Texte adopté n° 903 - Résolution pour une Conférence des parties (COP) de la finance mondiale, l'harmonisation et la justice fiscales



TEXTE ADOPTÉ n° 903

« Petite loi »

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

2 février 2017


RÉSOLUTION EUROPÉENNE

pour une Conférence des parties (COP) de la finance mondiale,
l’
harmonisation et la justice fiscales.

L’Assemblée nationale a adopté la résolution dont la teneur suit :


Voir les numéros : 4332, 4379 et 4418.

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu les articles 1er et 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement,

Vu la Charte des Nations Unies,

Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Vu le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

Vu la convention relative à l’Organisation de coopération et de développement économiques du 14 décembre 1960,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le traité sur l’Union européenne,

Vu le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire,

Vu la Charte sociale européenne,

Vu la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 28 janvier 2016, intitulée : « Paquet de mesures contre l’évasion fiscale : prochaines étapes pour assurer une imposition effective et davantage de transparence fiscale dans l’Union européenne » (COM[2016] 23 final),

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 28 janvier 2016 sur une stratégie extérieure pour une imposition effective (COM[2016] 24 final),

Vu la proposition de directive du Conseil du 28 janvier 2016 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal (COM[2016] 25 final),

Vu la proposition de directive du Conseil du 28 janvier 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (COM[2016] 26 final),

Vu la recommandation de la Commission du 28 janvier 2016 concernant la mise en œuvre de mesures contre l’utilisation abusive des conventions fiscales (C[2016] 271 final),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 12 avril 2016 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les bénéfices (COM[2016] 198 final),

Vu la norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale du 21 juillet 2014 élaborée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE),

Vu le projet international de lutte contre l’érosion des bases de l’impôt sur les sociétés et les transferts de bénéfices, dit « BEPS », conduit par le G20 et l’OCDE,

Vu le rapport mondial sur la compétitivité 2016-2017 publié par le Forum économique mondial,

Vu l’étude intitulée : « Fiscal policy and long-term growth », publiée par le Fonds monétaire international en juin 2015,

Vu le rapport sur l’investissement dans le monde 2016, publié par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement,

Vu le rapport d’information du Sénat n° 673 (2011-2012) du 17 juillet 2012, intitulé : « L’évasion fiscale internationale, et si on arrêtait ? » fait au nom de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales par M. Philippe Dominati, président, et par M. Éric Bocquet, rapporteur,

Vu le rapport d’information n° 1423 du 9 octobre 2013, intitulé : « Lutte contre les paradis fiscaux : si l’on passait des paroles aux actes » fait au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale par MM. Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan,

Vu le rapport du Sénat n° 87 (2013-2014) du 17 octobre 2013 fait au nom de la commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières et ses conséquences fiscales, intitulé : « Évasion des capitaux et finance : mieux connaître pour mieux combattre » par M. François Pillet, président, et M. Éric Bocquet, rapporteur,

Vu l’avis du Conseil économique, social et environnemental du 16 décembre 2016 sur les mécanismes d’évitement fiscal et leurs impacts sur le consentement à l’impôt et la cohésion sociale,

Vu la résolution du Parlement européen du 16 décembre 2015 contenant des recommandations à la Commission en vue de favoriser la transparence, la coordination et la convergence des politiques en matière d’impôt sur les sociétés au sein de l’Union (2015/2010[INL]),

Vu la résolution du Parlement européen du 25 novembre 2015 sur les rescrits fiscaux et autres mesures similaires par leur nature ou par leur effet (2015/2066[INI]),

Vu la résolution du Parlement européen du 6 juillet 2016 sur les rescrits fiscaux et autres mesures similaires par leur nature ou par leur effet (2016/2038[INI]),

Vu le rapport sur le rôle des lanceurs d’alerte dans la protection des intérêts financiers de l’Union européenne, fait par M. Dennis de Jong, adopté à l’unanimité par la Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen le 9 janvier 2017 (2016/2055[INI]),

Considérant qu’il est indispensable de juguler les dérives spéculatives de la finance mondiale ;

Considérant que la fraude et l’évasion fiscales sont des fléaux planétaires, affectant tous les États, quel que soit leur niveau de développement, portant préjudice à la cohésion sociale et contribuant à l’accroissement des inégalités, au détriment du plus grand nombre et pour le seul profit d’une minorité ;

Considérant que la réponse à cet enjeu planétaire appelle la mobilisation de la communauté internationale ;

Considérant qu’il convient donc d’engager une démarche politique globale en matière de régulation financière et de lutte contre l’évasion fiscale au niveau de l’Organisation des Nations Unies (ONU), à l’instar de la Conférence des Parties (COP) sur le changement climatique ;

Considérant qu’il revient à notre pays de prendre une telle initiative afin que l’ONU se réunisse et entame des négociations autour d’une convention-cadre qui doit permettre d’assurer la coopération fiscale internationale, la prise et le suivi d’engagements durables en matière de régulation financière et de lutte contre l’évasion fiscale ;

Considérant que cette démarche permettra également d’impliquer sur un pied d’égalité les pays en voie de développement afin qu’ils puissent bénéficier des ressources qui devraient légitimement revenir à leur population ;

Considérant par ailleurs que les États membres de l’Union européenne se livrent à une dangereuse concurrence fiscale conduisant à la réduction progressive de la contribution des entreprises à l’effort collectif, privant également les États des moyens d’action dont ils auraient pourtant besoin pour lutter efficacement contre la pauvreté et le réchauffement climatique ;

Considérant que cette concurrence fiscale est illustrée par la croissance exponentielle des rescrits fiscaux, sur lesquels la transparence et le contrôle démocratique doivent désormais s’imposer pour pouvoir faire la lumière sur d’éventuelles pratiques fiscales agressives ;

Considérant que cette concurrence fiscale mortifère est exacerbée par l’existence de paradis bancaires, fiscaux et judiciaires, pour certains situés au sein même de l’Union européenne, faisant sortir des pans entiers de l’économie de tout contrôle démocratique ;

Considérant que l’action internationale de la France, en particulier depuis le sommet du G20 de Los Cabos en 2012, a permis d’importants progrès dans la lutte contre l’évasion fiscale : adoption des quinze actions du projet « BEPS » à Antalya en 2015, adoption dans l’Union européenne de directives anti-abus (notamment sur les décisions fiscales dérogatoires ou la directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur), adoption avec cent un autres États et territoires de l’échange automatique d’informations financières sur les particuliers et avec cinquante d’entre eux d’un échange automatique d’informations fiscales (rapport pays par pays) sur les entreprises ;

Considérant qu’au niveau national, l’action conjuguée du Gouvernement et du Parlement a permis depuis 2012 l’adoption de quatre-vingts nouvelles mesures législatives de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales ;

Considérant que ces mesures, en particulier celles issues de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et de la loi organique n° 2013-1115 du 6 décembre 2013 relative au procureur de la République financier, ont permis de renforcer le volet pénal de la lutte contre la fraude fiscale : création du parquet national financier, allongement du délai de prescription, aggravation du délit de complicité ;

Considérant que cette action cohérente de la France à tous les niveaux, international, européen et national, a permis une forte amélioration des résultats de la lutte contre la fraude, supérieurs à 21 milliards d’euros en 2015 alors qu’ils s’approchaient de 16 milliards d’euros en moyenne avant 2012 ;

Considérant qu’à la suite des révélations sur la situation de certains paradis fiscaux (Panama, …), la France a renforcé son initiative pour que le G20 et l’Union européenne mettent en place des listes communes avec des contre-mesures des paradis fiscaux, lesquelles sont en cours de constitution ;

Considérant que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », a hissé notre législation au niveau des meilleurs standards européens et internationaux en matière de lutte contre la corruption et de transparence de la vie publique ; qu’a été ainsi mis en œuvre un socle de protection pour les lanceurs d’alerte par l’instauration d’un régime de protection commune à tous les domaines d’activités dans lesquels peut se manifester cette conscience citoyenne ;

Considérant qu’il y va de l’intérêt des États et de la collectivité, et notamment en France et en Europe, de protéger les lanceurs d’alerte, notamment en matière fiscale ;

Considérant que les peuples et les acteurs du monde du travail et de la société civile ont également un rôle essentiel à jouer dans ce combat ;

1. Invite le Gouvernement français à être à l’initiative d’une grande conférence internationale, placée sous l’égide des Nations Unies, portant sur la régulation mondiale de la finance, l’harmonisation et la justice fiscales et dont l’objectif serait de parvenir à un accord global visant à l’instauration d’une instance internationale permanente de coopération et de régulation fiscales, permettant la bonne application des engagements pris par les États parties et l’ouverture régulière de nouvelles négociations sur ces questions ;

2. Appelle les autorités françaises à promouvoir, de manière constante, dans les négociations internationales auxquelles elles participent à ce sujet, notamment au niveau européen, une définition large, objective, effective et sans exception de la notion de juridiction et territoire non coopératifs, incluant notamment les dimensions bancaire, fiscale et judiciaire ;

3. Considère qu’il est indispensable de poursuivre les travaux engagés en matière de transparence fiscale pour élaborer un standard européen, voire mondial, en la matière, assorti de sanctions, afin de lutter efficacement contre l’érosion des bases fiscales et le transfert des bénéfices pratiqué par des entreprises multinationales ;

4. Demande aux institutions européennes de faire des propositions ambitieuses visant à élaborer une norme de transparence commune s’agissant des rescrits fiscaux, qui permette aux citoyens d’avoir accès, sur tout le territoire de l’Union européenne, aux informations importantes de ces accords conclus entre les administrations fiscales et certaines catégories de contribuables, notamment les entreprises ;

5. Insiste sur la nécessité de débattre, notamment au sein des institutions européennes, des conséquences à long terme de la concurrence fiscale sur l’intérêt général, l’environnement et le bien-être des populations et de déterminer les dispositions à prendre pour mettre en place une véritable coopération fiscale européenne ;

6. Accueille positivement les initiatives prises par le Parlement européen s’agissant de l’instauration d’un statut européen harmonisé pour les lanceurs d’alerte, visant à permettre qu’une alerte puisse être effectuée dans des conditions identiques et protectrices sur tout le territoire de l’Union européenne et invite les autorités françaises à soutenir cette démarche au sein des instances européennes.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 2 février 2017.

Le Président,
Signé :
Claude BARTOLONE

ISSN 1240 - 8468

Imprimé par l’Assemblée nationale


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