Jérôme Pétion de Villeneuve

1756 - 1794

Informations générales
  • Né le 2 janvier 1756 à Chartres ( - Généralité d'Orléans - France)
  • Décédé le 20 juin 1794 à Saint-Magne-de-Castillon (Gironde - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 4 décembre 1790 au 20 décembre 1790
Présidence de l'Assemblée nationale
du 20 septembre 1792 au 4 octobre 1792

Mandat(s)

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 20 mars 1789 au 30 septembre 1791
Baillage
Chartres (Type : Bailliage)
Groupe
Tiers-Etat
Régime politique
Révolution
Législature
Convention nationale
Mandat
Du 5 septembre 1792 au 20 juin 1794
Département
Eure-et-Loir
Groupe
Girondins

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député en 1789 et membre de la Convention, né à Chartres (Généralité d'Orléans, France) le 2 janvier 1756, mort à Saint-Magne-de-Castillon (Gironde) le 20 juin 1794, fils de Jérôme Pétion, avocat au bailliage et juge présidial à Chartres, et de Marie-Elisabeth Le Telier, il étudia le droit et exerça la profession d'avocat dans sa ville natale.

Elu, le 20 mai 1789, député du tiers aux états généraux par le bailliage de Chartres, avec 164 voix, il prit place, dès le début, parmi les partisans de la Révolution, et parmi les orateurs populaires les plus écoutés. Il s'éleva contre les protestations des députés de la droite, réclama le jugement des hommes suspects à la nation, et entra en lutte contre Mirabeau qui contestait l'opportunité d'une déclaration des droits de l'homme. Il émit le vœu que la sanction royale ne fût discutée qu'après l'organisation du pouvoir législatif, vota la permanence et l'unité du corps législatif, refusa au roi le droit d'interpréter les lois, fit une motion en faveur de la circulation de l'argent et du prêt à intérêt, dénonça les « orgies » des gardes du corps avec des officiers du régiment de Flandre et des dragons, et proposa de donner au roi le titre de « roi des Français par le consentement de la nation », au lieu de la formule sacrementelle « par la grâce de Dieu ».

Membre du comité de révision qui, en septembre 1790, fut adjoint au comité de constitution, il prit encore la parole sur le projet de loi contre les attroupements, sur les conditions d'éligibilité, se prononça pour l'abolition des ordres religieux, pour l'établissement des assignats, pour la réforme judiciaire la plus complète, pour l'institution des juges de paix, appuya le projet de Mirabeau sur la dette publique, provoqua la réunion du Comtat à la France, et, devenu l'un des membres les plus actifs de la Société des amis des noirs, prit très vivement parti à l'Assemblée contre le projet du comité sur les colonies. Il demanda aussi que le droit de paix et de guerre fût exclusivement attribué à la nation.

Secrétaire, puis président de l'Assemblée, on le vit peu de temps après provoquer une loi répressive de l'émigration et s'opposer à la proposition de Mirabeau tendant à assurer la révision de l'acte constitutionnel. Pétion était alors avec Robespierre à la tête de la fraction démocratique républicaine qui commençait à prendre un grand ascendant au dehors. Tous les deux jouissaient d'une popularité sans précédent ; leurs portraits recevaient partout l’épithète « d'incorruptible », et des pères demandaient la faveur « d'ajouter au nom de leur fils le beau nom, le nom chéri de Pétion. »

Lors de la fuite de Louis XVI et de son arrestation à Varennes, Pétion, qui venait d'être nommé président du tribunal criminel de Paris (fonctions qu'il n'exerça point), fut choisi avec Barnave et Latour-Maubourg pour aller au-devant du roi et le ramener dans la capitale. Il a raconté lui-même avec complaisance les détails de cette mission, sans en rien omettre, et il s'est laissé aller à dire, en parlant de Mme Elisabeth, qui se trouvait près de lui dans la voiture royale : « Je pense que, si nous eussions été seuls, elle se serait abandonnée dans mes bras aux mouvements de la nature. »

Il se montra ensuite un des plus ardents promoteurs de la suspension, et même de la déchéance du roi, et, lorsque la société des amis de la Constitution, dite aussi des Jacobins, se renouvela en accentuant sa politique, il présida en quelque sorte à sa réorganisation. Le 13 juillet, il se prononça nettement à la tribune de l'Assemblée nationale pour la mise en cause de Louis XVI à raison de sa fuite, et repoussa en termes énergiques la fin de non-recevoir tirée de l'irresponsabilité royale, consacrée par la Constitution. « Si l'inviolabilité, dit-il, est une heureuse fiction, c'est une cruelle réalité. Pour être inviolable, il faut être impeccable : or, il n'est point d'homme que la nature ait doué de ce beau privilège, et il n'appartient pas aux hommes d'en créer de tels par fiction. Ainsi, en partant de ce beau principe, un roi peut tuer, égorger les hommes comme des troupeaux, porter la flamme et le fer dans son pays..., etc, » Pétion termina en réclamant la mise en jugement dn roi.

Le 8 août, il appuya l'opinion de Buzot sur la nécessité d'une loi qui garantît expressément la liberté de la presse de toute espèce d'atteinte. Le 25, il revint sur le même sujet et s'exprima en ces termes : « L'homme qui accepte un poste élevé doit savoir qu'il s'expose aux tempêtes, qu'il appelle les regards sur lui, que les rigueurs de la censure poursuivront toutes ses actions ; c'est à lui à interroger son caractère, et à sentir s'il est capable de soutenir les attaques qui lui seront portées, s'il est supérieur aux revers et même aux injustices. »

Enfin, le 30 septembre 1791, Pétion partagea avec Robespierre les honneurs d'une ovation populaire, qui signala, pour eux seuls, la clôture des séances de l'Assemblée. Ce fut à la suite de ce triomphe que Pétion, intimement lié avec Mme de Genlis, accompagna à Londres cette dame qui allait conduire son élève, Mlle Adélaïde d'Orléans.

Le 14 novembre suivant, il fut, en remplacement de Bailly, élu maire de Paris, par 6 708 voix sur 10 639 votants. La cour, dit-on, avait appuyé ce choix pour éviter l'élection de La Fayette.

Pétion tenta, le 20 juin 1792, d'empêcher l'envahissement des Tuileries et de pénétrer dans les appartements du roi ; mais il ne put y réussir. Le même jour, il parut à la barre de l'Assemblée pour justifier la municipalité qu'on accusait de négligence. Le lendemain il eut avec Louis XVI l'entretien suivant, qu'il rendit public dès que le roi l'eut blâmé hautement de sa conduite :

« Eh bien, monsieur le maire, lui dit Louis XVI, le calme est-il rétabli dans la capitale ?
- Sire, répondit Pétion, le peuple vous a fait ses représentations, il est tranquille et satisfait.
- Avouez, monsieur, que la journée d'hier a été d'un bien grand scandale, et que la municipalité n'a pas fait pour le prévenir tout ce qu'elle aurait pu faire.
- Sire, la municipalité a fait tout ce qu'elle a pu et dû faire ; elle mettra sa conduite au jour et l'opinion publique la jugera.
- Dites la nation entière,
- Elle ne craint pas plus le jugement de la nation entière,
- Dans quelle situation se trouve en ce moment la capitale ?
- Sire, tout est calme.
- Cela n'est pas vrai.
- Sire...
- Taisez-vous.
- Le magistrat du peuple n'a pas à se taire quand il a fait son devoir et qu'il a dit la vérité.
- La tranquillité de Paris repose sur votre responsabilité.
- Sire, la municipalité...
- C'est bon, retirez-vous.
- La municipalité connaît ses devoirs ; elle n'attend pas pour les remplir qu'on les lui rappelle. »

Malgré l'aigreur de cette entrevue, Pétion adressa le lendemain une proclamation au peuple de Paris, pour l'inviter à « couvrir de ses armes le roi de la constitution, à respecter sa personne et son asile. »

Huit jours après, il publia des Observations sur les événements du 20 juin : elles contenaient une apologie de la municipalité et des patriotes : violemment irrité, le parti de la cour parvint à faire rendre, le 6 juillet, par l'autorité départementale, un décret de suspension contre le maire Pétion et le procureur-syndic Manuel. Mais les sections parisiennes s'armèrent de toutes parts pour réclamer leur maire ; on n'entendait plus que le cri : Pétion ou la mort ! et l'Assemblée législative elle-même partagea l'entraînement général ; elle leva, par un décret, la suspension des deux fonctionnaires. Presque aussitôt, Pétion fut chargé de venir lire à la barre des représentants une adresse rédigée par les commissaires des 48 sections et par laquelle la ville de Paris demandait la déchéance du roi. Au 10 août, le maire, menacé par les royalistes, resta enfermé dans son hôtel.

Maintenu à la tête de la municipalité parisienne, il observa, durant les massacres de septembre: une attitude qui fut diversement Interprétée : on croit cependant qu'il tenta, avec Robespierre, d'inutiles démarches auprès de Danton pour aviser aux moyens d'arrêter les exécutions. Le 6 septembre, Pétion rendit compte à l'Assemblée de ce qui s'était passé, Le président Hérault de Séchelles lui répondit « que les représentants de la nation étaient satisfaits de pouvoir opposer à des événements malheureux un homme de bien tel que lui, et qu'ils se reposaient sur sa sagesse. »

Elu, la veille (5 septembre) membre de la Convention par le département d'Eure-et-Loir, le 3e sur 9, avec 274 voix (354 votants), il fut unanimement appelé à la présidence de cette assemblée quand elle ouvrit sa session. L'imprudente proposition de son collègue et ami Manuel (V. ce nom), qui voulait donner au président de la Convention le titre de président de la République française, avec une garde d'honneur et un logement aux Tuileries, fit accuser Pétion d'aspirer à la dictature. En même temps, il se sépara de plus en plus de Robespierre, avec qui il avait marché d'accord jusque-là, et se jeta dans les rangs de la Gironde, et parmi les adversaires de la Commune, dont il avait été le chef. Toutefois il ne s'associa pas aux dénonciations dont Robespierre fut l'objet de la part de Rebecqui, de Louvet et d'autres.

Dans le procès du roi, Pétion répondit au 2e appel nominal :
« Mon avis n'étant pas celui de la majorité, ce que je désirerais le plus pour la tranquillité publique, c'est que les vœux opposés à ceux de la minorité fussent plus nombreux encore qu'ils ne le sont. Mais le décret rendu, il n'est aucun membre de cette assemblée qui ne se fasse un devoir sacré de lui obéir et de le défendre. Je dis oui. (On entend quelques murmures dans les tribunes. - On demande qu'elles soient rappelées à l'ordre.)

Et au 3e appel nominal :
« Plus j'ai réfléchi sur toutes les opinions énoncées dans cette affaire, plus je me suis convaincu qu'il n'y en a aucune qui ne soit sujette aux inconvénients les plus grands. Voilà pourquoi j'ai tant insisté sur la nécessité de la ratification de votre jugement par le peuple. L'assemblée en a décidé autrement, et j'obéis. Je vote pour la peine de mort.
Il est un amendement qu'on a proposé, c'est celui du sursis. J'avoue que je n'ai pas d'opinion faite sur cet amendement. Je demande qu'il soit discuté. Mais dans ce moment, mon vœu est pur et simple pour la mort. »

Quand la question du sursis se présenta ensuite, Pétion opina pour l'affirmation.

La perte de sa popularité suivit de près ces votes. Un de ses nombreux portraits, commencé pendant son élévation et terminé après sa chute, porte ce quatrain :

En deux mots voici mon histoire :
Dans Paris j'étais adoré,
Tout y retentissait de mon nom, de ma gloire.
Aujourd'hui je suis abhorré.

Après la défection de Dumouriez, Pétion fut attaqué comme ayant été le confident des desseins contre-révolutionnaires de ce général. Pétion n'opposa qu'une défense assez faible à cette accusation, et, partisan des Girondins, se vit atteint par les proscriptions du 31 mai et du 2 juin. Avec Buzot et Barbaroux, il se déroba aux poursuites, se réfugia dans le Calvados, où il tenta inutilement de soulever la Normandie, puis se rendit dans le Finistère d'où il s'embarqua pour Bordeaux avec ses collègues. Arrivés au Bec-d'Ambez, ils durent chercher un asile à Saint-Emilion, d'où il essayèrent encore de gagner la mer ; mais, faute d'un guide, ils ne purent aller au-delà de Castillon, et revinrent à Saint-Emilion où ils se cachèrent chez le perruquier Troquart. Quand Salles et Guadet eurent été arrêtés dans la maison Bouquey, Pétion et ses collègues quittèrent leur asile en pleine nuit, et, au jour, furent aperçus par un berger dans un bois de pins. Barbaroux se tira un coup de pistolet, pendant que Pétion et Buzot s'enfoncèrent dans un champ de blé où l'on retrouva, quelques jours après, leurs cadavres à moitié dévorés par les loups.

Avant de quitter Saint-Emilion, Pétion avait remis à Mme Bouquey ses Mémoires et un testament politique qui n'est qu'une emphatique apologie de sa conduite.

Date de mise à jour: janvier 2020