et à des systèmes de cultures innovants dans une démarche agroécologique. À ce titre, il soutient les acteurs professionnels dans le développement des solutions de biocontrôle et veille à ce que les processus d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché de ces produits soient accélérés ».

L’esprit de la loi est en effet de développer l’agroécologie par le renforcement de la réglementation relative aux produits phytopharmaceutiques selon trois objectifs : développer les techniques alternatives aux produits phytopharmaceutiques de synthèse et notamment les techniques de biocontrôle, renforcer la traçabilité des échanges et des utilisations de ces produits et renforcer l’obligation d’information et de conseil des utilisateurs professionnels ou non-professionnels.

Le plan Ecophyto 2 annoncé par le Gouvernement le 4 novembre 2015 a vocation à devenir l’indicateur de la réussite de l’agroécologie. Son principal défi est de valoriser et de déployer auprès du plus grand nombre les techniques et systèmes économes et performants qui ont fait leurs preuves chez certains pionniers, agriculteurs, collectivités ou particuliers.

Il réaffirme l’objectif de réduction de 50 % du recours aux produits phytopharmaceutiques en France en 10 ans, en suivant une trajectoire en deux temps : 25 % à l’horizon 2020, par la généralisation et l’optimisation des techniques actuellement disponibles, puis 25 % supplémentaires d’ici à 2025 grâce à des mutations plus profondes.

Votre rapporteur est animé par deux convictions concernant le plan Ecophyto 2 :

– la mise en œuvre du plan est compatible avec la compétitivité des entreprises agricoles. Les études démontrent, à systèmes équivalents, la double et souvent la triple performance - économique, environnementale et sociale - des stratégies de maîtrise des charges. Contrairement aux idées reçues, ces choix ne se traduisent pas systématiquement par des baisses de production. Par ailleurs, la notion même de compétitivité doit être questionnée. Pour être authentique, celle-ci doit tenir compte d’un ensemble d’attendus : protection des biens communs, emplois générés, revenu et qualité de vie des actifs, coûts et bénéfices induits pour la société aujourd’hui et demain. Cette approche justifie une répartition équilibrée des aides publiques, le refus de la captation des moyens de production au profit d’une minorité, un commerce équitable ;

– la mise en œuvre du plan est compatible avec l’objectif de nourrir 10 milliards de personnes en 2050. Votre rapporteur s’inscrit dans les pas d’Edgar Pisani et des travaux du groupe de Seillac : « pour nourrir le monde nous aurons besoin de toute les agricultures du monde ». Dans le même esprit, Olivier de Schutter a tiré les conclusions de son mandat de rapporteur sur l’alimentation aux Nations unies : « Notre modèle agricole, fondé sur des intrants intensifs (engrais et pesticides) et dépendant de l'industrialisation toujours plus poussée de l'agriculture, est à bout de souffle. La question de l'alimentation ne pourra pas être résolue par la concentration de la production dans les régions les plus efficientes, l'aide alimentaire et le commerce international. Il y a une prise de conscience de ce que l'agriculture familiale apporte en matière de réduction de la pauvreté rurale, de gestion raisonnée des écosystèmes ou de diversité des productions agricoles et des systèmes alimentaires. » (3). « Idéalement, je vois à l’avenir coexister deux grands systèmes alimentaires : d’un côté une chaîne d’approvisionnement mondialisée, où le paradigme du commerce équitable, rémunérateur pour les producteurs et respectueux de l’environnement, doit devenir la règle, et de l’autre des systèmes agroalimentaires locaux. Cela me parait être la voie à suivre » (4). Dès lors, il convient de tracer un chemin " praticable " par toutes les parties prenantes.

Une révolution culturelle est en marche, non seulement chez les consommateurs mais également chez les producteurs. Question de santé pour eux-mêmes et leurs proches, question d’image et de marchés, les agriculteurs vivent désormais la maîtrise des pesticides comme un élément de modernité.

Un dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) a été mis en place en France métropolitaine depuis le 1er juillet 2016, par une ordonnance prise en application de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée (ordonnance n° 2015-2015-1244 du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques et décret n° 2016-1166 du 26 août 2016) et du plan Ecophyto 2. Ce dispositif vise à inciter les distributeurs à promouvoir ou à mettre en œuvre auprès des utilisateurs professionnels des actions permettant de réduire l’utilisation, les risques et les impacts des produits phytosanitaires. Concrètement, un objectif de réduction est fixé à chaque distributeur, en cohérence avec l’indicateur national de référence et sur la base de ses ventes de produits de ces 5 dernières années. Le suivi national du plan se fait par un ensemble d’indicateurs comprenant des indicateurs d’intensité du recours (nombre de doses unités, indice de fréquence de traitement), de quantité (quantité de substances actives vendues), de risque et d’impact, et d’évolution des pratiques.

La catégorie des produits de biocontrôle a été introduite à l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime par l’article 50 de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Ils sont définis comme « des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ils comprennent en particulier :

« 1° Les macro-organismes ;

« 2° Les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale ».

Cet article distingue les macro-organismes (insectes, nématodes) utilisés dans le cadre du biocontrôle, qui ne constituent pas des produits phytopharmaceutiques et ne sont pas soumis à leur réglementation, des autres agents qui sont eux qualifiés de produits phytopharmaceutiques et sont donc soumis aux règles qui s’y rattachent.

Ces produits de biocontrôle figurent sur une liste définie par l’autorité administrative. Ne peuvent ainsi être inscrits sur cette liste les produits ne bénéficiant pas d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en cours de validité et ceux composés de produits particulièrement dangereux ou toxiques. Les produits de biocontrôle contenant des micro-organismes sont des virus, des bactéries ou des champignons. Les médiateurs chimiques sont essentiellement les phéromones. Les substances naturelles d’origine végétale sont par exemple le soufre (fongicide, notamment), le sulfate de fer (ses usages sont multiples) ou la terre de diatomée (efficace contre les chenilles et les pucerons sur les plantes et comme filtrant pour le vin).

Dans le but de favoriser leur utilisation, ces produits de biocontrôle bénéficient de délais d’évaluation réduits.

En application du code rural et de la pêche maritime ils sont, contrairement aux autres produits phytopharmaceutiques, exemptés de l’interdiction :

– de publicité commerciale (article L. 253-5) ;

– d’utilisation par les personnes publiques dans les espaces verts, forêts, voiries ou promenades accessibles ou ouverts au public (article L. 253-7) ;

– de cession directe en libre-service à des utilisateurs non-professionnels (article L. 254-7) ;

– de mise sur le marché, de délivrance, d’utilisation et de détention pour un usage non-professionnel à partir du 1er janvier 2019 (article L. 254-7).

Ils sont exemptés de l’obligation d’agrément phytosanitaire pour l’application en prestation de services (article L. 254-1) ;

Leur vente bénéficie d’un taux fiscal réduit de moitié (0,1 % du chiffre d’affaires) par rapport au taux des autres produits phytopharmaceutiques (0,2 % du chiffre d’affaires).

Les produits de biocontrôle ne répondent pas encore à toutes les situations pour protéger les plantes contre les stress biotiques mais de nombreuses solutions de biocontrôle existent en matière agricole.

Selon l’association française des entreprises de produits de biocontrôle (IBMA) interrogée par votre rapporteur, les ventes de produits de biocontrôle représentent aujourd’hui 5 % du marché de la protection des plantes en France.

Il convient d’encourager encore ces pratiques.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 11 janvier 2017, la commission a procédé à l’examen de la proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle (n° 4344), sur le rapport de M. Dominique Potier.

Mme la présidente Frédérique Massat. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de loi n° 4344 relative à la lutte contre l’accaparement des terres et au développement du biocontrôle. M. Dominique Potier a été nommé rapporteur de ce texte, dont il est également l’auteur.

Cette proposition de loi fait suite à l’annulation par le Conseil constitutionnel des dispositions relatives au foncier agricole introduites dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Sapin II). Le Conseil a estimé en effet que ces articles étaient dépourvus de tout lien avec le texte initial, qu’il s’agissait donc de cavaliers législatifs.

Au regard de l’importance du sujet et d’un certain consensus entre les deux chambres sur le travail du rapporteur, il a été considéré qu’un texte déjà adopté par le Sénat avait toutes les chances de voir le jour avant la fin de la législature.

Je vous informe que vingt-quatre amendements ont été déposés et qu’aucun n’a été retiré ou déclaré irrecevable.

La seconde partie concerne le biocontrôle, sujet sur lequel M. Dominique Potier s’est également beaucoup investi au cours de cette législature.

Le texte sera discuté en séance publique le mercredi 18 janvier, en soirée.

M. Dominique Potier, rapporteur. Tout d’abord, j’adresse à tous mes meilleurs vœux, sous l’auspice de la concorde car je pense que les deux sujets que nous abordons aujourd’hui, le combat pour la régulation du foncier agricole considéré comme un bien commun et non seulement comme une propriété privée, et le biocontrôle en tant qu’arme d’une agroécologie qui restera une marque de ce quinquennat, peuvent nous rassembler très largement.

C’est une proposition de loi déposée en 2013 par le groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC) qui a permis de poser la question d’une nouvelle donne en matière de foncier. La déréglementation intervenue lors des précédentes législatures avait ouvert des brèches : montée d’un certain individualisme, d’une compétition dans le monde agricole, course à l’agrandissement, et, à partir de 2008, arrivée de fonds spéculatifs sur le marché foncier, au-delà même des zones frontalières et des zones à haute valeur ajoutée, comme le vignoble, où ces démarches étaient déjà banalisées. Nous avons ainsi constaté une perte de contrôle dans ce qui a longtemps été un défi national partagé par tous, une logique patrimoniale et social-démocrate permettant d’affecter le foncier à ceux qui en ont le plus besoin plutôt qu’à ceux qui ont les plus grands moyens. C’est cette tradition qui a permis une modernisation équilibrée de notre agriculture.

Face au constat d’une rupture, nous avions déposé une proposition de loi pointant trois limites à dépasser. La première était un cadre de l’installation privilégiant le jeune exploitant de manière excessive, avec une logique du fusil à deux coups : le jeune s’installe sans reconnaître son héritage paternel ou maternel et récupère ensuite cet héritage au nom du droit familial. Cet abus a été corrigé dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

La deuxième limite avait trait au phénomène sociétaire qui nous réunit ce matin. Nous avions fait un premier pas dans la loi d’avenir en matière de transparence et d’information des mouvements fonciers au sein des sociétés et esquissé la possibilité pour les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) d’intervenir en cas de cession de 100 % des parts sociales, mais ce système pouvait être aisément contourné et nous avons donc formulé des propositions dans notre proposition de loi.

Enfin, nous avions évoqué une réflexion à venir sur les abus du travail à façon. De nombreux agriculteurs ne prennent pas leur retraite et continuent d’être exploitants, ou bien ce sont ce que M. Daniel Prieur, de la FNSEA, a baptisé les « agriculteurs contemplatifs », qui, habitant parfois dans une grande ville ou à Paris, gèrent par téléphone une exploitation, bénéficiant des aides de la politique agricole commune (PAC), sans jamais mettre les pieds sur leurs terres ou rarement. Cette question sera réglée par le statut de l’agriculteur, un chantier ouvert dans la loi d’avenir mais encore loin d’être achevé.

Je me réjouis que, dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, le ministre Stéphane Le Foll et le rapporteur Germinal Peiro aient créé un volet foncier s’inspirant de notre proposition de loi : renforcement du pouvoir des SAFER, élargissement de la collégialité de leurs décisions, règlement sur l’installation qui ne priorise pas de manière absolue l’installation des jeunes mais donne à ces derniers à choisir entre le patrimoine familial et l’acquisition nouvelle… C’était un premier pas très important, consacrant après des années de déréglementation un début de retour à la régulation.

Force est de constater, cependant, que nous n’avons pas été assez loin. Au moment de l’affaire de la multinationale chinoise dans l’Indre, le pays a été saisi d’une vague d’émotion. Il peut y avoir dans cette émotion une part de sentiment anti-étranger qui n’est pas le nôtre, mais je ne suis pas choqué de voir le sens commun s’émouvoir que des capitaux étrangers deviennent propriétaires de façon massive de terres céréalières. Le sujet est revenu dans le débat public et a pu être abordé dans le cadre de la loi Sapin II. Je remercie la commission des affaires économiques d’avoir porté dans ce débat des amendements sur le phénomène sociétaire.

Nous avons réuni à deux reprises l’ensemble des forces agricoles
– SAFER, Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), Coordination rurale, Confédération paysanne, Jeunes Agriculteurs, FNSEA – et nous avons obtenu un quasi-consensus, mises à part des réserves de la Coordination rurale, sur les propositions que nous avons élaborées à la suite d’échanges fructueux avec l’opposition. Nous avons eu à cœur d’élargir ce consensus au Sénat et je salue la complicité de M. Daniel Gremillet, sénateur des Vosges et rapporteur, qui a abouti aux mêmes conclusions, tout en précisant nos intentions. Sa vigilance a permis d’améliorer le texte. Lors de la commission mixte paritaire (CMP) sur Sapin II, l’accord a été total sur ces questions.

Le Conseil constitutionnel a malheureusement considéré que ces dispositions n’avaient pas leur place dans la loi Sapin II. Il fallait donc agir très vite et je salue la présidence du groupe et celle de la commission qui ont permis le dépôt en huit jours d’une proposition de loi les reprenant très précisément. Je donnerai un avis favorable à quelques amendements d’ordre technique, inspirés par les organisations syndicales. Ce dernier texte agricole de la législature est aussi l’occasion de traiter quelques questions non fondamentales, mais il ne s’agit pas de rouvrir le débat sur ce que nous avons déjà discuté de manière approfondie.

Le Gouvernement nous a par ailleurs demandé de porter des questions ayant trait au biocontrôle. Certains trouveront qu’elles ont un caractère réglementaire ou anecdotique, mais je ne partage pas cette analyse. Les dispositions proposées touchent à la sécurité des personnes, à la simplification de la vie des entreprises et à la promotion du biocontrôle, qui représente un apport majeur. Ce n’est pas M. Antoine Herth, auteur d’un rapport ayant fait autorité et que nous avons repris dans le plan Écophyto 2, qui me contredira. Le biocontrôle représente aujourd’hui environ 5 % des solutions alternatives aux solutions traditionnelles de l’agrochimie et a vocation à monter à 15 %. Dans ce domaine, la France est très bien placée, en matière de recherche et développement, de brevets, de startups.

Le principal intérêt de ce véhicule législatif pour le Gouvernement est de rétablir le certificat d’économie de produits phytosanitaires (CEPP) inspiré des certificats d’économies d’énergie. C’est une des propositions phares du Gouvernement en matière agricole. Il s’agit d’introduire une relation B-to-B (Business to Business) entre entreprises. Les agro-fournisseurs auront des objectifs de réduction des produits phytosanitaires avec leurs clients et ces certificats devront concourir à l’objectif de réduction de 25 % de l’utilisation de ces produits dans les cinq ans. Cette logique était une des originalités du rapport Écophyto 2, que j’ai eu l’honneur de remettre à Manuel Valls, alors Premier ministre.

Après avoir fait l’objet d’une habilitation dans la loi d’avenir, le CEPP a été attaqué par certaines organisations, sur des problèmes relevant plus de la forme que du fond. Je continue de penser que le Gouvernement a conduit un travail de consultation publique de qualité, mais le Conseil d’État a rendu sa décision sur l’ordonnance et nous n’avons pas à la commenter. La présente PPL sera l’occasion de reprendre sous la forme d’un amendement du Gouvernement en séance le CEPP, qui, une fois inscrit dans la loi, ne sera plus contestable. Le monde syndical, en partie réticent au départ, s’est mis en mouvement : des coopératives et des opérateurs privés se sont déjà inscrits dans la dynamique et nous demandent que cette disposition ne soit pas remise en cause.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Hervé Pellois. Je suis ravi que nous puissions dès aujourd’hui examiner la proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, déposée par notre collègue Dominique Potier le 21 décembre dernier. Je tiens à l’en remercier. Devant l’urgence mais également l’ampleur de la situation, M. Dominique Potier a su rassembler les forces syndicales dans leur diversité, en lien avec le Gouvernement et le Sénat.

Les agriculteurs mais aussi la société civile dénoncent avec force « l’affaire des investisseurs chinois » dans l’Indre. Ce n’est hélas pas le seul exemple en la matière. Dans le contexte d’une multiplication des contournements observés dans les cessions foncières par le biais de certains montages sociétaires, il s’agit de donner des capacités d’installation nouvelles à de jeunes agriculteurs et de permettre aux SAFER d’exercer complètement le contrôle des transactions.

Comme cela a été rappelé, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la loi Sapin II concernant le renforcement du pouvoir des SAFER. Or ces nouveaux outils devaient permettre d’instaurer une meilleure transparence des acquisitions foncières. C’est pourquoi ces dispositions ont été reprises et renforcées.

La proposition de loi que nous examinons est composée de onze articles, répartis en trois titres.

Le titre Ier vise à préserver les terres agricoles. L’article 1er prévoit qu’en dehors des groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), des exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) et des sociétés ou associations dont l’objet est par nature la propriété agricole, toute acquisition de foncier agricole se fera par l’intermédiaire d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole.

L’article 2 permet aux SAFER d’acquérir des parts de groupements fonciers agricoles (GFA), au-delà de la limite actuelle des 30 % du capital et jusqu’à 100 %. En accord avec le groupe et notre rapporteur, j’ai déposé un amendement visant à supprimer une disposition renvoyant l’application des mesures relatives au GFA à un décret en Conseil d’État ; la loi est suffisamment explicite pour ne pas rendre nécessaire un décret de ce type.

L’article 3 donne aux SAFER un pouvoir de préemption en cas de cession partielle d’une société dont l’objet aurait pour résultat de conférer à l’acquéreur la majorité des parts ou une minorité de blocage.

L’article 4 oblige à conserver cinq années les droits sociaux correspondant aux apports réalisés sur les biens immobiliers agricoles.

L’article 5 permet aux SAFER de maintenir durant cinq années leur participation aux sociétés de personnes dans le cas d’une opération de rétrocession des droits sociaux acquis.

L’article 6 supprime le répertoire de la valeur des terres agricoles, prévu dans le code rural et de la pêche maritime, mais jamais utilisé. Il confirme ainsi la légalité de l’utilisation du barème indicatif de la valeur vénale des terres agricoles.

L’article 7 assouplit la durée de préavis d’un an avant la fin de concession, pour lever certains freins à la concession de terres agricoles par certaines collectivités. J’ai, en accord avec le groupe et notre rapporteur, déposé un amendement sur la gestion du foncier agricole, la détermination des prix à la location et les améliorations sur le fonds donné à bail. La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a mis fin aux élections des assesseurs dans les tribunaux paritaires des baux ruraux, ce qui a entraîné par extension une réforme des modes de désignation des représentants fermiers et bailleurs dans les commissions départementales des baux ruraux, nécessitant l’adoption d’un décret avant le 1er janvier 2018. L’adoption de cet amendement permettra au même décret de tenir compte de ces deux ajustements, tout en procédant à une simplification administrative.

Le titre II vise à développer le biocontrôle. L’article 8 élargit l’exemption d’agrément pour les applicateurs professionnels de produits de biocontrôle à l’ensemble des produits de biocontrôle, exception faite de ceux soumis à un étiquetage comportant une mention de danger. Cela facilitera l’usage des produits de biocontrôle reconnus dans la loi d’avenir du 13 octobre 2014.

L’article 9 exempte de l’obligation de Certiphyto les salariés temporaires qui disposent les diffuseurs passifs de certains produits de biocontrôle de type médiateurs chimiques, comme les phéromones ou les kairomones. L’article 10 ratifie l’ordonnance relative au dispositif expérimental de CEPP.

Le titre III traite de dispositions diverses. L’article 11 gage les charges éventuelles, liées aux mesures de la proposition de loi, sur l’instauration d’une taxe additionnelle sur les activités commerciales.

Je vous invite à voter unanimement cette proposition de loi, dans l’objectif d’éviter l’accaparement et la financiarisation des terres agricoles par des sociétés d’investissement au détriment du renouvellement des générations en agriculture.

M. Antoine Herth. J’adresse tout d’abord à toutes et à tous mes meilleurs vœux en ce début d’année 2017. Je suis moins convaincu que vous, Monsieur le rapporteur, sur l’intérêt de ce texte. Tout d’abord, il s’agit d’une séance de rattrapage. L’opposition n’a pas été assez précise dans ses questions, au moment du débat sur Sapin II, pour permettre de lever les lièvres au sein de ces dispositifs. La mise en œuvre du texte, le régime fiscal et juridique des sociétés à créer, la remise en cause de certaines fonctions des SAFER posent en effet de nombreuses questions. Nous pouvons être d’accord avec l’objectif d’éviter l’accaparement des terres, ainsi que sur le rôle incontournable des SAFER, mais nous resterons très vigilants sur les mesures votées par le Parlement en matière de foncier agricole.

Vous indiquez avoir obtenu le consensus de quatre organisations agricoles, mais ce n’est pas suffisant. Le débat ne concerne pas seulement les exploitants de terres agricoles mais aussi des propriétaires de terres agricoles qui ne sont pas forcément exploitants. Il vous manque donc une moitié du quorum, si j’ose dire, pour conduire valablement ce débat.

Vos dispositions sont fragiles et vous pêchez par excès d’optimisme quant à leur portée réelle. Je suis d’accord qu’il faudra une loi sur le foncier, notamment pour savoir comment mobiliser de l’argent. Ici, vous essayez d’éviter que de l’argent n’entre pour l’achat de terres ; il faut en même temps se poser la question de savoir qui acceptera demain de financer des terres agricoles, parce que les agriculteurs ne pourront plus mobiliser les financements à eux seuls : ils en ont besoin pour mettre aux normes, moderniser, rendre plus écologiques leurs équipements. Il faut donc trouver des véhicules qui permettent de préserver la liberté d’exploitation tout en délestant les exploitants de la charge de porter la propriété du foncier.

L’article 10 est caduc. Vous avez indiqué qu’il serait remplacé par un amendement du Gouvernement qui remettra en vigueur une disposition par ailleurs controversée. Je regrette cette manière de procéder. Autant le consensus est entier sur les articles 8 et 9, autant le débat n’est pas clos sur les CEPP, contrairement à ce que vous prétendez.

Ce texte me semble être un bricolage de fin de législature. À titre personnel, je ne peux m’inscrire pas dans une telle démarche.

M. Thierry Benoit. Il s’agit d’une loi d’ajustement, après la décision du Conseil constitutionnel. La régulation du foncier agricole est un sujet de préoccupation majeur. La France est un grand pays agricole ; c’est d’ailleurs indiqué dans l’exposé des motifs du texte. Nos 28 millions d’hectares de surface agricole utile, c’est 40 % de plus que cet autre grand pays agricole qu’est l’Allemagne.

Dans l’affaire de l’Indre, l’accaparement de 1 700 hectares – la taille d’une grande commune agricole en France –, peu importe d’ailleurs par qui, Chinois ou autres, suscite une grande inquiétude. La France doit demeurer le premier pays agricole en Europe. Quand nous parlons des terres agricoles, nous parlons aussi de la souveraineté des agriculteurs, de celles et ceux qui vivent des fruits de leur travail en cultivant la terre pour nourrir la population. Tout ne peut être spéculation. Jusqu’à présent, le phénomène d’accaparement s’observait dans des pays vulnérables, par exemple en Afrique en vue d’exploiter le sous-sol. Il convient de formuler des propositions pour que l’arsenal juridique français nous donne la possibilité de mettre le holà lorsque quelqu’un, qui que ce soit, cherche à accaparer des terres à des fins de domination et de spéculation.

Puisque le Conseil constitutionnel a considéré que de telles mesures n’étaient pas à leur place, il est bon de corriger le tir avant la fin de la législature. Cela ne me pose pas de problème.

En ce qui concerne le biocontrôle, je suis un fervent défenseur de l’agroécologie, qui, je le rappelle, n’est autre que le prolongement de ce que nos agriculteurs pratiquent depuis déjà une quinzaine d’années, à savoir l’agriculture écologiquement intensive. L’agroécologie est aujourd’hui intégrée par tous les esprits et non plus seulement par ceux qui étaient, il y a trente ou quarante ans, partisans d’une agriculture exclusivement bio. Tous les agriculteurs souhaitent concilier l’urgence économique et l’urgence écologique et environnementale.

Les articles 8 et 9 ne posent pas de problème. En revanche, comme M. Antoine Herth, je m’interroge sur l’article 10. Le Conseil d’État a annulé l’ordonnance d’octobre 2015 et vous essayez de rendre une légitimité à cet acte en l’intégrant dans une proposition de loi.

À titre personnel, je ne m’opposerai pas en commission à cette proposition de loi. Le groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) présentera plusieurs mesures d’ici à la discussion du texte dans l’hémicycle.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je donne à présent la parole aux autres intervenants.

Mme Marie-Lou Marcel. Je me réjouis de l’examen de cette proposition de loi qui fait suite à la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions sur l’accaparement des terres agricoles incluses dans la loi Sapin 2. Cette censure ayant rendu incertaine la situation des SAFER, il était nécessaire, au regard de l’importance des enjeux, de présenter un dispositif législatif adapté qui reprenne l’ensemble de ces dispositions.

Avec les SAFER, notre pays dispose d’un système unique en matière de gestion du foncier agricole. Ce système doit être renforcé. Les SAFER doivent avoir les moyens d’intervenir afin d’éviter toute concentration d’exploitations et tout accaparement de terres au sein d’une même société de holding. Récemment, 1 700 hectares de terres céréalières ont été achetés par un fonds de gestion chinois basé à Hong Kong sans que les SAFER n’aient été mises au courant de cette transaction.

La présente proposition de loi permettra d’assurer une meilleure transparence des cessions de parts ou des actions de sociétés détenant du foncier agricole, et les SAFER pourront intervenir afin de préserver notre agriculture familiale, qui pourrait être menacée par des concentrations abusives.

M. Philippe Armand Martin. L’article 1er de la proposition de loi reprend l’article 90 de la loi Sapin II, que le Conseil constitutionnel a censuré. À ce sujet, le groupe Les Républicains a posé la question majeure du droit de propriété et de la liberté contractuelle, puisque les sociétés qui achètent des terres agricoles seraient obligées de les rétrocéder à une société spécifique dont l’objet principal serait la propriété agricole. Chacun est conscient que la protection des terres agricoles est absolument nécessaire pour les besoins de la production, qui doit répondre à une demande toujours plus importante compte tenu de l’augmentation de la population. Cependant, l’ouverture d’une telle brèche dans le droit de propriété est dangereuse, alors même que la protection des terres agricoles n’est pas parfaitement assurée. De plus, l’extension du droit de préemption des SAFER proposée à l’article 3 ne risque-t-elle pas de déborder rapidement de ses limites ?

La faille de notre droit foncier a récemment été révélée par des affaires d’acquisition de larges surfaces de terres agricoles par des acheteurs étrangers, notamment chinois. Même si ces transactions sont encore limitées, il est à craindre qu’elles aient été réalisées au détriment, à court terme, de nos terres agricoles ; en effet, nul ne connaît précisément les projets des acheteurs. Si le dispositif prévu dans la proposition de loi tend à empêcher ce type de transactions, qu’en est-il en revanche des achats en cours ? Les SAFER peuvent-elles en avoir connaissance avant la fin des procédures de vente ? Alors que les agriculteurs français sont soumis à une législation et à une réglementation tatillonnes qui les contraint quotidiennement, comment seront traitées les sociétés étrangères déjà propriétaires dont le siège social serait situé hors de nos frontières ?

Mme Brigitte Allain. Tout d’abord, j’adresse à toutes et à tous mes meilleurs vœux. Cette proposition de loi est bienvenue tant il est urgent d’agir pour sauver nos territoires ruraux des risques liés aux tentations d’une agro-industrie spéculative et démesurée dont nous commençons tout juste à percevoir les limites économiques et le coût social et environnemental.

Nous sommes face à un défi social considérable pour nos territoires ruraux, qui devrait concerner un grand nombre de producteurs puisqu’il s’accompagne d’un défi économique. En effet, le développement de l’agroécologie dépend d’un accompagnement législatif dont la maîtrise et la gestion des structures agricoles sont l’une des clefs de voûte. Oui, la lutte contre l’accaparement des terres est bien l’un des outils indispensables à la mise en œuvre de l’agro-écologie pour assurer la souveraineté alimentaire du pays. Si chacun convient aujourd’hui de la nécessité de réguler nos productions en fonction de notre besoin alimentaire et, surtout, pour mieux y répondre, peu de nos concitoyens, en particulier agriculteurs, ont intégré cette dimension humaine, sociale et sociétale que renforce l’évolution actuelle vers une économie agricole plus territorialisée. La répartition du foncier agricole entre agriculteurs et la définition du statut de l’actif agricole sont tout aussi importantes pour une agriculture durable que la préservation des terres agricoles, naturelles et forestières.

De même, le titre II de la proposition de loi consiste en une reconnaissance de notre capacité et de notre responsabilité collective à privilégier les systèmes d’agriculture et d’élevage respectueux de la nature. En effet, l’utilisation des produits de biocontrôle telle qu’elle est définie dans la loi d’avenir de 2014 doit être encouragée et accompagnée. De ce point de vue, j’ai un regret : les préparations naturelles peu préoccupantes devraient bénéficier du même regard que les produits de biocontrôle car comme eux, elles ne nécessitent ni plus, ni moins qu’une bonne connaissance du milieu naturel et de son équilibre.

Enfin, pour assurer une réduction concrète et efficace de l’usage des phytosanitaires, nous n’avons pas réussi à imposer la différenciation dans la loi entre les conseillers prescripteurs et les commerciaux. Pour que l’agroécologie devienne réellement le mode de développement agricole rural dans une dynamique de projets, nous devons nous appuyer sur des agents de développement indépendants de l’agrochimie.

Mme Annick Le Loch. Je me réjouis de cette proposition de loi qui vise à lutter contre l’accaparement des terres agricoles et à favoriser le développement du biocontrôle, deux sujets importants pour l’économie et l’environnement de notre pays.

Les SAFER jouent un rôle majeur pour assurer la transparence du marché du foncier et la régulation des prix de vente de ce foncier. Sans le contrôle qu’elles exercent, l’hectare de terre aurait certainement dépassé le prix auquel il se négocie aujourd’hui. En Bretagne, par exemple, l’hectare de terre se vend à des prix compris entre 4 000 et 10 000 euros selon les lieux ; sans le contrôle des SAFER, il se négocierait sans doute entre 20 000 et 30 000 euros. C’est dire l’importance de ce mode de gestion qui n’existe pas en Europe du Nord, par exemple. Les appétits grandissants d’investisseurs étrangers s’expliquent en partie par le faible coût de la terre en France.

Lors de son assemblée générale à Brest, la fédération nationale des SAFER a réclamé le droit d’avoir accès aux ventes réalisées sous couvert de structures sociétaires, qui lui échappent jusqu’à présent ; ce texte lui en donnera les moyens. Outre les aspects de gestion de l’espace, d’environnement et de régulation des prix du marché du foncier rural, qui sont essentiels dans les décisions des SAFER, il faut aussi privilégier le renouvellement des générations en agriculture et l’installation dans toutes ses formes. Chacun a entendu parler des difficultés d’accès rencontrées par tel ou tel porteur de projet.

Ce texte aura-t-il un impact sur l’accès au foncier dans toutes les formes d’agriculture, qu’elle soit conventionnelle, biologique, biodynamique ou expérimentale ? Permettra-t-il à tous les porteurs de projets agricoles de s’installer ?

M. Éric Straumann. « Le monde aura besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir le monde » : vous rappelez cette citation d’Edgar Pisani dans votre exposé des motifs, Monsieur le rapporteur. Encore faut-il que les agriculteurs puissent vivre de leurs productions, ce qui est aujourd’hui difficile en France. Je pense en particulier aux agriculteurs retraités : le foncier constitue souvent une forme de retraite complémentaire, le niveau des pensions agricoles étant extrêmement faible. Sans doute faudrait-il donc réfléchir au lien entre le foncier et la retraite agricole, car les conditions de cession seront rendues plus compliquées pour les anciens agriculteurs, étant donné qu’ils ne pourront pas libérer le capital d’assurance-vie que représente pour eux le foncier.

Mme Isabelle Attard. Certes tardive, cette proposition de loi, loin d’être du rafistolage, arrive au bon moment et répond très à propos à de nombreuses inquiétudes existant non seulement dans les circonscriptions rurales mais aussi ailleurs. Ce sujet a donné lieu à de nombreuses discussions lorsque j’ai traversé ma circonscription à pied en avril. Ces inquiétudes ne sont pas infondées et vous avez raison de vous y attaquer maintenant : aujourd’hui, les investisseurs chinois – ou américains, voire suédois en Afrique – menacent en effet la sécurité alimentaire. N’oublions pas que les SAFER avaient pour mission essentielle de réguler les achats des terres et de permettre que « les projets agricoles soient en cohérence avec les politiques locales et répondent à l’intérêt général ».

Nous sommes aujourd’hui très loin de cette mission essentielle. Les sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA) et les groupements fonciers agricoles sont complètement aspirés. Or, ces investissements ne sont pas le fait d’investisseurs anonymes. Le magazine Reflets Info a accompli un travail énorme et précis en la matière, et j’invite mes collègues à lire ses deux articles qui révèlent que ces multinationales ont un nom : Hongyang et Beijing Reward International Trade. Un Français, toujours le même, est à la manœuvre : M. Marc Fressange. Nul ne sera insensible au fait que ces opérations financières sont ciblées sur notre territoire, et ce non pas seulement dans l’Indre : les déménagements en Normandie du siège social des sociétés créées lors de ces acquisitions font craindre des achats beaucoup plus importants de terres agricoles, au point que les 1 700 hectares achetés dans l’Indre ne seraient que l’arbre qui cache la forêt d’autres rachats. Je me réjouis donc que nous puissions, même en fin de mandat, examiner ce problème en urgence.

M. Philippe Le Ray. Je partage certains des grands points de cette proposition de loi mais elle a ses limites, déjà soulevées lors du débat sur la loi d’avenir pour l’agriculture et sur la loi Sapin II.

Avant de parler d’outils et de moyens, il faut définir précisément la notion d’exploitant agricole. Chacun conviendra qu’il est d’abord un producteur. Que les producteurs soient ou non propriétaires de leurs terres, de leur cheptel voire de leurs bâtiments et de leur matériel, nous devons défendre cette définition du producteur et de l’accès au foncier.

La SAFER, qui joue un rôle très important, ne couvre qu’une petite partie de cette dimension foncière. La principale question tient aux autorisations d’exploiter, qui demeurent la base de la transmission et de l’agrandissement des exploitations agricoles en France. Dans ce texte comme à l’avenir, nous devrons veiller avec la plus grande attention à conserver un lien assez sain entre propriétaire et locataire.

D’autre part, nous devons définir avec beaucoup plus de précision la notion de propriété et d’usage de la propriété, ce qui ne semble pas être le cas dans cette proposition de loi. Il nous faut aussi revoir une partie de la fiscalité agricole et la notion de risque de patrimoine en agriculture.

Il existe plusieurs leviers, mentionnés dans le texte. La politique agricole commune, tout d’abord, est sans doute le meilleur d’entre eux. Il existe aussi des outils d’urbanisme susceptibles de protéger la destination des terres. Sans doute aurait-on pu évoquer le sujet de la bourse foncière destinée aux jeunes agriculteurs.

Enfin, si certains faits divers suscitent parfois quelque animosité, il ne faut pas avoir peur des investisseurs et des personnes qui ont de l’argent, qu’ils viennent ou non de l’extérieur. Nous devons plutôt légiférer intelligemment, et surtout pas de manière précipitée.

M. Paul Molac. Je regrette l’absence de consensus, ce texte me semblant aller dans le sens de l’intérêt général et reprenant des dispositions dont nous avons déjà discuté – et dont nous ne serions pas saisis une nouvelle fois sans le Conseil constitutionnel. De surcroît, les organismes tels que l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture et la fédération nationale des SAFER ainsi que les différents syndicats nous ont expressément demandé de légiférer sur ce sujet, car ils craignent que la finance s’immisce dans l’agriculture et qu’elle achète des terres. Cela poserait plusieurs problèmes, en effet : ce sont les propriétaires qui décident de ce qu’ils planteront sur leurs terres. Il pourrait donc survenir des agriculteurs contemplatifs qui seront des hauts dirigeants de banques, comme la Bank of China par exemple. Notre souveraineté alimentaire s’en trouverait mise en cause : quelles productions pour quels marchés ? Nos agriculteurs, quant à eux, seraient en porte-à-faux car ils ne seraient plus souverains.

Je suis très attaché à l’agriculture familiale. On peut certes être sociétaire, dès lors que tout sociétaire est un agriculteur qui travaille dans la société en question. Je mets en garde contre les systèmes intégratifs où l’agriculteur n’est plus qu’un tâcheron sur lequel retombent toutes les difficultés : en cas de maladie, c’est son salaire qui est retenu mais, en cas de bénéfices, il ne touche rien, n’étant propriétaire ni des bâtiments, ni du cheptel, ni de la terre. Au contraire, l’agriculture familiale est résiliente et adaptable, et c’est grâce à elle que l’agriculture française est si diverse de toutes ses appellations d’origine. C’est aussi elle qui nourrit la dynamique de nos territoires ruraux.

Même si elle n’a sans doute pas l’ampleur du statut du fermage de 1946, adopté à l’initiative de François Tanguy-Prigent – un autre Breton bien connu –, cette proposition va donc dans le bon sens et favorise l’agriculture familiale ; je la voterai naturellement.

Mme Sophie Errante. Ce texte important prend toute sa place dans la diversification de l’agriculture – de ce point de vue, nous partageons les préoccupations exprimées. Cependant, nous devons envisager la question du contrôle de l’usage des terres : aux propriétaires exploitants, en effet, s’ajoutent des surfaces agricoles utiles qui ne sont pas exploitées. Je sais que ce combat, que je mène depuis longtemps, est difficile, mais nous ne pourrons pas éviter le débat. Ce phénomène crée des friches et empêche le développement de certaines productions ; de plus, les collectivités ont toutes les peines à gérer ces surfaces, dont les propriétaires ne résident souvent plus sur nos territoires et n’entretiennent plus leurs terres, parfois même parce qu’ils ont l’intention de les transformer en terrains constructibles. Surtout, ils refusent les baux agricoles. Outre le problème de propriété agricole, il existe donc un problème d’usage concernant les surfaces agricoles dites utiles et pourtant inutilisées.

Mme Michèle Bonneton. Cette proposition de loi reprend des dispositions annulées par le Conseil constitutionnel pour des raisons non pas de fond, mais de forme. En septembre dernier à Bruxelles, les SAFER et les structures équivalentes des autres pays de l’Union européenne ont tenu un colloque lors duquel elles ont toutes demandé davantage de régulation concernant l’achat des terres agricoles, car l’accaparement des terres est un réel problème dans tous les pays de l’Union. J’ai constaté à cette occasion que dans certains pays, les prix des terres agricoles connaissent une hausse considérable et très rapide : en Belgique, par exemple, le prix au mètre carré des terrains agricoles est souvent dix à vingt fois plus élevé qu’en France. Cet écart énorme illustre bien les appétits qui naissent dans ce domaine, et les investisseurs se tourneront rapidement vers la France si nous n’érigeons aucune barrière.

En maîtrisant le foncier agricole, il s’agit tout simplement de garantir la souveraineté des agriculteurs sur leurs terres et sur leur métier. La liberté de choix des agriculteurs est fondamentale. Je suis donc tout à fait favorable à cette proposition de loi.

Quant au biocontrôle, c’est une chance à la fois pour l’agroécologie et pour nos entreprises, qui ont de beaux atouts dans ce domaine. Il y a dans ma circonscription de nombreuses expérimentations en ce sens et nous devons utiliser massivement des traitements qui ne sont pas trop chimiques. Enfin, je suis favorable au rétablissement, à l’article 10, des dispositions de l’ordonnance annulée par le Conseil d’État, même s’il faut nous rappeler que des ambitions bien plus importantes en matière de phytosanitaires n’ont jamais été réalisées.

M. Lionel Tardy. Le contrôle des cessions foncières est une spécificité française qu’il faut naturellement consolider dans l’intérêt de notre agriculture. Le dispositif proposé ne doit pas pour autant être fragile et nous devons nous poser plusieurs questions. Avons-nous suffisamment de recul concernant les nouveaux pouvoirs accordés aux SAFER dans la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014 ? De même, pourquoi l’affaire des investisseurs chinois dans l’Indre a-t-elle échappé aux radars ? En mai dernier, M. Stéphane Le Foll disait que la loi de 2014 était suffisamment équipée avec un décret d’application, mais force est de constater que ce n’est pas le cas. Enfin et surtout, les SAFER disposeront-elles des moyens suffisants pour exercer leurs missions ? M. Antoine Herth avait d’ailleurs déjà posé cette question légitime lors de la présentation de son rapport sur la mise en application de la loi précitée, à la fin décembre.

M. le rapporteur. Ce tour de table était édifiant. Je remercie ceux d’entre vous qui ont apporté leur appui sur le fond à cette proposition de loi en rappelant les enjeux qui prévalent sur leurs territoires. Fort naïvement, j’ai annoncé dans mon propos liminaire que le sujet suscitait la concorde entre nous ; ce n’est pas le cas. Je remercie donc tous ceux qui, à droite, ont défendu la propriété foncière en critiquant ce texte car, dans un moment où nous pourrions être saisis par le doute, ils renforcent considérablement ma motivation dans le combat de l’élection présidentielle. Et pour cause : décidément, nous ne parlons pas du même monde et n’avons pas les mêmes valeurs. Je le dis à regret, car il me semblait qu’un socle républicain, une maison commune pouvaient nous rassembler autour de la vision d’une certaine civilisation rurale, d’acquis de l’après-guerre qui me paraissaient solidement enracinés et d’une mémoire syndicale qui, je l’espère, vous habite encore, Monsieur Antoine Herth. En clair, j’espérais un relatif consensus. J’avais cru en voir le signe lorsque M. Daniel Gremillet, sénateur des Vosges – qui n'est pas un gauchiste – a déposé une proposition de loi formulée dans des termes identiques pour signifier son accord total sur le sujet. Je suis donc quelque peu déconcerté. Sans doute le sujet est-il en discussion chez vous, à droite, mais je décèle des propos fort inquiétants dont j’aimerais débattre.

L’accusation de bricolage n’est guère fondée : cette proposition de loi vise très simplement à reprendre des dispositifs qui ont été contrés pour les uns – le certificat phytosanitaire – par le Conseil d’État et pour les autres par le Conseil constitutionnel, qui ne jugeait pas opportun de les placer dans la loi Sapin II, quoi qu’on en pense sur le fond. Faire ce reproche reviendrait à assimiler à du bricolage les réunions interprofessionnelles approfondies – et saluées par toute la profession – que nous avons tenues, mais aussi les travaux de notre commission et le débat que nous avons eu avec Mme Catherine Vautrin, dont nous avons retenu certains des amendements pour parvenir au consensus, et même tout le travail de réflexion que nous menons depuis quatre ans sur les enjeux fonciers. Je récuse donc l’accusation de bricolage : cette proposition de loi vise certes à un rattrapage, à la suite de l’arrêt du Conseil d’État et à la décision du Conseil constitutionnel, mais c’est la marche législative normale.

Sur le fond, j’entends les arguments exposés par les députés de droite sur la propriété foncière. Ils sont vieux comme le monde ! Certains reprennent le débat philosophique de La Terre, d’Émile Zola ; d’autres celui qui, avant-guerre, a opposé les propriétaires terriens aux forces émergentes des jeunesses agricoles chrétiennes. Je constate surtout un retour en arrière par rapport au consensus national établi sous Edgar Pisani, c’est-à-dire un accord entre le monde du travail et le monde de la propriété qui place clairement le patrimoine foncier au service de la dynamique entrepreneuriale, de la souveraineté alimentaire, de la conquête des marchés agro-alimentaires et d’une agriculture familiale, coopérative ou encore associative, et qui contraint la propriété foncière par des lois sur le fermage et grâce à la création des SAFER. Autrement dit, la puissance publique régule et évite toute démesure tout en permettant aux exploitations de grandir et de se moderniser en respectant l’équilibre entre les uns et les autres. Ce consensus n’a été brisé que par quelques dispositions de « simplification » adoptées en son temps par la majorité précédente ; j’ignore si elles l’ont été de manière innocente ou calculée, mais elles ont eu des effets délétères sur le terrain.

Que l’on soit de droite ou de gauche, libéral, socialiste ou écologiste, nous pouvons tous faire le constat suivant : il y a aujourd’hui deux poids deux mesures entre les sociétés coopératives et les individus, qui sont sous le radar des SAFER et du contrôle des structures, et des « boîtes noires » qui passent à travers la loi et ses principes. Nous ne faisons qu’adapter le cadre juridique à ces sociétés, qui doivent être traitées de la même manière que les autres. Comment expliquer que sur un territoire donné, le cumul ou le dépassement des structures soit décrété pour un agriculteur possédant seul cent hectares alors qu’une société composée de deux actionnaires anonymes peut s’agrandir en tout impunité ?

Le présent texte contient des mesures de spécialisation de la propriété foncière, de notification – qui, si le décret avait pu être pris à temps, auraient permis de rendre visible l’opération de la multinationale chinoise dans l’Indre – et de transparence qui visent tout simplement à mettre les sociétés à égalité avec les autres propriétaires. Il ne s’agit pas de remettre en cause la propriété, mais de remettre au goût du jour l’accord national entre la propriété et le travail, qui était détourné, afin de l’adapter à la réalité des montages spéculatifs à l’œuvre sur le terrain, qu’ils soient gaulois ou chinois – je ne cesse de le répéter pour éviter de donner le sentiment d’une stigmatisation de l’étranger, qui rejoindrait des combats par ailleurs nauséabonds. Je suis donc très étonné par vos propos qui m’inquiètent.

Certes, au-delà des dispositions prises dans la loi d’avenir, dans la loi Sapin II et dans cette proposition de loi, il faudra une grande loi foncière. Nous savons en effet que l’augmentation de 4 pour 1 000 du stockage de carbone dans l’humus aura une incidence sur le changement climatique. Nous savons aussi, comme l’a établi la Cour pénale internationale de La Haye en septembre 2016, que l’accaparement des terres à Madagascar, au Mozambique ou en Tunisie suscite désormais plus de violence et de misère que les guerres dans le monde. Ce problème émergent en Europe est mortifère dans les économies rurales et menace la souveraineté alimentaire de plusieurs régions du monde. C’est un sujet colossal. Est-ce à la loi de l’argent de réguler la propriété foncière, qui était à la fois social-démocrate et patrimoniale ? Le capitalisme financier cassera-t-il cette logique, qui a certes ses défauts et ses insuffisances mais qui appartient globalement à un socle civilisationnel auquel nous sommes attachés ?

Je dis ceci aux partisans de la « liberté » : vous pouvez défendre la propriété foncière, mais je crois qu’elle doit plutôt répondre à la logique du livret A qu’à celle du CAC40. C’est un choix politique : on ne saurait défendre la retraite des mondes paysans par la spéculation sur les coûts du foncier tout en demandant la relève des générations du monde agricole. Le moment viendra où il faudra choisir son camp. La retraite agricole, comme le sait bien M. Germinal Peiro, relève d’une autre dynamique que celle de la spéculation sur un bien immobilier hérité ; ne mélangeons pas tout, au risque de créer une confusion totale. Il faut à l’évidence faire un choix politique et un choix de civilisation ; je ne partage pas le vôtre. Si le choix de la liberté était fait, je défendrais celle d’entreprendre. En ce qui me concerne, j’ai trois associés qui ne viennent pas du monde agricole : sans des lois protectrices comme celle-ci, ils n’auraient jamais pu accéder au métier d’agriculteur. Je défends un modèle où tous ceux qui ont la vocation peuvent entreprendre, car nous partageons les droits à produire, mais je ne défends pas un modèle de la propriété et de la spéculation. Il faudra bien choisir dans quel camp et en faveur de quelle perspective politique nous sommes. Vous me motivez donc profondément pour le combat de l’élection présidentielle et j’en suis heureux, car si ces débats ne sont pas tranchés chez vous, j’ignore quel avenir du milieu rural se dessine. Je rappelle simplement que le prix du foncier agricole, qui reste maîtrisé en France, est un extraordinaire élément de compétitivité de nos exploitations et que toute dérive en la matière aura un effet délétère sur notre capacité à conquérir des marchés, voire à conserver le marché agricole intérieur.

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

TITRE IER
PRÉSERVATION DES TERRES AGRICOLES

Article 1er
(article L. 143-15-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)

Limitation de l’acquisition de foncier agricole aux sociétés dont l’objet principal est la propriété agricole

Outre les coopératives et les associations, les sociétés agricoles se répartissent en trois grands types de sociétés : les sociétés commerciales, les sociétés de gestion ou d’exploitation ou les sociétés foncières.

Les sociétés commerciales ne sont pas spécifiques au monde agricole mais elles sont parfois utilisées en agriculture. Il s’agit du groupement d’intérêt économique (GIE), dont l’objet est de faciliter ou de développer l’activité de ses membres, de la société en nom collectif (SNC), de la société à responsabilité limitée (SARL) ou encore de la société anonyme (SA).

Les sociétés civiles de gestion ou d’exploitation ont pour objet la gestion et l’exploitation d’un domaine agricole ou la réalisation d’un travail en commun, parfois dans des conditions comparables à celles d’une exploitation familiale. Les plus utilisées sont : la société civile d’exploitation agricole (SCEA), le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) ou l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL). En GAEC, tous les associés doivent être exploitants. Ce qui n’est pas le cas en SCEA et en EARL, où des associés non exploitants sont admis.

Au sein des sociétés foncières, le groupement foncier agricole (GFA) a pour objet la création ou la conservation d’un ou de plusieurs domaines agricoles. Il suppose au moins deux associés. Le GFA permet de conserver le patrimoine foncier en dehors de l’exploitation proprement dite. Le groupement foncier rural (GFR) permet de détenir à la fois des biens agricoles et forestiers. Les sociétés civiles immobilières (SCI) sont la forme générique des sociétés dont l’objet principal est la propriété foncière.

2. Les dispositions de la proposition de loi

Cet article prévoit que l’acquisition de foncier agricole doit se faire par l’intermédiaire d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole (GFA, GFR ou SCI). L’idée est que toute acquisition foncière ne puisse se faire que par une société foncière transparente.

Par exemple, une SCEA –  dont l’objet principal n’est pas la propriété agricole et qui aujourd’hui ne peut faire l’objet d’une préemption par la SAFER que lorsque la totalité des parts sont cédées –  qui souhaiterait acquérir du foncier agricole sera contrainte de s’appuyer sur une société de portage dédiée au foncier, qui elle, par combinaison des articles 2 et 3 de la proposition de loi, pourra désormais être préemptée, même en cas de cession partielle.

Cette obligation ne s’impose pas aux sociétés ou associations dont l’objet est déjà, par nature, la propriété agricole. Elle ne s’impose pas non plus aux groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), qui sont une forme sociétaire particulière où tous les associés ont l’obligation d’être associés exploitants et qui ne peuvent donc pas, de par leur nature, constituer un outil d’accaparement du foncier agricole. Elle ne s’impose pas non plus aux entreprises agricoles à responsabilité limitée (EARL), forme sociétaire également particulière dans laquelle les associés sont nécessairement des personnes physiques et dans laquelle les associés-exploitants doivent détenir au moins 50 % du capital social.

Afin d’assurer la proportionnalité du dispositif, il ne s’applique pas à toutes les propriétés ayant cet objet mais seulement à celles dont la surface est supérieure aux seuils prévus par le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA).

Enfin, il ne s’applique qu’aux acquisitions futures.

Le troisième alinéa de cet article a été précisé par rapport à la version adoptée dans le projet de loi Sapin II.

Ce dispositif est conforme au souhait de votre rapporteur de pallier le risque d’accaparement du foncier agricole et de financiarisation des terres. Seule la transparence des acquisitions foncières permettra d’assurer l’identification des détenteurs du capital foncier français.

Combiné à l’article 3 de la proposition de loi, qui prévoit d’étendre le droit de préemption des SAFER en cas de cession partielle de parts ou d’actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole, il constituera un outil efficace au service de l’installation des agriculteurs, du renouvellement des générations et du maintien et de la consolidation des exploitations agricoles.

Conformément aux débats tenus lors de la discussion du projet de loi Sapin II, votre rapporteur vous propose d’adopter cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 1ersans modification.

Article 2
(articles L. 322-2 et L. 322-22 du code rural et de la pêche maritime)

Possibilité d’acquisition, pour les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, de plus de 30 % des parts de groupements fonciers agricoles ou ruraux

En application de l’article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée, les SAFER peuvent acquérir, par voie de préemption, la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole lorsque l’exercice de ce droit de préemption a pour objet l’installation d’un agriculteur. Les GFA et les GFR sont concernés par cette préemption.

La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a par ailleurs choisi de limiter la prise de participation des SAFER au sein de ces sociétés à hauteur de 30 % du capital maximum.

2. Les dispositions de la proposition de loi

Cet article a pour objet de permettre aux SAFER de pouvoir acquérir, à l’amiable, la totalité des parts de GFA ou de GFR, et non plus de limiter leur prise de participation à 30 % maximum du capital de ces sociétés agricoles. Il opère en ce sens un alignement des modalités d’acquisition amiable des SAFER pour toutes les sociétés.

Ce dispositif est cohérent avec l’obligation imposée par l’article 1er d’utiliser une société de portage foncier pour toute acquisition de foncier.

Cette mesure participe au renforcement de la mission agricole des SAFER en faveur de la protection des espaces agricoles.

Votre rapporteur vous propose d’adopter cet article en le complétant d’un amendement abrogeant l’article L. 322-24 du code rural et de la pêche maritime qui prévoit qu’un décret en Conseil d’État sur les modalités d’application des GFA puisse être publié. Le Gouvernement n’en a jamais fait usage.

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La commission examine les amendements identiques CE7 de M. Dino Cinieri, CE9 de M. Jean-Claude Bouchet, CE14 de M. Thierry Benoit et CE23 de M. Fabrice Verdier.

M. Éric Straumann. L’amendement CE7 est défendu.

M. Antoine Herth. L’amendement CE9 vise à améliorer les dispositions concernant les regroupements fonciers agricoles.

Je saisis cette occasion pour répondre à M. le rapporteur, qui s’emballe dans des considérations idéologiques en invoquant les circonstances de la campagne électorale. Vous feriez bien de relire mes déclarations dans le compte rendu de notre séance et de les comparer aux vôtres à tête reposée : vous constaterez alors que j’ai simplement posé des questions de bon sens. Je ne suis aucunement opposé à imposer aux sociétés privées le même niveau de contrôle qu’aux groupements fonciers agricoles. Je ne fais que soulever le problème de la transmission du foncier. Si vous voulez à l’avenir proposer une grande loi agricole, il vous faudra discuter avec l’ensemble des parties prenantes et vous poser la question de nouveaux véhicules. Le groupement foncier agricole a son rôle à jouer mais il n’a hélas pas pu résoudre le problème dans son ensemble.

J’aimerais que vous entendiez, Monsieur Dominique Potier, qu’être en désaccord avec vous ne revient pas forcément à adopter une posture idéologique. Je ne fais pas d’idéologie ; je pose des questions et tâche d’examiner les problèmes en toute lucidité pour imaginer des solutions innovantes, car il n’est pas certain que des outils datant du milieu du XXe siècle puissent apporter des réponses aux problèmes du XXIe siècle. C’est tout ce que je dis, et je n’aime guère votre ton, ni la manière dont vous essayez d’emballer le sujet. Nous aurons des explications dans l’hémicycle le 18 janvier, et je poserai de nombreuses questions au ministre en espérant recevoir enfin des réponses claires et précises ; ceci est un avertissement.

M. Thierry Benoit. Dans le prolongement du propos que vient de tenir M. Antoine Herth, l’amendement CE14 vise à adapter les modalités de modulation des surfaces concernant les groupements fonciers agricoles, notamment la référence à la surface minimum d’installation, supprimée en 2014.

M. Fabrice Verdier. L’amendement CE23 est défendu.

M. le rapporteur. J’ai dialogué avec toutes les parties prenantes, y compris celles qui ont inspiré ces amendements. Ils ne me semblent pas opportuns, car la loi d’avenir établit la régulation au niveau régional. Je propose de renvoyer au domaine réglementaire les modifications relatives à la surface minimum d’installation et à la prise en compte des régions naturelles. Ne créons pas de la confusion – comme en conviennent les promoteurs de l’amendement eux-mêmes – en substituant au schéma régional un schéma départemental. Le problème existe, mais la solution proposée ne me semble pas opportune. Je suggère aux auteurs des amendements de les retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable. Nous pourrons éventuellement interroger le ministre en séance sur la manière de trouver une solution intelligente à l’inadéquation entre les régions naturelles et administratives dans la délimitation surfacique ; en l’espèce, je crains que la solution proposée ne crée de la complexité là où nous avons besoin de limpidité.

M. Thierry Benoit. Attentif aux explications de M. le rapporteur, je retire mon amendement.

M. Fabrice Verdier. Je fais de même.

Les amendements CE14 et CE23 sont retirés.

La commission rejette les amendements CE7 et CE9.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CE18 du rapporteur et les amendements identiques CE5 de M. Lionel Tardy, CE8 de M. Dino Cinieri, CE10 de M. Jean-Claude Bouchet, CE20 de M. Hervé Pellois et CE24 de M. Fabrice Verdier.

M. le rapporteur. Nous souhaitons tous ici saisir l’occasion de cette proposition de loi pour toiletter certaines dispositions législatives devenues inutiles. C’est ce que propose l’amendement CE18 qui vise à abroger un article du code rural et de la pêche maritime prévoyant qu’un décret doit être pris pour appliquer le chapitre sur les groupements fonciers agricoles. Ce décret n'a jamais été pris et l’article en question est sans objet.

J’approuve tous les amendements identiques qui suivent, mais je propose à leurs auteurs de les retirer au profit de l’amendement CE18 qui en reprend le contenu en ajoutant une disposition de coordination légistique qui manquerait autrement dans le code général des impôts.

M. Lionel Tardy. L’article L.322-24 du code rural et de la pêche maritime prévoyait en effet un décret d’application des mesures relatives aux groupements fonciers agricoles qui n’a jamais été pris, et qui ne semble donc pas nécessaire. Je me rallie à l’amendement de M. le rapporteur, semblable à l’amendement CE5 que je retire.

M. Éric Straumann. L’amendement CE8 est défendu.

M. Antoine Herth. L’amendement CE10 l’est également.

M. Hervé Pellois. Je me rallie à la position du rapporteur et retire l’amendement CE20.

M. Fabrice Verdier. Je retire également l’amendement CE24, satisfait par celui de M. le rapporteur.

Les amendements CE5, CE20 et CE24 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CE18.

En conséquence, les amendements CE8 et CE10 tombent.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Article 3
(article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime)

Droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural en cas de cession partielle de parts ou actions de sociétés agricoles

Les SAFER constituent un élément essentiel et solidement implanté de la gestion du foncier agricole. Créées par la loi n° 60-808 d’orientation agricole du 5 août 1960 afin « d’acquérir des terres ou des exploitations agricoles librement mises en vente par leurs propriétaires, ainsi que des terres incultes, destinées à être rétrocédées après aménagement éventuel », elles ont vu leurs missions se diversifier depuis lors. Cependant, dès l’origine, elles visent à améliorer les structures agraires, accroître la superficie de certaines exploitations agricoles et faciliter la mise en culture du sol et l’installation d’agriculteurs.

Une priorité dans l’acquisition de terres leur a été reconnue par la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole, qui leur a octroyé un droit de préemption ayant un caractère d’ordre public.

Au fil des lois agricoles les objectifs assignés aux SAFER ont été redéfinis et leur droit de préemption élargi.

La loi d’avenir précitée a étendu leur pouvoir d’acquisition amiable de droits sociaux mais également leur droit de préemption. En particulier, la loi a créé un nouveau droit de préemption en faveur des SAFER en cas d’aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole. Ce droit est encadré : il ne peut s’exercer que lorsqu’il a pour objet l’installation d’un agriculteur.

2. Les dispositions de la proposition de loi

L’innovation apportée par la loi d’avenir a été rapidement contournée par des montages sociétaires qui ont fait grand bruit au début de l’année 2016. Ces montages juridiques consistaient simplement en l’aliénation d’une partie seulement des parts ou actions d’une société agricole. Dans le cas de la cession de terres agricoles à une société chinoise dans le Berry, celle-ci portait sur 99 % des parts, le droit de préemption de la SAFER ne pouvait s’appliquer.

Cet article permet de donner aux SAFER la possibilité d’exercer leur droit de préemption en cas de cession partielle des parts ou des actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole (GFA, GFR, SCI), lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions, ou une minorité de blocage au sein de la société.

Cette extension du droit de préemption est limitée aux cas où il s’agit d’installer des agriculteurs, de maintenir ou de consolider des exploitations agricoles qui répondent à un objectif d’intérêt général.

L’exercice de ce droit de préemption est rendu possible par la mise en place, par la loi d’avenir précitée, d’un mécanisme permettant aux SAFER de disposer des informations sur tout mouvement de parts ou actions au sein d’une société.

Il convient de répondre aux stratégies de contournement du droit de préemption des SAFER. L’extension de ce droit est par ailleurs strictement encadrée et proportionnée aux objectifs d’intérêt général que poursuivent les SAFER.

Votre rapporteur relève néanmoins que selon la Fédération nationale des SAFER, le droit de préemption, y compris élargi, a toujours été un moyen d’entrer en négociation avec un exploitant plutôt qu’un outil coercitif.

Toujours dans l’esprit des débats tenus dans le cadre de la loi Sapin II, votre rapporteur vous propose d’adopter cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4
(article L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime)

Obligation de conserver cinq ans les droits sociaux reçus en contrepartie d’un apport en société de terres agricoles

Le capital social des entreprises est constitué de manière très libre par les entrepreneurs, qui peuvent définir les contreparties monétaires ou réelles correspondantes. Un agriculteur qui apporte ses terres au capital de la société agricole lors de sa création reçoit en contrepartie des parts sociales. Nul n’est tenu de les conserver.

2. Les dispositions de la proposition de loi

Cet article prévoit un encadrement de l’apport en société portant sur des immeubles agricoles en introduisant un délai de conservation minimale de cinq ans des droits sociaux correspondant à cet apport et une sanction de nullité en cas de méconnaissance de cet engagement. Le dispositif prévu bloque juridiquement la possibilité d’effectuer un apport de terres en société et de céder rapidement les parts correspondantes, dans un but spéculatif.

Pendant ce délai de cinq ans, la cession des droits sociaux est possible, mais soumis à l’accord préalable de la SAFER. Ce dispositif permettra une implication de long terme des associés dans une société à objet agricole et évitera les montages juridiques spéculatifs. Cet article s’appliquera aussi aux sociétés existantes.

La conservation des parts pendant une durée cinq ans est raisonnable (5), permettant ainsi d’éviter des détournements de procédure et est adaptée à la réalité de la vie d’une exploitation.

Pour certaines situations et notamment celle d’un agriculteur en fin de carrière souhaitant céder ses parts à un jeune, ou celle d’un agriculteur en difficulté économique grave, cet engagement pourra être levé.

Votre rapporteur vous propose d’adopter cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5
(article L. 142-4 du code rural et de la pêche maritime)

Possibilité, pour les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, de maintenir leur participation au capital d’une société de personnes jusqu’à cinq ans, pour rétrocéder ensuite les droits acquis

L’acquisition de biens fonciers par les SAFER conduit à des rétrocessions obéissant à des critères strictement définis et liés à l’objet même des SAFER. Les terres ou les exploitations acquises sont ainsi rétrocédées à l’issue d’une période transitoire qui ne peut excéder cinq ans. Au cours de cette période, l’article
L. 142-4 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les SAFER prennent toutes les mesures conservatoires nécessaires au maintien des biens en état d’utilisation et de production.

Ces dispositions s’appliquent en cas d’acquisition amiable ou en cas d’utilisation du droit de préemption par les SAFER.

2. Les dispositions de la proposition de loi

Cet article permet aux SAFER de maintenir leur participation au capital d’une société de personnes jusqu’à cinq ans, dans le but de rétrocéder les droits sociaux acquis.

Cette disposition évite à une SAFER de devoir dissoudre la société ou d’en modifier la forme juridique avant de procéder à la rétrocession des biens acquis. Elle participe au renforcement opérationnel de l’activité des SAFER sur le marché sociétaire.

Votre rapporteur vous propose d’adopter cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6
(articles L. 312-3 et L. 312-4 du code rural et de la pêche maritime)

Publication annuelle d’un barème de la valeur vénale des terres agricoles

Pour pouvoir adapter au mieux la politique agricole, le législateur a souhaité disposer d’une information complète sur les marchés fonciers agricoles. La connaissance du marché contribue à la transparence des transactions et à la juste fixation des prix des terres et du bâti agricole.

La loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole a prévu, à l’article L. 312-3 du code rural et de la pêche maritime, la création d’un répertoire de la valeur vénale, de la valeur locative et de la valeur de rendement des terres agricoles établi par la commission départementale d’aménagement foncier.

Dans l’attente de la publication de ce répertoire de la valeur des terres agricoles, la même loi a prévu la publication, par le ministre chargé de l’agriculture, d’un barème indicatif de leur valeur vénale moyenne. Ce barème est établi, pour chaque département, par région naturelle et nature de culture.

Le répertoire établi par la commission départementale d’aménagement foncier n’a jamais été mis en place. Il s’est avéré complexe à mettre en œuvre techniquement, la rentabilité des terres étant en effet déterminée par de nombreux facteurs, souvent extérieurs au foncier.

Seul le barème indicatif ministériel fait aujourd’hui référence, en particulier depuis qu’une nouvelle méthodologie de calcul a été retenue depuis 2010.

Ce barème permet d’avoir une vision indicative des prix pratiqués lors des transactions effectuées dans chaque région. Sont ainsi observés, les prix hors taxes, frais d’acte non compris :

– des terres libres de tout bail, ou dont le bail est résilié dans l’acte de vente, à partir de 70 ares ;

– des terres louées totalement ou en partie, et d’une superficie supérieure ou égale à un seuil adapté aux particularités de chaque département, seuil inférieur à 70 ares ;

– des terres à la vente dans les départements d’outre-mer ;

– des vignes à la vente.

Le dernier barème a été publié par l’arrêté du 11 août 2016 portant fixation du barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2015.

2. Les dispositions de la proposition de loi

Cet article clarifie la publication de données de référence concernant la valeur vénale des terres en pérennisant le barème indicatif de la valeur des terres.

Il sera publié annuellement par le ministre chargé de l’agriculture et constituera, contrairement au barème indicatif préexistant, un élément d’appréciation du juge pour la fixation du prix des terres.

Ce barème sera établi, pour chaque département, par région naturelle et par nature de culture.

Ce barème contribuera à la meilleure connaissance de la valeur des terres agricoles et participera, par l’information et la transparence, à la limitation de la spéculation foncière agricole. Il permettra également d’adapter les politiques foncières et celles d’aménagement qui leur sont liées.

Le répertoire prévu à l’article L. 312-3 du code rural et de la pêche maritime n’ayant jamais été mis en place, il est utile de pérenniser le barème ministériel aujourd’hui utilisé.

Votre rapporteur vous propose d’adopter cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 6 sans modification.

Article 7
(article L. 221-2 du code de l’urbanisme)

Assouplissement du régime de concession temporaire
de terres à usage agricole

1. État du droit

En application de l’article L. 221-1 du code de l’urbanisme, les collectivités publiques sont habilitées « à acquérir des immeubles, au besoin par voie d’expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d’une action ou d’une opération d’aménagement ».

Le principe est d’acheter des terrains dont l’affectation définitive n’est pas encore arrêtée au moment de l’acquisition afin d’anticiper la maîtrise foncière publique bien en amont de l’opération envisagée, sans craindre de se heurter à la rétention des sols ou de devoir payer le prix de la spéculation foncière.

Avant leur utilisation définitive, les immeubles acquis pour la constitution de réserves foncières ne peuvent être cédés en pleine propriété (sauf entre personnes publiques et avec le même objet).

Il n’y a pas de délai précis pour affecter le bien d’une réserve foncière à sa destination finale. Pour cette raison, ils peuvent faire l’objet de concessions temporaires mais qui ne confèrent au preneur aucun droit de renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les lieux lorsque l’immeuble est repris en vue de son utilisation définitive. Le délai de préavis de fin de concession temporaire est d’un an au moins.

2. Les dispositions de la proposition de loi

Cet article assouplit le régime de concession temporaire de terres à usage agricole. Le préavis d’un an actuellement en vigueur est maintenu mais sous réserve d’une indemnisation de l’exploitant en cas de destruction de la culture avant récolte.

Est aussi ajoutée l’option de délivrer le préavis soit trois mois avant la levée de récolte, soit trois mois avant la fin de l’année culturale.

Cet article correspond à une demande du monde agricole.

Ce dispositif permettra de sécuriser les agriculteurs quant aux revenus tirés de leur récolte en adaptant le régime de concession temporaire au rythme des cultures et en prévoyant une juste indemnisation de l’exploitant en cas de destruction de la culture avant récolte.

Votre rapporteur vous propose d’adopter cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 7 sans modification.

Après l’article 7
(articles L. 411-11 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime)

Suppression de la commission paritaire nationale des baux ruraux et du comité technique départemental

Cet article supprime la base juridique de deux instances dans le domaine des baux ruraux et du fermage.

Le 1° du I supprime, à l’article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime, la base légale de la commission paritaire nationale des baux ruraux, qui n’est plus constituée depuis plusieurs années et est devenue inutile en matière de procédure de détermination des barèmes des fermages. 

Le 2° du I supprime, à l’article L. 411-73 du même code, la base légale du comité technique départemental relatif à l’autorisation de certains travaux d’amélioration du bien loué dans le cadre du statut du fermage. Ce comité ne s’est pas constitué dans de nombreux départements et il existe une commission départementale des baux ruraux qui peut utilement assurer les missions de ce comité.

Le II prévoit une entrée en vigueur de ce dispositif différée au 1er janvier 2018, en cohérence avec la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et l’entrée en vigueur de la réforme de la désignation des assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux. Les assesseurs ne seront plus élus mais désignés par les organisations représentatives intéressées.

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La commission examine les amendements identiques CE17 du rapporteur, CE3 de M. Lionel Tardy, CE6 de M. Dino Cinieri, CE15 de M. Thierry Benoit, CE19 de M. Hervé Pellois et CE22 de M. Fabrice Verdier.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un sujet qui a été évoqué tout à l’heure par M. Hervé Pellois.

La disposition proposée vise à conformer la loi à la pratique. Il faut en effet que la loi dise ce qui se fait réellement, et vous êtes nombreux à le demander. Désormais, c’est la commission départementale des baux ruraux qui pourrait assurer les missions du comité technique départemental.

M. Lionel Tardy. Vous connaissez mon attachement à la simplification par la suppression de certains comités.

L’amendement CE3 vise précisément à supprimer la base légale de deux instances : la commission paritaire nationale des baux ruraux, qui n’est plus constituée depuis plusieurs années et est devenue inutile en matière de procédure de détermination des barèmes des fermages ; le comité technique départemental relatif à l’autorisation de certains travaux d’amélioration du bien loué dans le cadre du statut du fermage. Ce comité n’est pas constitué dans une majorité de départements. Il est donc proposé de le fusionner avec la commission départementale des baux ruraux.

M. Éric Straumann. L’amendement CE6 est défendu.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE15 est défendu.

M. Hervé Pellois. L’amendement CE19 est défendu.

M. Fabrice Verdier. L’amendement CE22 est défendu.

La commission adopte les amendements identiques.

TITRE II
DÉVELOPPEMENT DU BIOCONTRÔLE

Article 8
(article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime)

Élargissement de la dispense d’agrément aux produits de biocontrôle

1. État du droit

L’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime subordonne à la détention d’un agrément l’exercice des activités de mise en vente, de vente ou de distribution à titre gratuit de produits phytopharmaceutiques.

Cet agrément permet de s’assurer du niveau de connaissance des professionnels quant aux risques pour la santé publique et l’environnement qui accompagnent l’usage de ces produits. Il permet également de responsabiliser les professionnels concernés.

La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite « Grenelle II ») a renforcé l’encadrement de tous les professionnels en généralisant l’agrément.

Un agrément est également requis pour les prestataires de services qui appliquent des produits phytopharmaceutiques sauf dans trois cas, introduits par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt :

– si l’application est effectuée dans le cadre d’un contrat d’entraide à titre gratuit ;

– si elle est effectuée par un exploitant agricole titulaire du certificat garantissant l’acquisition des connaissances exigées en adéquation avec l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (Certiphyto) ;

– si les produits appliqués sont des produits de biocontrôle mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime c’est-à-dire ceux figurant sur une liste établie par l’autorité administrative. La dernière liste en date est celle fixée par la note de service de la direction générale de l’alimentation n° 2016-853 du 3 novembre 2016.

2. Les dispositions de la proposition de loi

Cet article propose de préciser, par coordination avec l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime, que l’application en qualité de prestataire de services des produits phytopharmaceutiques n’est pas soumise à un agrément lorsque les produits appliqués sont des produits de biocontrôle définis au même article L. 253-6, c’est-à-dire des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures : produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale.

Sont donc inclus tous les produits de biocontrôle. Sont en revanche exclus les produits faisant l’objet d’une classification au sens de l’article L. 253-4 du même code. Cela concerne les produits soumis à un étiquetage comportant une mention de danger et qui sont classifiés en application du règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006. L’application de ce règlement conduit à la classification des produits dangereux, afin que les dangers de ces substances et mélanges puissent être correctement identifiés et communiqués. Parmi les dangers retenus figurent les dangers physiques (essentiellement l’explosion), ceux pour la santé humaine (toxicité, corrosion ou irritation cutanée, lésions oculaires graves/irritation oculaire, sensibilisation respiratoire ou cutanée, mutagénicité sur les cellules germinales, cancérogénicité, toxicité pour la reproduction, toxicité spécifique pour certains organes cibles, danger par aspiration) et pour l’environnement, y compris les dangers pour la couche d’ozone.

Plusieurs pictogrammes d’avertissement permettent de reconnaître ces produits plus facilement, et notamment :

(toxique)

(inflammable)

3. La position de votre rapporteur

L’exemption d’agrément pour l’application de produits de biocontrôle est une mesure pertinente pour favoriser le développement de ces produits, l’obtention de l’agrément pouvant être un frein pour une entreprise de petite taille car il lui impose d’être certifiée sur son activité par un organisme tiers et de souscrire à une police d’assurance couvrant la responsabilité civile professionnelle.

La référence à l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime en lieu et place de la référence à la liste établie par l’autorité administrative permet d’élargir les produits de biocontrôle concernés par la dispense d’agrément. Cette coordination est source de stabilité pour les entreprises, la liste des produits de biocontrôle étant révisée semestriellement. Ladite liste constituait également un frein au développement de tous les produits de biocontrôle, les critères d’éligibilité à la liste étant nécessairement limitatifs. De nouveaux critères restrictifs risqueraient de brider la recherche et l’innovation nécessaires au développement de ces produits.

Enfin, le maintien de l’exclusion des produits ne faisant pas l’objet d’une classification – c’est-à-dire des produits dangereux – permet d’assurer la sécurité des applicateurs qui devront toujours disposer d’un agrément pour les utiliser.

Votre rapporteur vous propose d’adopter cet article sous réserve d’un amendement de clarification rédactionnelle et d’un amendement étendant la dispense d’agrément aux préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP). La nature de ces substances justifie que leur utilisation soit favorisée, au même titre que les produits de biocontrôle.

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* *

La commission adopte d’abord l’amendement rédactionnel CE1 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement CE11 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de bon sens devrait ravir Mme Brigitte Allain et M. Germinal Peiro qui sont deux ardents défenseurs des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), sujet qui a fait l’objet de discussions passionnées avec le ministre Stéphane Le Foll, lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, tout comme le loup et les boissons alcoolisées.

La dérogation accordée au biocontrôle doit s’étendre aux PNPP. Le Certiphyto n’est pas nécessaire en effet pour utiliser les PNPP qui participent de la sagesse paysanne et des solutions de bon sens que le terrain et la mémoire collective savent inventer.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

Article 9
(article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime)

Exemption de Certiphyto pour les salariés temporaires disposant des diffuseurs passifs de certains produits de biocontrôle

1. État du droit

Le certificat individuel produits phytopharmaceutiques (Certiphyto) atteste de connaissances suffisantes pour sécuriser l’utilisation des pesticides et en réduire l’usage chez les professionnels.

C’est un dispositif du « plan Ecophyto 2018 », adopté en 2007, qui s’inscrit dans le cadre européen d’une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

La loi Grenelle II du 12 juillet 2010 précitée a, outre le renforcement des conditions d’agrément concernant les produits phytopharmaceutiques, créé de nouvelles obligations liées au Certiphyto. Elle rend obligatoire, pour les agriculteurs professionnels, la détention du Certiphyto pour l’achat de produits phytopharmaceutiques.

L’obligation n’est, pour cette catégorie de professionnels, applicable que depuis le 26 novembre 2015. L’obtention du Certiphyto est conditionnée au suivi d’une formation délivrée par un organisme habilité par l’autorité administrative. Elle concernerait 800 000 professionnels.

Selon l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) : « les médiateurs chimiques sont des molécules utilisées notamment par les insectes, qui les détectent via leurs systèmes olfactifs et gustatifs, et qui conditionnent certains de leurs comportements étroitement liés aux ravages occasionnés aux cultures. Dans le cadre de la lutte intégrée contre les insectes ravageurs et de leur biocontrôle, de tels médiateurs chimiques sont actuellement utilisés comme outils d’aide à la décision, permettant ainsi de diminuer le recours aux insecticides, et comme moyen de lutte directe via la confusion sexuelle ou le piégeage par exemple ».

Les médiateurs chimiques utilisés en agriculture comprennent les phéromones d’insectes et les kairomones. Ils permettent :

– le suivi des vols des insectes ravageurs,

– le contrôle des populations d’insectes : méthode de la confusion sexuelle (6), piégeage de masse (7).

Ce sont des méthodes strictement préventives : elles interrompent le cycle du ravageur avant son stade nuisible. L’association française des entreprises de produits de biocontrôle ou l’International Biocontrol Manufacturers Association (IBMA) dresse la liste des avantages pour l’agriculteur :

– très faible toxicité pour les mammifères et les organismes aquatiques ;

– absence de résidus à la récolte ;

– absence de toxicité pour les abeilles et autres pollinisateurs ;

– très grande spécificité d’action : seuls les insectes cibles sont affectés ;

– méthode de protection durable, a priori faiblement exposée au risque de résistance ;

– diminution de la pression de sélection et préservation de l’efficacité des insecticides disponibles ;

– indépendance des conditions climatiques et de l’irrigation (pas de renouvellement de traitement).

Les médiateurs chimiques listés par l’autorité administrative en application de l’article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime sont, en date du 3 novembre 2016, au nombre de deux : les pièges à phéromone (Deltamethrine) et les phéromones à chaîne linéaire de lépidoptères (SCLP) et ont fait l’objet de 42 autorisations de mise sur le marché.

2. Les dispositions de la proposition de loi

Cet article exempte de l’obligation de Certiphyto les salariés temporaires qui interviennent sur les exploitations agricoles pour disposer des médiateurs chimiques de produits de biocontrôle.

Cette obligation de Certiphyto constitue actuellement un frein au développement de ces méthodes de biocontrôle.

Elle n’est pas justifiée compte tenu de leur action, passive et limitée dans le temps. L’utilisation de médiateurs chimiques nécessite une main-d’œuvre très nombreuse et sur un laps de temps restreint (par exemple la méthode de lutte par confusion sexuelle dans les vignobles).

La pose de ces médiateurs ne nécessite aucune compétence technique ou agronomique : les producteurs organisent ainsi des chantiers de pose avec des travailleurs saisonniers qui ne sont pas nécessairement qualifiés.

3. La position de votre rapporteur

Bien que les produits à base de phéromone utilisés dans le cadre de la lutte par confusion sexuelle soient des produits phytopharmaceutiques, les techniques d’application par chantier collectif mobilisant un grand nombre de poseurs temporaires sur une période très réduite ne permettent pas, dans la majorité des situations, de pouvoir répondre à l’obligation de détention du Certiphyto pour chaque poseur. Le respect de cette obligation risque de privilégier le recours à des solutions de traitement insecticides de synthèse, ce qui va à l’encontre des mesures incitatives en faveur du développement du biocontrôle.

Par ailleurs, compte tenu du mode d’application de ces produits, par diffusion passive, les risques de transfert dans l’environnement ainsi que les risques pour ces poseurs temporaires sont très réduits.

C’est ce qui a justifié qu’une mesure dérogatoire à l’obligation de détenir un Certiphyto soit accordée aux applicateurs de diffuseurs passifs de phéromones dans le cadre de chantiers collectifs par l’instruction ministérielle n° 2016-236, qui prévoit que les services d’inspection ne pénalisent pas cette pratique.

Cet article donne une assise législative à cette mesure et répond à une attente légitime de la profession et à l’objectif de développement de l’usage des produits de biocontrôle.

Votre rapporteur vous propose d’adopter cet article modifié par un amendement exemptant l’obligation de Certiphyto aux préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP). La nature de ces substances justifie que leur utilisation soit favorisée, au même titre que les produits de biocontrôle.

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La commission est saisie de l’amendement CE12 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à étendre la dispense de Certiphyto aux PNPP.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

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* *

La commission examine l’amendement CE16 de Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour vos amendements concernant les préparations naturelles peu préoccupantes.

L’amendement CE16 s’inscrit dans la logique de l’article 9 qui exempte de l’obligation de Certiphyto les salariés temporaires qui interviennent sur les exploitations agricoles pour disposer des diffuseurs passifs de certains produits de biocontrôle.

Je propose d’étendre cette mesure aux aidants familiaux. Ceux-ci sont bien définis dans le code rural et de la pêche maritime. Ce sont les descendants, frères, sœurs ou alliés, au même degré du chef d’exploitation agricole, ou de son conjoint. Comme ils n’ont pas accès à la formation Certiphyto, ils ne peuvent donc pas se voir attribuer ce certificat.

M. le rapporteur. Madame Michèle Bonneton, je suis défavorable à votre amendement, mais je salue le fait que Certiphyto constitue pour vous une garantie de sécurité. Ce certificat est une belle invention issue du Grenelle de l’environnement et de la majorité précédente qui l’a installé dans le plan Ecophyto I. 200 000 agriculteurs ont été formés avec les fonds VIVEA. La profession agricole a fait preuve d’une grande réactivité par rapport à d’autres secteurs d’activité où des capacités ont été demandées, et elle a été remarquable dans la mise en œuvre de ce Certiphyto. Le rapport d’évaluation du plan Ecophyto I que j’ai effectué a montré que si des progrès restent à accomplir ici ou là en termes de qualité et que des cycles de mise à jour doivent être organisés, le Certiphyto est plutôt plébiscité. Les aidants familiaux qui n’ont pas vocation à utiliser les produits phytosanitaires en ont été dispensés. Comme un fils, un père, un conjoint qui travaille ponctuellement sur l’exploitation n’a pas vocation à utiliser tout matériel servant à la pulvérisation des produits phytosanitaires, il est a priori dispensé de l’obtention du certificat. La mesure que vous proposez paraît donc excessive.

On peut s’en remettre au bon sens et à la capacité humaine à prendre en compte le principe de précaution. Je n’imagine pas qu’un père puisse laisser son fils utiliser un appareil qui nécessite des manipulations dangereuses sans lui transmettre un minimum de précautions qu’il aura acquises par le bon sens ou la formation Certiphyto qui aura été dispensée par la chambre d’agriculture ou la coopérative. Il est important que, dans une famille, celui qui est formé et doit déléguer ponctuellement son travail transmette les mesures de précaution.

La mesure que vous proposez constituerait une complexification et une charge qui paraît disproportionnée par rapport à ce qu’une solidarité familiale peut naturellement prendre en compte.

Si vous avez besoin de précisions, je vous propose d’interroger le ministre de l’agriculture en séance publique – même si ce point relève plus du domaine réglementaire que législatif. Ce débat a fait l’objet d’un discernement avec toutes les parties prenantes. J’avais défendu cet équilibre, en conscience.

Mme Michèle Bonneton. Vous jugez excessive la disposition que je propose. J’avoue ne pas très bien comprendre pourquoi la mesure prévue pour les salariés temporaires ne pourrait pas être étendue aux aidants familiaux. Il s’agit bien de produits de biocontrôle qui ne présentent pas de danger. Il n’y a donc pas d’effet pervers à craindre concernant la dangerosité de ces produits.

M. le rapporteur. Il y a peut-être un malentendu entre nous. Les articles 8 et 9 prévoient une dérogation à l’obligation de Certiphyto pour les jeunes, les voisins, les salariés temporaires, etc. qui utilisent les méthodes de biocontrôle à base de phéromones ou de kairomones qui sont chronophages. La mise en œuvre du biocontrôle par des salariés, des exploitants, ne justifie pas un Certiphyto car, par essence, ces produits, sauf ceux qui sont irritants, ne sont pas dangereux pour la santé. Il n’y a pas de sujet.

Quant aux produits phytosanitaires qui ont un caractère dangereux, on a considéré que si le chef d’exploitation avait le Certiphyto, ceux qui l’aidaient ponctuellement dans cette tâche devraient aussi le détenir.

Mme Michèle Bonneton. Je crois que nous ne nous comprenons pas très bien. Je propose que les aidants familiaux puissent utiliser les produits de biocontrôle sans danger, sans qu’ils aient besoin d’avoir le Certiphyto.

M. le rapporteur. Sur ce point, nous serions totalement d’accord. Toutefois, ce n’est pas ce qui est écrit dans l’exposé sommaire de votre amendement.

Mme la présidente Frédérique Massat. Madame Michèle Bonneton, je vous propose de retirer votre amendement, de le retravailler et de le redéposer en séance publique. Cela permettra peut-être de lever les malentendus.

Mme Michèle Bonneton. Je suis d’accord. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

Article 10
Ratification de l’ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques

1. État du droit

L’article 55 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires afin de « 1° Mettre en place une expérimentation à l’appui du plan d’action ayant pour objet de réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, en définissant les personnes vendant des produits phytopharmaceutiques, autres que les produits de biocontrôle mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime, qui sont tenues de mettre en œuvre des actions à cette fin, les conditions dans lesquelles ces personnes peuvent satisfaire à ces obligations et un dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques qui sont délivrés aux personnes assujetties lorsqu’elles justifient avoir satisfait à leurs obligations à l’instar du précédent sur les certificats d’économies d’énergie ».

C’est sur ce fondement qu’a été publiée l’ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP).

Cette ordonnance prévoit de réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en soumettant, à titre expérimental pour une durée de 6 ans (du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2022), les personnes qui vendent à des professionnels les produits d’une liste fixée par décret (8) à des obligations de réalisation d’actions d’économie dans l’usage de ces produits, notifiées par l’autorité administrative compte tenu des quantités déclarées annuellement, et ouvrant droit à la délivrance des CEPP. L’ordonnance précise que les personnes assujetties à la réalisation d’actions peuvent également s’acquitter de leurs obligations par l’acquisition de certificats délivrés à des personnes exerçant des activités de conseil aux agriculteurs qui, tout en n’y étant pas tenus, mettent en place des actions visant à la réalisation d’économie de ces produits et que les CEPP font l’objet d’une inscription à un registre national informatisé qui assure la tenue de la comptabilité des certificats obtenus. Enfin, l’ordonnance prévoit qu’en cas de non-respect de ces obligations au 31 décembre 2021, une pénalité forfaitaire par unité de compte manquante est infligée, dans la limite de cinq millions d’euros par personne.

2. Les dispositions de la proposition de loi

Cet article ratifie ladite ordonnance.

Un projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement des articles 21 et 55 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a été déposé au Sénat le 16 décembre 2015. Il n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de cette assemblée.

Le dispositif expérimental prévu par cette ordonnance, qui s’inscrit dans le cadre du plan Ecophyto 2, contribue à la mise en œuvre d’actions et d’équipements innovants dans les exploitations et concourt à diminuer la dépendance aux produits phytopharmaceutiques tout en préservant la compétitivité de l’agriculture française.

3. La position de votre rapporteur

Depuis le dépôt de cette proposition de loi, l’ordonnance que cet article ratifie a été annulée par l’arrêt du Conseil d’État n° 394696 du 28 décembre 2016 sur requêtes en annulation pour excès de pouvoir introduites par la Fédération du négoce agricole et Coop de France, d’une part, et de l’Union des industries de la protection des plantes, d’autre part.

Les requérants dénonçaient une discrimination entre distributeurs français et distributeurs des autres États membres de l’Union européenne mais c’est pour un motif de procédure que le Conseil d’État a annulé l’ordonnance : « les dispositions de cette ordonnance [...] devaient faire l’objet d’une consultation du public préalablement à leur adoption, conformément aux exigences de l’article L. 120-1 du code de l’environnement. [...] Il est constant que l’adoption de l’ordonnance n’a pas fait l’objet d’une telle consultation ».

Votre rapporteur vous propose un amendement de suppression de cet article devenu sans objet.

*

* *

La commission est saisie des amendements identiques CE2 du rapporteur, CE4 de M. Lionel Tardy et CE13 de M. Antoine Herth.

M. le rapporteur. L’article 10 vise à ratifier une ordonnance. Or, entre-temps, celle-ci a été annulée par le Conseil d’État. Je vous demande donc de supprimer l’article 10. Un amendement gouvernemental reprendra, en toute transparence, l’accord obtenu entre toutes les parties prenantes autour du CEPP pour l’inscrire dans la loi. Le recours déposé par divers opérateurs agricoles, notamment l’industrie phytosanitaire, mais pas par les syndicats, a abouti sur la forme, mais pas sur le fond, à une annulation du Conseil d’État. Je précise que le CEPP a déjà obtenu de bons résultats puisque la dynamique de confiance interentreprises fonctionne. Nous devons parier sur elle pour mieux maîtriser l’utilisation des produits phytosanitaires dans l’avenir.

M. Lionel Tardy. L’ordonnance relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques a été annulée par le Conseil d’État le 28 décembre dernier. Ce type d’annulation, qui est rare, est dû à un vice de procédure. La ratification prévue à l’article 10 n’a donc plus d’objet. En tout état de cause, on a le sentiment que le Gouvernement avance à reculons sur cette affaire. Ainsi, c’est une proposition de loi et non un projet de loi qui demandait cette ratification, ce qui est également très rare. Pourtant, le projet de loi n° 277 qui vise à ratifier pas moins de sept ordonnances issues de la loi d’avenir pour l’agriculture, dont celle-ci, était dans les tiroirs du Sénat depuis un an. Quoi qu’il en soit, cet article va donc être supprimé. Nous aimerions savoir ce qu’il va advenir de l’ordonnance annulée, car, je le répète, nous avons du mal à y voir clair dans les intentions du Gouvernement.

M. Antoine Herth. J’aurais déposé cet amendement, même si le Conseil d’État n’avait pas annulé cette ordonnance. Je n’aime pas que les ordonnances soient ratifiées par un article d’une proposition de loi. Il vaut mieux que ce soit le Gouvernement qui en prenne l’initiative, car il a l’obligation d’expliquer pourquoi il demande une ratification, ce qui n’est pas le cas d’une proposition de loi.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’article 10 est supprimé.

TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES

Article 11
Gage

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La commission adopte l’article 11 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le rapporteur. Je remercie mes collègues d’avoir adopté cette proposition de loi à une large majorité.

Monsieur Antoine Herth, si je me suis emballé c’est que j’ai, comme vous, j’en suis certain, cette passion pour le monde agricole, pour l’espace rural qui ne doit pas être un supermarché. Comme vous, je pense que les formes de propriété doivent évoluer. Nous en débattrons, en séance publique, en pleine responsabilité, sans avertissement, sans menace. J’espère simplement que nous parviendrons à un accord sur un socle de valeurs. Mais j’avoue avoir été troublé en entendant trois ou quatre voix dont la vôtre, défendre des arguments sur la propriété dont nous savons qu’elles sont, par essence, soit libérales, soit conservatrices, qui contrarient un modèle de développement agricole qu’il nous faut faire évoluer, sans renoncer cependant au principe de l’équilibre entre le travail et la liberté d’entreprendre, et celui de la propriété.

Je défends aujourd’hui clairement l’entrée de nouveaux investisseurs en ce qui concerne la propriété foncière. Mais si ces investisseurs sont mus par l’appât du gain plus que par la protection d’un modèle agricole, je défends plutôt Terre de Liens, les GFA citoyens qui sont créés dans notre pays pour permettre de nouvelles installations, une intervention des collectivités territoriales et des établissements publics pour le portage du foncier sur le long terme. Bref, je propose des dispositifs public-privé sur lesquels nous pouvons discuter sereinement. Si nous avons l’illusion que des fonds financiers, nationaux ou internationaux, vont trouver leur intérêt en achetant la propriété foncière, cela signifiera la fin d’un modèle qui a été bâti après-guerre. Certes, celui-ci doit se moderniser mais, pour des raisons de civilisation, de principe, nous y sommes tous extrêmement attachés. En la matière, la loi du marché peut être contraire à la liberté d’entreprendre, à la valeur ajoutée, à l’emploi, à nos paysages et à la biodiversité.

Mme la présidente Frédérique Massat. Monsieur le rapporteur, ne recommençons pas un débat qui aura lieu la semaine prochaine en séance publique.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA LUTTE CONTRE L’ACCAPAREMENT DES TERRES AGRICOLES ET AU DÉVELOPPEMENT DU BIOCONTRÔLE,

PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA LUTTE CONTRE L’ACCAPAREMENT DES TERRES AGRICOLES ET AU DÉVELOPPEMENT DU BIOCONTRÔLE,

 

TITRE IER

TITRE IER

 

PRÉSERVATION DES TERRES AGRICOLES

PRÉSERVATION DES TERRES AGRICOLES

Code rural et de la pêche maritime

Article 1er

Article 1er

   

(Sans modification)

 

I. – La section 3 du chapitre III du titre IV du livre Ier du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 143-15-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 143-15-1. – I. – Lorsqu’ils sont acquis par une personne morale de droit privé ou font l’objet d’un apport à une telle personne, les biens ou droits mentionnés à l’article L. 143-1 sur lesquels les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent exercer leur droit de préemption sont rétrocédés par voie d’apport au sein d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole. Cette obligation s’applique uniquement lorsque, à la suite de l’acquisition ou de l’apport, la surface totale détenue en propriété par cette personne morale de droit privé et par les sociétés au sein desquelles les biens ou droits sont apportés excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles mentionné à l’article L. 312-1.

 
 

« En cas de cession de la majorité des parts ou actions de la personne morale de droit privé mentionnée au premier alinéa du présent I, les parts ou actions des sociétés au sein desquelles les biens ou droits ont été apportés sont réputées cédées dans les mêmes proportions.

 
 

« Le même premier alinéa ne s’applique pas aux acquisitions effectuées par un groupement foncier agricole, un groupement foncier rural, une société d’aménagement foncier et d’établissement rural, un groupement agricole d’exploitation en commun, une exploitation agricole à responsabilité limitée ou une association dont l’objet principal est la propriété agricole. Il en est de même des apports effectués à ces sociétés, groupements et associations.

 
 

« II. – Lorsqu’une des opérations mentionnées au I est réalisée en violation du même I, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut, dans un délai de six mois à compter de la publication de l’acte de cession ou, à défaut, dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la cession lui est connue, demander au tribunal de grande instance soit d’annuler la cession, soit de la déclarer acquéreur en lieu et place de la société. »

 
 

II. – Le I du présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

 
 

Article 2

Article 2

 

Le chapitre II du titre II du livre III du même code est ainsi modifié :

I. – (Alinéa sans modification)

Art. L. 322-2. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 322-1, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent être membres, à titre transitoire, d’un groupement foncier agricole. Elles ne peuvent détenir plus de 30 p. 100 du capital du groupement, ni y exercer aucune fonction de gestion, d’administration ou de direction. La durée de la participation au groupement ne peut excéder cinq ans. Ce délai est néanmoins suspendu et il est susceptible d’être prorogé dans les cas et dans les conditions prévus aux articles L. 142-4 et L. 142-5.

1° La deuxième phrase de l’article L. 322-2 est supprimée ;

(Sans modification)

Art. L. 322-22. – Les groupements fonciers ruraux sont des sociétés civiles formées en vue de rassembler et gérer des immeubles à usage agricole et forestier. Les dispositions des articles L. 322-1 et suivants du présent code ainsi que les articles L. 331-1 et L. 331-2 du code forestier leur sont applicables.

   

Toutefois, pour l’application de l’article L. 322-2, la participation des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural au capital d’un groupement foncier rural ne doit pas dépasser 30% de la valeur des biens à usage agricole détenus par ce groupement.

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 322-22 est supprimé.

(Sans modification)

Leurs biens sont régis, notamment en matière fiscale, selon les dispositions propres aux groupements fonciers agricoles, pour la partie agricole, et selon les dispositions propres aux groupements forestiers, pour la partie forestière.

   

Art. L. 322-24. – Les conditions d’application des dispositions du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État.

 

3° (nouveau) L’article L. 322-24 est abrogé.

Code général des impôts

   

Art. 793. – Sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit :

(…)

 

II (nouveau). – Le 4° du 1 de l’article 793 du code général des impôts est ainsi modifié :

4° Les parts des groupements fonciers agricoles et celles des groupements agricoles fonciers, créés conformément à la loi n° 62-933 du 8 août 1962 et répondant aux diverses caractéristiques des articles L. 322-1 à L. 322-21, L. 322-23 et L. 322-24 du code rural et de la pêche maritime, à concurrence des trois-quarts de la fraction de la valeur nette des biens donnés à bail à long terme ou à bail cessible, sous réserve des dispositions de l’article 793 bis, à condition :

 

1° Aux premier et dernier alinéas, les références : « , L. 322-23 et L. 322-24 » sont remplacées par la référence : « et L. 322-23 » ;

a) Que les statuts du groupement lui interdisent l’exploitation en faire-valoir direct ;

   

b) Que les immeubles à destination agricole constituant le patrimoine du groupement aient été donnés à bail à long terme dans les conditions prévues par les articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 du code rural et de la pêche maritime ou à bail cessible dans les conditions prévues par les articles L. 418-1 à L. 418-5 du code rural et de la pêche maritime ;

   

c) Que les parts aient été détenues depuis deux ans au moins par le donateur ou le défunt.

   

Ce délai n’est pas exigé lorsque le donateur ou le défunt ont été parties au contrat de constitution du groupement foncier agricole et, à ce titre, ont effectué des apports constitués exclusivement par des immeubles ou des droits immobiliers à destination agricole.

   

L’exonération ne s’applique pas aux parts de groupements fonciers agricoles qui sont détenues par une société civile régie par la section 3 du chapitre IV du titre premier du livre II du code monétaire et financier ou par une entreprise d’assurance ou de capitalisation ;

   

Conformément aux dispositions de l’article L. 322-18 du code rural et de la pêche maritime, le remboursement des avantages fiscaux prévus aux articles L. 322-1 à L. 322-24 du même code n’est pas dû lorsque la condition de parenté prévue à l’article L. 322-11 du code précité cesse d’être respectée à la suite de transmissions à titre gratuit ;

 

2° À l’avant-dernier alinéa, la référence : « L. 322-24 » est remplacée par la référence : « L. 322-23 ».

amendement CE18

Peuvent être étendues aux départements d’outre-mer dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, après avis des conseils départementaux desdits départements, les dispositions des articles L. 322-1 à L. 322-21, L. 322-23 et L. 322-24 du code rural et de la pêche maritime ;

(…)

   

Code rural et de la pêche maritime

Article 3

Article 3

   

(Sans modification)

Art. L. 143-1. – Il est institué au profit des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural un droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole, sous réserve du I de l’article L. 143-7. Sont considérés comme à vocation agricole, pour l’application du présent article, les terrains situés soit dans une zone agricole protégée créée en application de l’article L. 112-2 du présent code, soit à l’intérieur d’un périmètre délimité en application de l’article L. 113-16 du code de l’urbanisme, soit dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière délimitée par un document d’urbanisme. En l’absence d’un document d’urbanisme, sont également regardés comme terrains à vocation agricole les terrains situés dans les secteurs ou parties non encore urbanisés des communes, à l’exclusion des bois et forêts.

   

Ce droit de préemption peut également être exercé en cas d’aliénation à titre onéreux de bâtiments d’habitation faisant partie d’une exploitation agricole. Il peut également être exercé en cas d’aliénation à titre onéreux des bâtiments situés dans les zones ou espaces mentionnés au premier alinéa et qui ont été utilisés pour l’exercice d’une activité agricole au cours des cinq dernières années qui ont précédé l’aliénation, pour leur rendre un usage agricole. L’article L. 143-10 du présent code n’est pas applicable dans ce dernier cas lorsque les bâtiments concernés ont fait l’objet d’un changement de destination.

   

Sont assimilés à des terrains nus les terrains ne supportant que des friches, des ruines ou des installations temporaires, occupations ou équipements qui ne sont pas de nature à compromettre définitivement leur vocation agricole.

   

Lorsque l’aliénation à titre onéreux porte de façon conjointe sur des terrains à vocation agricole et des droits à paiement découplés créés au titre de la politique agricole commune, ce droit de préemption peut s’exercer globalement sur l’ensemble ainsi constitué aux seules fins d’une rétrocession conjointe des terrains et des droits ainsi acquis, selon des modalités fixées par décret.

   

Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent exercer leur droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de l’usufruit ou de la nue-propriété des biens mentionnés au présent article. Elles ne peuvent préempter la nue-propriété de ces biens que dans les cas où elles en détiennent l’usufruit ou sont en mesure de l’acquérir concomitamment, ou lorsque la durée de l’usufruit restant à courir ne dépasse pas deux ans, [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-701 DC du 9 octobre 2014].

   

Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent, sous réserve du I de l’article L. 143-7, exercer leur droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole, lorsque l’exercice de ce droit a pour objet l’installation d’un agriculteur.

Le sixième alinéa de l’article L. 143-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

 
 

« Elles peuvent également, pour le même objet ainsi que pour le maintien et la consolidation d’exploitations agricoles, exercer leur droit de préemption en cas de cession partielle des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole, lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions, ou une minorité de blocage au sein de la société, sous réserve, le cas échéant, de l’exercice des droits mentionnés aux articles L. 322-4 et L. 322-5 par un associé en place depuis au moins dix ans. »

 

Dans les communes et parties de communes de montagne telles que définies par les articles 3 et 4 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, ce droit de préemption peut également être exercé en cas d’aliénation à titre onéreux de bâtiments qui ont été utilisés pour l’exercice d’une activité agricole au cours des cinq dernières années qui ont précédé cette aliénation, pour leur rendre un usage agricole. Les dispositions de l’article L. 143-10 ne sont pas applicables dans ce cas lorsque les bâtiments concernés ont fait l’objet d’un changement de destination.

   

En cas de méconnaissance des dispositions du présent chapitre par une société d’aménagement foncier et d’établissement rural, le ministre chargé de l’agriculture peut suspendre, pour une durée n’excédant pas trois ans, le droit de préemption de cette société. En cas de réitération des manquements, l’agrément mentionné à l’article L. 141-6 peut être retiré.

   
 

Article 4

Article 4

   

(Sans modification)

Art. L. 143-5. – Sauf s’il s’agit d’un apport en société ou d’un échange non réalisé en application de l’article L. 124-1, toute condition d’aliénation sous réserve de non-préemption d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural est réputée non écrite.

L’article L. 143-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« S’il s’agit d’un apport en société et que la condition suspensive est satisfaite, l’apporteur doit s’engager à conserver la totalité de ses droits sociaux reçus en contrepartie pendant au moins cinq ans à compter de la date de l’apport. Cet engagement doit être joint à la notification préalable de l’opération d’apport. En cas de méconnaissance de l’engagement ainsi souscrit et sauf accord exprès de sa part, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut, dans un délai de six mois à compter du jour où elle en a eu connaissance, demander l’annulation de l’apport au président du tribunal de grande instance. » 

 
 

Article 5

Article 5

   

(Sans modification)

Art. L. 142-4. – Pendant la période transitoire et qui ne peut excéder cinq ans, nécessaire à la rétrocession des biens acquis, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural prennent toutes mesures conservatoires pour le maintien desdits biens en état d’utilisation et de production. En particulier elles sont autorisées à consentir à cet effet les baux nécessaires, lesquels, à l’exception des baux en cours lors de l’acquisition, ne sont pas soumis aux règles résultant du statut des baux ruraux en ce qui concerne la durée, le renouvellement et le droit de préemption.

L’article L. 142-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« Pendant la même période transitoire, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural sont également autorisées, par dérogation aux dispositions applicables aux sociétés civiles de personnes mentionnées notamment aux articles L. 322-1, L. 323-1 et L. 324-1, à maintenir, dans le but de les rétrocéder, leurs participations dans le capital de ces sociétés au titre des acquisitions de droits sociaux faites à l’amiable en application du 3° du II de l’article L. 141-1 ou après exercice du droit de préemption en application de l’article L. 143-1. »

 
 

Article 6

Article 6

   

(Sans modification)

 

La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III du même code est ainsi modifiée :

 

Section 3 : Le répertoire de la valeur des terres agricoles.

1° L’intitulé est ainsi modifié :

 
 

a) Le mot : « répertoire » est remplacé par le mot : « barème » ;

 
 

b) Après le mot : « valeur », il est inséré le mot : « vénale » ;

 

Art. L. 312-3. – En vue d’améliorer la connaissance du marché des terres agricoles, un répertoire de leur valeur vénale, de leur valeur locative et de leur valeur de rendement sera établi par la commission départementale d’aménagement foncier prévue à l’article L. 121-8 et rendu public dans chaque commune.

2° L’article L. 312-3 est abrogé ;

 

Pour chaque catégorie de terres agricoles, qu’elle définit par région naturelle, la commission départementale :

   

1° Constate la valeur vénale moyenne ;

   

2° Constate la valeur locative moyenne ;

   

3° Détermine la valeur de rendement, à partir :

   

a) Du revenu brut d’exploitation ;

   

b) Des références tenant compte des principaux systèmes de production qui sont mis en œuvre et des caractéristiques agronomiques des sols. Ces références peuvent être proposées par les commissions communales ou intercommunales d’aménagement foncier, telles que définies par les articles L. 121-3 et L. 121-4.

   

La valeur de rendement ainsi déterminée est destinée à servir de référence en matière de politiques foncière, sociale et fiscale.

   

Les informations figurant au répertoire des valeurs des terres agricoles constituent un élément d’appréciation du juge pour la fixation de la valeur des terres agricoles.

   

La commission départementale d’aménagement foncier assure le contrôle et la coordination des travaux des commissions communales ou intercommunales mentionnées ci-dessus ; les contestations relatives à ces travaux lui sont déférées par les intéressés ou par le préfet.

   

La commission départementale d’aménagement foncier peut se faire communiquer, sans que ceux-ci puissent se prévaloir de la règle du secret, par l’administration, par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural et par les notaires, les éléments non nominatifs d’information nécessaires à sa mission, notamment les valeurs retenues à l’occasion des mutations intervenues et le prix des baux constatés, au cours de l’année précédente et au besoin au cours des cinq dernières années.

   

Les modalités d’établissement et de mise à jour du répertoire prévu au présent article sont fixées par décret.

   
 

3° L’article L. 312-4 est ainsi rédigé :

 

Art. L. 312-4. – Dans l’attente de la publication du répertoire de la valeur des terres agricoles prévu à l’article L. 312-3, un barème indicatif de leur valeur vénale moyenne est publié par décision du ministre de l’agriculture.

« Art. L. 312-4. – Un barème de la valeur vénale moyenne des terres agricoles est publié chaque année par décision du ministre chargé de l’agriculture.

 

Ce barème est établi pour chaque département, par région naturelle et nature de culture.

« Ce barème est établi pour chaque département, par région naturelle et nature de culture, en tenant compte notamment des valeurs retenues à l’occasion des mutations intervenues au cours de l’année précédente et, au besoin, au cours des cinq dernières années.

 

Il est un élément d’appréciation du juge pour la fixation du prix des terres agricoles.

« Les informations figurant au barème de la valeur vénale des terres agricoles constituent un élément d’appréciation du juge pour la fixation du prix des terres.

 
 

« Les modalités d’établissement du barème prévu au présent article sont fixées par décret. »

 

Code de l’urbanisme

Article 7

Article 7

   

(Sans modification)

Art. L. 221-2. – La personne publique qui s’est rendue acquéreur d’une réserve foncière doit en assurer la gestion raisonnablement.

   

Avant leur utilisation définitive, les immeubles acquis pour la constitution de réserves foncières ne peuvent faire l’objet d’aucune cession en pleine propriété en dehors des cessions que les personnes publiques pourraient se consentir entre elles et celles faites en vue de la réalisation d’opérations pour lesquelles la réserve a été constituée. Ces immeubles ne peuvent faire l’objet que de concessions temporaires qui ne confèrent au preneur aucun droit de renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les lieux lorsque l’immeuble est repris en vue de son utilisation définitive.

   
 

L’avant-dernier alinéa de l’article L. 221-2 du code de l’urbanisme est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

 

Toutefois, lorsque les terres concédées sont à usage agricole, il ne peut être mis fin à ces concessions que moyennant préavis d’un an au moins.

« Toutefois, lorsque les terres concédées sont à usage agricole, il ne peut être mis fin à ces concessions que moyennant préavis :

 
 

« 1° Soit d’un an au moins, dès lors qu’une indemnisation à l’exploitant est prévue au contrat de concession en cas de destruction de la culture avant la récolte ;

 
 

« 2° Soit de trois mois avant la levée de récolte ;

 
 

« 3° Soit de trois mois avant la fin de l’année culturale. »

 

Les personnes publiques mentionnées au présent article bénéficient des dispositions de l’article 50 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière.

   

Code rural et de la pêche maritime

 

Article 7 bis (nouveau)

   

I. − Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

Art. L. 411-11. – Le prix de chaque fermage est établi en fonction, notamment, de la durée du bail, compte tenu d’une éventuelle clause de reprise en cours de bail, de l’état et de l’importance des bâtiments d’habitation et d’exploitation, de la qualité des sols ainsi que de la structure parcellaire du bien loué et, le cas échéant, de l’obligation faite au preneur de mettre en œuvre des pratiques culturales respectueuses de l’environnement en application de l’article L. 411-27. Ce prix est constitué, d’une part, du loyer des bâtiments d’habitation et, d’autre part, du loyer des bâtiments d’exploitation et des terres nues.

   

Le loyer des bâtiments d’habitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima qui sont arrêtés par l’autorité administrative sur la base de références calculées d’après des modalités définies par décret. Ce loyer ainsi que les maxima et les minima sont actualisés, chaque année, selon la variation de l’indice de référence des loyers publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques chaque trimestre et qui correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers. Ces références sont applicables aux baux en cours à la date d’entrée en vigueur de l’acte pris par l’autorité administrative dans chaque département pour arrêter les maxima et les minima. Le loyer des bâtiments d’habitation stipulé dans ces baux peut être révisé à l’initiative de l’une des parties au bail à compter de la publication de l’acte ci-dessus mentionné. À défaut d’accord entre les parties, le loyer des bâtiments d’habitation est fixé par le tribunal.

   

Le loyer des terres nues et des bâtiments d’exploitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima arrêtés par l’autorité administrative.

   

Ce loyer ainsi que les maxima et les minima sont actualisés chaque année selon la variation d’un indice national des fermages.

   

Cet indice est composé :

   

a) Pour 60 % de l’évolution du revenu brut d’entreprise agricole à l’hectare constaté sur le plan national au cours des cinq années précédentes ;

   

b) Pour 40 % de l’évolution du niveau général des prix de l’année précédente.

   

Les modalités de calcul de l’indice et de ses composantes sont précisées par voie réglementaire.

   

L’indice national des fermages et sa variation annuelle sont constatés avant le 1er octobre de chaque année par arrêté du ministre chargé de l’agriculture.

   

Par dérogation aux dispositions précédentes, le loyer des terres nues portant des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles et des bâtiments d’exploitation y afférents peut être évalué en une quantité de denrées comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l’autorité administrative. Dans ce cas, les dispositions relatives à l’actualisation du loyer des terres nues et des bâtiments d’exploitation prévues au présent article ne s’appliquent pas.

   

L’autorité administrative détermine les maxima et les minima prévus aux alinéas ci-dessus sur proposition de commissions consultatives paritaires départementales et, le cas échéant, nationale. En cas de carence de ces commissions, l’autorité compétente procède elle-même à cette fixation.

 

1° À la fin de la première phrase du onzième alinéa de l’article L. 411-11, les mots : « et, le cas échéant, nationale » sont supprimés ;

Ces maxima et ces minima font l’objet d’un nouvel examen au plus tard tous les six ans. S’ils sont modifiés, le prix des baux en cours ne peut, sous réserve des dispositions figurant au premier alinéa de l’article L. 411-13, être révisé que lors du renouvellement ou, s’il s’agit d’un bail à long terme, en début de chaque nouvelle période de neuf ans. À défaut d’accord amiable, le tribunal paritaire des baux ruraux fixe le nouveau prix du bail.

   

Les minima arrêtés par l’autorité administrative ne s’appliquent pas au loyer lorsque le bail comporte des clauses mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 411-27.

   

Art. L. 411-73. – I. – Les travaux d’améliorations, non prévus par une clause du bail, ne peuvent être exécutés qu’en observant, selon le cas, l’une des procédures suivantes :

(…)

 

2° Le 3 du I de l’article L. 411-73 est ainsi modifié :

   

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

3. Pour tous autres travaux d’amélioration, le preneur doit obtenir l’autorisation du bailleur. À cet effet, il lui notifie sa proposition ainsi qu’à un comité technique départemental dont la composition et les conditions d’intervention sont fixées par décret en Conseil d’État. Le bailleur peut décider de les exécuter à ses frais dans un délai fixé en accord avec le preneur. S’il refuse ou s’il ne répond pas dans les deux mois de la notification, le preneur en informe le comité technique départemental qui dispose d’un délai de deux mois pour rendre son avis.

 

− à la fin de la deuxième phrase, les mots : « un comité technique départemental dont la composition et les conditions d’intervention sont fixées par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « la commission paritaire départementale des baux ruraux » ;

   

− à la dernière phrase, les mots : « le comité technique départemental » sont remplacés par les mots : « la commission départementale » ;

Le preneur peut exécuter ou faire exécuter les travaux si aucune opposition à un avis favorable du comité n’a été formée par le bailleur auprès du tribunal paritaire, si le tribunal n’a pas admis la recevabilité ou le bien-fondé des motifs de l’opposition dont il a été saisi, ou si le bailleur n’a pas entrepris, dans le délai prévu, les travaux qu’il s’est engagé à exécuter.

 

b) Au deuxième alinéa, les mots : « du comité » sont remplacés par les mots : « de la commission départementale ».

Le permis de construire, dans le cas où il est exigé, peut être demandé par le preneur seul dès lors qu’il a l’autorisation de faire les travaux compte tenu des dispositions précédemment énoncées.

(…)

   
   

II. − Le 2° du I entre en vigueur le 1er janvier 2018.

amendements CE17, CE3, CE6, CE15, CE19 et CE22

 

TITRE II

TITRE II

 

DÉVELOPPEMENT DU BIOCONTRÔLE

DÉVELOPPEMENT DU BIOCONTRÔLE

 

Article 8

Article 8

Art. L. 254-1. – I. – Les produits phytopharmaceutiques mentionnés au présent chapitre sont ceux définis au 1 de l’article 2 du règlement (CE) n° 1107/2009.

   

II. – Est subordonné à la détention d’un agrément l’exercice des activités suivantes :

1° La mise en vente, la vente ou la distribution à titre gratuit des produits phytopharmaceutiques aux utilisateurs de ces produits ou aux personnes physiques ou morales agissant pour leur compte, y compris les groupements d’achats ;

   

2° L’application, en qualité de prestataire de services, des produits phytopharmaceutiques, sauf si elle est effectuée dans le cadre de contrats d’entraide à titre gratuit au sens de l’article L. 325-1 ou par un exploitant agricole titulaire du certificat mentionné au II de l’article L. 254-3 sur des exploitations dont la surface agricole utile est inférieure ou égale à la surface définie en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 732-39, ou si les produits appliqués sont des produits de biocontrôle mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-5 ;

(…)

À la fin du 2° du II de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots « mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-5 » sont remplacés par les mots « définis à l’article L. 253-6 ne faisant pas l’objet d’une classification telle que mentionnée à l’article L. 253-4 ».

À la fin du 2° du II de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots « mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-5 » sont remplacés par les mots « définis à l’article L. 253-6 et ne faisant pas l’objet d’une classification mentionnée à l’article L. 253-4 ou si ces produits sont des substances de base au sens de l’article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité ».

amendements CE1 et CE11

 

Article 9

Article 9

Art. L. 254-3. – I. – L’exercice des fonctions d’encadrement, de vente, d’application ou de conseil par les personnels des entreprises exerçant les activités mentionnées au II de l’article L. 254-1 est soumis à l’obtention d’un certificat délivré par l’autorité administrative ou un organisme qu’elle habilite au vu de leur qualification. Le certificat mentionné au IV de l’article L. 254-1 est délivré dans les mêmes conditions.

   

II. – Les personnes physiques qui utilisent les produits phyto-pharmaceutiques dans le cadre de leur activité professionnelle à titre salarié, pour leur propre compte, ou dans le cadre d’un contrat d’entraide à titre gratuit au sens de l’article L. 325-1, justifient d’un certificat délivré par l’autorité administrative ou un organisme qu’elle habilite garantissant l’acquisition des connaissances exigées en adéquation avec les fonctions déclarées.

Le II de l’article L. 254-3 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

(Alinéa sans modification)

 

« Ce certificat n’est pas exigé pour les médiateurs chimiques au sens de l’article L. 253-6. »

« Ce certificat n’est exigé ni pour les médiateurs chimiques au sens de l’article L. 253-6, ni pour les substances de base au sens de l’article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité. »

amendement CE12

III. – Ces certificats sont renouvelés périodiquement.

   
 

Article 10

Article 10

 

L’ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques est ratifiée.

Supprimé

amendements CE2, CE4 et CE13

 

TITRE III

TITRE III

 

DISPOSITIONS DIVERSES

DISPOSITIONS DIVERSES

 

Article 11

Article 11

   

(Sans modification)

 

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales prévue à l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés.

 
© Assemblée nationale

1 () Antoine Herth et Germinal Peiro, rapport d’application de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt enregistré le 20 décembre 2016, n° 4328

2 () « Pesticides et agroécologie, les champs du possible », rapport de Dominique Potier au Premier ministre, novembre 2014

3 () Le Monde, 29 avril 2014, Olivier De Schutter : « Notre modèle agricole mondial est à bout de souffle

4 () Altermondes, mai 2015, « XXIe siècle: l’urgence d’un changement »

5 () Les premières versions de cet article en navette dans la loi Sapin II prévoyaient une durée de conservation de 10 ans minimum.

6 () Dans les cultures, les femelles des Lépidoptères ravageurs émettent un mélange phéromonal pour attirer le mâle et s’accoupler. L’apport de phéromones de synthèse dans l’atmosphère de la parcelle désoriente le papillon mâle, empêche l’accouplement et permet ainsi de rompre le cycle du ravageur avant l’apparition du stade nuisible.

7 () Placement de capsules attractives de phéromones dans des pièges englués pour provoquer la colonisation du piège et rompre le cycle du ravageur.

8 () Décret n° 2016-1166 du 26 août 2016