Marguerite, Elie Guadet

1755 - 1794

Informations générales
  • Né le 20 juillet 1755 à Saint-Emilion ( - Généralité de Bordeaux France)
  • Décédé le 17 juin 1794 à Bordeaux (Gironde - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 22 janvier 1792 au 7 février 1792
Présidence de l'Assemblée nationale
du 18 octobre 1792 au 1er novembre 1792

Mandat(s)

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale législative
Mandat
Du 1er septembre 1791 au 20 septembre 1792
Département
Gironde
Groupe
Gauche
Régime politique
Révolution
Législature
Convention nationale
Mandat
Du 2 septembre 1792 au 17 juin 1794
Département
Gironde
Groupe
Girondins

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député en 1791, membre de la Convention, né à Saint-Émilion (Généralité de Bordeaux) le 20 juillet 1755, exécuté à Bordeaux (Gironde) le 15 juin 1794, fils d'un jurat de Bordeaux, il étudia le droit, fut avocat à Bordeaux, et embrassa avec ardeur les principes de la Révolution.

En 1789, sa jeunesse seule l'empêcha d'être élu député du tiers aux états généraux ; affilié aux sociétés libérales, se prodiguant généreusement pour défendre la cause du peuple, il devint administrateur du département de la Gironde (16 juillet 1790), fut élu président du tribunal criminel du département (28 mars 1791), puis, le 1er septembre 1791, député de la Gironde à l'Assemblée législative, le 6e sur 12, par 244 voix sur 484 votants.

Il se fit admettre, dès son arrivée à Paris au club des Jacobins, et prit dans l'Assemblée une situation prédominante due à la véhémence de ses discours, moins éloquents sans doute que ceux de Vergniaud, mais mieux faits pour influencer les masses et les dominer. Il se prodigua à la tribune, soutint Couthon demandant la suppression des titres de sire et de majesté, et l'adoption d'un cérémonial plus en rapport avec la dignité de l'Assemblée (5 octobre 1791) ; quelques jours plus tard (18 octobre), il dénonça le ministre de la Justice « qui relâchait les aristocrates et détenait les patriotes » ; il participa à l'adoption des décrets de novembre, appuyant, le 28 octobre, la motion de Brissot qui enjoignait à Monsieur de rentrer en France dans le délai de 2 mois ; demandant, huit jours après, que les émigrés fussent déclarés suspects de conjuration, et condamnés à mort s'ils n'étaient pas rentrés dans le royaume au 1er janvier 1792, que leurs biens fussent mis sous séquestre et que la nation en perçût les revenus ; il proposa, le 25 novembre, d'interdire aux prêtres non assermentés les édifices servant aux cultes autorisés, de donner aux directoires des départements l'autorisation de les exiler, enfin de vendre, au bénéfice du Trésor, les monuments religieux désormais inutiles. Il demanda l'amnistie pour les Suisses révoltés de Châteauvieux.

Il présidait l'Assemblée, le 14 janvier 1792, lorsque Gensonné exposa les menées de l'Autriche et la conjuration des émigrés et des frères du roi. Abandonnant le fauteuil, il se précipita à la tribune :

« Apprenons à tous ces princes, cria-t-il, que la nation est résolue à maintenir sa constitution tout entière ou à périr tout entière avec elle. » Les tribunes acclamèrent l'orateur et crièrent : « Vivre libre ou mourir ! la Constitution ou la mort ! »

Guadet continua :

« Oui, nous mourrons tous, plutôt que de permettre qu'il soit porté une seule atteinte à notre liberté ! Je propose de décréter à l'instant même que la nation regarde comme infâme, traître à la patrie, coupable du crime de lèse-nation, tout agent du pouvoir exécutif, tout Français qui prendrait part soit directement, soit indirectement, à un congrès dont l'objet serait d'obtenir une modification à notre constitution, ou une médiation entre la France et les rebelles. Et marquons d'avance une place aux traîtres, et que cette place soit l'échafaud ! »

Au nom de la liberté, la proposition fut adoptée à l'unanimité. Le succès de ce discours mit en évidence le député girondin et ses amis, dont le renvoi de Narbonne avait allumé les colères. Après les violentes accusations portées par Guadet, Vergniaud et Brissot contre de Lessart, dont ils demandaient la mise en jugement à propos des affaires d'Avignon, l'accession de ce parti au pouvoir parut certaine. De là, le ministère du 15 mars 1792.

Mais les événements se succédèrent, et les Girondins n'attendant plus rien de la monarchie allèrent à la République. Guadet avait prévu cette évolution ; malgré Vergniaud et Gensonné, il avait demandé, le 3 mai, que le roi eût un confesseur patriote ; le 16, il fit supprimer le million accordé aux frères du roi; le 29 mai, il vota la déportation des prêtres non assermentés; le 30, il réclama le licenciement de la garde royale et la mise en accusation de son chef, le duc de Brissac, et, le 4 juin, la formation d'un camp de fédérés sous Paris ; il s'associa aux regrets de l'Assemblée, lorsque le roi eut renvoyé le ministère girondin, après avoir refusé de sanctionner les décrets. Après les événements du 20 juin, La Fayette étant venu à la barre de l'Assemblée demander la répression des violences commises contre le roi, Guadet l'accusa à son tour :

« Je ferai observer à M. de La Fayette, dit-il, qu'il manque à la Constitution en se faisant l'organe d'une armée légalement incapable de délibérer, et que probablement aussi il a manqué à la hiérarchie des pouvoirs militaires en venant à Paris sans l'autorisation du ministre de la Guerre. »

Profitant de l'impopularité qui commençait à rejaillir sur La Fayette et du départ de Dumouriez pour le camp de Maulde, les Girondins résolurent de faire une dernière tentative auprès du roi. Guadet présenta le projet de message et signa, avec Gensonné et Vergniaud, la lettre fameuse où étaient exposées les idées de la Gironde, et qui, retrouvée aux Tuileries, dans l'armoire de fer, devait servir plus tard contre eux. Il accepta même une entrevue secrète qui se prolongea fort avant dans la nuit et où sa sensibilité de méridional fut émue un instant par le spectacle du Dauphin endormi. Ces démarches n'eurent d'ailleurs aucun résultat, la cour ayant déconseillé au roi de faire les concessions demandées.

D'autre part, la journée du 10 août enleva aux Girondins leurs dernières espérances de transaction. Vergniaud, Guadet et Gensonné, qui présidèrent ce jour-là successivement l'Assemblée, demandèrent que le roi fût seulement suspendu de ses fonctions. La Montagne réclamait la déchéance ; si elle ne fut pas effectivement votée, l'emprisonnement du roi par la Commune fut une solution que la future Convention n'eut plus qu'à sanctionner. La Gironde se sentit débordée. Guadet avait obtenu, le 30 août, la dissolution de la Commune de Paris; mais le lendemain, l'Assemblée rapporta ce décret.

Guadet était devenu membre du tribunal de cassation, lorsqu'il fut réélu à la Convention par le département de la Gironde, le 2e sur 10, avec 570 voix sur 686 votants (5 septembre 1792). Guadet, comme Vergniaud, Barbaroux et Louvet, attaqua avec véhémence les députés de Paris, principalement Robespierre et Marat. La Montagne accusa à son tour les Girondins de vouloir livrer Paris à l'invasion étrangère et rompre l'unité nationale en faisant des 83 départements de la France autant de petits Etats distincts. Les aveux naïfs de Brissot et de Buzot, qui ne trouvaient rien de répréhensible au système fédératif, furent exploités contre eux.

Le procès de Louis XVI acheva de dévoiler les hésitations des Girondins. Guadet se déclara partisan de l'appel au peuple : au 3e appel nominal il répondit :

« C'est comme membre d'un tribunal national que j'ai jusqu'à présent procédé dans l'affaire de Louis. C'est en la même qualité que je vais procéder dans son jugement. Louis est coupable de conjuration contre la liberté et d'attentat contre la sûreté générale de l'Etat ; j'ai posé ainsi la question et l'Assemblée l'a adoptée. J'avais posé la question sur le code pénal ; je n'ai plus qu'à l'ouvrir; j'y vois la peine de mort. Mais en la prononçant, je demande, comme Mailhe, qu'après avoir exercé les fonctions nationales judiciaires, la Convention me permette d'examiner si le jugement peut être exécuté de suite ou retardé. Je vote, quant à présent, pour la mort. »

Sur la 4e question, il demanda que l'on sursît à l'exécution.

Après avoir donné l'élan au mouvement révolutionnaire, la Gironde n'avait plus l'énergie de le combattre ou l'audace de le devancer. Danton, à ce moment, tenta de fusionner les deux partis. Mais Barbaroux déclara qu'il ne pouvait y avoir aucune alliance « entre le vice et la vertu », et Guadet, ayant accusé Danton de concussion et repoussé ses avances, s'attira cette réplique : « Tu veux la guerre, tu auras la mort ! » En effet, le 9 mars, quand Guadet voulut appuyer la proposition de Lanjuinais, des menaces et des cris de mort accueillirent ses paroles.

La défection de Dumouriez servit de prétexte à la bataille décisive qui devait s'engager entre la Gironde et la Montagne. Robespierre accusa Guadet et Vergniaud d'avoir entretenu des relations criminelles avec le traître. Guadet répliqua éloquemment en adressant à Danton le même reproche. On l'applaudit encore. Il en profita pour demander que les députés ne fussent plus inviolables et pour réclamer des poursuites contre Marat. Dix jours après (24 avril), Marat était acquitté et ramené en triomphe, et 35 sections de Paris adressaient à l'assemblée une pétition tendant à l'expulsion de 22 députés Girondins. Cette demande ne fut pas accueillie, non plus que celle de Guadet proposant de réunir à Bourges les députés suppléants ; cependant, sur la motion de Barrère, la Convention nomma un comité de 12 membres chargés de veiller à sa sûreté (18 mai).

Le 27, les Jacobins se proclamèrent en insurrection contre « les députés corrompus ». Le comité des 12, composé de Girondins, ne sut pas tenir tête à l'orage, ni empêcher les événements du 31 mai et du 2 juin. Sous la pression des sections, la Convention vota la suppression de la commission et l'arrestation de vingt-neuf députés Girondins et de deux ministres, Clavière et Lebrun. Guadet s'enfuit dans le Calvados où Brissot, Louvet et Barbaroux vinrent le rejoindre.

Ils cherchèrent à soulever le pays, mais ils ne réussirent qu'à agiter quelques départements, et leur petite armée, commandée par Wimpfen, fut bientôt dissipée. Alors ils se réfugièrent à Saint-Émilion, où habitait la famille Guadet. Guadet, qui avait déjà été recherché dans la maison de son père, et contre qui on avait dressé des chiens pour le mieux chasser, finit par s'y réfugier. Le 15 juin 1794, on le trouva caché dans le grenier de la maison avec son collègue Salles; leurs pistolets ratèrent; sans cela, on ne les eût pas pris vivants.

Arrêtés, ils furent conduits à Bordeaux, devant une commission militaire qui n'eut qu'à constater leur identité. « Bourreaux, faites votre office, dit Guadet ; allez, ma tête à la main, demander votre salaire aux tyrans de ma patrie. Ils ne la virent jamais sans pâlir; en la voyant abattue, ils pâliront encore. » Un roulement de tambours couvrit ses paroles et il fut exécuté.

Son père, son frère, sa belle-sœur, sa tante, et d'autres qui avouèrent avoir connu la présence des proscrits, montèrent sur l'échafaud un mois après.

Date de mise à jour: novembre 2019