Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (Jean Jolly)

Né le 12 octobre 1889 à Vimoutiers (Orne).

Député du Calvados de 1932 à 1942. Sous-secrétaire d'Etat au ministère des Finances du 21 mars au 15 juin 1940.

Dès la fin de ses études, Joseph Laniel prit la direction de la manufacture de toiles de Vimoutiers et de Lisieux fondée par son grand-père. Elu maire de- Notre-Dame-de-Courson puis conseiller général du Calvados, il se présente aux élections générales de 1932, à Lisieux, pour succéder à son père, député depuis 1896. Au premier tour, le 1er mai, celui-ci n'avait obtenu que 5.531 voix, n'arrivant qu'au second rang derrière Vernon, 5.956 voix. Il laissa la place à son fils qui, au second tour, le 8 mai, l'emporta avec 6.690 voix contre 6.057 pour Vernon sur 12.874 votants.

Il s'était présenté comme indépendant. A la Chambre, il devint membre de la commission des douanes et des conventions commerciales et de la commission du suffrage universel. Il déposa deux propositions de loi, l'une sur les baux-loyer d'immeubles, l'autre concernant la taxe sur le chiffre d'affaires. Il rapporta un projet de loi sur le beurre et intervint dans une discussion sur le marché des vins.

Le 26 avril 1936, il fut réélu dès le premier tour avec 7.093 voix sur 12.625 votants, son suivant immédiat n'ayant que 2.211 voix. Il s'était inscrit au groupe de l'alliance démocratique. Il devint membre de la commission des douanes et de la commission des boissons. Il déposa une proposition de loi tendant à accroître la part des collectivités locales dans le produit de la taxe à la production.

Il fut nommé sous-secrétaire d'Etat au ministère des Finances dans le cabinet Paul Reynaud (21 mars -15 juin 1940). Il s'était en effet spécialisé dans les questions économiques et financières.

Le 10 juillet 1940, il vota pour le projet de loi constitutionnel.


Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)



Né le 12 octobre 1889 à Vimoutiers (Orne)
Décédé le 8 avril 1975 à Paris

Député du Calvados de 1932 à 1942
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Calvados)
Député du Calvados de 1946 à 1958
Sous-secrétaire d'Etat aux finances du 21 mars au 15 juin 1940
Secrétaire d'Etat aux finances et aux affaires économiques du 26 juillet au 5 septembre 1948
Ministre des postes et télécommunications du 11 août au 4 octobre 1951
Ministre d'Etat du 4 octobre 1951 au 8 mars 1952
Président du Conseil du 28 juin 1953 au 19 juin 1954.

(Voir première partie de la biographie dans le Dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, Tome VI, p. 2123-2124)

Lorsque la seconde guerre mondiale éclate, Joseph Laniel a déjà accompli une carrière politique flatteuse. Il est conseiller général de Livarot depuis 1919, maire de Notre-Dame-de-Courson depuis 1922 et député du Calvados depuis 1932. Il succède à son père qui avait été parlementaire durant trente six ans. Lorsque Paul Reynaud forme son cabinet, le 21 mars 1940, il fait appel au député de Lisieux pour occuper les fonctions de sous-secrétaire d'État aux finances. Celui-ci nourrit une grande admiration pour le leader modéré et il fait figure de fidèle parmi les fidèles. Aussi, lorsque Paul Reynaud décide, à l'occasion du remaniement ministériel du 18 mai, de se séparer de Joseph Laniel, il se prive d'un appui qui aurait pu lui être utile à l'intérieur des conseils de gouvernement partagés entre partisans et adversaires de l'armistice.

Le 10 juillet 1940, Joseph Laniel vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Il s'installe, ainsi que sa famille, à Bellerive près de Vichy. En 1943, il est déchu de son mandat de maire. Il est vrai qu'il ne cache guère la réserve que lui inspire le gouvernement de Vichy. Joseph Laniel rend visite à Paul Reynaud, aussi souvent qu'il en reçoit l'autorisation, et proteste auprès de Laval du maintien en captivité de son ancien patron. En 1942, après l'invasion de la zone sud, Joseph Laniel gagne Paris. Il est approché, en 1943, par les milieux de la Résistance. Il est prié de suivre, le 27 mai, un jeune homme - il s'agit de Félix Gaillard - qui l'amène rue du Four où se tient la réunion constitutive du Conseil national de la Résistance. Joseph Laniel y représente l'Alliance démocratique. On sait que le général de Gaulle souhaitait qu'aux côtés des représentants des mouvements de Résistance siègent des représentants des partis politiques et des syndicats pour attester du soutien populaire qu'il recevait. Joseph Laniel participe ainsi à l'élaboration du programme du CNR sans pouvoir freiner l'ardeur réformiste de ses collègues. Lorsque le général de Gaulle descend les Champs-Elysées, le 26 août 1944, la deuxième personne à sa droite, au premier rang, est Joseph Laniel. Celui-ci a été désigné pour siéger à l'Assemblée consultative au titre du Conseil National de la Résistance. Du 2 au 5 mars 1945, Joseph Laniel présente aux délégués le rapport sur le budget du ministère de la reconstruction. Il juge insuffisante la législation en vigueur sur les dommages de guerre et demande le retour à la législation de 1919 pour obtenir une indemnisation totale. Le 25 juillet, il s'oppose à l'impôt sur le capital au motif que les propriétaires devront entamer une partie de leur patrimoine pour s'en acquitter compte tenu de la diminution des revenus. « C'est une gageure, dit-il, de vouloir enrichir l'État en amplifiant le marasme, la détresse dans lesquels est plongée l'économie toute entière. »

Joseph Laniel reprend contact avec le Calvados en 1945. Il n'est pas candidat aux élections municipales mais sollicite à nouveau, le 21 octobre, un mandat de député. Il conduit une liste de Concorde républicaine sur laquelle figure en deuxième position Jean Boivin-Champeaux qui avait voté les pleins pouvoirs à Pétain. Avec 29 022 voix sur 169 167 suffrages exprimés, la liste de Joseph Laniel est devancée par la liste MRP et obtient un siège à la plus forte moyenne. Quelques mois plus tard, le 2 juin 1946, Joseph Laniel améliore le score de sa liste (34 796 voix sur 180 263 suffrages exprimés).

Joseph Laniel est vice-président des deux Assemblées Nationales constituantes et membre de la Commission des finances. Ses interventions témoignent de son souci de défendre les sinistrés - le Calvados a été particulièrement éprouvé - et de faire valoir les bienfaits du libéralisme économique. Le 29 août 1946, il propose un amendement à l'article 11 du projet de constitution qui vise « à proclamer la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales, protége toutes les victimes des guerres et garantit la réparation intégrale des dommages de guerre. » La cause des sinistrés est « une cause sacrée », proclame Joseph Laniel. Avec la défense des sinistrés, le combat contre les nationalisations retient toute son attention. En décembre 1945, il combat le projet de nationalisation de la Banque de France et des grandes banques de crédit. Le député du Calvados propose, non pas une nationalisation, mais une organisation du crédit sous le contrôle du ministre des finances. Le mode d'indemnisation proposé par le gouvernement ne lui semble guère éloigné d'une véritable spoliation « car il remplace un capital constitué par une valeur réelle, par une créance sur l'État, amortissable en cinquante ans et libellée dans une monnaie qui, hélas, se déprécie tous les jours. » Le contre-projet Laniel fut repoussé par 510 voix contre 41. Toujours en décembre 1945, Joseph Laniel intervient dans le débat qui vise à ratifier la création d'un Fonds monétaire international et d'une banque internationale pour la reconstruction et le développement. Il avertit le gouvernement qu'il ne votera le projet qu'à la condition d'un changement de politique. Les obligations internationales auxquelles la France est tenu par les Accords de Bretton-Woods exigent, explique Joseph Laniel, la mise en place d'une politique libérale de libre concurrence : « Il faut jouer franc jeu sur le marché mondial, déclare l'industriel du Calvados, et la question est de savoir si une économie française qui serait fonctionnarisée (...) pourrait faire bonne figure à côté de pays jouissant de la liberté d'entreprise et d'un machinisme industriel sans cesse renouvelé. » Il intervient à nouveau dans ce sens, le 26 mars 1946, mais cette fois-ci au cours du débat sur la nationalisation des entreprises productrices de gaz et d'électricité pour rappeler qu'au sein du CNR il avait proposé un contre-projet et que seule la nécessité de l'union des patriotes expliquait la tonalité révolutionnaire de ce programme. Le député du Calvados propose alors une voie moyenne : la production d'énergie est laissée à l'initiative privée mais l'État définit les besoins, fixe le programme d'équipement et contrôle l'exploitation. Son discours est publié sous la forme d'une brochure et sous le titre Un cri d'alarme. Le 1er août, à nouveau, il attire l'attention du gouvernement sur les inconvénients de nationalisations totales, inconvénients techniques mais aussi politiques dans la mesure où elles peuvent être de nature à effrayer les Etats-Unis au moment où la France a besoin de son aide. Le 3 octobre 1946, Joseph Laniel s'oppose à nouveau à la politique économique et financière du tripartisme et refuse de voter le collectif budgétaire. Le député du Calvados s'affirme comme l'un des principaux porte-parole des adversaires du tripartisme. Il est l'un des fondateurs, en décembre 1945, du Parti républicain de la Liberté qui se propose d'être le quatrième grand parti. Son appellation est à elle seule un programme. Est-il nécessaire de préciser que Joseph Laniel a voté contre les deux projets constitutionnels ?

Les résultats des élections législatives du 10 novembre 1946 confirment la remontée de la droite dans le Calvados. Joseph Laniel conduit une liste d'Entente républicaine et gaulliste, gaulliste en ce que le deuxième de liste est Raymond Triboulet. Avec 51 231 voix sur 178 515 suffrages exprimés, elle se rapproche de la liste MRP (66 646 voix contre 83 328 en 1945) et obtient deux sièges. Joseph Laniel conserve la vice-présidence de l'Assemblée nationale et retrouve la commission des finances. Il est, en outre, membre de la commission chargée d'enquêter sur les événements survenus en France de 1933 à 1945 et siège au conseil d'administration de la Caisse autonome de Reconstruction. Joseph Laniel, au nom de la commission des finances, dépose au cours de la législature de nombreux rapports et avis, notamment sur les dommages de guerre. Il est aussi l'auteur, en 1948, d'une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à procéder à un nouvel examen du projet de construction d'un tunnel sous la Manche. Le 21 mars 1951, l'ancien membre du CNR dépose une proposition de résolution qui vise à fixer au 1er octobre 1951 la date limite de recevabilité des propositions diverses relatives aux questions de Résistance et de fixer au 31 décembre la date à laquelle les décisions devront être rendues publiques. Joseph Laniel est au cours de cette législature un parlementaire actif. Ses interventions témoignent de sa connaissance des questions économiques et financières et ses prises de position, à nouveau, de ses convictions libérales en la matière. Plusieurs de ses discours concernent l'Indochine. Ainsi, le 21 janvier 1947, au cours du débat d'investiture de Paul Ramadier, Joseph Laniel demande-t-il au président du Conseil désigné si sa politique est celle du Parti communiste ou celle de Marius Moutet qui avait déclaré qu'« avant toute négociation, il est aujourd'hui nécessaire d'avoir une décision militaire. » Notons que cette position fut longtemps celle du député du Calvados. Il demande à Paul Ramadier des éclaircissements sur les nationalisations, l'application de la loi sur la dévolution des biens de la presse ainsi que sur l'organisation du ministère de la Défense s'il est confié à un communiste. Le 22 novembre 1950, au nom du groupe PRL qu'il préside, il dépose un ordre du jour qui « invite le gouvernement à pratiquer enfin une politique ferme et cohérente en Indochine et à mettre à la disposition du corps expéditionnaire tous les moyens pour maintenir la présence française en Extrême-Orient. » Pour autant, Joseph Laniel, en 1946 comme en 1950 après l'invasion de la Corée du sud, refuse une augmentation de la pression fiscale qu'il juge déjà trop importante. Ainsi, le 8 janvier 1951, s'abstient-il lors du scrutin d'adoption du projet de loi de réarmement et des dépenses de Défense nationale présenté par René Pleven.

L'industriel normand du textile ne cesse de répéter que l'économie dirigée est précisément mal dirigée. De 1946 à 1948, en votant contre ou en s'abstenant, il contribue - ainsi que les autres membres du groupe PRL - à l'élargissement des formules de Troisième force sur sa droite. Son entrée dans le gouvernement André Marie, le 26 juillet 1948, en qualité de secrétaire d'État aux finances et aux affaires économiques au côté de Paul Reynaud, ministre des finances, témoigne de l'ouverture maximale de la Troisième force. Parce que les projets économiques et financiers de l'ancien président du Conseil ont effrayé l'aile gauche de la combinaison, le gouvernement remet sa démission dès le 28 août. Joseph Laniel semble promis aux gouvernements éphémères. Le 15 octobre 1949, il intervient au cours du débat d'investiture du socialiste Jules Moch. S'il rend hommage à la personne du président du Conseil désigné, il critique sa politique économique et exige que le Parlement soit saisi d'un nouvelle loi électorale et d'un texte réglementant le droit de grève. Il souhaite enfin que l'autorité de l'État soit rétablie. Le député du Calvados observe que ce débat n'est pas sans rappeler la fameuse Querelle des investitures. Les députés doivent choisir entre deux symboles, non pas le sceptre et l'anneau, mais entre la faucille et le marteau et les trois flèches sagittaire de la SFIO. Finalement, Joseph Laniel vote, le 27 octobre 1949, l'investiture de Georges Bidault.

Au cours de la législature, Joseph Laniel a voté contre le statut de l'Algérie (27 août 1947) et pour la ratification du traité de l'Atlantique (26 juillet 1949)

Pour les élections législatives du 17 juin 1951, Joseph Laniel conduit la liste d'Union des Indépendants, des Paysans et des Républicains nationaux. Son ancien colistier, Raymond Triboulet, est cette fois à la tête d'une liste RPF. Joseph Laniel est réélu avec 2 8593 voix sur 180 651 suffrages exprimés. Il retrouve la commission des finances. Le déport à droite de l'Assemblée nationale donne aux représentants du Centre national des Indépendants une place accrue dans les conseils de gouvernement. Joseph Laniel est ministre des PTT dans le gouvernement Pleven. Le 4 octobre 1950, il succède au ministère des finances avec le titre de ministre d'État à Maurice Petsche, qui est décédé le 16 août, et le reste dans l'éphémère gouvernement Edgar Faure (1952).

Le 21 mai 1953, le président du Conseil, René Mayer, remet au Président de la République la démission de son gouvernement. Après le refus ou l'échec de Guy Mollet, André Diethelm, Paul Reynaud, Pierre Mendès France, Georges Bidault, André Marie et Antoine Pinay, Vincent Auriol fait appel, le 24 juin, à Joseph Laniel. Sa désignation est regardée avec bienveillance par la droite et une partie des anciens députés RPF qui se rappellent qu'il a appartenu au CNR. Il est, en outre, moins marqué que les caciques qui l'ont précédé depuis un mois. Il peut enfin compter sur le sentiment de lassitude que partage bon nombre de députés. Le 26 juin, Joseph Laniel se présente devant l'Assemblée. Dans le domaine de la politique extérieure, il assure la représentation nationale de la continuité de sa politique sans pour autant écarter l'idée d'une « négociation menée en accord avec les États associés. » Quant à la politique financière, il souhaite dégager des ressources nouvelles pour amortir les avances de la Banque de France et demander des pouvoirs spéciaux pour les économies et les réformes. L'investiture est votée par 398 voix contre 206. Joseph Laniel forme rapidement un gouvernement de vingt-deux ministres (sans compter les 16 secrétaires d'État). Pour la première fois, quatre anciens députés RPF entrent au gouvernement. Paul Reynaud est le premier des trois vice-présidents du Conseil. Le 30 juin, la composition du gouvernement est approuvée par 386 voix contre 211 sans que Joseph Laniel ait eu besoin de prendre la parole.

Sans qu'il soit nécessaire de présenter dans le détail la politique du Président du Conseil, il est bon de noter que son attention est d'emblée absorbée par les questions touchant à l'économie d'une part, à la Communauté européenne de Défense (CED) et à l'Indochine de l'autre. Le 8 juillet, l'Assemblée nationale vote par 329 voix contre 277 les textes qui visent à établir une convention avec la Banque de France, à préciser les ressources destinées au remboursement des avances et les pouvoirs spéciaux. Ce vote est à l'origine d'une des plus grandes crises sociales de la IVe République. Avant même qu'ils ne soient officiellement présentés, les décrets pris en vertu des pouvoirs spéciaux inquiètent les fonctionnaires et les employés du secteur public. L'âge de la retraite serait repoussé. Les postiers de Bordeaux déclenchent le 4 août une grève illimitée. En quelques jours, la grève s'étend quasiment à l'ensemble des administrations et entreprises publiques. Le pays est paralysé. Pour qualifier l'intransigeance du gouvernement, François Mauriac parle de « dictature à tête de bœuf ». Le 21 août, un accord est conclu entre le gouvernement et les représentants des syndicats FO et de la CFTC. Mais, en général, la reprise du travail se fait lentement. La veille, sans que le gouvernement en ait été averti, le général Guillaume, résident général au Maroc, dépose le sultan Mohammed Ben Youssef. Le gouvernement décide d'entériner la décision. Edgar Faure fait connaître au Président de la République son trouble par une lettre qui a été annexée au procès-verbal du conseil des ministres. François Mitterrand remet sa démission, moins par hostilité à la déposition du Sultan, que parce qu'elle n'a pas été accompagné d'une nouvelle politique dans les protectorats.

Le mois de décembre 1953 est dominé par l'élection du Président de la République. Joseph Laniel pose sa candidature de même que Jacques Fourcade autre Indépendant. Au premier tour, le président du Conseil est précédé de quelques voix par le candidat socialiste Naegelen. A l'issue du dixième tour de scrutin, Joseph Laniel retire sa candidature. Certains bulletins sur lesquels étaient inscrits Laniel sans mention de prénom n'auraient pas été comptabilisés au motif qu'ils pouvaient désigner aussi bien le frère du chef du gouvernement, sénateur de l'Orne. Le nouveau Président de la République, René Coty, refuse la démission du gouvernement.

Le premier semestre de l'année 1954 est dominé par le conflit indochinois. Joseph Laniel poursuivit la politique de son prédécesseur. Il sollicita une aide accrue des Etats-Unis pour développer un armée vietnamienne. Dans le même temps, il n'excluait pas des négociations avec l'adversaire. Encore fallait-il négocier en position de force. C'est ainsi qu'est née l'idée de faire du camp de Dien-Bien-Phu le laminoir de l'armée Vietminh. C'était compter sans la capacité des Vietcongs d'apporter de l'artillerie. Le 2 février, Dien Bien Phu est encerclé. Le 4 avril, Joseph Laniel et René Pleven, ministre de la Défense, sont pris à parti à l'Arc de Triomphe par des anciens soldats d'Indochine. Le 26 avril s'ouvre la conférence de Genève. Le 7 mai, le camp de Dien-Bien-Phû tombe. Du 9 au 12 juin, René Pleven, Georges Bidault et Joseph Laniel justifient leur politique et répondent aux attaques. Le président du Conseil met en garde l'Assemblée contre les inconvénients que représenterait une vacance du pouvoir au moment où la France est engagée dans les négociations de Genève. Les interventions de René Pleven et de François Mitterrand dessinent une solution alternative. Le 12 juin, la confiance est refusée par 306 voix contre 293. Bien que la majorité constitutionnelle n'ait pas été atteinte, Joseph Laniel remet sa démission.

Joseph Laniel ne prend pas part au vote d'investiture de son successeur, Pierre Mendès France ainsi qu'au scrutin qui vaut acceptation des termes de l'accord obtenu à Genève. Il vote, le 30 août, contre l'adoption de la question préalable déposée par le général Aumeran, manifestant ainsi son attachement au projet de CED, projet qui avait, du reste, contribué à affaiblir son gouvernement. Jusqu'à la fin de la législature, Joseph Laniel n'est intervenu en séance publique qu'une seule fois, le 8 octobre 1955, pour préciser ses responsabilités dans la déposition du sultan Ben Youssef.

Aux élections législatives du 2 janvier 1956, Joseph Laniel recueille 15 979 voix sur 203 862 suffrages exprimés. Sa liste se situe ainsi loin derrière les listes communiste, socialiste, MRP et gaulliste. Elle fait presque jeu égale avec la liste conduite par Jacques Le Roy-Ladurie qui n'obtient pas de siège. C'est dire que la position électorale de l'ancien président du Conseil s'est considérablement fragilisée. Joseph Laniel est nommé membre de la commission des Affaires étrangères. Il est intervenu deux fois en séance publique au cours de la législature. Le 2 mai 1956, dans le débat sur le fonds national de solidarité pour dénoncer des dépenses inutiles au moment où la France joue une partie difficile en Algérie. Il manifeste sa confiance en Robert Lacoste et en Max Lejeune car « il faut sauver l'Algérie française ». Mais il craint que les mesures fiscales du gouvernement ne relancent l'inflation. Le 5 mars 1957, il interpelle le gouvernement sur sa politique agricole. Joseph Laniel accorde les pouvoirs spéciaux au gouvernement Mollet et vote la loi-cadre Defferre en 1956 ainsi que la ratification des traités de Rome. Il vote l'investiture du gouvernement de Gaulle le 1er juin 1958 et, le lendemain, les pleins pouvoirs et la révision constitutionnelle.

Sous la Ve République, Joseph Laniel ne joue aucun rôle politique. Pour répondre aux attaques, souvent excessives, dont il a été l'objet, il rédige ses mémoires, Jours de gloire et Jours cruels, qui ont été publiées en 1971 aux Presses de la Cité. Est édité, en 1973, Réflexions après l'action, chez Plon.

Il décède à Paris le 8 avril 1975, à l'âge de 85 ans.