Victor, Henri de Rochefort-Luçay

1831 - 1913

Informations générales
  • Né le 31 janvier 1831 à Paris (Seine - France)
  • Décédé le 1er juillet 1913 à Aix-les-bains (Savoie - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Second Empire - Corps législatif
Législature
IVe législature
Mandat
Du 21 novembre 1869 au 4 septembre 1870
Département
Seine
Groupe
Extrême-gauche
Régime politique
Assemblée Nationale
Législature
Mandat
Du 8 février 1871 au 3 mars 1871
Département
Seine
Groupe
Extrême-gauche
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
IVe législature
Mandat
Du 18 octobre 1885 au 8 février 1886
Département
Seine
Groupe
Extreme-gauche

Biographies

Député au Corps législatif de 1869 à 1870, membre du gouvernement de la Défense nationale, représentant en 1871, député de 1885 à 1886, né à Paris le 30 janvier 1831, fils de Claude-Louis-Marie de Rochefort-Luçay, qui s'occupa de littérature dramatique et donna un grand nombre de vaudevilles sous le nom d'Edmond Rochefort, il fit ses études au collège Saint-Louis, s'essaya à la poésie dès les bancs du collège, et composa pour un concours des jeux floraux une pièce de vers en l'honneur de la Vierge, que ses adversaires se sont donné fréquemment la satisfaction de reproduire.

Après avoir commencé des études médicales qu'il interrompit presque aussitôt, M. Henri Rochefort fut admis, comme expéditionnaire, dans les bureaux de l'Hôtel de ville. Il fut employé, vers la même époque, par Eugène de Mirecourt, à divers travaux, collabora à la seconde édition du Dictionnaire de la conversation, et se consacra définitivement au journalisme. Fondateur en 1858, avec Jules Vallès, de la Chronique parisienne, feuille littéraire qui vécut peu, il donna à plusieurs journaux des comptes-rendus de théâtres, et entra au Charivari. Il remplit pendant quelque temps les fonctions de sous-inspecteur des beaux-arts de la ville de Paris, et quitta cet emploi en 1861 pour se livrer exclusivement à ses occupations littéraires. Il appartint, avec un succès de plus en plus marqué, au Nain Jaune de M. Aurélien Scholl (1863), au Figaro hebdomadaire, au Soleil, où il fut chargé pendant un an de la chronique, à l'Evénement de Villemessant, et au Figaro quotidien ; il s'était fait, d'autre part, au théâtre, une situation comme vaudevilliste, et avait donné aux Folies Dramatiques : Un Monsieur bien mis ; aux Bouffes-Parisiens : Le Petit Cousin, Un premier Avril ; au Vaudeville : les Roueries d'une ingénue, Sauvé, mon Dieu ! La Confession d'un enfant du siècle ; au Palais-Royal : Je suis mon fils, Un homme du Sud, la Foire aux grotesques ; aux Variétés : Une Martingale, Nos petites faiblesses, les Secrets du grand Albert, la Vieillesse de Brididi, etc.

Très assidu à l'Hôtel des Ventes, il y trouva à la fois le sujet d'une pièce, représentée également au Palais-Royal, et la matière d'une série de feuilletons pour le Charivari. Mais bientôt sa collaboration au Figaro, très appréciée du public, et qui jusque-là, s'était bornée à la critique légère des hommes et des choses de la vie parisienne, tourna insensiblement à la satire de plus en plus vive du régime impérial. Le gouvernement n'épargna au Figaro ni les rigueurs administratives ni les condamnations judiciaires : mais la vogue du chroniqueur ne fit que s'accroître, et trois volumes parus sous ce titre général : les Français de la décadence, et formés des principaux articles de M. H. Rochefort, établirent définitivement sa réputation de polémiste.

L'administration exigea son départ du Figaro. M. H. Rochefort songea alors à avoir un journal à lui seul, un organe personnel hebdomadaire : ce fut la Lanterne, qui ne put paraître, l'autorisation préalable ayant été refusée, qu'en vertu de la loi nouvelle sur la presse ; le premier numéro fut lancé le 1er juin 1868, il excita une curiosité universelle. La Lanterne dut lutter contre une série de mesures des plus hostiles de la part du pouvoir. Mais ces rigueurs augmentèrent dans une proportion inouïe le succès de la publication : chaque livraison, dont le tirage était rapidement épuisé, fut réimprimée plusieurs fois. Le onzième numéro de la Lanterne fut saisi, et, l'auteur, traduit devant les tribunaux, se vit condamner à un an de prison, dix mille francs d'amende, un an de privation des droits civils et politiques (13 août 1868) : cette condamnation fut renouvelée pour le numéro suivant. La Lanterne parut dès lors à Bruxelles, et bien que la vente en fût rigoureusement interdite en France, elle continua à avoir dans toute l'Europe une immense circulation, non sans avoir suscité, dans le même format et avec des titres plus ou moins analogues, une multitude de concurrences, de plagiats et de parodies.

Violemment attaqué dans un factum de MM. Stamir et Marchal, l'auteur de la Lanterne s'en prit à l'imprimeur, et se porta sur lui à des voies de fait pour lesquelles il fut encore condamné à quatre mois de prison. Réfugié en Belgique, il eut plusieurs duels avec des adversaires politiques, notamment avec M. Ernest Baroche : précédemment, il s'était rencontré avec un officier espagnol à propos d'un article sur la reine d'Espagne, puis avec le prince Achille Murat et avec M. Paul de Cassagnac.

En 1869, les électeurs radicaux de Paris songeront à poser sa candidature au Corps législatif ; après avoir échoué, le 24 mai, dans la 7e circonscription de la Seine, avec 14 780 voix contre 18 317 à l'élu, M. Jules Favre, il profita de l'option de Gambetta pour les Bouches-du-Rhône, et se représenta dans la 1re circonscription de la Seine, le 22 novembre : il fut élu député par 17 978 voix (34 461 votants, 46 944 inscrits), contre 13 445 à M. Carnot et 2 767 à M. Terme.

Pendant la période électorale, le « lanternier », comme on l'appelait, n'avait pas hésité à rentrer en France, bravant l'exécution des jugements prononcés contre lui. Arrêté à la frontière par l'autorité judiciaire, il reçut, par ordre de l'empereur, un sauf-conduit pour venir à Paris, où il assista à plusieurs réunions radicales et révolutionnaires. Il se déclara pour le mandat impératif. Il accepta d'ailleurs de prêter le serment exigé par la loi, et siégea à l'extrême gauche, à côté de F.-V. Raspail, et en dehors de l'opposition démocratique modérée. Le 3 décembre 1869, il demanda pour la première fois la parole ; on s'attendait à quelque éclat ; il se contenta de réclamer pour la garde nationale les postes militaires du Corps législatif. Il continua d'ailleurs d'organiser et de présider mainte réunion populaire, notamment à Belleville, où il fit décider la fondation d'un journal qui s'intitulerait la Marseillaise, et dont l'administrateur, Millière, le rédacteur en chef, Rochefort, et les principaux rédacteurs furent soumis au vote des assistants. Les polémiques extrêmement vives de ce journal entraînèrent, entre M. H. Rochefort et le prince Pierre Bonaparte (V. ce nom), un échange de provocations, au cours desquelles M. Victor Noir fut tué par le prince, à Auteuil, d'un coup de revolver (10 janvier 1870). À la Chambre, Rochefort monta à la tribune, le lendemain, et fut rappelé à l'ordre après ces paroles : « Je me demande, devant un fait comme celui d'hier, si nous sommes en présence des Bonaparte ou des Borgia. J'invite tous les citoyens à s'armer et à se faire justice eux-mêmes. »

D'un autre côté, la Marseillaise publia une série d'articles violents, à la suite desquelles non seulement le journal fut saisi, mais le rédacteur en chef se vit l'objet d'une demande en autorisation de poursuites présentée à la Chambre par le procureur général. L'autorisation fut accordée à la majorité de 222 voix contre 34, et M. H. Rochefort, traduit devant le tribunal correctionnel (22 janvier 1870), fut condamné par défaut à six mois de prison et 3 000 francs d'amende. L'opposition s'émut et interpella le gouvernement, qui obtint le vote de l'ordre du jour et fit procéder, le soir même, à l'arrestation du pamphlétaire. Il fut conduit à Sainte-Pélagie, fut appelé à déposer (23 mars) devant la Haute Cour de justice de Tours, dans les débats de l'affaire Pierre Bonaparte, fut réintégré dans sa prison, et dut suspendre la publication de la Marseillaise, dont tous les rédacteurs étaient alors incarcérés. Elle reparut au lendemain du 4 septembre, tandis que l'écrivain était appelé à faire partie du gouvernement de la Défense nationale. Il se montra, au début, en parfaire communauté d'idées avec ses collègues, et déclara même, à la suite d'un article du général Cluseret, qu'il restait désormais étranger à la feuille qu'il avait fondée. Il résista aux instances de Flourens qui le pressait de donner sa démission de membre du gouvernement, eut avec M. Félix Pyat, rédacteur en chef du Combat, à propos de la capitulation de Bazaine, un débat personnel des plus vifs, et se retira, après la tentative insurrectionnelle du 31 octobre, où il n'avait joué, d'ailleurs, qu'un rôle très secondaire. Il resta président de la commission des barricades, dont la direction lui avait été confiée le 19 septembre. Puis, le 1er février 1871, il fonda, en vue des élections prochaines pour l'Assemblée nationale, un nouveau journal radical que Louis Blanc lui conseilla d'appeler le Mot d'Ordre.

Elu, le 8 février, représentant de la Seine, le 6e sur 43, par 165,670 voix (328 970 votants, 547 858 inscrits), il se rendit à Bordeaux, prit place à la gauche radicale, vota contre les préliminaires de paix et donna sa démission aussitôt après, pour se rendre à Paris, où il s'occupa de la direction de son journal.

Au début de l'insurrection communaliste du 18 mars, il prit parti pour le comité central, et dirigea contre le gouvernement de Thiers des attaques réitérées, qu'il ne ménagea pas non plus à la Commune. Le Mot d'Ordre ayant cessé de paraître vers le 15 mai, M. H. Rochefort n'attendit pas l'entrée des troupes de Versailles à Paris pour tenter de passer en Belgique ; mais il fut arrêté le 20 mai à Meaux, et conduit à Versailles, où il fut détenu préventivement pendant plusieurs mois. Le 20 septembre, le 3e conseil de guerre le condamna à la déportation dans une enceinte fortifiée. De pressantes sollicitations de Victor Hugo auprès de M. Thiers pour obtenir une commutation de peine restèrent sans résultat : toutefois il ne fut pas embarqué pour la Nouvelle-Calédonie, et le gouvernement se contenta de l'interner au fort Boyard, puis à la citadelle de Saint-Martin de Ré : en novembre 1872, il contracta un mariage in extremis avec Mlle Renaud, dont il avait eu plusieurs enfants et qui mourut quelques jours plus tard.

Après le 24 mai 1873, et malgré de nouvelles démarches de Victor Hugo, M. de Broglie décida que la condamnation dont M. H. Rochefort avait été l'objet serait exécutée. Arrivé à Nouméa le 8 décembre 1873, M. Rochefort se fixa à la presqu’île Ducos, dans la vallée de Numbo; mais on apprit, au bout de quelques mois, qu'il avait réussi, avec MM. Paschal Grousset, O. Paris, Jourde, Baillière et Granthille, à s'évader et à gagner au large un navire américain qui les débarqua à San Francisco (20 mars 1874). Il ne fit qu’un court séjour dans cette ville, se rendit à Londres, puis à Genève, où il reprit la publication de la Lanterne. Bientôt après, il envoya à divers organes français du parti républicain avancé des chroniques et des articles signés soit d'une initiale, soit d'un emblème, soit d'un pseudonyme ; il collabora ainsi à la Lanterne quotidienne de M. Mayer, au Mot d'Ordre, au Rappel, etc. Dans ce dernier journal, il publia trois romans: les Dépravés (1875), les Naufrageurs (1876), et le Palefrenier (1880). Il donna aussi de fréquents articles au journal les Droits de l'Homme, pour lequel il écrivit un nouveau feuilleton, l'Aurore boréale : le journal fut supprimé à cause de lui.

Le nom de M. H. Rochefort revint souvent dans les discussions que provoquèrent les premiers décrets d'amnistie ; toutefois, ses amis n'essayèrent point de poser sa candidature.

À partir de 1879, il avait pris vivement parti contre l'opportunisme préconisé par Gambetta : il apporta bientôt à le combattre la même ardeur qu'il avait mise naguère à attaquer l'Empire. En 1880, quelque temps avant l’amnistie, le fils de M. Rochefort fut, dans une manifestation, maltraité par des gardiens de la paix ; le pamphlétaire en rendit responsable M. Andrieux et provoqua non seulement le préfet de police, mais le beau-frère de celui-ci, M. Kœchlin, avec qui il eut une rencontre (3 juin), près de Coppet, en Suisse : il reçut un coup d'épée dans la poitrine. Le 12 juillet, il rentrait à Paris en vertu de l'amnistie. Sans retard, il s'entendit avec M. E. Mayer pour fonder l'Intransigeant, journal radical, dont il resta depuis le rédacteur en chef et le directeur politique. Il y mena des polémiques qui firent grand bruit, notamment contre le général de Cissey, commandant du 11e corps ; il fut condamné à 4 000 francs d'amende et 8 000 francs de dommages-intérêts. En mars 1881, un article sur la Revanche des Nihilistes lui valut une nouvelle condamnation (1 000 francs d'amende). Au mois de décembre suivant, le procès en diffamation que lui intenta M. Roustan, consul général à Tunis, devant la cour d'assises de Paris, se termina par un acquittement. En octobre 1884, il eut un duel avec M. Fournier, capitaine de frégate, au sujet du traité avec la Chine.

Jusqu'aux élections générales de 1885, M. H. Rochefort avait décliné toute candidature législative : le 4 octobre, L'Intransigeant patronna une liste radicale et socialiste où figurait son rédacteur en chef; celui-ci, qui était porté à la fois par le Cri du Peuple et le « comité central », fut élu, au scrutin de ballottage (18 octobre), le 38e et dernier de la liste, par 249 134 voix (416 886 votants, 564,338 inscrits). Il prit place à l'extrême gauche, avec laquelle il vota dans les premiers temps de la législature, notamment contre les crédits du Tonkin. Personnellement, son principal acte fut la présentation d'une proposition d'amnistie (15 janvier 1886) ; l'urgence fut votée, mais, la proposition elle-même ayant été repoussée dans la séance du 6 février, M. H. Rochefort donna sa démission de député deux jours après.

Il fut remplacé, le 2 mai suivant, par M. Gaulier. Partisan du général Boulanger, alors ministre de la Guerre, il se prononça plus ouvertement encore pour lui en 1888, fit de son journal, au moment de la constitution du parti boulangiste, l'organe officiel de ce parti, et s'attacha étroitement à sa fortune. Ses polémiques furent plus ardentes que jamais contre les principaux représentants de l'opportunisme et du radicalisme.

En avril 1889, il suivit le général Boulanger d'abord à Bruxelles, ensuite à Londres, où il se fixa.

Traduit avec le général et M. Dillon, devant le Sénat constitué en Haute Cour de justice, sous l'inculpation d'un complot « ayant pour but soit de détruire ou de changer le gouvernement, soit d'exciter les citoyens ou habitants à s'armer contre l'autorité constitutionnelle », M. H. Rochefort fut condamné, par contumace, à la déportation dans une enceinte fortifiée, le 14 août 1889. Il continua d'habiter Londres, d'où il envoyait chaque jour son article à L'Intransigeant.


Né le 31 janvier 1831 à Paris, mort le 1er juillet 1913 à Aix-les-Bains (Savoie).


Député au Corps législatif de 1869 à 1870.

Représentant de la Seine en 1871.

Membre du gouvernement de la Défense nationale.

Député de la Seine de 1885 à 1886.

(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. V, p. 173.)


Rochefort, qui a donné sa démission de député en 1886 pour protester contre le refus de la Chambre des députés de voter sa proposition d'amnistie, devient, en 1888, l'un des plus fidèles partisans du général Boulanger, qu'il suit à Bruxelles en avril 1889.

Accusé d'avoir comploté contre le gouvernement, déclaré coupable d'atteinte contre la sûreté de l'Etat par le Sénat constitué en Haute Cour de justice, Rochefort est condamné par contumace, le 14 août 1889 à « la peine de la déportation dans une enceinte fortifiée ».

Bien qu'inéligible, il se présente aux élections générales du 22 septembre 1889, à Belleville, dans le XXe arrondissement de Paris. Au premier tour, il obtient 3.015 voix contre 2.468 à J.-B. Dumay, possibiliste, 2.060 à Sigismond Lacroix, radical-socialiste, 1.356 à Camélinat, socialiste révolutionnaire, et 592 au docteur Susini, blanquiste. Au second tour, Dumay l'emporte par 5.584 voix contre 4.048 à Rochefort.

Si Boulanger est élu, dans l'ensemble du pays le boulangisme est écrasé. A la suite de la publication par Le Figaro d'une série d'articles intitulée « Les coulisses du boulangisme », Rochefort se bat en duel. Accusé d'avoir reçu de l'argent pour soutenir la cause de Boulanger dans l'Intransigeant - dont il est le directeur et auquel il fait parvenir ses articles de Bruxelles ou de Londres, Rochefort est justifié par le témoignage de la duchesse d'Uzès.

Il se rapproche de plus en plus des socialistes. Après la fusillade de Fourmies, le 1er mai 1891, il attaque violemment le ministre de l'Intérieur, Constans. En 1892, il prend parti contre le ministère Loubet et contre la Compagnie minière pour les ouvriers mineurs de Carmaux en grève.

Le 22 juin 1893, la Chambre est saisie d'une demande d'interpellation relative à de « prétendues soustractions de pièces à l'ambassade d'Angleterre ». Lucien Millevoye et Paul Déroulède s'étant associés à l'accusation portée contre Clemenceau et Rochefort d'avoir reçu de l'argent d'une puissance étrangère - et convaincus d'avoir été trompés - donnent sur-le-champ leur démission de député.

L'Intransigeant soutient les candidats socialistes aux élections générales du 20 août 1893. En octobre de la même année, il prend la défense des grévistes du Nord et du Pas-de-Calais condamnés par les tribunaux.


Quelques mois plus tard, deux articles de Rochefort le font condamner par défaut - il est toujours en Angleterre - à deux mois d'emprisonnement. Durant cette période, Rochefort et les chefs du parti socialiste mènent campagne contre « les lois scélérates », contre les scandales de Panama et des chemins de fer du Sud.

A la demande de Millerand et de Jaurès, Rochefort soutient la candidature de Gérault-Richard, rédacteur à la Petite République, directeur d'une feuille satirique, le Chambard, qui vient d'être condamnée pour offense au Président de la République. L'élection de Gérault-Richard, le 6 janvier 1895, est un affront pour Casimir Périer qui démissionne.

A la suite de l'amnistie votée après l'élection de Félix Faure à la présidence de la République, Rochefort rentre en France le 2 février 1895 et est accueilli, gare du Nord, par Jaurès, Viviani et cent mille personnes venues l'acclamer.

En septembre 1895 éclate, à Carmaux, la grève des ouvriers verriers. Au bout de plusieurs mois, cette grève échoue ; des centaines d'ouvriers sont congédiés. Rochefort soutient l'idée d'une verrerie coopérative qui donnerait du travail aux victimes de la grève, aide à trouver les capitaux et, le 25 octobre 1896, il inaugure avec Jaurès la verrerie ouvrière d'Albi. L'année 1896 voit Rochefort polémiquer avec Séverine, journaliste à L'Echo de Paris et à La libre parole. Hostile aux conseils de guerre, Rochefort prend cependant parti contre la révision du procès Dreyfus. Il se félicite de l'acquittement d'Esterhazy. Il attaque Jaurès, Waldeck-Rousseau, et surtout Joseph Reinach - qu'il appelle « Boule de Juif », maniant l’insulte jusqu’à la haine. Le procès en diffamation que lui fait celui-ci lui vaut une condamnation à cinq jours d'emprisonnement qu'il purge à la Santé. Les polémiques auxquelles donne lieu l'affaire l'amènent à se battre en duel avec Gérault-Richard. Il est légèrement blessé.

L'attitude anti-révisionniste et l’antisémitisme virulent de Rochefort ont surpris les historiens. Son patriotisme, à vif depuis 1870, a dérivé en un nationalisme exclusif durant l'Affaire.

Le 10 octobre 1907 paraît le dernier - et 9.948e - article de Rochefort dans l'Intransigeant. Léon Bailby a acquis la majorité des actions du journal et en élimine le fondateur.

Rochefort collabore alors à La Patrie, journal conservateur. Il y donnera des articles jusqu'à sa mort, le 1er juillet 1913, à Aix-les-Bains où il est allé prendre quelques jours de repos. Son enterrement à Paris est, selon sa volonté, purement civil. Il était âgé de 82 ans. Outre ses treize mille articles de journaux - pamphlets ou chroniques - Rochefort a écrit des pièces de théâtre, une vingtaine de vaudevilles, une dizaine de romans et ses mémoires : Retour de la Nouvelle-Calédonie, De Nouméa en Europe et Les aventures de ma vie.

Journaliste infatigable, duelliste impénitent, républicain épris de liberté et de justice sociale, anticlérical, antimilitariste, toujours prêt à se battre pour ses convictions, et à les exprimer jusqu’à l’insulte et l’outrance, exilé, déporté, évadé, Henri Rochefort restera pour l’Histoire « le Prince des polémistes ».