Eugène, Marie, Joseph Sue

1804 - 1857

Informations générales
  • Né le 20 janvier 1804 à Paris (Seine - France)
  • Décédé le 3 août 1857 à Annecy (France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale législative
Mandat
Du 28 avril 1850 au 2 décembre 1851
Département
Seine
Groupe
Montagne

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Représentant du peuple en 1850, né à Paris le 20 janvier 1804, mort à Annecy (Haute-Savoie) le 3 août 1857, « fils de Jean-Joseph Sue, médecin en chef de la garde des consuls, âgé de 43 ans, et de Marie-Sophie Derilly », il eut pour parrain le prince Eugène et pour marraine l'impératrice Joséphine.

Envoyé au lycée Bonaparte, il en sortit à la fin de sa seconde, hésita entre plusieurs carrières, entra chez Gudin pour y apprendre la peinture, étudia la médecine sous la direction de son père, et, gai alors et bon enfant, fut embarqué par son père, comme chirurgien, sur un vaisseau de l'Etat, le Breslau. Ses connaissances médicales étant fort incomplètes, il avoua son incompétence à ses deux aides, qui le suppléèrent dans ses fonctions ; il voyagea ainsi six ans, en Espagne, aux îles, à Toulon, à Brest, à Lorient, aux côtes de Grèce, et assista (1828) à la bataille de Navarin.

Devenu, en 1829, par la mort de son père, possesseur d'une fortune qui s'élevait à près de 40,000 francs de rente, il quitta le service et la médecine, pour vivre largement à Paris, en fils de famille. Cependant une circonstance fortuite, la rencontre, au foyer de l'Opéra, du directeur d'un recueil littéraire (La Nouveauté), qui lui demanda de lui écrire quelques scènes maritimes, le décida à s'essayer dans la littérature : Kernock le pirate fut son premier livre. Il fut beaucoup remarqué, et dès lors, Eugène Sue songea à exploiter le bagage de connaissances et d'observations maritimes qu'il avait rapportées de ses voyages. Il écrivit Plick et Plock (1831), vive et piquante peinture des mœurs des matelots, et immédiatement après Atar Gull (1831), la Salamandre (1832), la Coucaracha (1832-1834), la Vigie de Koatven (1833). Proclamé le Cooper français et décidément adopté par le public, il voulut se livrer à une étude plus sérieuse de la marine, travailla aux archives du ministère, et donna (1835-37) une intéressante Histoire de la marine française, dont le succès pourtant fut médiocre : on préférait le romancier à l'historien. Les relations qu'il devait à son désintéressement, la grande vie qu'il menait, les salons qu'il fréquentait le poussèrent à peindre les mœurs élégantes de la société aristocratique. Ses premiers romans avaient témoigné d'une imagination puissante, amoureuse de l'étrange, du pathétique, de l'horrible. Il commença de se débarrasser de son exagération dans le Marquis de Letorière (1839), le Morne au diable (1842), et y renonça tout à fait, sur les conseils de son confrère Félix Pyat, dans Mathilde (1841), un des plus grands succès littéraires de l'époque. En même temps, il abordait l'histoire avec Latréaumont et Jean Cavalier.

Jusque-là, il n'avait fait que de l'art pour l'art, en gentilhomme de lettres, mais la trahison d'une femme qu'il adorait, la ruine complète de sa fortune (1840) le jetèrent dans un scepticisme amer ; il se retira en Sologne, « se lança dans le monde d'en bas comme il s'était lancé dans le monde d'en haut, et vécut de la vie populaire, démocrate d'imagination d'abord, et bientôt de conviction ». Les Mystères de Paris (1842) révélèrent alors la nouvelle doctrine sociale, philanthropique et humanitaire du romancier. On y trouva une étonnante facilité d'invention, une grande habileté de mise en scène, et une recherche heureuse des effets dramatiques et pathétiques. La vogue du roman fut immense : on s'arrachait les numéros du Journal des Débats dans lequel il parut. Devenu définitivement socialiste, Eugène Sue fut, à partir de cette publication, un des écrivains préférés du parti démocratique. Le Juif errant, qui vint ensuite (1844-45), fut payé cent mille francs par le Constitutionnel.

En 1848, la publication du Républicain des campagnes et du Berger de Kravan, sorte de manifeste révolutionnaire, acheva de cimenter l'union d'Eugène Sue avec l'école socialiste, et, le 28 avril 1850, en remplacement de Vidal, qui avait opté pour le Bas Rhin, le romancier populaire fut élu représentant de la Seine à l’Assemblée législative, par 127,812 voix (250,609 votants, 328,460 inscrits), contre 119,726 à M. Leclerc, négociant et monarchiste. Il siégea à la Montagne, vota constamment avec ce groupe politique, protesta contre le coup d'Etat de L.-N. Bonaparte, alla se constituer lui-même prisonnier au fort de Vanves, bien que L.-Napoléon l'eût rayé de la liste des représentants à arrêter, et s'exila volontairement en Savoie.

Il y écrivit un grand nombre de romans pour le journal le Siècle, qui s'était assuré exclusivement sa collaboration, et mourut à Annecy de la rupture d'un anévrisme. « Là, a écrit Félix Pyat, cet enfant du privilège, né, comme dit l'Anglais, une cuiller d'or à la bouche, cet enfant chéri du succès, ce gâté de la fortune, ce favori du monde et de la mode, doué de tous les dons de la fée et de la muse, ayant brisé toutes ses chaînes d'or, sacrifié au devoir honneurs et richesses, tout, même son droit de patrie, ce grand esprit, ce grand cœur, sans ambition ni avarice, dévoué corps et biens, converti à la démocratie avant la victoire, accepta persécution et calomnie, s'imposa exil et travail, fidèle à sa nouvelle foi jusqu'à la mort, résistant même à l'amnistie impériale, mort sur la terre étrangère, plus constant que ceux qui n'avaient eu que la peine de naître peuple, finissant comme cet autre égalitaire, Lamennais, finissant plus bas encore, oui, plus bas même que la fosse commune, dans celle des suppliciés. » (Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg, 1888).

Parmi les très nombreux ouvrages d'Eugène Sue, il faut encore citer : Thérèse Dunoyer (1842), Martin ou l'enfant trouvé (1847), les Sept péchés capitaux (1847-49), les Mystères du peuple, ou Histoire d'une famille à travers les âges (1849-56), les Enfants de l'amour (1850), la Bonne aventure (1851), Gilbert et Gilberte (1853), le Fils de famille (1856), les Secrets de l'oreiller, roman posthume (1857). Au théâtre il a donné, avec Goubeaux : Latréaumont (1840), la Prétendante (1841), les Pontons (1841), Pierre le Noir (1842), les Mystères de Paris (1842); Mathilde, avec Félix Pyat (1842); le Morne au diable, le Juif errant, avec Desnoyers, etc.