14ème législature

Question N° 644
de M. Martial Saddier (Union pour un Mouvement Populaire - Haute-Savoie )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Finances et comptes publics
Ministère attributaire > Finances et comptes publics

Rubrique > traités et conventions

Tête d'analyse > convention fiscale avec la Suisse

Analyse > travailleurs frontaliers. imposition. réglementation.

Question publiée au JO le : 29/04/2014 page : 3450
Réponse publiée au JO le : 07/05/2014 page : 2833

Texte de la question

M. Martial Saddier attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur les conséquences pour les travailleurs frontaliers français de la modification de l'ordonnance fédérale du 19 octobre 1993 relative à l'imposition à la source dans le cadre de l'impôt fédéral direct. Ce texte présente les principes généraux concernant l'imposition à la source (contribuables assujettis, barèmes d'imposition). Or, afin d'harmoniser les barèmes de l'impôt à la source sur l'ensemble de la Suisse au niveau fédéral, il a fait l'objet d'une modification le 25 février 2013 touchant tout particulièrement les travailleurs frontaliers concernés par le barème C pour les frontaliers mariés et le barème H pour les familles monoparentales. Dans le barème C, pour déterminer le taux d'imposition, l'employeur suisse devra désormais tenir compte du fait que le conjoint du frontalier perçoit également un revenu de travail au titre d'une activité effectuée en France. Or, comme il ne connaît pas ce revenu, l'employeur suisse déterminera le taux d'imposition en tenant compte d'un salaire fictif, calculé sur des bases statistiques identiques à chaque canton. Compte tenu de l'impact financier considérable pour les 90 000 travailleurs frontaliers de Haute-Savoie, il souhaite connaître la position du Gouvernement et les mesures envisagées en vue d'une évolution du nouveau dispositif pour prendre en compte la situation réelle des contribuables ou permettre a posteriori une prise en compte des revenus effectivement perçus dans le foyer fiscal.

Texte de la réponse

CONSÉQUENCES POUR LES TRAVAILLEURS FRONTALIERS DE L'ÉVOLUTION DE LA LÉGISLATION FISCALE SUISSE.


M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour exposer sa question, n°  644, relative aux conséquences pour les travailleurs frontaliers de l'évolution de la législation fiscale suisse.

M. Martial Saddier. Ma question s'adresse à monsieur le ministre des finances et des comptes publics et je tiens à y associer mes deux collègues de Haute-Savoie, Virginie Duby-Muller et Lionel Tardy. Elle porte sur les conséquences pour les travailleurs frontaliers et leur conjoint travaillant en France de la modification de l'imposition à la source dans le cadre de l'impôt fédéral direct.

En effet, la modification, le 25 février 2013, de l'ordonnance fédérale du 19 octobre 1993, a pour but d'harmoniser les barèmes de l'impôt à la source sur l'ensemble de la Suisse à compter du 1er janvier 2014. Sont notamment concernés les travailleurs frontaliers mariés soumis au barème C. Afin de déterminer le taux d'imposition, l'employeur suisse devra désormais tenir compte du fait que le conjoint de son collaborateur frontalier perçoit également un revenu au titre d'une activité effectuée en France.

Or, ne connaissant pas cette information, il s'appuiera sur un salaire fictif dont la méthode de calcul est la suivante : le revenu théorique du conjoint travaillant en France correspond au revenu du frontalier imposé à la source jusqu'à un montant de 65 100 francs suisses par an, soit 52 555 €. Au-delà de ce plafond, le revenu du conjoint reste fixé à 65 100 francs suisses. Par la suite, le taux d'imposition ne s'appliquera qu'au revenu du travailleur frontalier.

Vous en conviendrez, monsieur le ministre, l'application de ce nouveau barème aura de graves répercussions financières pour ces couples. En effet, ce salaire fictif est loin de correspondre à celui réellement gagné par le salarié français. À titre d'exemple, le revenu moyen annuel en Rhône-Alpes est de l'ordre de 32 030 euros, ce qui représente 20 000 euros d'écart. Par ailleurs, seul le canton de Genève a mis en place une rectification de l'impôt sur preuve du revenu réellement perçu par le conjoint en France, pour éviter une avance de trésorerie trop importante.

Déjà touchés par la fin du droit d'option en matière d'assurance maladie à compter du 1er juin prochain, les presque 100 000 travailleurs frontaliers et leurs conjoints vont subir de plein fouet une hausse d'impôt considérable entraînant une baisse importante de leur pouvoir d'achat.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les actions menées par le Gouvernement et les éventuelles mesures envisagées avec les autorités suisses pour assouplir ce nouveau barème et prendre en compte la situation réelle des contribuables ou permettre a posteriori la prise en compte des revenus réellement perçus dans le foyer fiscal ?

M. le président. La parole est à M. le Secrétaire d'État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget. Monsieur le député Martial Saddier, vous avez rappelé que, conformément aux principes internationaux, la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 prévoit l'imposition des salariés dans l’État où ils exercent leur activité professionnelle, sous réserve des cas couverts par le régime des frontaliers résultant de l'accord du 11 avril 1983. La retenue à la source pratiquée par les cantons suisses sur les salaires des résidents en France qui travaillent sur leur territoire s'inscrit dans ce cadre juridique et relève de la souveraineté fiscale de la Suisse.

S'agissant des modalités, l'ordonnance fédérale sur l'imposition à la source du 19 octobre 1993 a été modifiée le 25 février 2013. Comme vous l'indiquez, la nouvelle réglementation prévoit que le taux de retenue à la source prélevé sur la rémunération versée aux salariés exerçant en Suisse est déterminé en évaluant de manière forfaitaire les revenus du conjoint, lorsque ce dernier n'exerce pas son activité professionnelle en Suisse.

Dans ce cadre, les revenus du conjoint seront réputés être du même montant que ceux du salarié de l'entreprise suisse. Ces modalités de détermination ne tiennent pas compte du niveau réel des revenus du foyer et peuvent être ainsi défavorables aux salariés travaillant en Suisse mais n'y ayant pas leur domicile. Dans les faits, cette nouvelle réglementation se traduit par des forts ressauts d'imposition pour certains travailleurs français, potentiellement en décalage avec leurs revenus réels.

Conscient de ces difficultés, le ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, a écrit le 28 novembre 2013 à son homologue suisse, Eveline Widmer-Schlumpf, afin de faire évoluer le dispositif pour prendre en compte la situation réelle des contribuables.

Le Gouvernement estime qu'en tout état de cause, à l'instar de ce qui est déjà prévu à Genève, l'administration fédérale suisse pourrait inciter les cantons à adopter des mécanismes de régularisation permettant, même a posteriori, une prise en compte des revenus effectivement perçus par le foyer fiscal. En réponse, le 16 décembre 2013, les autorités suisses ont indiqué qu'elles prenaient note de la difficulté et se sont engagées à réexaminer le dispositif.

Par ailleurs, lors de la réunion entre Pierre Moscovici et son homologue suisse, à Berne, le 6 mars 2014 – réunion à laquelle j'ai participé –, les deux parties ont souligné l'importance de régler les difficultés rencontrées sur le plan fiscal par les travailleurs frontaliers, en application de l'accord de 1983, mais aussi dans un cadre plus général.

Le Gouvernement reconnaît comme vous l'importance du sujet, qui sera suivi étroitement par le ministre des finances et par le Secrétaire d’État chargé du budget, lui-même frontalier du Grand-Duché de Luxembourg. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Merci pour votre réponse, monsieur le ministre. Il est vrai que les frontaliers sont une chance, au sens large, pour le pays, particulièrement ceux qui travaillent en Suisse. Au nom de mes deux collègues de Haute-Savoie et en mon nom propre, je répète que, depuis quelques mois, entre la votation du 9 février qui remet en cause les accords bilatéraux avec l’Union européenne, la suppression du libre choix de l'assurance maladie, et cette convention fiscale, les travailleurs frontaliers, notamment ceux qui travaillent en Suisse, sont particulièrement malmenés.

Nous comptons donc sur vous pour que les relations diplomatiques entre la République française et nos amis suisses s'intensifient, afin de régler l'ensemble de ces problèmes.