Jean, Paul, Pierre Perier dit Casimir-Perier

1847 - 1907

Président de la République du 27 juin 1894 au 15 janvier 1895

Informations générales
  • Né le 8 novembre 1847 à Paris (Seine - France)
  • Décédé le 11 mars 1907 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 10 janvier 1893 au 14 octobre 1893
Présidence de l'Assemblée nationale
du 18 novembre 1893 au 3 décembre 1893
Présidence de l'Assemblée nationale
du 2 juin 1894 au 27 juin 1894

Mandat(s)

Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
Ire législature
Mandat
Du 20 février 1876 au 25 juin 1877
Département
Aube
Groupe
Gauche républicaine
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
IIe législature
Mandat
Du 14 octobre 1877 au 14 octobre 1881
Département
Aube
Groupe
Gauche républicaine
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 21 août 1881 au 1er février 1883
Département
Aube
Groupe
Gauche républicaine
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 18 mars 1883 au 14 octobre 1885
Département
Aube
Groupe
Gauche républicaine
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
IVe législature
Mandat
Du 18 octobre 1885 au 14 octobre 1889
Département
Aube
Groupe
Gauche républicaine
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
Ve législature
Mandat
Du 22 septembre 1889 au 14 octobre 1893
Département
Aube
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
VIe législature
Mandat
Du 20 août 1893 au 26 juin 1894
Département
Aube

Gouvernement

Chef du Gouvernement
du 3 décembre 1893 au 23 mai 1894

Biographies

Député de 1876 à 1889, né à Paris, le 8 novembre 1847, Jean Casimir-Perier est le petit-fils de Casimir Perier, (V. ce nom) ministre de la monarchie de Juillet, et le fils aîné du ministre de M. Thiers. Un décret du président de la République, rendu en avril 1874, l'autorisa « à joindre, dit un biographe, le prénom polonais de Casimir au nom normand de Périer, définitivement et indéfiniment jusqu'à la consommation des Périer, des Normands et des Polonais. »

M. Jean Casimir-Perier fit au lycée Bonaparte, et, sous la direction d'un précepteur allemand, M. Struve, de sérieuses études classiques : lauréat du concours général, il prit sa licence ès lettres, puis il suivit les cours de la Faculté de droit.

Capitaine de la garde mobile de l'Aube, qui fut appelée à Paris pendant le siège, il se conduisit avec bravoure, prit part au combat de Bagneux (13 octobre 1870) et mérita d'être cité à l'ordre du jour et décoré de la Légion d'honneur.

Du mois d'octobre 1871 au mois de février 1872, il remplit auprès de son père, alors ministre de l'Intérieur, les fonctions de chef du cabinet.

Il débuta dans la carrière politique (juillet 1874) en se faisant élire, sous le patronage paternel, membre du Conseil général de l'Aube, puis il fit dans son département une vive campagne en faveur du général Saussier, candidat républicain conservateur à l'Assemblée nationale, contre l'ancien député bonapartiste, M. Argence.

Il se présenta lui-même aux élections législatives du 20 février 1876, dans l'arrondissement de Nogent-sur-Seine : sans concurrent, il fut élu par 6 980 voix sur 8 033 votants et 10 933 inscrits, et prit place parmi les républicains modérés. Il s'inscrivit aux deux réunions du centre gauche et de la gauche républicaine, et vota : contre la proposition Raspail, tendant à l'amnistie plénière ; pour le projet de loi sur la collation des grades ; pour le projet de loi relatif à l'élection des maires, et modifiant la loi de 1874 ; pour l'ordre du jour Lausselat, Leblond, de Marcère contre les menées ultramontaines.

Il fut des 363, et obtint sa réélection, comme tel, le 14 octobre 1877, par 6 415 voix sur 9 913 votants et 11 227 inscrits, contre 3 403 à M. Walckenaër. Lors de la formation du cabinet républicain du 14 décembre, M. Jean Casimir-Perier fut appelé au poste de sous-secrétaire d'Etat au département de l'instruction publique, des cultes et des beaux-arts, dont M. Bardoux était nommé ministre : il le conserva jusqu'à la retraite du cabinet Dufaure (31 janvier 1879), et aborda, plusieurs fois la tribune au nom du gouvernement. Il soutint la politique opportuniste, vota pour l'invalidation de Blanqui, pour le retour du Parlement à Paris, pour l'article 7 et les diverses lois sur l'enseignement, etc. Rapporteur, en 1880, de la proposition Louis Blanc sur l'amnistie plénière, il conclut au rejet.

Il fut réélu le 21 août 1881, par 6 756 voix (9 126 votants, 10 082 inscrits), contre M. Peigné-Crémieux, 1 954. Dans la législature, il se prononça : contre la mairie de Paris, contre l'abrogation du Concordat, contre le principe de réfection de la magistrature.

Le 1er février 1883, il donna sa démission de député pour ne pas s'associer à la mesure qui dépossédait les membres des familles ayant régné sur la France de leurs fonctions militaires. Il adressa alors à ses électeurs une lettre ainsi conçue :

Paris, 1er février 1883.

« Mes chers concitoyens

« Les circonstances ne me permettant pas de concilier mes devoirs de famille avec la conduite que me dictent ma conscience et mes convictions républicaines, j'ai adressé ma démission de député à M. le président de la Chambre. Si, en renonçant à la vie politique, j'impose silence à mes opinions, je demeure invariablement fidèle à ma foi politique. Dans ma retraite, je chercherai, mes chers concitoyens. à vous être utile, et je n'oublierai jamais les témoignages de confiance et de sympathie que vous m'avez prodigués. Croyez, je vous prie, à ma reconnaissance et à mon dévouement. »

« CASIMIR-PERIER. »

M. Jean Casimir-Perier se fit réélire un mois après, le 18 mars 1883. Il vint reprendre sa place dans la majorité et fut sous-secrétaire d'Etat à la guerre lors de l'entrée du général Campenon au ministère. Il vota pour les crédits du Tonkin, pour la loi sur les récidivistes, pour le maintien de l'ambassade auprès du pape, etc.

Porté sur la liste Opportuniste, le 4 octobre 1885, il fut élu député de l'Aube, avec 41 836 voix (66 086 votants, 78 207 inscrits.) La nouvelle Chambre le choisit pour un de ses vice-présidents. Il opina contre la révision, pour les cabinets Rouvier et Tirard, et il s'est prononcé, dans la dernière session, pour le rétablissement du scrutin uninominal (11 février 1889), pour l'ajournement indéfini de la révision de la Constitution (14 février), pour les poursuites contre trois députés membres de la Ligue des patriotes (14 mars), pour le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse (2 avril), pour les poursuites contre le général Boulanger (4 avril).



Né le 8 novembre 1847 à Paris, mort le 11 mars 1907 à Paris.


Député de l'Aube de 1876 à 1894.

Sous-Secrétaire d'Etat à l'Instruction publique de 1877 à 1879.

Sous-Secrétaire d'Etat à la Guerre de 1883 à 1885.

Président de la Chambre des députés en 1893 et en 1894.

Président du Conseil et Ministre des Affaires étrangères du 3 décembre 1893 au 23 mai 1894.

Président de la République du 25 juin 1894 au 15 janvier 1895.

(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. 1, p. 600.)

Aux élections générales du 22 septembre 1889, les électeurs de l'arrondissement de Nogent-sur-Seine conservent à Casimir-Perier son siège de député en lui accordant 5.051 voix, contre 3.741 à son concurrent le plus dangereux, M. Charonnat, au premier tour de scrutin.

Elu vice-président de la Chambre le 16 novembre 1889, par 286 suffrages sur 371, il sera confirmé dans cette haute fonction en 1890, par 266 voix sur 315, en 1891, par 244 voix sur 297, et en 1892 par 318 voix sur 384. Casimir-Perier est donc dès lors un parlementaire de tout premier plan. D'autant plus qu'au titre surtout honorifique de vice-président de la Chambre, il ajoute en 1890, 1891 et 1892, celui de président de la Commission du budget qui fait de lui un personnage-clé du Parlement, l'un de ceux avec lesquels tout gouvernement doit compter.

Le 10 janvier 1893, enfin, il est élu Président de la Chambre, par 254 voix contre 76. Dans le discours d'usage qu'il prononce en prenant possession du fauteuil présidentiel il s'attache surtout à défendre le régime contre les accusations qui étaient alors lancées contre lui à l'occasion du scandale de Panama.

« Ce ne sont pas, déclarait-il sous les applaudissements de la gauche et du centre, des défaillances individuelles qui pourront atteindre la République, Le suffrage universel . , , sait qu'à d'autres époques le silence et l'impunité étaient acquis aux fautes que la République veut dévoiler et saura punir. »

Cependant, la législature arrivait à son terme. Les élections générales eurent lieu le 20 août 1893. Elles furent pour Casimir-Perier l'occasion d'un véritable triomphe : il fut réélu, toujours dans l'arrondissement de Nogent-sur-Seine au premier tour de scrutin, par 6 847 voix contre 984, à M. Bouhenry-Gornet.

La Chambre issue de ces élections ne compte plus que 76 « révisionnistes » et monarchistes, au lieu de 210. En revanche, les socialistes y sont 45 au lieu de 12. Le régime paraît cette fois solidement établi. Les membres de la majorité, n'ayant plus rien à redouter sur leur droite, sont d'autant plus sensibles au « péril socialiste » qu'ils voient se dessiner sur leur gauche. Fermes républicains, mais non fermes soutiens de l'ordre établi et des intérêts économiques, ils manifestent l'orientation de leurs préoccupations dominantes dès la réunion de la Chambre, le 18 novembre 1893, en réélisant à la Présidence le modéré, le rassurant Casimir-Perier, avec un nombre de voix plus élevé qu'au début de l'année : 295 contre 195 au candidat radical Henri Brisson.

Le premier Cabinet de la législature avait à sa tête Charles Dupuy. Il dût démissionner, le 25 novembre 1893, abandonné par ses membres radicaux, qui jugeaient trop timide sa politique sociale. Le Président Sadi-Carnot se tourna alors vers Casimir-Perier qui, après sa brillante réélection à la présidence de la Chambre, semblait tout désigné. Mais celui-ci refusa catégoriquement. Le Président de la République s'adressa alors à Develle, puis à Spuller ; tous deux échouèrent, Il semblait que seul Casimir-Perier fût en mesure de résoudre la crise. Spuller se rendit donc auprès de lui pour l'adjurer de ne pas se dérober devant la responsabilité qui se présentait à lui. Casimir-Perier finit par céder. Il avait, dit-on, les larmes aux yeux.

Jeune encore - il avait quarante-six ans - pouvant faire figure d'homme nouveau, car il n'avait jamais exercé de fonctions ministérielles de premier plan, Casimir-Perier forma pourtant le 3 décembre 1893 un cabinet assez terne. Si l'on met à part le jeune député Jonnart, aux Travaux publics, et le général républicain » Mercier à la Guerre, il fit appel à des hommes que M. Chastenet peut décrire comme « d'anciens gambettistes mûris dans le confort de l'opportunisme ». Le Président du Conseil conservait pour lui-même le portefeuille des Affaires étrangères.

Il reprit, en se présentant devant la Chambre, le 4 décembre, l'essentiel des idées de Charles Dupuy. Il se déclara « résolu à défendre des théories d'une certaine école ... les principes que la Révolution française a donnés pour assises à la Société moderne : liberté et propriété individuelle ». Il ajoutait toutefois qu'aux doctrines socialistes, il opposerait « non le dédain, mais l'action généreuse et féconde des pouvoirs publics ». Il se proposait de faire voter une loi sur les associations, mais se refusait à entreprendre une séparation des Eglises et de l'Etat, qu'à son avis, le suffrage universel n'avait pas réclamée. Il se prononçait enfin contre toute révision de la Constitution.

Le Cabinet ne devait demeurer au pouvoir que six mois. Six mois marqués d'événements, certains éclatants, d'autres demeurés secrets, mais dont les conséquences lointaines devaient être considérables.

Un événement demeuré secret : la conclusion définitive de l'alliance franco-russe , intervenue dans les premiers jours de 1894, mais qui ne sera révélée au public que deux ans plus tard.

Des événements spectaculaires entre tous : les attentats anarchistes. Le plus marquant s'est produit le 9 décembre 1893, lorsque Vaillant jeta la bombe dans l'hémicycle du Palais-Bourbon, donnant ainsi à Charles Dupuy qui avait succédé à Casimir-Perier à la présidence de la Chambre le 5 décembre 1893, l'occasion de prononcer la phrase fameuse : « Messieurs, la séance continue ». Vaillant, rapidement jugé, fut exécuté le 7 février 1894, non sans que son cas ait passionné et profondément bouleversé l'opinion publique. Il fut, indirectement, l'une des causes de la chute du Cabinet Casimir-Perier.

Celui-ci, en effet, pour défendre l'ordre social menacé et obtenir le vote de lois « réprimant les menées anarchistes » tenta de se rapprocher des catholiques « ralliés ». L'entreprise n'était pas sans danger, après tant d'années où l'anticléricalisme avait été le lien le plus solide entre les républicains des diverses tendances. Répondant à une interpellation de Brisson, le Ministre de l'Instruction publique et des cultes, Spuller, déclara que la République laïque n'avait plus les mêmes raisons que jadis de se méfier de l'Eglise, et qu'un « esprit nouveau» devait s'instaurer. Ce propos fut très mal accueilli à gauche, où l'on reprocha au Gouvernement de « pactiser avec l'ennemi ». Au terme d'une séance fort houleuse, l'ordre du jour de confiance fut cependant voté par 302 voix contre 119 ; mais la majorité sur laquelle s'appuyait le Gouvernement était gravement ébranlée lorsque les Chambres se séparèrent.

Au mois de mai, après l'intersession, c'est Jonnart, Ministre des Travaux publics, qui est sur la sellette. On lui reproche de refuser le droit syndical aux employés des chemins de fer de l'Etat. Cette fois, bien qu'il ait tenté de ressouder sa majorité modérée en attaquant vivement les socialistes, le Gouvernement est battu. L'ordre du jour sur lequel il a posé la question de confiance est repoussé, le 23 mai 1894, par 231 voix contre 217.

Casimir-Perier, par un nouveau chassé-croisé, retrouve au Palais-Bourbon le fauteuil présidentiel. - le 2 juin 1894, par 229 voix contre 187 - tandis que Charles Dupuy lui succède à la tête du Gouvernement.

Quelques semaines plus tard, le 24 juin, le Président Sadi-Carnot tombait à Lyon sous le couteau de l'anarchiste italien Caserio.

Tout de suite, le nom de Casimir-Perier est mis en avant. Sadi-Carnot lui-même, dont le septennat approchait de son terme, voyait en lui, disait-on, un successeur. Et puis, son nom n'est-il pas synonyme d'autorité ? Son passé de chef de Gouvernement ayant fait voter les lois sur la répression des menées anarchistes, son visage même auquel les caricaturistes prêteront souvent les traits d'un dogue, tout en lui n'annonce-t-il pas l'homme à poigne que les circonstances réclament ? Mais, cette fois encore, Casimir-Perier se dérobe. Aux amis qui le sollicitent, il apparaît « pâle, défait, les yeux tantôt brillants de fièvre, tantôt mouillés ». Il cède enfin, sur les instances de sa mère et de sa femme. Peut-être aussi par point d'honneur, pour ne pas esquiver une charge dont l'expérience venait de montrer qu'elle pouvait être périlleuse.

Le 26 juin, les groupes de la majorité réunis au Sénat le choisissent comme candidat, par 180 voix sur 200. Le lendemain, à Versailles, sur 851 votants, il obtient 451 suffrages, le radical Brisson 195, Charles Dupuy 96. Après l'élection, il fond en larmes et se lamente : « Je suis un prisonnier ».

Le nouveau Président de la République signe les décrets réinvestissant les membres du Cabinet Charles Dupuy. Puis, le 31 juillet, il adresse aux Chambres, un message dans lequel il se déclare résolu à ne laisser « ni méconnaître, ni prescrire » les droits que lui confère la Constitution. Le ton, jugé trop autoritaire, indispose fortement la gauche radicale et socialiste qui, déjà, avait très mal accueilli l'élection de Casimir-Perier, y voyant un « triomphe de la coalition réactionnaire ».

Au demeurant, Casimir-Perier ne sera jamais populaire. On lui reproche d'appartenir à l'une de ces grandes « dynasties bourgeoises » qui dirigent le pays, à travers gouvernements et régimes . N'est-il pas le petit-fils du président du Conseil de Louis-Philippe, le fils du Ministre de l'Intérieur de Thiers ? Si son républicanisme n'est pas mis en doute, on s'alarme de ses relations très étroites, économiques, mondaines, familiales même - il est le beau-frère du duc d'Audiffret-Pasquier - avec les milieux orléanistes. Surtout, on ne lui pardonne pas de posséder la majorité des actions des mines d'Anzin et d'incarner le grand capitalisme industriel.

Une campagne extrêmement violente est menée contre lui dans la presse de gauche. Dans Le Chambard, Gérault-Richard, publie, sous le titre « À bas Casimir ! » un article virulent. « Avec son arrogance brutale d'exploiteur, écrit-il, sans pitié ni noblesse, sans entrailles ni âme, il est l'image fidèle et repoussante d'une caste sanguinaire dont la prospérité a pour étiage la mortalité des travailleurs ». Poursuivi devant la Cour d'assises de la Seine, Girault-Richard est défendu par Jaurès, dont la plaidoirie est un réquisitoire en règle contre le Président de la République, « symbole de la tradition larmoyante et hautaine du grand despotisme bourgeois », et contre sa famille - Gérault-Richard est condamné, le 5 novembre 1894, à un an de prison -. Mais, porté candidat par les socialistes à une élection partielle dans le 13e arrondissement de Paris, il est élu, et les députés radicaux votent avec leurs collègues socialistes en faveur de la suspension de sa détention. Pour Casimir-Perier, c'est un affront.

Il en essuie d'autres dans l'exercice même de ses fonctions. Les ministres, en effet, et au premier chef le président du Conseil Charles Dupuy, le tiennent systématiquement à l'écart. Contrairement à la tradition établie sous la présidence de Grévy et maintenue sous celle de Carnot, le Ministre des Affaires étrangères, Hanotaux, refuse de collaborer avec lui et même de lui communiquer les dépêches. Casimir-Perier dira plus tard : « J'ai d'ordinaire ignoré, pendant que j'occupais la présidence de la République, ce qui touchait à la marche des affaires publiques. »

De toutes ces marques d'hostilité et de défiance, il est profondément affecté. Mais, enfant gâté de la vie, mal habitué à la lutte par une carrière rendue trop facile par son nom et sa fortune, il ne tente même pas d'imposer sa personne et son autorité. Il se renferme sur lui-même. Son hypersensibilité s'aggrave. Il se croit espionné, menacé, va jusqu'à faire ôter les cocardes de ses équipages pour circuler inaperçu. Au lieu de se battre, il se résout à démissionner. La décision en est prise dès le mois d'octobre 1894. L'occasion de la mettre à exécution fut fournie, en janvier 1895, lorsque le Cabinet Dupuy fut mis en minorité à l'issue d'une interpellation portant sur une question d'importance secondaire : les conventions passées en 1883 entre l'Etat et les grandes compagnies de chemins de fer. Casimir-Perier voulut voir dans le vote de la Chambre la preuve de la désagrégation de la majorité modérée qui l'avait élu. Dès le lendemain 15 janvier, sans même avoir tenté de désigner un autre président du Conseil, il adresse au Parlement un message de démission, dans lequel il se plaignait qu'on eût réussi à égarer l'opinion publique et déclarait : « Je ne me résigne pas à comparer le poids des responsabilités morales qui pèsent sur moi et l'impuissance à laquelle je suis condamné. »

Sa décision fut sévèrement jugée par l'opinion et par la presse. « Nous regrettons, écrivirent Les débats, qu'il ait laissé à son successeur une leçon au lieu d'un exemple ». Et le Figaro rendit ce verdict : « M. Casimir-Perier agit suivant les fatalités de son tempérament. Il avait montré dans son passage au pouvoir une humeur ombrageuse et cassante qu'on prenait pour de l'énergie et qui n'était que de la nervosité. Ceux qui le connaissaient ... purent prédire avec certitude qu'il s'en irait à la première bourrasque. C'est en effet ce qu'il a fait ».

Après sa démission, Casimir-Perier s'est consacré à la gestion des mines d'Anzin et d'œuvres sociales. Il se refusa à reparaître sur la scène politique, lorsqu'en 1899, le président Loubet lui proposa la présidence du Conseil.

Il mourut à Paris le 11 mars 1907. Il n'avait que 60 ans.