15ème législature

Question N° 14142
de M. Romain Grau (La République en Marche - Pyrénées-Orientales )
Question écrite
Ministère interrogé > Action et comptes publics
Ministère attributaire > Action et comptes publics

Rubrique > impôts et taxes

Titre > Incidences financières - Arrêt CJUE n° C-310/09

Question publiée au JO le : 13/11/2018 page : 10077
Réponse publiée au JO le : 15/10/2019 page : 8706
Date de renouvellement: 14/05/2019

Texte de la question

M. Romain Grau attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur les conséquences financières de l'arrêt de la Cour de justice du 4 octobre 2018 dans l'affaire C-416/17 Commission contre France. Dans cet arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne considère que le Conseil d'État aurait dû l'interroger afin d'éviter une interprétation inexacte du droit communautaire. Cet arrêt porte sur l'affaire du précompte immobilier, la Commission ayant effectué un recours en manquement contre la France considérant que sa plus haute juridiction administrative aurait refusé de donner plein effet à l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-310/09 Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique contre Accor. Le juge communautaire dans l'arrêt du 4 octobre 2018 a fait partiellement droit à la Commission européenne. Il lui demande s'il a évalué les incidences financières d'une telle décision.

Texte de la réponse

Dans son arrêt du 4 octobre 2018 sur le régime du précompte mobilier, régime abrogé depuis le 1er janvier 2005, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) donne raison à la Commission européenne, auteur d'un recours en manquement contre la France, sur deux points. D'une part, elle considère qu'il convenait, pour déterminer le montant du précompte dû par une société française, de prendre en compte l'imposition subie à l'étranger par les sous-filiales sur les bénéfices redistribués à la société française par une filiale non-résidente. D'autre part, et en conséquence, afin de préciser quelles impositions devaient être prises en compte pour fixer le montant du précompte, le Conseil d'État aurait dû, selon la CJUE, la saisir d'une question préjudicielle pour obtenir son interprétation du droit de l'Union. La Cour rejette les autres griefs portés à son appréciation par la Commission européenne. Elle confirme notamment que les sociétés requérantes doivent justifier du bien-fondé de leurs demandes « pendant toute la procédure », rejetant ainsi le grief de la Commission tiré du caractère selon elle disproportionné des preuves demandées par la juridiction française pour apprécier l'imposition subie par les filiales distributrices et vérifier l'origine des dividendes redistribués en France. Sur le plan de la procédure, il convient de rappeler que ce contentieux comporte un volet fiscal et un volet indemnitaire. En ce qui concerne les contentieux pendants devant le juge de l'impôt, le risque financier correspondant est inscrit en provision dans les comptes de l'État pour l'intégralité du montant des réclamations des entreprises tendant au remboursement du précompte, conformément au principe de prudence comptable. Ce montant s'élève à 3 Mds €, intérêts moratoires compris, inclus dans la provision pour risque sur litiges fiscaux au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2018. Cela étant, il ne s'agit que d'un ordre de grandeur de l'impact financier maximal. Les entreprises requérantes sont en effet appelées à justifier devant les juridictions françaises les sommes dont elles demandent le remboursement au regard des principes précisés par la CJUE. Les restitutions seront prononcées en tout ou partie par le juge administratif selon les éléments de preuve que les entreprises apporteront. S'agissant du rythme des décaissements, ces procédures vont s'étaler sur plusieurs années. Sur le plan indemnitaire, des entreprises ont introduit des recours devant le juge administratif mettant en cause la responsabilité de l'État à raison de l'activité des juridictions. En effet, elles ont fait l'objet de décisions définitives du juge de l'impôt rejetant leurs demandes de remboursement du précompte mais contestent le bien-fondé de ces jugements au regard de la jurisprudence de la CJUE. Les risques liés à ce contentieux en responsabilité ont été provisionnés distinctement au bilan de l'État au 31 décembre 2018 à hauteur du montant des réclamations, soit 1,2 Md €. Ce contentieux d'une grande complexité technique est en phase d'instruction devant les tribunaux administratifs. Comme dans le contentieux fiscal, une évaluation au cas par cas de l'excès de précompte payé par les entreprises au regard des principes fixés par la jurisprudence de la CJUE sera nécessaire, en vue du paiement d'une indemnité aux entreprises, le cas échéant, qui auront établi leur préjudice et la responsabilité de l'État.