Charles, Victor Beslay

1795 - 1878

Informations générales
  • Né le 4 juillet 1795 à Dinan (Côtes-du-Nord - France)
  • Décédé le 30 mars 1878 à Neufchâtel (Suisse)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
IIe législature
Mandat
Du 5 juillet 1831 au 25 mai 1834
Département
Morbihan
Groupe
Extrème gauche
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 21 juin 1834 au 3 octobre 1837
Département
Morbihan
Groupe
Extrème gauche
Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 23 avril 1848 au 26 mai 1849
Département
Morbihan
Groupe
Républicain modéré

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Fils du député Charles Hélène Bernardin Beslay, député de 1831 à 1837, représentant du peuple à l'Assemblée constituante de 1848, né à Dinan (Côtes-du-Nord) le 4 juillet 1795, mort à Neufchâtel (Suisse), le 30 mars 1878, il fut d'abord négociant à Dinan, puis se livra à l'étude des sciences, et travailla quelque temps comme ingénieur, puis entrepreneur de travaux publics, comme son père. Adjudicataire d'une section du canal de Nantes à Brest, percée par des bagnards venus de Brest et de Belle-Ile, il parvint à les apaiser lorsqu'en juillet 1830, ils désarmèrent leurs gardiens et marchèrent sur Pontivy . Il les reconduisit au camp de Glomel et les remit à l'ouvrage avec la promesse d'une amnistie et d'une amélioration de leur condition.

Ce fut son principal titre pour se porter candidat à la Chambre des députés, le 5 juillet 1831, dans le 5e collège du Morbihan (Pontivy), alors que son père fut réélu député des Côtes-du-Nord. Elu, il siégea à l'extrême gauche et s'associa à tous les votes de l'opposition démocratique ; son mandat lui fut renouvelé le 21 juin 1834, par les mêmes électeurs, avec 115 voix sur 162 votants et 220 inscrits : le général Fabre n'avait obtenu contre lui que 39 voix. En même temps, il entrait au conseil général du Morbihan. N'ayant pas été réélu en 1837, il vint à Paris et s'établit dans le quartier Popincourt, pour y installer, avec l'ingénieur des ponts-et-chaussées Jacques Joseph Frimot, des ateliers de construction de chaudières à vapeur tubulaires de leur invention, qui venaient malheureusement d'être refusées par la Marine au profit de modèles anglais, en dépit du soutien d'Arago. Il tenta d'y appliquer le système coopératif d'association dont il était partisan. En 1842, il fut nommé inspecteur du travail des enfants dans les manufactures.
Le gouvernement provisoire de 1848 fit de Charles Beslay son commissaire général dans le Morbihan ; ce département l'élut à l'Assemblée constituante, le 1er sur 12, par 95,282 voix sur 105,877 votants et 123,200 inscrits. Républicain modéré, et d'opinion incertaine sur la plupart des questions, il vota plus souvent avec la droite qu'avec la gauche, soutint le général Cavaignac, et se prononça, par exemple :

- le 26 mai 1848, contre le bannissement de la famille d'Orléans;
- le 31 juillet, pour l'ordre du jour contre la proposition Proudhon, consistant à s'emparer du tiers des fermages, des loyers, des intérêts de capitaux, dans un double but d'intérêt et de crédit, (cet ordre du jour déclarait que la proposition était « une atteinte odieuse aux principes de la morale publique ») ;
- le 9 août, contre le rétablissement du cautionnement ;
- le 26 août, pour les poursuites intentées à Louis Blanc ;
- le 1er septembre, pour le rétablissement de la contrainte par corps;
- le 18 septembre, contre l'abolition de la peine de mort;
- le 25 septembre, contre l'impôt progressif;
- le 21 octobre, contre l'abolition du remplacement militaire;
- le 2 novembre, contre le droit au travail;
- le 25 novembre, pour l'ordre du jour de félicitations à Cavaignac;
- le 27 décembre, pour la suppression de l'impôt du sel ;
- le 12 janvier 1849, pour la proposition Rateau;
- le 16 avril, pour les crédits de l'expédition de Rome;
- le 18 mai, contre l'abolition de l'impôt des boissons.

Beslay avait gardé, dans les derniers temps de la session, une neutralité à peu près complète à l'égard du prince président et de son gouvernement ; membre du comité du travail, il s'était, d'autre part, prononcé en toute occasion contre le socialisme.

Non réélu à l'Assemblée législative de 1849, il s'occupa de nouveau d'industrie et d'économie politique, et se rallia, du moins en partie, aux doctrines particulières de Proudhon, qu'il avait contribué naguère à repousser et à « flétrir », comme membre de l'Assemblée constituante.
Ch. Beslay a raconté lui-même, dans une autobiographie, l'origine de ses relations avec le polémiste franc-comtois : « En sortant un jour du ministère des finances, par une pluie battante, j'aperçois M. Proudhon qui attendait à la porte la fin de l'averse. Il n'avait pas de parapluie et j'avais le mien. C'était l'heure de l'ouverture de la Chambre... » Beslay offrit son parapluie, Proudhon lui dit à brûle-pourpoint : - Vous ne vous occupez probablement pas de questions de banques de crédit? Ces questions-là sont si négligées chez nous.
- Au contraire, ce sont celles qui m'intéressent le plus. J'ai passé ma vie dans les affaires, et les questions de finance, de crédit et de banque m'ont toujours sérieusement préoccupé.
- Eh bien, que pensez-vous de ma Banque du peuple ?

- Vous me permettez, mon cher collègue, d'être sincère? Je suis breton, et je ne dis que ce que je pense. J'ai lu très attentivement les statuts de votre Banque du peuple, et pour moi, elle n'est pas née viable... »
Proudhon se récria, entreprit de convaincre son interlocuteur, et n'y réussissant guère tout d'abord, prit rendez-vous avec lui pour le lendemain. Ils dînèrent ensemble chez M. Audiffred, juge au tribunal de commerce, et ce fut le début d'une liaison qui dura jusqu'à la mort de Proudhon.
Beslay se mit quelque peu en avant, au coup d'Etat du 2 décembre 1851, parut à la mairie du Xe arrondissement, et réunit dans sa maison quelques protestataires sous la présidence du représentant Joly, mais il ne joua qu'un rôle politique assez effacé jusqu'aux dernières années de l'Empire. Un projet de banque d'escompte, dans lequel il perdit sa fortune, l'occupa durant cette période; il se fit aussi affilier à l'Association internationale des travailleurs, et prit part à ses premiers travaux.

A la nouvelle de la déclaration de guerre en 1870, il voulut, âgé alors de 75 ans, s'engager comme volontaire dans un régiment de ligne, mais le mauvais état de sa santé l'obligea à s'abstenir. Il reparut après le 4 Septembre, se déclara en faveur d'une politique républicaine plus accentuée que celle du gouvernement de la Défense, et tenta vainement, le 8 février 1871, de se faire élire représentant à l'Assemblée nationale.

Après le 18 Mars, il fit partie de la Commune de Paris, comme élu du VIe arrondissement. Il présida la première séance en qualité de doyen d'age, le 29 mars, mais ne tarda pas à se trouver en désaccord avec le plus grand nombre de ses collègues, opina contre toutes les mesures révolutionnaires, et, préposé sur sa demande, le 11 avril, à la conservation de la Banque de France, se conduisit de telle sorte, que M. Thiers, « en considération des services rendus par lui au crédit public, » lui permit de quitter la France, après la défaite de la Commune, sans être inquiété.

Il se retira en Suisse, où il publia, en 1873, sous ce titre : Mes souvenirs (1830-1848-1870), un volume assez curieux déjà cité plus haut. Rappelant, dans un des chapitres, son séjour à Paris comme député sous Louis-Philippe, il en vient à parler de la majorité que Guizot menait avec « l'arrogance d'un maître et la morgue d'un parvenu. Un jour, cette majorité n'ayant pas compris quelle était la volonté du ministre dans une question, émit un vote absolument contraire au programme ministériel. En entendant prononcer le résultat du scrutin, M. Guizot se retourne irrité vers le centre et dit à mi-voix : Tas d'imbéciles !- Ils n'ont pas entendu, M. le ministre, lui dis-je, voulez-vous que je leur transmette votre compliment ? - Non M. Beslay, me dit-il, je vous en prie. - N'importe! répliquai-je, je n'oublierai pas le mot. »

Dans le même ouvrage, Charles Beslay déclare qu'il n'a été personnellement pour rien dans l'instruction de son procès, à la suite de la Commune, et dans l'ordonnance de non-lieu rendue en sa faveur, et qu'il n'a jamais chargé son fils de faire à cet égard aucune démarche. Ce fils, M. François Beslay, du parti conservateur, a été le fondateur (1er août 1868) du journal le Français, sous la haute direction du duc de Broglie et de l'évêque d'Orléans.