Saïd Boualam

1906 - 1982

Informations générales
  • Né le 2 octobre 1906 à Souk ahras (Algérie)
  • Décédé le 6 février 1982 à Mas-thibert (Bouches-du-Rhône - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 3 juillet 1962
Département
Anciens départements d'Algérie
Groupe
Unité de la République

Biographies

Biographie de la Ve République

BOUALAM (Saïd)
Né le 2 octobre 1906 à Souk-Ahras (Algérie)
Décédé le 6 février 1982 à Marseille (Bouches du Rhône)

Député d’Orléansville de 1958 à 1962

Saïd Boualam fut une figure majeure de l’Algérie française. Son action, tant militaire que politique, incarna une époque de la colonisation. Elle symbolisa aussi l’échec final de cette dernière, et les affres de la guerre d’indépendance. Il fut l’un des personnages-clés de l’administration « musulmane » en Algérie, et reste dans les mémoires le partisan de la tutelle française par excellence, en particulier du fait de son engagement à la tête des troupes supplétives de l’armée durant la guerre d’Algérie. Sa présence au Palais Bourbon entre 1958 et 1962 a marqué les mémoires, ne serait-ce qu’en léguant l’image du député recouvert d’un ample burnous et arborant ses décorations militaires, détonnant sur les bancs de l’Assemblée.
Saïd Boualam naît au début du siècle dans le département de Bône, près de la frontière tunisienne. Sa famille est originaire du massif de l’Ouarsenis, entre l’Algérois et l’Oranais ; elle fait partie de la tribu arabe des Beni Boudouane. Il descend d’une longue lignée de caïds, ces fonctionnaires « musulmans » qui officiaient à la tête des douars, les fractions territoriales des communes algériennes. Il embrasse très tôt la carrière militaire : il étudie dans diverses écoles militaires de France dont celle d’Hippolyte-le-Fort dans le Gard, d’abord en tant qu’enfant de troupe. Il obtient son certificat de fin d’études.
Sa carrière militaire, durant la Seconde guerre mondiale notamment, lui vaut les plus grands honneurs : il reçoit la Croix de guerre 1939-45, la Croix du combattant et la Croix de la valeur militaire. Il est également fait Grand officier de la Légion d’honneur. Son ralliement résolu à la France l’amène à exercer la fonction de caïd après 1945, à la tête du douar des Beni Boudouane dont il est lui-même issu. Les titres d’agha et de bachagha qui lui sont conférés successivement en 1955 et 1956 augmentent son grade mais ses fonctions restent identiques. Ces rapides promotions sanctionnent sans doute son soutien aux troupes françaises en Algérie, depuis les attentats nationalistes de novembre 1954. Saïd Boualam est en effet l’un des premiers notables algériens à organiser des troupes d’autodéfense pro-français, composées de combattants « indigènes ». Les harkas, troupes supplétives de l’armée française sont ensuite organisées à partir du mois de mai 1955. Le bachaga Boualam assume aussitôt le commandement d’une de ces formations de « Musulmans » chargées de contribuer aux opérations de l’armée en Algérie.
Les grandes manifestations du mois de mai 1958 provoquent la chute de la Quatrième République et le retour au pouvoir du général de Gaulle. Les partisans de la présence française en Algérie, regroupés dans les comités de salut public, voient dans le nouveau chef de l’Etat un homme providentiel. Saïd Boualam est de ceux qui se rallient immédiatement au nouveau régime, et entendent par leur action tant politique que militaire contribuer à sauver l’Algérie française. Les élections législatives avaient été ajournées sine die par le gouvernement Guy Mollet en Algérie en 1956 ; le général de Gaulle, dans le cadre d’une politique de normalisation, décide d’en organiser de nouvelles en Algérie au mois de novembre 1958. Les règles de cette consultation sont modifiées par l’ordonnance du 16 novembre 1958 sur l’élection des députés des départements d’Algérie à l’Assemblée nationale. D’abord, le principe du collège unique pour l’ensemble des électeurs d’Algérie est instauré. L’ordonnance prévoit un scrutin de liste majoritaire à un tour, sans panachage ni vote préférentiel. La liste arrivée en tête se voit donc automatiquement accorder l’ensemble des sièges de députés. Par ailleurs, les listes doivent « respecter une certaine proportion entre les citoyens de statut civil de droit commun et les citoyens de statut civil local, afin de permettre une juste représentation des diverses communautés ». Dans la cinquième circonscription, celle d’Orléansville, cette répartition est fixée à un candidat de statut commun, c'est-à-dire un Français d’Algérie, et trois candidats de statut civil local, c'est-à-dire des « Français musulmans d’Algérie ». Saïd Boualam est l’un deux.
Le commandant algérien prend la tête de la liste d’union nationale pour l’intégration et le renouveau (UNIR), qui présente sa candidature à Orléansville près d’Alger. Dans leur profession de foi, les candidats se présentent comme des « hommes nouveaux, compétents, combattants de la première heure » : ils placent résolument leur candidature dans la perspective des manifestations du 13 mai 1958, et se targuent du soutien des « associations patriotiques qui ont efficacement combattu pour l’Algérie française ». Les candidats se prononcent « contre toutes les formes de la subversion, pour la défense de la civilisation française », « pour l’intégration totale et définitive » de l’Algérie à la France. Ils concluent en ces termes : « Voter UNIR, c’est bâtir l’Algérie de demain ! ».
La liste menée par Saïd Boualam n’a pas de concurrent dans le département d’Orléansville. Elle recueille, le 30 novembre 1958, 92% des suffrages. La participation dépasse 70% des inscrits. Le représentant de la cinquième circonscription algérienne s’inscrit au groupe de la Formation administrative des élus d’Algérie et du Sahara (EAS), qui prend à partir du mois de juillet 1959 le nom de groupe de l’Unité de la République (UR). Ce dernier adopte son titre définitif de Regroupement national pour l’unité de la République (RNUR) en 1960. Le commandant algérien est nommé membre de la Commission de la production et des échanges, à laquelle il n’appartient que quelques semaines en octobre 1959. Il est élu vice-Président de l’Assemblée le 10 décembre 1958, puis réélu chaque année jusqu’en 1962. En cette qualité, il préside une vingtaine de séances de l’Assemblée entre 1959 et 1960. Il assume également, à partir de 1959, des responsabilités politiques locales en Algérie : il est élu maire de la commune de Beni Boudouane et conseiller général du département d’Orléansville en 1959. Il participe, la même année, à la fondation du Rassemblement pour l’Algérie française, puis préside en 1960 le Front de l’Algérie française.
Le député d’Orléansville intervient à plusieurs reprises à la tribune du Palais Bourbon, quelques fois à propos de questions fiscales, le plus souvent à propos de la situation algérienne. Le 7 juillet 1959, le bachaga Boualam prend part à la discussion du projet de loi relatif à la réparation de dommages physiques subis en métropole par des Français, à la suite de ce qu’on appelle alors les « événements d’Algérie ». Il s’agit d’indemniser les victimes du Front de libération nationale (FLN) en France, principe que le député d’Orléansville approuve avec enthousiasme. Il précise cependant que « tous ces attentats … n’auraient sans doute pas été perpétrés si les autorités responsables avaient dès l’origine prouvé par des actes clairs et énergiques leur refus d’accepter l’attentat terroriste comme un moyen d’expression politique ». Lui qui a perdu un fils « assassiné par le FLN », refuse absolument « que des assassins puissent un jour participer aux décisions fixant le destin politique de l’Algérie ». Son intervention qu’il conclut en lançant « Vive la France ! » après avoir rappelé son engagement sous le drapeau tricolore et son intention de « mourir Français », est applaudie à de nombreuses reprises. Lors de la séance du 7 décembre 1960, au cours de laquelle est discutée la déclaration du Premier Ministre relative à l’Algérie, il intervient longuement. Il fait part, après sept années de guerre, de son immense déception, « l’affaire algérienne n’ayant fait que s’envenimer depuis l’avènement de la Cinquième République ». Il exprime sa défiance à l’égard du gouvernement qui ne tient aucun compte de « l’adhésion réelle de la population musulmane à un destin français ». Au nom de cette population à laquelle il « s’honore de faire partie », il demande la fin de la guerre que du point de vue militaire la France est en train de gagner en Algérie, et déplore les discussions entamées avec les représentants du gouvernement provisoire algérien. Il fait alors l’éloge de l’armée, qui « n’est pas là pour tuer le plus possible de fellagha » mais pour « garantir la parole de la France qui est aussi celle du général de Gaulle ». Il évoque ses enfants, petits-enfants auxquels il a appris « que leur province était française » et que pour elle « ils pouvaient tout risquer », puis demande enfin au Premier ministre : « Abusé par de vaines promesses, la France m’aurait-elle fait mentir ? Mon droit de Français deviendrait-il contestable ? ». Il s’exprime pour la dernière fois à l’Assemblée nationale le 5 juin 1962, moins d’un mois avant l’indépendance algérienne. Il prend part au débat sur une motion de censure concernant les « affaires algériennes ». Cette intervention, qui sonne comme un adieu, est pour lui l’occasion de livrer une dernière fois son amertume et sa déception. Il demande aux députés : « qu’avez-vous fait de nous ? ». Il revient sur son engagement militaire au service de la France et son combat contre les troupes nationalistes. Il continue : « La rage et le désespoir au cœur, nous avons dû partir … Nous laissions notre sol natal, mais aussi combien d’hommes qui s’étaient battus avec nous ». Il aborde alors le problème de ces soldats algériens engagés aux côtés de la France : « Rappelez-vous ces hommes …. Ces hommes, vous les avez appelés vos frères, vos compatriotes ». Il dénonce « la politique d’abandon » dont ils sont victimes, alors que pèsent sur eux de lourdes menaces de représailles, et appelle le gouvernement à l’action. « Le pouvoir qui est en place depuis quatre ans doit faire face à ce devoir élémentaire d’équité et de justice » continue-t-il, pour conclure : « il s’agit, dans ce désastre, de sauver l’honneur de notre patrie ».
Les votes de Saïd Boualam témoignent de l’ampleur prise, au fur et à mesure de son mandat, par sa défiance à l’égard du pouvoir gaulliste. S’il se prononce en faveur du programme du gouvernement Debré le 16 janvier 1959, il ne prend pas part au vote sur la déclaration de politique générale faite par le Premier ministre le 15 octobre de la même année. Le 3 juin 1959 en revanche, il se prononce en faveur du projet de règlement définitif de l’Assemblée nationale. Puis, le 23 décembre 1959, il ne prend pas part au vote sur le projet de loi concernant l’enseignement privé. Son opposition prend nettement forme au début de l’année 1960 : le 2 février, il vote contre le projet de loi sur les pouvoirs spéciaux attribués au Gouvernement. Le 11 mai 1960, il se prononce contre la modification de la Constitution. Le 27 avril 1962, il émet enfin un vote contraire au programme du gouvernement Pompidou.
Le 3 juillet 1962, le mandat de député français du bachaga Boualam prend fin, avec l’indépendance de l’Algérie. En ce jour, l’ordonnance relative au mandat des députés et sénateurs élus dans les départements algériens et sahariens y met un terme. Il s’installe près d’Arles en 1962 avec l’ensemble des siens. Il publie cette même année Mon pays… la France ! puis l’année suivante Les harkis au service de la France. Il continue à défendre les intérêts des anciens supplétifs algériens de l’armée française, à la tête notamment du Front national des rapatriés français de confession islamique (FNRFCI). A ce titre, il est nommé membre de la Commission nationale chargée de l’étude des problèmes des Français musulmans en 1979. Il décède à Marseille trois années plus tard.