N° 4480 - Rapport de M. Camille de Rocca Serra sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété (n°4460).




N
° 4480

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTIONDU4OCTOBRE1958

QUATORZIÈMELÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 février 2017

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 4460), MODIFIÉE PAR LE SÉNAT, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
visant à
favoriser l’assainissement cadastral
et la
résorption du désordre de propriété

PAR M. Camille de ROCCA SERRA,

Député

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 4166, 4260 et T.A. 855.

Sénat : 207, 351, 352, 342 et T.A. 79 (2016-2017).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

DISCUSSION GÉNÉRALE 7

EXAMEN DES ARTICLES 9

Article 1er : Consécration législative des actes de notoriété acquisitive notariés 9

Article 2 : Assouplissement des règles de majorité applicables en matière d’indivision 10

Article 7 (nouveau) (art. 24 de la loi du 31 mars 1884 concernant le renouvellement du cadastre, la péréquation de l’impôt foncier et la conservation du cadastre des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin) : Application de la prescription acquisitive dans les départements d’Alsace et de Moselle et abrogation d’une disposition désuète 11

TABLEAU COMPARATIF 13

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2016 par trois députés du groupe Les Républicains (LR), MM. Camille de Rocca Serra, Sauveur Gandolfi-Scheit et Laurent Marcangeli, un député du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP), M. Paul Giacobbi, et un député du groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER), M. François Pupponi. Elle a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 8 décembre 2016.

Fruit d’une réflexion engagée de longue date, elle répond à une impérieuse nécessité : permettre, en Corse, le plein exercice du droit de propriété, aujourd’hui affecté par le désordre foncier qui règne sur l’île.

Cette proposition de loi comprend donc, d’une part, des dispositions visant à sécuriser la reconstitution des titres de propriété, par le biais de la prescription acquisitive, et à faciliter le règlement des indivisions et, d’autre part, des incitations fiscales transitoires pour encourager la reconstitution des titres et les donations entre vifs. Elle prolonge également, pour une période de dix ans, le régime transitoire d’exonération partielle des droits de succession en matière immobilière propre à la Corse, afin de prévoir le temps nécessaire au règlement de ce désordre foncier.

Le texte a été adopté en première lecture par le Sénat le 8 février 2017. Si les articles 3 à 5, relatifs aux différents dispositifs fiscaux, ont été votés sans modification, les articles 1er et 2, relatifs à la prescription acquisitive et au règlement des indivisions, ont fait l’objet de précisions rédactionnelles, afin notamment de limiter leur champ d’application à la seule Corse.

Le Sénat a également introduit un article additionnel, l’article 7, pour permettre l’utilisation de la prescription acquisitive dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Compte tenu de la pertinence des précisions apportées par le Sénat, votre rapporteur estime que cette proposition de loi doit pouvoir être adoptée par l’Assemblée nationale dans la rédaction issue des travaux du Sénat.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 15 février 2017, la commission des Lois procède à l’examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété (n° 4460) (M. Camille de Rocca Serra, rapporteur).

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur. Ce texte a été adopté en première lecture par le Sénat le 8 février dernier. Si les articles 3 à 5, relatifs aux différents dispositifs fiscaux, ont été votés sans modification, les articles 1er et 2, relatifs à la prescription acquisitive et au règlement des indivisions, ont fait l’objet de précisions rédactionnelles tandis qu’un nouvel article, relatif à l’Alsace-Moselle, a été introduit.

L’article 1er consacre tout d’abord au niveau législatif l’acte notarié de notoriété acquisitive, pratique à laquelle le notariat de Corse recourt depuis une trentaine d’années pour reconstituer les titres de propriété. Alors que le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture inscrivait cette procédure dans le code civil, en y insérant à cette fin deux nouveaux articles, le dispositif adopté par le Sénat en limite le champ d’application à la seule Corse, et pour une durée de dix ans. Il transpose en fait à la Corse la rédaction de l’article 34 terdecies du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer, qui vient d’être adopté définitivement par le Parlement : cet article consacre l’utilisation des actes de notoriété acquisitive pour les biens situés dans les territoires ultramarins touchés par le même désordre foncier que la Corse. Le dispositif ainsi adopté par le Sénat étant très proche de celui prévu par la proposition de loi dans sa rédaction initiale, je souscris à cette nouvelle rédaction.

L’article 2 vise à assouplir les règles de majorité requises pour l’accomplissement de certains actes dans le cadre des indivisions constatées à la suite de la reconstitution d’un titre de propriété par prescription acquisitive. Le texte adopté par le Sénat en première lecture comprend deux précisions rédactionnelles, qui consistent, d’une part, à spécifier que cet assouplissement des règles de majorité n’est applicable qu’à défaut de l’existence d’un titre de propriété et, d’autre part, à limiter le champ d’application de cet article à la seule Corse. Ces deux ajouts sont tout à fait pertinents.

L’article 7, enfin, a été introduit en première lecture par le rapporteur du Sénat. Il vise à permettre la pleine application de la prescription acquisitive dans les départements d’Alsace et de Moselle, l’article 24 de la loi du 31 mars 1884 interdisant aujourd’hui l’agrandissement de toute propriété par le biais de cette procédure.

Telles sont, mes chers collègues, les modifications adoptées par le Sénat en première lecture. Compte tenu de la pertinence de ces précisions, j’estime que cette proposition de loi doit pouvoir être adoptée définitivement par l’Assemblée nationale dans la rédaction issue des travaux du Sénat et je vous invite donc à l’adopter sans modification.

M. François Pupponi. Je salue le travail accompli par le rapporteur, qui a eu l’initiative de ce texte. Nous l’avons voté à l’unanimité en première lecture, mais il me semble à moi aussi que les modifications apportées par le Sénat vont dans le bon sens. Je suis donc d’avis que nous le votions sans modification afin de lui permettre d’entrer en vigueur.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Consécration législative des actes de notoriété acquisitive notariés

Le présent article consacre au niveau législatif l’acte notarié de notoriété acquisitive.

Le code civil prévoit, en effet, la possibilité de reconnaître un titre de propriété du fait d’une possession prolongée, d’au moins trente ans : il s’agit de la prescription acquisitive. Pour faire valoir ce droit, le possesseur doit apporter la preuve qu’il est le propriétaire de fait du bien dont il se prévaut. À cette fin, il peut faire établir par un notaire un acte de notoriété.

Cette procédure, non prévue par le législateur, est largement utilisée par le notariat corse depuis la « commission Badinter » de 1983 : elle consiste, pour le notaire, à produire, à l’appui de l’acte, des témoignages de déclarants dignes de foi, des extraits du cadastre ou encore la preuve des impôts fonciers acquittés. Elle est assortie d’’une large publicité, afin que d’éventuelles actions en revendication puissent être intentées contre le possesseur présumé.

Cet article vise donc à reconnaître la pratique de la notoriété acquisitive et à réduire à cinq ans le délai de contestation, afin de sécuriser plus rapidement les actes ainsi reconstitués.

Alors que le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture inscrivait cette procédure dans le code civil, en y insérant à cette fin deux nouveaux articles, le dispositif adopté par le Sénat en limite le champ d’application à la seule Corse, et pour une durée de dix ans.

Il transpose en fait à la Corse la rédaction de l’article 34 terdecies du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, adopté définitivement par l’Assemblée nationale le 9 février dernier, qui consacre l’utilisation des actes de notoriété acquisitive pour les biens situés dans les territoires ultramarins touchés par le même désordre foncier que la Corse.

Le dispositif ainsi adopté par le Sénat étant très proche de celui prévu par la proposition de loi dans sa rédaction initiale, votre rapporteur souscrit à cette nouvelle rédaction.

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La Commission adopte l’article 1ersans modification.

Article 2
Assouplissement des règles de majorité applicables en matière d’indivision

Le présent article vise à assouplir les règles de majorité requises pour l’accomplissement de certains actes dans le cadre des indivisions constatées suite à la reconstitution d’un titre de propriété par prescription acquisitive. Complément indispensable de l’article 1er, il a pour objet de favoriser et accélérer les règlements successoraux.

Le texte adopté par le Sénat en première lecture comprend deux précisions rédactionnelles, qui visent, d’une part, à préciser que cet assouplissement des règles de majorité n’est applicable qu’à défaut de l’existence d’un titre de propriété et, d’autre part, à limiter le champ d’application de cet article à la seule Corse.

Votre rapporteur estime que ces précisions sont pertinentes.

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Mme Marie-Françoise Bechtel. Le dernier alinéa de l’article 2 dispose que « le ou les indivisaires sont tenus d’en informer les autres indivisaires ». À quoi renvoie ce « en » ? De quoi faut-il les informer ? Pas, en tout cas, de ce qu’indique le deuxième alinéa puisqu’il s’y agit précisément d’aller les chercher pour les prévenir qu’une opération est en cours. Ce « en » très équivoque est particulièrement gênant en droit civil. Ne veut-on pas plutôt dire que « le ou les indivisaires sont tenus d’informer les autres indivisaires de toutes les opérations mentionnées au présent article » ?

M. le rapporteur. C’est bien le sens de cet alinéa.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Alors on ne peut pas le formuler ainsi. « En » ne renvoie à rien de précis. J’appelle l’attention de la sage commission des Lois sur ce point.

M. le président Dominique Raimbourg. Votre observation est intéressante, mais nous sommes tenus de voter le texte dans les mêmes termes que le Sénat : si nous y changions ne serait-ce qu’une virgule, la loi ne pourrait être adoptée avant la fin de la législature.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Espérons alors que la réponse du rapporteur suffira à préciser l’intention du législateur.

M. le président Dominique Raimbourg. Vous pourrez également lui reposer la question en séance, afin que sa réponse figure à la fois dans le compte rendu de l’examen en commission et dans le compte rendu de séance, et que son interprétation prévale.

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est entendu.

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 7 (nouveau)
(art. 24 de la loi du 31 mars 1884 concernant le renouvellement du cadastre, la péréquation de l’impôt foncier et la conservation du cadastre des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin)

Application de la prescription acquisitive dans les départements d’Alsace et de Moselle et abrogation d’une disposition désuète

Introduit par le Sénat en première lecture, cet article avait été initialement inscrit dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, avant d’être censuré comme « cavalier législatif » par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016.

Il vise à permettre la pleine application de la prescription acquisitive, définie par le code civil, dans les départements d’Alsace et de Moselle, l’article 24 de la loi du 31 mars 1884 interdisant aujourd’hui l’agrandissement de toute propriété par le biais de cette procédure.

Ce nouvel article répond à un réel besoin et c’est pourquoi votre rapporteur juge son ajout bienvenu.

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La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Puis elle adopte à l’unanimité l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété (n° 4480), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte de la proposition de loi adopté en première lecture
par l’Assemblée nationale

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Texte de la proposition de loi adopté en première lecture
par le Sénat

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété

Proposition de loi visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété

Proposition de loi visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété

Article 1er

Article 1er

Article 1er

Après l’article 2261 du code civil, sont insérés des articles 2261-1 et 2261-2 ainsi rédigés :

Alinéa supprimé

(Sans modification)

« Art. 2261-1. – La possession se prouve par tous moyens. Elle peut être constatée par un acte de notoriété acquisitive, dressé par un notaire, contenant les éléments matériels attestant de ses qualités et de sa durée et faisant l’objet d’une publication par voie d’affichage, sur un site internet et au service de la publicité foncière.

Alinéa supprimé

 

« L’acte de notoriété acquisitive répondant aux conditions prescrites au premier alinéa fait foi de la possession, sauf la preuve contraire, et ne peut être contesté que dans un délai de cinq ans à compter de la dernière des publications prévues au même premier alinéa.

Lorsqu’un acte notarié de notoriété porte sur un immeuble situé en Corse et constate une possession répondant aux conditions de la prescription acquisitive, il fait foi de la possession, sauf preuve contraire. Il ne peut être contesté que dans un délai de cinq ans à compter de la dernière des publications de cet acte par voie d’affichage, sur un site internet et au service de la publicité foncière

 
 

Le présent article s’applique aux actes de notoriété dressés et publiés avant le 31 décembre 2027

 

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 2261-2. – Le possesseur est présumé, sauf la preuve contraire, propriétaire. Il est défendeur à l’action en revendication exercée par celui qui se prétend le véritable propriétaire.

Alinéa supprimé

 

« La preuve contraire à cette présomption est rapportée par tous moyens. »

Alinéa supprimé

 

Article 2

Article 2

Article 2

Le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre VII du titre Ier du livre III du code civil est complété par un article 815-3-1 ainsi rédigé :

Alinéa supprimé

(Sans modification)

« Art. 815-3-1. – La majorité des deux tiers des droits indivis requise pour effectuer les actes prévus aux 1° à 4° de l’article 815-3 est ramenée à la majorité simple pour les indivisions constatées à la suite de la constatation de la propriété acquise par prescription dans un acte de notoriété établi dans les conditions prévues à l’article 2261-1. La conclusion d’actes de disposition sur des biens nouvellement titrés dont les droits indivis concurrents ont été simultanément constatés est soumise, par dérogation à l’avant-dernier alinéa de l’article 815-3, à la majorité des deux tiers des droits indivis. »

Pour les indivisions constatées par un acte notarié de notoriété établi dans les conditions prévues à l’article premier de la présente loi à défaut de titre de propriété existant, le ou les indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis peuvent effectuer les actes prévus aux 1° à 4° de l’article 815-3 du code civil.

 
 

Toutefois, le consentement du ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux mentionnés au 3° du même article 815-3.

 
 

Le ou les indivisaires sont tenus d’en informer les autres indivisaires.

 

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Article 7 (nouveau)

Article 7

 

L’article 24 de la loi du 31 mars 1884 concernant le renouvellement du cadastre, la péréquation de l’impôt foncier et la conservation du cadastre des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin est ainsi modifié :

(Sans modification)

 

1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

 
 

« Les deux premiers alinéas ne font pas obstacle à l’application du titre XXI du livre III du code civil. » ;

 
 

2° Le dernier alinéa est supprimé.

 
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