Né le 5 juillet 1872 à Troyes (Aube),
mort le 26 mars 1957 à Saint-Genis-Laval (Rhône)
Sénateur du Rhône de 1912 à 1919.
Député du Rhône de 1919 à 1942.
Ministre des Transports, des Travaux Publics et du Ravitaillement du 1er décembre 1916 au 18 mars 1917
Président du Conseil et ministre des Affaires Etrangères du 14 juin 1924 au 10 avril 1925.
Président du Conseil et ministre des Affaires Etrangères du 19 au 21 juillet 1926.
Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts du 23 juillet 1926 au 6 novembre 1928.
Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères du 3 juin au 14 décembre 1932.
Ministre d'Etat du 9 février 1934 au 22 janvier 1936.
Edouard Herriot naquit à Troyes le 5 juillet 1872, d'une famille originaire des Vosges. Son grand-père, retraité comme caporal, avait épousé une lingère. Son père avait fait, en 1859, la campagne d'Italie et en avait rapporté une passion pour les lettres anciennes. La guerre de 1870 l'avait profondément marqué. « Toute mon enfance a été formée au récit des malheurs de l'Alsace » a pu écrire Herriot.
Herriot, enfant, passait ses vacances à Saint-Pouange, près de Troyes, chez un oncle curé qui lui fit découvrir l'humanisme chrétien et lui enseigna la tolérance. « Lorsque j'ai perdu toute croyance, je n'ai pas désavoué ces souvenirs », lisons-nous dans cette autobiographie intitulée Pourquoi je suis radical-socialiste.
Sa culture ancrée sur des bases solides acquises au lycée de La Roche-sur-Yon, trouve son plein épanouissement, d'abord au collège Sainte-Barbe, où il bénéficie d'une bourse et où il a pour compagnons Péguy et Jérôme Tharaud, puis à l'Ecole normale supérieure où il entre en 1894. Il est reçu premier à l'agrégation, à 22 ans.
Pendant son année de service militaire, il écrit, pour l'Académie des sciences morales et politiques, un mémoire sur le sujet mis par elle au concours : Philon le Juif, essai sur l'Ecole juive d'Alexandrie.
Après avoir été chargé d'une classe de 3e au lycée de Nantes, Herriot est nommé, en 1896, professeur au lycée Ampère à Lyon. Dans sa classe de rhétorique, il a pour élève Edouard Daladier. Il écrit sa thèse de doctorat : Madame Récamier et ses amis. Il est chargé par la ville de Lyon d'un cours public dont l'essentiel se retrouve dans son Manuel d'histoire littéraire. Une de ses élèves, issue de la bourgeoisie lyonnaise, Mlle Marie-Blanche Rebatel, devient sa femme en 1899.
Avec quelques collègues du lycée et de la Faculté, Herriot s'est inscrit au comité radical du VIe arrondissement de Lyon, mais c'est la lettre de Zola sur « l'affaire » qui le jette dans l'action politique. Il s'inscrit à la Ligue des Droits de l'Homme.
Son admiration pour Jaurès, dont il conduira le corps au Panthéon, ne va cependant pas jusqu'à le faire entrer dans les rangs socialistes. Son programme sera « de réaliser le plus possible d'égalité et de justice... sans instituer des dogmes démentis par les faits ».
Elu conseiller municipal en mai 1904, Herriot devient maire de Lyon le 5 novembre 1905. Il le restera, sauf une interruption d'un mois, jusqu'à sa mort. Conseiller général du Rhône en 1910, Herriot entre au Sénat en 1912. La guerre pose au maire de Lyon des problèmes de ravitaillement et Clemenceau le soumet à une enquête - qui le lavera de tout soupçon - sur la façon dont il les a résolus.
Toute sa vie, Herriot se consacra à la prospérité de sa ville et y déploiera ses dons d'administrateur : il entreprend l'aménagement du Rhône, le barrage de Génissiat, la onstruction de ponts ; il fait aménager en 1910 un terrain d'aviation qui deviendra l'aérodrome de Bron ; renouant avec une très ancienne tradition lyonnaise, il lance, en 1916, la foire de Lyon ; il construit, selon une conception révolutionnaire pour l'époque, l'hôpital qui porte son nom, Maison des mères, Ecole d'agriculture, Office municipal d'orientation professionnelle, constructions scolaires, cours professionnels, lutte contre l'alcoolisme et la tuberculose témoignent de son sens social et toute son œuvre lui vaut une popularité immense.
A la fin de l'année 1916, Herriot est appelé dans le 6e cabinet Briand comme ministre des Travaux publics, des transports et du ravitaillement. Il doit imposer la carte de pain.
En 1919, il est élu président du parti radical. Il le restera plus de 35 ans, sauf pendant deux périodes (1927-1931) et (1935-1938) où « la guerre des deux Edouard » favorisera Daladier.
Le 16 novembre 1919, Herriot est élu député du Rhône par 45 712 voix sur 156.075 votants. Sa liste, radicale-socialiste, ayant obtenu, avec une moyenne de 37 822 voix, deux sièges sur les douze à pourvoir.
A la Chambre « bleu horizon », il fait figure de leader de l'opposition. Il manifeste avec éclat son hostilité à la politique de coercition vis-à-vis de l'Allemagne, à l'occupation de la Ruhr ; il préconise l'introduction des lois laïques en Alsace et en Lorraine. Son premier grand discours est, le 16 novembre 1920, pour s'opposer au rétablissement de l'ambassade de France au Vatican.
Il se fait le champion de la Société des Nations et l'apôtre de la paix. Il est partisan de l'impôt sur le capital.
Les élections du 11 mai 1924 marquent le succès du cartel des gauches qui, dans le Rhône emporte tous les sièges avec 110 019 voix. Le second de la liste était Marius Moutet. Herriot obtient 112 293 voix sur 194 996 votants.
Après avoir refusé de former le gouvernement auquel Léon Blum n'aurait pas accordé la participation socialiste, Herriot - violemment irrité par le discours d'Evreux - fait voter par la Chambre une motion de défiance à l'égard du ministère François-Marsal qui contraint le Président Millerand à se démettre.
Il accepte, à la demande de Gaston Doumergue qui vient d'être élu Président de la République, de former le gouvernement et obtient, le 17 juin, là confiance de la Chambre. Il prend le portefeuille des Affaires étrangères. Herriot accède alors à la grande notoriété. Selon Jules Romains, il est le plus grand orateur français depuis Jaurès. Son érudition est immense, sa mémoire sans défaut. A ces qualités intellectuelles s'allient une vitalité prodigieuse et une chaleur humaine qui lui attirent la sympathie populaire. Sa silhouette massive, ses cheveux drus, son inséparable pipe dont les caricaturistes se sont emparés sont célèbres.
Dès le 21 juin, Herriot se rend à Londres auprès du Premier ministre de Grande-Bretagne, M. Ramsay Mac Donald. Il voudrait sortir la France de son isolement et lier la question des réparations allemandes à celles des dettes interalliées. Mais, à l'accord sentimental espéré par Herriot entre un radical et un travailliste, le Premier anglais oppose les rapports des experts ; aux demandes de garanties présentées en contrepartie de l'évacuation de la Ruhr, Mac Donald objecte les traditions politiques séculaires de la Grande-Bretagne. Herriot ne rapporte des Chequers qu'une sorte de « pacte moral de coopération continuelle ».
La Conférence de Londres, qui réunit, à partir du 16 juillet 1924, les puissances alliées et à laquelle les Allemands sont invités le 2 août, se sépare le 15 août après avoir prévu l'évacuation de la Ruhr et l'exécution par l'Allemagne des directives du Plan Dawes. Les annuités servies à la France à ce titre entre 1924 et 1930 représenteront 4 milliards de marks-or.
Malgré l'opposition de la droite, Herriot est acclamé par la foule à son retour de Londres. A la Chambre des députés, le 23 août 1924, le général Desticker, commissaire du gouvernement, affirme que le maréchal Foch avait formellement déclaré que l'occupation de la Ruhr n'intéressait pas la sécurité de la France. L'ordre du jour présenté par le cartel est adopté par 336 voix contre 204. Le 26 août, le Sénat vote la confiance par 204 voix contre 40, Poincaré et ses amis s'abstenant.
Herriot cherche alors la signature d'un pacte d'assistance mutuelle. Il se rend à Genève à la Ve assemblée de la Société des Nations, à la tête d'une délégation brillante où figurent Léon Bourgeois, Briand, Paul-Boncour, Henri de Jouvenel, Georges Bonnet, Léon Jouhaux. Le 5 septembre, Herriot se fait applaudir pour l'éloquence avec laquelle il démontre que la notion d'arbitrage doit être liée à celle de sécurité et de désarmement.
En octobre, le protocole pour le règlement pacifique des différends internationaux, établi sur ces bases, est voté à l'unanimité par l'assemblée générale de la S.D.N. Le 5 mars 1925, le nouveau cabinet britannique, conservateur, décide de rejeter ce protocole. Herriot déclare à Chamberlain, ministre des Affaires étrangères : « L'Allemagne vous fera la guerre dans dix ans ».
Le gouvernement Herriot avait, en octobre 1924, reconnu officiellement la République des Soviets.
Sur le plan intérieur, le décret du 16 janvier 1925 crée le Conseil national économique. Les Postes sont dotées d'un budget annexe et d'un programme de grands travaux. L'extension de la loi de 8 heures, l'admission gratuite des élèves dans les lycées et collèges comportant des places vacantes, la loi établissant la taxe d'apprentissage, témoignent de l'activité du cabinet Herriot dans le domaine social.
Cependant, la décision d'instituer en Alsace et en Lorraine l'école interconfessionnelle, succédant à la suppression de l'ambassade de France auprès du Vatican, crée au Parlement et dans le pays un malaise : manifeste des cardinaux, grève scolaire dans les trois départements, de l'Est, bagarres au quartier latin, autant de symptômes d'une dégradation de la situation politique.
En outre, la situation financière, déjà des plus critiques lors de la constitution du gouvernement, s'aggrave. Des divergences de vues se manifestent au sein du cabinet sur la nature de l'effort fiscal à demander au pays, divergences qui entraînent, le 3 avril 1925, la démission du ministre des Finances, Clémentel. Sept jours plus tard, le gouvernement est renversé au Sénat, la révélation du dépassement de la limite légale des avances au Trésor ayant soulevé une émotion considérable.
Le 22 août 1925, Herriot devient pour la première fois président de la Chambre, remplaçant Painlevé devenu lui-même président du Conseil.
Le 17 juillet 1926, il descend de son fauteuil pour combattre la demande de délégation de pouvoirs présentée par Caillaux, ministre des Finances du 10e cabinet Briand, en vue d'opérer le redressement financier et entraîne la chute du gouvernement. Le cabinet Herriot, appelé à le remplacer, ne peut obtenir la majorité à la Chambre le 21 juillet 1926, jour de sa présentation.
C'est alors que Poincaré forme son grand ministère « d'Union nationale » dans lequel Herriot accepte le portefeuille de l'Instruction publique et des Beaux-arts. Il le garde plus de deux ans et se consacre a sa grande idée de l'« école unique » qui devait faciliter aux enfants, quelles que fussent leur origine et la situation de fortune de leurs parents, l'accès aux disciplines supérieures. La loi de finances du 27 décembre 1927 accorde la gratuité dans les lycées de la 6e à la 3e.
Le Congrès radical d'Angers ayant prescrit, à l'instigation de Caillaux, le retrait des ministres radicaux, Herriot démissionne le 6 novembre 1928.
Réélu au premier tour des élections générales, le 8 mai 1932, comme il l'avait été le 22 avril 1928, Herriot forme, le 3 juin, son troisième cabinet. Il détient, en même temps que la présidence du Conseil, le portefeuille des Affaires étrangères. Il se rend à la Conférence de Lausanne où il parvient à empêcher l'annulation totale de la dette allemande et où il obtient la promesse du paiement d'un forfait de 3 milliards de marks-or.
Afin de rétablir l'équilibre budgétaire, Herriot diminue les dépenses militaires, augmente l'impôt sur le revenu, convertit les rentes, réduit les traitements et les soldes, suspend la péréquation des pensions et supprime celle des veuves remariées. Il tombe, le 14 décembre, pour ne pas avoir à renoncer à payer les dettes de l'Amérique. « Je n'accepte pas, déclare-t-il, d'être celui qui refusera d'honorer la signature de la France. »
Herriot devient président de la commission des affaires étrangères de la Chambre. Il voyage en Hongrie, en Bulgarie, en Turquie ; il confère avec Roosevelt aux Etats-Unis, en avril 1933.
Il écrit de nombreux ouvrages, en particulier : Dans la forêt normande, La porte océane, et une Vie de Beethoven très remarquée.
Au lendemain du 6 février 1934, il entre comme ministre d'Etat dans le « cabinet de trêve » constitué par Doumergue, avec le maréchal Pétain au ministère de la Guerre et Tardieu également ministre d'Etat.
Le scandale Stavisky, l'arrivée au pouvoir de Hitler, les crises ministérielles fréquentes incitent le président Doumergue à envisager la réforme des institutions, en prévoyant un exécutif fort, doté du droit de dissolution, et bénéficiant seul de l'initiative des dépenses. Le congrès radical-socialiste de Nantes s'oppose à ces réformes et, le 8 novembre 1934, Herriot et Georges Bonnet refusent de présenter un projet de « douzièmes provisoires » et quittent le cabinet, entraînant la démission du président du Conseil.
Herriot est ministre d'Etat dans les cabinets Flandin, Bouisson et Laval qui se succéderont jusqu'au 22 janvier 1936. Après l'agression italienne contre l'Ethiopie, Herriot accompagne Laval à Genève, à la Société des Nations, et voit celui-ci éviter à l'Italie les sanctions économiques et militaires.
C'est sur son initiative qu'est signé le traité franco-soviétique du 2 mai 1935.
Mis en cause au comité radical, Herriot donne sa démission de président du parti. Le 22 janvier, avec ses collègues radicaux, il quitte le gouvernement. Il n'y reviendra plus jamais.
Les élections des 26 avril et 3 mai 1936 ne lui assurent le succès qu'au deuxième tour, pour la première fois dans sa vie de député, par 5 386 voix contre 4 604. Il bénéficiait du désistement des candidats S.F.I.O. et communistes.
Il retrouve la présidence du parti radical ainsi que celle de la Chambre des députés. Il est « le vétéran des débats, des rites et des honneurs de la IIIe République » (Ch. de Gaulle).
En juin 1940, Herriot se déclare favorable au transfert des pouvoirs publics hors de France. Le 17 juin, afin d'éviter la destruction des ponts par l'armée française, il obtient du maréchal Pétain que Lyon, où les Allemands s'apprêtent à entrer, soit déclarée ville ouverte.
A Vichy, il préside la séance du 9 juillet où est décidée la remise du pouvoir au maréchal Pétain. Après avoir défendu les députés embarqués sur le Massilia, il s'abstient volontairement, le 10 juillet, dans le scrutin accordant à Pétain les pleins pouvoirs pour la révision de la Constitution. Il avait déclaré, la veille : « Autour de M. le Maréchal Pétain, dans la vénération que son nom inspire à tous, notre nation s’est groupée en sa détresse. Prenons garde de ne pas troubler l'accord qui s'est établi sous son autorité. Nous aurons à nous réformer, à rendre plus austère une République que nous avions faite trop facile, mais dont les principes gardent toute leur vertu. »
Herriot, chef de parti, chef de gouvernement, grand maire, est l'auteur d'une œuvre littéraire considérable. Outre les ouvrages déjà cités, il faut mentionner : La Russie nouvelle, Orient, La France dans le Monde, Agir, Lyon pendant la guerre, Sous l'olivier, Sanctuaires, Jadis, Lyon n'est plus.
De nombreux ouvrages ont été consacrés à Edouard Herriot. Mentionnons ceux de : Henri Besseige, Herriot parmi nous ; Michel Soulié, La vie politique d'Edouard Herriot, et Herriot, de Pierre-Olivier Lapie.
Date de mise à jour: octobre 2018
Né le 5 juillet 1872 à Troyes (Aube)
Décédé le 26 mars 1957 à Saint-Genis-Laval (Rhône)
Sénateur du Rhône de 1912 à 1919
Député du Rhône de 1919 à 1942
Ministre des transports, des travaux publics et du ravitaillement du 1er décembre 1916 au 18 mars 1917
Président du conseil et ministre des affaires étrangères du 14 juin 1924 au 10 avril 1925 et du 19 au 21 juillet 1926
Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts du 23 juillet 1926 au 6 novembre 1928
Président du conseil et ministre des affaires étrangères du 3 juin au 14 décembre 1932
Ministre d'Etat du 9 février 1934 au 22 janvier 1936
Membre de la Première et de la Seconde Assemblée nationale Constituante (Rhône)
Député du Rhône de 1946 à 1957.
(voir première partie de la biographie dans le dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, tome VI, p. 1960, 1963)
Nul n'ignore les propos définitifs du général de Gaulle sur les dispositions d'esprit d'Edouard Herriot à la Libération : « Je lui demandai d'aider à la reconstruction de la France ; il me déclara qu'il se consacrerait à restaurer le Parti radical ».
De fait, celui-ci était fort mal en point et largement discrédité pour s'être identifié à la Troisième République. Edouard Herriot reste durant toute la IVe République un nostalgique de la Troisième. Président de la Chambre des députés en 1940, il s'était abstenu lors du vote du 10 juillet qui accordait les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Edouard Herriot ne prit pas l'exacte mesure de la défaite de 1940 et pas davantage ne comprit d'emblée la nature du régime de Vichy. Il fallut attendre la dissolution des bureaux des Assemblées en 1942 pour que l'ancien maire de Lyon il avait été dessaisi de sa charge le 20 septembre manifestât avec force ses réserves à l'égard d'un régime qui n'avait rien de démocratique. C'est la rupture. Le 30 août, il démissionne de l'ordre de la Légion d'honneur au motif que cette décoration avait été attribuée à titre posthume à des Français qui avaient revêtu l'uniforme allemand. Placé en résidence surveillée, Edouard Herriot est prisonnier à Nancy puis à Maréville. Le 12 août 1944, Pierre Laval lui demande de convoquer les chambres et de former un gouvernement pour prendre de vitesse le général de Gaulle Ramené à Paris, il refuse et est interné en Allemagne. Il fut libéré en avril 1945 par les soviétiques. Moscou lui réserve un accueil chaleureux et il prononce un discours à la radio. Il demande à tous les Français de soutenir le président du gouvernement provisoire. Il arrive à Paris le 21 mai après s'être arrêté à Téhéran et au Caire. Il rencontre le lendemain le général de Gaulle qui lui remet les insignes de la Légion d'honneur mais lui refuse l'autorisation sollicitée de s'installer à nouveau à l'Hôtel de Lassay. Edouard Herriot quant à lui refuse d'entrer dans le gouvernement.
De retour à Paris, son objectif reste la restauration de la Troisième République et le redressement du Parti radical qui doit en être l'instrument. Dans un important discours prononcé à Lyon le 14 juillet, Edouard Herriot fait l'apologie de la Troisième République, « création continue », régime souple « que l'on peut remanier sans briser ». D'emblée, Edouard Herriot se montre réservé pour ne pas dire hostile au général de Gaulle qui entend construire une nouvelle France. Il est sensible aux hommages qui lui sont adressés non sans arrière-pensées par les communistes. Ainsi, Edouard Herriot pour lequel il n'y a pas d'ennemi à gauche accepte en juin 1945 la présidence du Mouvement unifié de la Résistance française ainsi que de l'Union de la jeunesse républicaine de France dominés par les communistes. Cette attitude équivoque n'est guère comprise par les radicaux au moment où l'anticommunisme remplace chez les plus jeunes l'anticléricalisme et Edouard Herriot quitte rapidement ces fonctions. En août 1945, au cours du congrès radical de la salle Wagram, Edouard Herriot retrouve la présidence du Parti radical mais la direction effective est entre les mains de Henri Queuille puis de Martinaud-Déplat. Edouard Herriot se rallie, non sans réserves, à la création du Rassemblement des Gauches Républicaines, cartel électoral, qui réunit le Parti radical et l'UDSR ainsi que quelques petits partis.
Quant à son attachement à la Troisième République, il conduit Edouard Herriot à réclamer sa restauration. Allant à contre-courant du sentiment général, le Parti radical demande aux Français de voter deux fois non au référendum du 21 octobre 1945. Avec 29 députés élus, la place de Valois mesure la rapide érosion de son influence. Edouard Herriot est réélu député à Lyon. Avec 29 410 voix sur 269 928 suffrages exprimés, sa liste se situe en quatrième position et il est élu à la plus forte moyenne. Certes, il avait été réélu maire de Lyon (il le restera jusqu'à sa mort) et conseiller général (il ne demande pas le renouvellement de son mandat en 1951) mais l'attachement sentimental des Lyonnais pour l'homme qui s'identifiait à leur ville a fléchi.
A l'Assemblée nationale, président du groupe parlementaire radical, il harcèle le général de Gaulle et son gouvernement tripartite. Ainsi, en décembre 1945, proteste-t-il véhémentement contre le vote par article du budget. Il rappela que la tradition parlementaire exigeait qu'il fût procédé à un examen par chapitre. De la sorte, accusait-il le gouvernement de ne pas être respectueux des prérogatives du parlement. Le 30 décembre, un échange assez vif l'oppose au ministre de l'intérieur. Il prit la défense des libertés communales car, dit-il, « il y a deux éléments stables dans la France : l'Etat en haut et les communes en bas. » Passe encore qu'Edouard Herriot donne au gouvernement des leçons de respect de la légalité républicaine, le général de Gaulle n'admit pas qu'il lui infligeât une leçon de patriotisme. Le 16 janvier 1946, en effet, Edouard Herriot s'en prend au libérateur de la Patrie qui a accepté de régulariser les citations accordées par le général Giraud à des militaires qui avaient lutté contre les soldats américains lors du débarquement en Afrique du Nord. Il s'attira une réponse cinglante du président du gouvernement qui rapporte dans ses mémoires qu'il lui fit observer qu'il était « le meilleur juge de ces citations, parce que : « Moi, a ajouté de Gaulle, je n'avais jamais eu affaire avec Vichy, ni avec l'ennemi, excepté à coups de canon ».
A l'Assemblée, Edouard Herriot s'oppose quasiment à toutes les grandes mesures de la Libération. Avant tout, il reste un républicain d'un autre âge. Il n'est guère favorable aux nationalisations et en mars 1946 il dénonce les expropriations des biens des entreprises de presse qui avaient continué à fonctionner au-delà de 1940 en zone nord, de 1942 en zone sud. Il est vrai que la presse radicale qui avait tant contribué à l'influence de la Place de Valois était particulièrement visée à commencer par La Dépêche qui finalement réapparut moyennant un léger changement de titre.
C'est surtout le projet de Constitution qui mobilise l'énergie de l'ancien président du Conseil. Il s'oppose au monocamérisme et fait appel à de nombreux exemples étrangers à commencer par la constitution de l'URSS dont il donne des extraits en lecture pour justifier la présence d'une seconde chambre. Faute de pouvoir revenir à la Troisième République, il défend néanmoins l'existence de deux chambres, le président de la République un instant menacé et qui serait « essentiellement un greffier ou un facteur » et le rétablissement du scrutin d'arrondissement qui faisait figure de scrutin républicain par excellence.
Le 2 juin 1946, la liste RGR arrive cette fois-ci en tête avec 66 786 voix sur 277 754 suffrages exprimés et obtient un deuxième siège pour Alfred Jules-Julien. Edouard Herriot a alors reconquis le cœur des Lyonnais. Dans la seconde Assemblée nationale Constituante, il pousse son avantage sur le terrain constitutionnel et fait une intervention remarquée sur le titre VIII qui définit l'Union française. Il met l'Assemblée en garde contre une rédaction trop libérale car, dit-il « La France deviendrait ainsi la colonie de ses anciennes colonies ». La rédaction est amendée dans un sens plus restrictif. Pour autant, il rejette l'ensemble du projet constitutionnel trop éloigné de la IIIe République pour le satisfaire.
Réélu le 10 novembre 1946 à Lyon (avec 74 849 voix sur 272 657 suffrages exprimés), Edouard Herriot va pouvoir compter sur un groupe parlementaire de 45 députés. Son nom est un instant évoqué pour la présidence de la République. Mais, c'est Vincent Auriol qui est élu. Il retrouve la présidence de l'Assemblée nationale, le 21 janvier 1947. A la tête de l'Assemblée, Edouard Herriot exerce une magistrature d'influence. Il soutient et encourage les formules de Troisième Force dans lesquelles le Parti radical joue souvent le rôle de pivot. Parce qu'il estime que le PCF et le RPF constituent une menace, il encourage les députés à soutenir les gouvernements. En 1947 et en 1948, il fait face aux tentatives d'obstruction des communistes. Au total, il contribue par son attitude et ses références à rapprocher la Quatrième République du fonctionnement de la Troisième.
A l'approche des élections législatives de 1951, Edouard Herriot dont l'antigaullisme ne s'est jamais démenti est inquiet des progrès du RPF mené par Jacques Soustelle dans sa ville de Lyon. Il obtient du Parti radical qu'il renonce à autoriser la double appartenance qui permettait à quelques radicaux d'être militants du RPF.
Le 17 juin 1951, la liste présentée par le Parti radical, l'UDSR et le RGR conclut un apparentement avec les listes socialiste, républicaine populaire et indépendante. Mais compte tenu de la poussée du RPF et de la forte présence des communistes, les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle. Avec 50 303 voix sur 256 076 suffrages exprimés, Edouard Herriot est réélu ainsi que Alfred Jules-Julien.
Edouard Herriot se satisfait de son rôle de mentor et se fige dans la pose du grand ancêtre. En 1951, Martinaud-Déplat se penchant sur Edouard Herriot avait déclaré : « Cet homme, c'est la République en personne ! » Il ne repousse pas les honneurs qui lui échoient. Le 26 juin 1946, il est élu à l'Académie française et sous la coupole fait l'éloge de l'historien Octave Aubry et du cardinal Baudrillard. En 1953, il est élu par acclamations président à vie du parti radical. A la fin de l'année, il fait savoir qu'affaibli par la maladie, il ne sollicitera pas le renouvellement de son mandat de président de l'Assemblée. Les députés lui décernent le titre de président d'honneur de l'Assemblée nationale.
C'est le 30 août 1954 qu'Edouard Herriot prononce son dernier et important discours. Hostile au projet de CED, de son banc car il ne peut plus monter jusqu'à la tribune, l'ancien président du conseil prononce un discours fort et émouvant. « Pour moi, pour nous, la CED c'est la fin de la France. » Applaudi par une partie de l'Assemblée, la Marseillaise retentit. Nul doute que le discours de la conscience républicaine n'ait entraîné quelques hésitants à voter la question préalable du général Aumeran.
En 1955, il apporte son soutien à Pierre Mendès France qui devient président du parti radical : « J'incline devant lui ma personne et mon passé ». En décembre 1955, il s'oppose à la dissolution de l'Assemblée décidée par Edgar Faure qui est exclu du Parti radical.
Le 2 janvier 1956, le maire de Lyon est réélu député mais la poussée des indépendants et des poujadistes prive son colistier de son siège.
Le 26 mars 1957, Edouard Herriot décède à l'hôpital Saint Eugénie à Lyon. A la surprise générale, le 28 mars, le cardinal Gerlier préside une messe et donne l'absoute. Edouard Herriot était-il revenu dans le giron de l'Eglise catholique ou ses proches ont-ils forcé sa volonté ? Une polémique s'engage alors sur ce thème. Le 30 mars 1957, en présence du Président de la République, du chef du gouvernement et des représentants des chambres, des obsèques officielles sont célébrées.
Edouard Herriot qui s'identifiait tant à la République radicale du début du siècle disparaît plus d'un an avant la chute de la IVe République. Il avait été sous la IVe République le symbole d'une époque révolue qui s'était prolongée au lendemain de la seconde guerre mondiale.