Henri Deschamps

1908 - 1987

Informations générales
  • Né le 1er août 1908 à Ruelle (Charente - France)
  • Décédé le 14 avril 1987 à Talence (Gironde - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 12 mars 1967 au 30 mai 1968
Département
Gironde
Groupe
Fédération de la gauche démocrate et socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ve législature
Mandat
Du 2 avril 1973 au 2 avril 1978
Département
Gironde
Groupe
Parti socialiste et radicaux de gauche
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIe législature
Mandat
Du 19 mars 1978 au 22 mai 1981
Département
Gironde
Groupe
Socialiste

Biographies

Biographie de la Ve République

DESCHAMPS (Henri, François, Louis)
Né le 1er août 1908 à Ruelle (Charente)
Décédé le 14 avril 1987 à Talence (Gironde)

Député de la Gironde de 1967 à 1968, et de 1973 à 1981

Henri Deschamps est né le 1er août 1908 à Ruelle, au cœur du département de la Charente. C'est dans ce Sud-Ouest natal qu'il accomplit sa carrière professionnelle et politique. Après l'obtention d'un Brevet supérieur et d'un Certificat d'aptitude professionnelle (CAP) d'enseignement, Henri Deschamps devient instituteur en 1930, puis professeur de lettres au collège d'enseignement général (CEG) de Talence, en Aquitaine. En décembre 1931, il épouse Suzanne Lapeyronnie, union de laquelle naîtra une fille, Martine, le 14 mai 1945.

Sa carrière politique commence au printemps 1936, alors qu'il est candidat socialiste aux élections législatives à La Réole, dans ce département de la Gironde dans lequel il s'est définitivement installé. Son ancrage politique est rapide. Dès le mois de juillet 1951, il est secrétaire fédéral de la SFIO girondine. Il restera à ce poste jusqu'en mars 1957. Entre-temps, en avril 1953, il obtient son premier mandat électif, en devenant conseiller municipal de Talence. Il est premier adjoint au maire la même année ; commence alors une carrière locale de trente années, consacrée à Talence et à la communauté urbaine de Bordeaux dont il sera le premier, puis le deuxième vice-président.

Quelque temps après son remariage, en octobre 1954, avec Paulette Artigolle, il entame un parcours politique national, en présentant sa candidature aux élections législatives de 1958 dans la troisième circonscription de la Gironde ; s'y trouvent réunis, précisément, les cantons de Bordeaux V et Bordeaux VI (à l'exception de la ville de Bègles), et la commune de Talence. En face du gaulliste Jacques Lavigne, conseiller général et ancien adjoint au maire de Bordeaux, il est largement battu par plus de 7 000 voix. Avec son suppléant Georges Bremond, retraité de la SNCF, il en sera de même aux législatives de 1962, dans la même circonscription, mais l'écart s'est considérablement réduit : Jacques Lavigne ne remporte le scrutin que de 2 000 voix, sur les 33 629 suffrages exprimés. La troisième tentative est fructueuse. Au printemps 1967, le contexte politique national est plus favorable à Henri Deschamps. En effet, aux élections municipales du mois de mars 1965, il est devenu maire de Talence. Il est également président-directeur général de la Société d'économie mixte d'équipement et de construction Talence-Villenave-d'Ornon. Il aborde ainsi la campagne des législatives de mars 1967 en position de force. Candidat de la Fédération de la Gauche démocrate et socialiste (FGDS) de François Mitterrand, dans un département où celle-ci est très implantée, l'élu local mène un combat acharné. Sa profession de foi est tout entière dressée contre « un régime de pouvoir personnel » et « la politique invraisemblable de gaspillage menée par le gouvernement UNR Pompidou-Debré ». Il présente l'alternance politique comme « un devoir national, (...) et un droit à la vie ». Reprochant à la majorité gaulliste de « ruiner la France », insistant sur le bilan du chômage et le cortège des 700 000 chômeurs que compte alors le pays, il dresse une longue liste de réformes que la gauche souhaite voir mises en œuvre, dans « une Europe économiquement et politiquement unie » : de l'arrêt des « hémorragies du Trésor » à l'amnistie totale et la juste indemnisation des rapatriés, de la liberté de la contraception, à « la priorité des priorités » donnée à l'Éducation nationale, le candidat socialiste propose un programme en de nombreux points conformes à celui de ses camarades. Il s'en éloigne parfois, lorsqu'il suggère la suppression de la TVA, mais retrouve les fondamentaux socialistes et communistes avec la volonté de nationalisation des grandes banques d'affaires ou la proposition d'une retraite décente pour trois millions de Français, à hauteur de 80 % de la valeur du salaire minimum interprofessionnel garanti (S.M.I.G.). A l'occasion de ce scrutin, il a choisi un nouveau suppléant, l'avocat Jean Depayre, Croix de guerre 1914-1918, dont le nom est largement apprécié des anciens combattants. Il sort victorieux de son combat contre « les puissances d'argent », à l'issue du deuxième tour, le 12 mars. Si le député sortant est en tête du premier tour, avec plus de 3 000 voix d'avance, Henri Deschamps remporte le second avec 4 000 bulletins de plus que son concurrent, soit avec 22 024 des 40 517 suffrages exprimés.
A son arrivée au Palais-Bourbon, le député-maire de Talence rejoint le groupe parlementaire formé par les élus de la FGDS. Il est membre de la commission de la production et des échanges, le 6 avril suivant. Il y siège pour la durée – réduite – de la législature. Le 16 mai suivant, il est nommé membre de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi autorisant le gouvernement à prendre des mesures d'ordre économique et social et en devient vice-président. La faible durée de la législature, en raison des événements du mois de mai 1968 et de la dissolution de l'Assemblée nationale, réduit inévitablement les initiatives des parlementaires au sein des Assemblées. Au cours de son premier mandat, Henri Deschamps ne dépose aucune proposition de loi, ni n'intervient en séance publique. Il vote notamment les motions de censure déposées contre le cabinet Pompidou, au cours de la discussion du projet de loi autorisant le gouvernement à prendre des mesures d'ordre économique et social, en première, deuxième et troisième lectures, les 20 mai, 9 et 16 juin 1967, et les motions de censure des 24 avril et 22 mai 1968.

Henri Deschamps ne parvient pas à conserver son siège de député, en 1968 ; la victoire des gaullistes est très nette, les 23 et 30 juin. Dans la troisième circonscription de Gironde, c'est le conseiller général UDR Jacques Grondeau, médecin, qui prend victorieusement le relais de Jacques Lavigne. Mais la défaite d'Henri Deschamps n'est que de 306 voix. Le député sortant obtient, en effet, 18 520 des 37 346 suffrages exprimés. Le maire de Talence se consacre alors à son mandat local. Il est réélu maire en mars 1971, et travaille à la reconquête de son siège de député. À l'occasion des élections législatives des 4 et 11 mars 1973, c'est chose faite, avec l'aide de son nouveau suppléant, le docteur René Bach, pédiatre attaché à l'hôpital des enfants, ancien chef de clinique adjoint à la Faculté de médecine et maire de Quinsac. En tête des six candidats présents au premier tour, il est victorieux à l’issue du second, avec près de 5 000 voix d'avance sur son concurrent gaulliste, soit 56,6 % des suffrages exprimés. Son argumentation est identique à celle qu'il développa en 1967 : la priorité est à l'alternative à « un bilan désastreux de quatorze ans de pouvoir absolu », dont la politique n'a été profitable qu'« à une minorité de privilégiés de la naissance et de la fortune », et a desservi la majorité de la population réduite à « l'injustice sociale, la misère et l'inégalité de vie ». La solution qui s'offre alors aux forces de gauche et qui les obligent à un renouveau est portée par le slogan « changer la vie avec le programme commun », grâce à des mesures expérimentées en Suède et en Norvège, pays cités en exemple de réussite dans les professions de foi socialistes. C'est ce qui fonde, pour le maire de Talence, « l'espérance » en de nouveaux gouvernants.

A son retour à l'Assemblée nationale, Henri Deschamps rejoint le groupe socialiste et des radicaux de gauche, le 2 avril 1973. Il retrouve la commission de la production et des échanges, et y siège durant toute la législature. En séance publique, il prend la parole à sept reprises. Il est d'abord l'auteur de deux questions orales sans débat, toutes deux liées à la situation locale de l'entreprise de Bordeaux-Sud, les 18 juin 1976 et 24 juin 1977. Il suggère au gouvernement de prendre des mesures pour maintenir l'activité de cette entreprise, dans le but de permettre la reprise rapide du travail de cet établissement, dans une région Aquitaine en crise. S'il ne dépose aucun texte, il prend la parole dans la discussion de quelques autres. Le 28 juin 1975, il rappelle à la tribune combien le groupe socialiste considère comme dangereuse la proposition de loi organique relative au statut de la magistrature, considérant que par la voie du recrutement latéral, le gouvernement pourra exercer des pressions sur les magistrats. Il présente les mêmes réserves du groupe auquel il appartient, le 30 juin suivant, dans la discussion du projet de loi relatif à l'éducation. Le 23 novembre 1976, il fait un rappel au règlement. De manière générale, ses prises de parole restent limitées à la défense des intérêts locaux et au rôle des collectivités locales. C'est ainsi que, le 2 juin 1977, il prend la parole dans la discussion générale de la proposition de loi tendant à compléter les dispositions du code des communes relatives à la coopération intercommunale. Il défend, au nom du groupe socialiste, la question préalable, en demandant, l'application et la non-dénaturation de la loi du 31 décembre 1966. Ce sera sa dernière intervention de la législature en séance publique.

Au cours de ce mandat, par ses votes, Henri Deschamps s'inscrit dans une opposition très nette aux gouvernements Messmer, Chirac et Barre. Aussi, le 12 avril 1973, s'exprime-t-il défavorablement, lors de la déclaration de politique générale du gouvernement de Pierre Messmer. Il en va de même pour le vote qu'il émet sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle portant modification de la Constitution en vue du quinquennat, le 16 octobre 1973. Il combat également la déclaration de politique générale du premier gouvernement de Jacques Chirac, le 6 juin 1974, et la révision de la Constitution, le 19 octobre de la même année. En revanche, comme nombre de ses collègues de l'opposition, il vote pour le projet de loi présenté par la ministre de la Santé, Simone Veil, relatif à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), le 28 novembre suivant. De même, il approuve un deuxième texte à l'initiative du gouvernement de Jacques Chirac, et voulu par le président de la République, Valéry Giscard d'Estaing : le 4 juin 1975, il vote, en effet, pour le projet de loi portant réforme du divorce, et instaurant le divorce par consentement mutuel. Il retrouve des positions d'opposant, à l'occasion de la révision constitutionnelle relative à la modification des règles de la campagne électorale des élections présidentielles, le 14 juin 1976. Sans surprise, il n'apporte pas son soutien au gouvernement de Raymond Barre, le 28 avril 1977, mais approuve, comme les députés à leur presque unanimité, l'ensemble du projet de loi relatif à l'élection au suffrage universel direct des représentants à l'assemblée des communautés européennes.

A la demande de François Mitterrand, Henri Deschamps est candidat, à nouveau, aux élections législatives du printemps 1978, dans la troisième circonscription de la Gironde. Son ancrage local s'est renforcé. Maire de Talence réélu en mars 1977, deuxième vice-président de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB), dont il est toujours le président de la commission d'administration générale, président de la société d'économie mixte de Villenave-d'Ornon-Talence, le conseiller général d'Aquitaine et député sortant se représente en position favorable au renouvellement de son mandat de député. La conjoncture politique, favorable à l'opposition malgré la rupture du programme commun, est déterminante dans les circonscriptions ancrées à gauche. Au second tour, pendant sa campagne, Henri Deschamps fait de la lutte contre l’augmentation du chômage le cœur de son argument électoral, veut mettre fin aux « échecs tous azimuts » des gouvernements précédents, et « changer de cap pour changer la vie et vivre mieux ». Privilégiant une société « au service de l'homme », et non « au service de l'argent », il développe un programme thématique qui trouvera une large place dans les 110 propositions de François Mitterrand, candidat à la Présidence de la République, en 1981 : l'augmentation de 50 % des allocations familiales, la retraite à 55 ans pour les femmes et à 60 ans pour les hommes, la cinquième semaine de congés payés, l'augmentation généralisée des pensions et retraites par référence au SMIC, en ce qui concerne le minimum vieillesse, la création de plus de 150 000 emplois publics et de 60 000 emplois à la disposition des associations locales ou la nationalisation de neuf groupes industriels, du secteur bancaire et du secteur du crédit. Avec son suppléant René Bach, Henri Deschamps arrive en tête des neuf candidats présents au premier tour de scrutin, avec 32,2 % des suffrages exprimés. Mais il ne fait la différence, au second tour, face à son adversaire Robert Dussart, investi par le Rassemblement pour la République (RPR), et qualifié de « parachutiste chiraquien », qu'avec 2 000 voix d'avance. Il est vainqueur du scrutin avec 52,9 % des suffrages exprimés, au second tour.

Henri Deschamps retrouve le Palais-Bourbon, le 3 avril 1978. Il s'inscrit au groupe socialiste le lendemain. Simultanément, il est nommé membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, et y siège jusqu'en mai 1981. En revanche, au cours de ce dernier mandat, il ne dépose aucune proposition de loi et n’intervient pas en séance publique. Au cours de ce mandat, ses votes confirment son opposition au gouvernement de Raymond Barre. Il n'approuve pas la déclaration de politique générale du Premier ministre, le 20 avril 1978. Le 5 janvier 1979, il s'exprime contre le projet de loi relatif à l'aide aux travailleurs privés d'emploi. Comme sous la législature précédente, il vote pour le projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse visant à rendre définitives les dispositions de la loi de 1975, le 29 novembre 1979, mais rejette très nettement le texte gouvernemental portant aménagement de la fiscalité directe locale, en deuxième lecture, le 18 décembre suivant. Comme l'ensemble de ses collègues, il approuve, le 11 avril 1980, la proposition de loi relative au viol et aux attentats à la pudeur, et, le 20 novembre suivant, l'ensemble du projet de loi modifiant le code électoral, en vue de favoriser la participation des femmes aux élections municipales. Il vote, le 21 juin 1980, contre le projet de loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes – la loi « sécurité et liberté » – défendu par le ministre de la justice et garde des Sceaux, Alain Peyrefitte.

La victoire de François Mitterrand en 1981 aurait pu avoir pour conséquence immédiate la réélection d'Henri Deschamps à un quatrième mandat de député. Mais le Président élu lui demande de s'effacer au profit de Catherine Lalumière, en acceptant de devenir le suppléant de celle-ci. Il refuse, alors que la proposition présidentielle lui laissait entrevoir un retour à l'Assemblée, dès la nomination de Catherine Lalumière au gouvernement. C'est donc son adjoint à la mairie de Talence, Marcel Joint, qui lui succédera à l’Assemblée nationale. Ses camarades girondins iront jusqu'au désaveu de l'ancien député de Gironde, en laissant Bernard Saraben conduire la liste socialiste aux élections municipales de 1983 à Talence, en lieu et place du maire sortant, le septuagénaire Henri Deschamps. Après avoir menacé un temps de présenter une liste dissidente, le maire sortant s'avère « excédé et écœuré » du sort que le Parti socialiste lui a réservé. Aussi, ce baron du socialisme girondin décide-t-il de démissionner du PS, au mois de janvier 1983. Il ne sera pas réélu quelques mois plus tard.

Henri Deschamps disparaît le 14 avril 1987, à l'âge de 78 ans.