Tetuaapua, Pouvanaa Oopa

1895 - 1977

Informations générales
  • Né le 10 mai 1895 à Fare ( - Polynésie-française)
  • Décédé le 10 janvier 1977 à Papeete (Polynésie française - Polynésie française)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 4 août 1949 au 4 juillet 1951
Département
Etablissements français d'Océanie
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 2 septembre 1951 au 1er décembre 1955
Département
Etablissements français d'Océanie
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Polynésie française
Groupe
Paysan
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 9 décembre 1958 au 12 février 1960
Département
Polynésie française
Groupe
ZZZ

Mandats au Sénat ou à la Chambre des pairs

Sénateur
du 1er janvier 1971 au 1er janvier 1977

Biographies



Né le 10 mai 1895 dans l'île de Huahine (Établissements français de l'Océanie)
Décédé le 11 janvier 1977 à Papeete (Polynésie française)

Député des Établissements français de l'Océanie puis de Polynésie française de 1949 à 1958

Son père, sans doute descendant d'un Suédois, était un petit notable (chef de district), charpentier de profession. Sa mère était la fille d'une métisse tahitienne-asiatique. Son nom de famille est Oopa, mais il est connu sous son prénom - qui signifie « pilier de la sagesse » - devenu son nom. De nombreuses confusions en résultent. De plus, certains documents l'appellent Pouvanaa Tetuahua, voire Tetuapua, nom qu'il a déclaré n'avoir jamais porté.

Malgré les rumeurs, Pouvanaa savait parler, lire et écrire en français, même s'il pris rarement la parole dans les assemblées parlementaires. En langue polynésienne, c'était un excellent orateur qui ponctuait ses discours de références bibliques, la clé du succès à Tahiti.

Son éducation s'est résumée à la fréquentation des écoles du dimanche et du jeudi dans sa paroisse protestante. Il n'a eu qu'une courte scolarité dans les écoles publiques.

Comme beaucoup de ses concitoyens, il a une activité professionnelle très diversifiée. Charpentier (il travaille le bois avec beaucoup d'habileté), il travaille aussi la terre (il cultive la vanille, récolte le coprah), pratique la pêche et on le trouve, dans les années trente, vendant des fruits et des frites.

Né dans les îles Sous-le-Vent, il n'avait pas la citoyenneté française (il était sujet de la France). Il est donc dispensé de servir sous les drapeaux. Cependant, il se porte volontaire. En janvier 1918, il intègre le bataillon mixte du Pacifique et prend part aux combats dans les tranchées. Fin octobre, il participe à l'assaut de Vesles-et-Caumont, un fait d'armes qui assure la réputation du Bataillon. Après l'armistice, il voyage et observe la vie métropolitaine. Il comprend mal que les libertés qui règnent en France ne soient pas attribuées aux Polynésiens. En juillet 1919, il rejoint son île natale, puis s'installe à Tahiti. Il y épouse, en 1921, Louise Tumahai dont il a cinq enfants (un seul dépassera l'adolescence). Il avait eu un premier fils, Marcel Marcantoni, dit Mate Oopa, né le 21 avril 1917 qui lui succèdera à la députation en 1960.

Dans l'entre-deux-guerres, la situation des Établissements français de l'Océanie (EFO) est celle d'une colonie. Un gouverneur et une administration coloniale comprennent mal les mentalités du pays. La richesse est accaparée par des grandes maisons de commerce à capitaux étrangers mais dirigées sur place par ceux que l'on appelle les Demis (métis). Les Tahitiens ont le sentiment d'être étrangers sur leur propre terre.

On n'a pas de trace d'une activité politique de Pouvanaa avant 1940. Pourtant, il joue un rôle important dans le Ralliement de 1940. L'ancien gouverneur Émile de Curton lui rend hommage et parle de son « indomptable détermination » (Tahiti 40, Récit du ralliement à la France libre des EFO, Publications de la Société des Océanistes, 1973).

Les difficultés qu'il rencontre à partir de 1942, en luttant contre l'administration (il réclame l'élection d'un conseil général) et défendant les Tahitiens contre elle, l'amènent à des condamnations et à l'exil dans les îles éloignées des EFO.

Pouvanaa avait mûri de longue date des revendications économiques, culturelles et politiques. C'est un destin politique assez rare à Tahiti, celui d'un homme qui - malgré certaines ambiguïtés - variera peu : il veut jouer un rôle et si possible au premier rang et avec des idées dont il ne se départira pas.

Il souhaite se présenter aux différentes élections des années 1945-1946, mais le gouverneur, ne respectant pas les consignes de Paris, annule les voix qu'il a obtenues à la deuxième Constituante. A la première législative, sa femme est candidate à sa place. Avec 5 328 voix, elle recueille 37 % des voix et s'incline devant Georges Ahnne qui en obtient 7 038.

Début 1947, il crée le Comité Pouvanaa qui réclame une profonde modification des rapports entre la France et ce territoire d'outre-mer. En juillet 1947, il est arrêté à la suite de manifestations contre la venue de fonctionnaires métropolitains et accusé d'avoir préparé un complot contre la sûreté de l'État. Il est acquitté en novembre. Il fonde un parti : le Rassemblement démocratique des Populations tahitiennes (RDPT), vite considéré à l'instar du RDA comme un parti communiste déguisé (ce qui n'a aucun sens dans le contexte tahitien). Le programme de son parti est d'obtenir l'autonomie (et sans le dire ouvertement l'indépendance) et de lutter contre les « capitalistes ». Les syndicats et les coopératives servent de relais à ces objectifs.

Le décès d'Ahne donne lieu à une élection partielle le 23 octobre 1949 à laquelle Oopa est naturellement candidat et élu sans difficulté. Son élection est validée le 8 décembre et il rejoint la Commission des territoires d'outre-mer. Il intervient peu lors de la fin de cette première législature, sinon pour interpeller, le 19 décembre 1949, le sous-secrétaire d'Etat à la France d'outre-mer, Jean Letoumeau, sur l'attitude, déplacée selon lui, de l'administration coloniale à la Conférence des mers du Sud et à la « cession déguisée de Tahiti à l'étranger ».

Inscrit au groupe des indépendants, il témoigne de votes assez pusillanimes. Il ne prend pas part à celui relatif aux conventions collectives de travail le 4 janvier 1950, comme lors de la question de confiance au gouvernement Queuille le 12 mai 1951. En revanche, il se prononce en faveur de la loi sur les apparentements le 7 mai.

Candidat à sa propre succession le 17 juin 1951, il doit affronter quatre autres candidats, tous européens, mais l'emporte très largement puisqu'avec 12 096 des 17 228 suffrages exprimés, il recueille plus de 70 % du total. À l'Assemblée nationale, il s'apparente au groupe Indépendants-Paysans dirigé par Paul Antier, ce qui peut paraître paradoxal. En fait, son rôle à l'Assemblée est limité, car ce qui l'intéresse c'est son Territoire. Il laisse ses collègues parler pour lui (Maurice Lenormand le plus souvent) et vote comme son groupe, sans que cela revête la moindre signification. Il dépose néanmoins le 24 août 1954 une proposition de loi relative à l'éligibilité de certains fonctionnaires dans les DOM et les TOM.

Pouvanaa a Oopa se présente de nouveau lors des élections législatives de janvier 1956 dans un contexte colonial dégradé.. Le ton de sa profession de foi en témoigne. S'il continue de témoigner son attachement à la France - il reçoit du reste l'investiture du CNIP et de l'ARS -, il fustige à l'envie la disjonction croissante les vœux de la population et le comportement d' « une administration [coloniale] inchangée, toujours au service d'intérêts privés ». Avec plus de 58 % des voix - 12 280 des 21 130 suffrages exprimés -, il est facilement réélu face aux deux candidats européens.

Il réintègre la Commission des territoires d'outre-mer. Son absentéisme ou son refus de prendre part à bon nombre de votes ne cessent de grandir, notamment au regard de la question algérienne (pouvoirs spéciaux le 12 mars 1956, politique générale de Guy Mollet en Algérie le 25 octobre, projet de loi sur les institutions en Algérie le 2 février 1958, après avoir voté contre en troisième lecture deux jours plus tôt) ou de l'investiture des derniers gouvernements de la IVe République. Il vote contre le projet de CEE et de CEEA le 9 juillet 1957 et refuse sa confiance à Félix Gaillard le 15 avril 1958. S'il se prononce en faveur de l'adoption de l'état d'urgence le 16 mai, il s'oppose à la révision constitutionnelle du 27 mai. Il ne prend pas part au vote d'investiture du général de Gaulle le 1er juin 1958 mais appuie finalement de son vote les pleins pouvoirs et le principe d'une révision de la constitution.

Sa préoccupation essentielle restera cependant le sort de Tahiti puisque son seul dépôt de proposition de loi au cours de la législature, le 24 juillet 1956, a trait à la création d'une Assemblée territoriale à Tahiti qui voit le jour à la fin de l'année 1957. Il prend alors la tête du nouveau gouvernement polynésien.

Avec l'avènement de la Ve République, la Polynésie est incluse dans la Communauté française et le mandat de député d'Oopa est prorogé par l'ordonnance du 12 octobre 1958. Son discours indépendantiste se radicalise alors et il invite ses compatriotes à voter « non » lors du référendum de 1958.



OOPA (Pouvanaa’a)
Né le 10 mai 1895 à Fare (Etablissements Français de l’Océanie)
Décédé le 10 janvier 1977 à Papeete (Polynésie française)

Député des Etablissements Français de l’Océanie puis de Polynésie française de 1949 à 1960
Sénateur de Polynésie française de 1971 à 1977

(suite de la biographie de la Ve République)

La carrière politique de Pouvanaa’a Oopa, et plus largement sa vie, connaît un tournant en 1958. Les 29 et 30 avril, en réaction au projet d’impôt sur le revenu porté par le Rassemblement démocratique des populations tahitiennes (RDPT), plusieurs milliers de manifestants envahissent l’Assemblée territoriale qui doit renoncer à ce projet, contribuant à la désunion du parti majoritaire. La situation se tend encore davantage quand, en septembre, Pouvanaa’a Oopa, qui est député, fait campagne pour le « non » au référendum constitutionnel sur la Ve République et la Communauté française tout en déclarant vouloir se conformer ainsi aux desseins du général de Gaulle. Encore aujourd’hui, il est difficile de déterminer ses objectifs précis. A l’époque, le territoire est marqué par d’importantes secousses économiques et politiques et son parti est divisé : peut-être le député envisage-t-il ce référendum comme une occasion de reprendre la main politiquement en radicalisant le combat contre le colonialisme qui a lancé, dix ans auparavant, sa carrière politique. En définitive, le « oui » l’emporte par 64 % des voix, soit le pourcentage le moins élevé de l’Outre-mer : le « non » n’est majoritaire qu’à Huahine (île d’origine du leader du RDPT), Moorea-Maiao et dans certains districts ruraux de Tahiti. Dans la foulée, le gouverneur décide de suspendre le Conseil de gouvernement sans mettre fin à la crise politique sur le territoire.

Dans la nuit du 10 au 11 octobre 1958, des incendies criminels sont en effet perpétrés à Papeete : le lendemain, plusieurs dirigeants du RDPT, dont Pouvanaa’a Oopa, sont arrêtés et accusés d’avoir fomenté une émeute. Ce dernier est condamné le 21 octobre 1959 par la cour criminelle de la Polynésie française à huit ans de réclusion et quinze ans d’interdiction de séjour pour complicité de tentative de destruction d’édifice et détention d’armes et de munitions. Cette condamnation entraîne la dégradation civique : par une décision du 12 février 1960, le Conseil constitutionnel constate la déchéance de plein droit de sa qualité de membre de l’Assemblée nationale. Pouvanaa’a Oopa est alors incarcéré un an à Marseille avant d’être assigné à résidence dans des maisons de retraite protestantes. Il est libéré en 1966 et l’interdiction de séjour qui le frappait est levée en 1968 par le général de Gaulle.

Jusqu’à la fin de sa vie, le député déchu n’a de cesse de plaider son innocence et d’obtenir sa réhabilitation. Au terme d’un long processus judiciaire, un arrêt du 25 octobre 2018 de la Cour de révision et de réexamen annule l’arrêt de la cour criminelle de Polynésie française : Pouvanaa’a Oopa est donc reconnu innocent à titre posthume des charges ayant pesé sur lui. Parallèlement, de nombreux débats agitent la société polynésienne pour déterminer l’enchainement des faits ayant conduit à sa condamnation. A partir des années 1980, dans le contexte d’une opposition croissante aux essais nucléaires accomplis sur le territoire, l’idée d’un procès politique destiné à éloigner un leader trop influent pour préparer le terrain à l’installation du Centre d’expérimentation du Pacifique a émergé. Toujours populaire dans les années 2010, celle-ci ne résiste pourtant pas à l’épreuve de la chronologie dans la mesure où la décision d’accomplir les essais en Polynésie est postérieure de plusieurs années à l’affaire Pouvanaa. De fait, cette affaire doit être comprise dans le contexte de l’avènement de la Ve République qui se traduit par une volonté de reprise en main des territoires ultramarins, à rebours de l’autonomie mise en œuvre deux ans plus tôt du fait de la loi-cadre Deferre. A cela s’ajoute la coalition de certaines élites locales soucieuses d’assurer la stabilité politique du territoire et leur ascendant politique en éloignant durablement un concurrent gênant.

Bien qu’affaibli par l’âge et la maladie, Pouvanaa’a Oopa reprend une activité politique en devenant sénateur de la Polynésie française de 1971 jusqu’à sa mort en 1977. Il l’emporte à cette occasion face au candidat de l’Union pour la nouvelle République-Union démocratique du travail, Emile Le Caill. Il siège alors dans les rangs de l’Union centriste et des démocrates de progrès et dépose trois propositions de loi visant à donner un nouveau statut d’autonomie à la Polynésie. Durant cette période, son activité parlementaire est cependant réduite en raison, notamment, d’importants problèmes de santé. Outre ses prises de position contre les essais nucléaires en Polynésie et pour l’autonomie du territoire, Pouvanaa’a Oopa prend part à plusieurs scrutins importants : il se prononce ainsi contre l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse en décembre 1974 (pour des raisons liées à ses convictions religieuses), mais il approuve l’abaissement de la majorité à 18 ans et la réforme du divorce instituant le divorce par consentement mutuel.

Combattu politiquement de son vivant, Pouvanaa’a Oopa fait après son décès l’objet d’un large consensus à Tahiti, ce dont témoigne le buste le représentant installé en 1982 face à l’Assemblée territoriale devant l’avenue qui, depuis 2006, porte son nom.