Yann Piat

1949 - 1994

Informations générales
  • Née le 12 juin 1949 à Saïgon (Indochine)
  • Décédée le 27 février 1994 à Hyères (Var - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 2 avril 1986 au 14 mai 1988
Département
Var
Groupe
Front national
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IXe législature
Mandat
Du 13 juin 1988 au 1er avril 1993
Département
Var
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Xe législature
Mandat
Du 2 avril 1993 au 25 février 1994
Département
Var
Groupe
Union pour la démocratie française et du centre

Biographies

Biographie de la Ve République

PIAT (Yann)
Née le 12 juin 1949 à Saïgon (Indochine)
Décédée le 25 février 1994 à Hyères (Var)

Députée du Var de 1986 à 1994

Yannick Piat est née Millet, à Saïgon en Indochine, le 12 juin 1949, d’un père officier français tôt disparu dans l’enfer de Diên Biên Phu et d’une mère auxiliaire féminine de l’armée de terre. De retour en France dix-huit mois plus tard, celle-ci l’abandonne définitivement pour vivre en Indochine ou en Algérie. Yann Piat est élevée par des grands-parents adoptifs à Saint-Raphaël, dans le Var, puis par des familles d’accueil. Jean-Marie Le Pen, un ancien ami de sa mère, devient un repère pour la jeune fille : celui qu’elle considère comme son « parrain de cœur » lui écrit et la reçoit de longues semaines dans son foyer.

Mariée une première fois à un sous-officier de marine dont elle a deux filles, Yann Piat monte une entreprise de décoration en Bretagne, puis une agence immobilière. Divorcée, elle se remarie en 1977 avec un pilote de l’aéronavale. L’année suivante, elle s’engage au Front national (FN), par conviction mais aussi et surtout par affection envers Jean-Marie Le Pen, celui qui, comme elle l’a écrit, lui permit « de croire qu’elle n’était pas seule au monde ». En 1983, Jean-Marie Le Pen la nomme secrétaire de la fédération départementale du FN des Landes puis, deux ans plus tard, du Var. De 1983 à 1988, elle est aussi membre du comité central du parti et, de 1984 à 1988, du bureau politique du FN.

En mars 1986, elle est choisie pour défendre les couleurs du Front national aux élections législatives dans le Var. Le mode de scrutin proportionnel départemental, de liste, lui est favorable : sa liste ne remporte que 17% des suffrages contre 33,5% pour celle de l’Union pour la démocratie française (UDF) conduite par François Léotard, 24% pour celle du Parti socialiste (PS) conduite par Christian Ginoux et 11% pour la liste du Rassemblement pour la République (RPR) que dirige Jean-Michel Couve, mais son score est suffisant pour gagner un siège. A 36 ans, Yann Piat est la première femme élue députée du Var.

A son arrivée à l’Assemblée nationale, Yann Piat rejoint ses collègues du groupe parlementaire du Front national. Elle siège à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, ainsi qu’à la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques. Candidate à la présidence de l’Assemblée nationale, le 2 avril 1986, elle obtient 34 voix, celles des membres de son groupe. Ses quelques interventions se concentrent sur les domaines sociaux. Elle dénonce en particulier le coût de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) qu’il est inadmissible, à ses yeux, de faire supporter aux familles qui élèvent des enfants (projet de loi de finances rectificative pour 1986, 28 mai 1986). Dans ces conditions, elle propose de permettre à ces familles de soustraire de leurs impôts une somme forfaitaire correspondant au coût d’une IVG – mais sa proposition est rejetée par l’Assemblée. A l’occasion du projet de loi relatif à la famille, Yann Piat appelle le gouvernement à défendre « la famille française traditionnelle » à laquelle elle se dit très attachée (19 novembre 1986).

Lors des scrutins d’importance nationale, la députée vote comme ses collègues frontistes contre la déclaration générale des gouvernements Chirac (9 avril 1986 et 7 avril 1987). Par discipline de groupe, elle s’abstient volontairement, lors du scrutin du 20 novembre 1986, sur le projet de loi autorisant la ratification de l’Acte unique européen et lors du vote du 7 mai 1987 sur le projet de loi relatif à l’exercice de l’autorité parentale.

Devenue conseillère régionale de Provence-Alpes-Côtes d’Azur en 1986, Yann Piat sollicite le renouvellement de son mandat aux élections législatives de 1988, dans la nouvelle troisième circonscription du Var, toujours sous l’étiquette frontiste. Dans sa circulaire, elle reprend les grands thèmes de son parti : « la préférence nationale, la priorité d’emploi pour les Français, la suppression de la taxe professionnelle, la création du revenu maternel pour les mères de famille françaises, la peine de mort pour les assassins et les trafiquants de drogue ». Ce discours la place en seconde position le soir du premier tour avec 23,3% des suffrages exprimés, derrière le socialiste Gaston Biancotto (29,5%) mais devant le maire RPR d’Hyères, Léopold Ritondale (22,1%) et l’UDF Joseph Sercia (16%). Entre les deux tours, François Bachelot, ancien député frontiste, parvient à négocier un accord de désistement avec Robert Pandraud, responsable des élections pour le RPR. Au second tour, Yann Piat est donc la seule candidate face au socialiste. Dans ces conditions, la députée sortante l’emporte largement puisqu’elle réunit sur son nom 53,7% des suffrages exprimés. Elle est la seule représentante du FN à l’Assemblée.

Cependant, elle commence à s’éloigner de son parti, notamment en raison de l’antisémitisme de Jean-Marie Le Pen, lorsque l’expression « Durafour crématoire » est prononcée par le chef du FN. En outre, elle désapprouve la nomination de Bruno Mégret comme délégué général du mouvement. Surtout, elle appelle à voter pour un candidat RPR au second tour des élections cantonales dans le Var et vote au Palais-Bourbon en faveur de la création du revenu minimum d’insertion (RMI), deux décisions prises contre l’avis de Jean-Marie Le Pen. Le 9 octobre 1988, Yann Piat est ainsi exclue du Front National. De ces années passées dans le parti, elle écrira plus tard : « J’ai aimé Jean-Marie, j’ai détesté Le Pen ».

A l’Assemblée nationale, où elle a retrouvé la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Yann Piat continue pourtant à défendre des thèmes chers à l’extrême-droite, même si, à partir de 1989, elle choisit de s’apparenter au groupe UDF puis, en 1991, de s’y inscrire. Ainsi, elle dépose dès le 5 octobre 1988 une proposition de loi visant à rétablir la peine de mort. Elle est également l’auteure de propositions de loi visant à encourager la prévention des incendies en déduisant des impôts les frais relatifs au débroussaillement (24 octobre 1989), à rendre effective l’obligation d’inscription sur les listes électorales (19 décembre 1991), à prendre en considération le vote blanc dans le calcul des suffrages exprimés (19 février 1992), à interdire l’usage de l’article 49-3 lors du vote des projets de loi de finances (4 août 1992), à permettre aux personnes gravement handicapées de faire liquider leur pension de retraite dès l’âge de cinquante ans (5 novembre 1992) et à limiter le renouvellement des députés et des sénateurs (9 mars 1992), ainsi que ceux des maires, conseillers régionaux et généraux (18 mars 1992).

La députée du Var est une parlementaire active qui prend la parole à des nombreuses reprises sur les sujets de société. Sa première intervention est consacrée à l’instauration du RMI, le 5 octobre 1988, en faveur duquel elle vote car « le revenu minimum d’insertion doit atténuer la détresse de certaines situations personnelles ou familiales dramatiques ». Cependant, elle émet des réserves importantes : « Ce projet reste malgré tout un projet démagogique qui n’atteindra pas ses objectifs, notamment en raison de l’augmentation de l'impôt qui en découlera, et qui détériorera un peu plus la situation de l’emploi ». En pointe du combat pour le rétablissement de la peine de mort, la députée du Var interpelle le garde des Sceaux, Pierre Arpaillange, à l’occasion de l’examen du budget pour 1989 : « Vous feignez de croire, au mépris de la leçon des faits, que la prévention permettra de mettre un terme aux assassinats odieux […]. Tant que vous ne vous donnerez pas les moyens d'une répression efficace, ces crimes insupportables se multiplieront. Je vous souhaite, monsieur le garde des Sceaux, de ne jamais vous trouver au côté d’une maman qui enterre sa petite fille mutilée, torturée, tuée, comme cela m'est arrivé cet été. Jamais nous ne pourrons oublier ces supplices d'enfants ! ». Elle réitère souvent ces propos, notamment le 6 novembre 1991, dans une question au gouvernement où elle demande encore la peine de mort pour les assassins d’enfants. Dans le domaine de la santé, deux thèmes retiennent l’attention de Yann Piat : l’épidémie de sida et la toxicomanie. Elle réclame notamment l’instauration d’un dépistage systématique et anonyme du VIH, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1990, le 14 novembre 1989, et le renforcement des crédits pour lutter contre la drogue, lors d’une question au gouvernement, le 10 juin 1992, et à l’occasion du projet de loi de finances pour 1993, le 27 octobre 1992.

Lors des scrutins d’importance nationale, Yann Piat se démarque peu des votes du groupe parlementaire de l’UDF. Ainsi, elle vote contre le projet de loi sur les conditions de séjour et d’entrée des étrangers en France revenant sur les restrictions adoptées en 1986, le 4 juillet 1989, contre le projet de loi constitutionnelle instituant un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d’exception, le 25 avril 1990, la proposition de loi Gayssot tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, le 2 mai 1990, ainsi que contre la réforme du statut de la Corse accordant au territoire une plus grande autonomie, le 12 avril 1991. Comme la plupart de ses collègues UDF, elle se prononce en faveur de l’entrée en guerre contre l’Irak, le 16 janvier 1991, et de la ratification des accords de Schengen, le 2 juin 1991. En revanche, à l’inverse comme son groupe qui s’abstient majoritairement, elle vote contre la réforme du code pénal du 12 octobre 1989. De même, elle s’abstient volontairement de voter le texte traitant de la répression des crimes et délits contre la Nation destiné à intégrer le nouveau code pénal, le 8 octobre 1991, à la différence de son groupe qui l’approuve.

En 1993, c’est désormais sous l’étiquette de l’UDF que Yann Piat se présente de nouveau devant les électeurs de la troisième circonscription du Var. Au premier tour, elle recueille 26,6% des suffrages exprimés, devançant notamment Joseph Sercia (Divers droite, 20,5%), Jean-Jacques Gérardin du Front national (19,6%), le socialiste Roland Joffre (11%) et le communiste Serge Nanni (8,6%). Elle sort victorieuse du second tour ayant battu à la fois Joseph Sercia (31,4%) et Jean-Jacques Gérardin (26,2%), les deux candidats de droite, dans le cadre d’une triangulaire. Yann Piat retrouve ainsi le chemin du Palais-Bourbon après une campagne difficile, marquée par un climat très tendu. Sa permanence a notamment été plastiquée, un de ses meetings perturbé et elle a reçu des menaces de mort.

Inscrite au groupe UDF, elle siège à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Yann Piat est également membre de la délégation de l’Assemblée nationale pour les Communautés européennes. En décembre 1993, elle dépose plusieurs propositions de loi, certaines reprenant d’anciennes initiatives (rétablissement de la peine de mort dans certains cas, obligation de s’inscrire sur les listes électorales et prise en compte du vote blanc dans le calcul des suffrages exprimés lors d’une élection), et d’autres étant nouvelles (réglementation de l’activité des marchands de listes, droits et obligation des parents d’enfants naturels). Elle propose également de créer un salaire parental de libre choix, le 13 janvier 1994, et de permettre aux personnes gravement handicapées de faire liquider leur pension de retraite dès l’âge de cinquante ans.

En tant que présidente du groupe d’amitié France-Vietnam, la députée du Var s’attache à développer les liens entre Paris et Hô-Chi-Minh-ville, autrefois Saïgon, où elle est née. Elle l’évoque à l’occasion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre la France et le Vietnam en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, le 8 décembre 1993. Elle continue aussi à s’intéresser aux questions de sécurité. Le 9 décembre 1993, lors de l’examen du budget pour 1994, elle explique ainsi l’augmentation des crimes sur les enfants : « D’abord, la peine de mort, abolie par le pouvoir socialiste provoquait sans nul doute une certaine crainte chez ce type d’assassins ; ensuite, l’évolution de la société, avec la perte de nos valeurs et de nos repères, les images de violence à la télévision, la banalisation d’actes graves, la déliquescence de mœurs, les familles éclatées, ont sûrement agi défavorablement sur des individus au comportement fragile ». Pour dissuader les criminels et surtout éviter les récidives, la députée du Var propose à nouveau de rétablir la peine de mort pour les assassins d’enfants, de personnes âgées ou handicapées mais également de supprimer les remises de peine : « Que les choses soient claires, précises, fermes et justes si possible : Trente ans, c’est trente ans ; la perpétuité, c’est la perpétuité » s’exclame-t-elle avec passion à la tribune de l’Assemblée nationale. Par ailleurs, le 24 juin 1993, elle vote en faveur du projet de loi Pasqua restreignant les conditions d’accès à la nationalité française.

Le 25 février 1994, peu après vingt heures, Yann Piat est assassinée sur la petite route des collines d’Hyères, à un kilomètre de son domicile, de deux balles tirées par deux hommes en moto. Selon la police, le mode opératoire permet de penser qu’il s’agit d’un « contrat ». Son combat contre la corruption et sa volonté de devenir maire d’Hyères dans une région marquée par la violence, les trafics et une certaine emprise du milieu, voire de la mafia, auraient été la cause de cet assassinat. Le 5 avril 1994, le président de l’Assemblée nationale, Philippe Séguin, prononce son éloge funèbre et dit son « émotion devant la disparition d’une femme jeune et belle, d’une femme que chacun découvrait courageuse et volontaire, ferme dans ses propos et décidée dans l’action. A l’émotion s’ajoute le trouble, car c’est le député et non la femme que visait l’attentat, c’est le député et non la femme que l’on a abattu ». Le Premier ministre, Edouard Balladur, y associe le gouvernement et déplore ce « crime contre la démocratie », « son image restera comme étant celle de l’intelligence du cœur et du courage ».

Immédiatement, l’« affaire Yann Piat » suscite en France une vive émotion : il s’agit du premier assassinat d’une femme députée. On lui suppose d’abord une origine politique car la police a retrouvé des notes chez la députée mettant en cause les liens de membres du Parti républicain avec la pègre locale. La presse fait état des relations difficiles de la députée avec le sénateur Maurice Arreckx. Interpellé, celui-ci est relâché. Le nom d’une figure du grand banditisme local, Jean-Louis Fargette, abattu en Italie en 1993, est mentionné. Puis l’enquête s’oriente vers la piste de la mafia, après l’arrestation en juin 1994 des tueurs Marco di Caro et Lucien Ferri. Le patron d’un bar hyérois, Gérard Finale, est suspecté d’être le commanditaire du meurtre de la députée varoise : il l’aurait vue comme un obstacle à son ascension. Au cours de son procès, Marco di Caro et Lucien Ferri sont entendus. Ce dernier, qui est le tireur, affirme, sans donner de nom, que les commanditaires de l’assassinat de Yann Piat étaient des hommes politiques et des voyous. Celui-ci est finalement condamné, ainsi que Gérard Finale, à la réclusion à perpétuité. Le conducteur de la moto Marco di Caro est condamné, pour sa part, à vingt ans de prison.