Pierre, Victurnien Vergniaud

1753 - 1793

Informations générales
  • Né le 31 mai 1753 à Limoges ( - Généralité de Limoges - France)
  • Décédé le 31 octobre 1793 à Paris (Département de Paris - France )

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 30 octobre 1791 au 15 novembre 1791
Présidence de l'Assemblée nationale
du 10 janvier 1793 au 24 janvier 1793

Mandat(s)

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale législative
Mandat
Du 31 août 1791 au 20 septembre 1792
Département
Gironde
Groupe
Gauche
Régime politique
Révolution
Législature
Convention nationale
Mandat
Du 5 septembre 1792 au 31 octobre 1793
Département
Gironde
Groupe
Girondins

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député en 1791, membre de la Convention, né à Limoges (Généralité de Limoges, France) le 31 mai 1753, mort à Paris (Département de Paris) le 31 octobre 1793, « fils de sieur Pierre Verniau (sic) et de Catherine Baubiat », il fut confié de bonne heure par son père, fournisseur des vivres du régiment de cavalerie en garnison à Limoges, aux soins d'un savant jésuite qui lui fit faire d'excellentes humanités.

Vergniaud termina ses études au collège du Plessis à Paris, et alla faire son droit à Bordeaux. Protégé par Turgot et par l'avocat général Dupaty, il devint, en 1781, avocat au parlement, et fut bientôt au premier rang du barreau bordelais.

La révolution de 1789, dont les débuts furent salués par lui avec enthousiasme, vint ouvrir à son talent une plus vaste carrière. Nommé par la ville de Bordeaux administrateur de la Gironde, puis, le 28 mars 1791, directeur du jury au tribunal criminel du département, il fut élu (31 août 1791) député de la Gironde à l'Assemblée législative, le 4e sur 12, par 259 voix (515 volants).

Vergniaud prit place sur les bancs de l'opposition, et parut hésiter entre le principe monarchique, qu'il ne voulait pas abandonner ouvertement, et les idées démocratiques auxquelles il faisait plus d'une concession. Six jours après l'ouverture de la session, il enleva les applaudissements de ses collègues par un discours où il demandait la suppression des mots sire et majesté.

La question des émigrés, vivement débattue, lui fournit de beaux développements oratoires ; il soutint que les simples particuliers qui avaient passé la frontière pour se joindre aux ennemis de la France devaient être punis par la perte de leurs biens, et les officiers suivant les rigueurs du code pénal.

Quant aux frères de Louis XVI, il s'écria : « La loi est claire, vous avez juré de la maintenir; je craindrais de vous outrager en vous disant que votre négligence même serait un parjure. On parle de la douleur profonde dont le roi sera pénétré : Brutus immola des enfants criminels à sa patrie ! »

Vergniaud fut porté à la vice-présidence le 16 octobre, et, le 31, à la présidence, il occupait encore le fauteuil lorsque le ministre de la Justice après avoir informé l'Assemblée que le roi refusait sa sanction au décret contre les émigrés, voulut expliquer les motifs de ce refus. Le président lui fit remarquer qu'il opinait dans la question, ce qui était contraire à l'esprit de la Constitution, et la parole fut retirée au ministre.

Après que le ministère feuillant eut été remplacé par des ministres girondins, Vergniaud cessa son rôle d'opposant, mais pour le reprendre bientôt (13 juin 1792), lors de la destitution de Roland, de Clavière et de Servan.

Le 18 juin, il blâma la conduite du général La Fayette qui avait adressé une lettre presque menaçante à l'Assemblée. Le 20 juin, Dumolard ayant proposé implicitement la proclamation de la loi martiale. Vergniaud s'élança à la tribune, rappela les souvenirs sanglants du Champ-de-Mars et conjura l'Assemblée de ne pas imiter la Constituante en imprimant à son histoire une tache ineffaçable.

Il n'épargna pas alors ses attaques au ministre et au roi lui-même. Le 3 juillet, il n'hésita pas à invoquer le texte de la Constitution, portant que le monarque serait censé avoir abdiqué la royauté s'il ne s'opposait pas par un acte formel aux entreprises armées dirigées contre la nation, et il donna à entendre que le temps était venu d'appliquer cette disposition.

On connaît sa fameuse apostrophe :
« Ô roi, qui sans doute avez cru avec le tyran Lysandre que la vérité ne valait pas mieux que le mensonge, et qu'il fallait amuser les hommes par des serments, comme on amuse les enfants avec des hochets ; qui n'avez feint d'aimer les lois que pour conserver la puissance qui vous servirait à les braver ; la Constitution, que pour qu'elle ne vous précipitât pas du trône, où vous aviez besoin de rester pour la détruire; la nation que pour assurer le succès de vos perfidies, en lui inspirant de la confiance ; pensez-vous nous donner le change sur la cause de nos malheurs par l'artifice de vos excuses et l'audace de vos sophismes ?... »

Toutefois, il ménagea Louis XVI dans ses conclusions et se borna à demander que la patrie fût déclarée en danger, et que les ministres fussent rendus responsables des troubles intérieurs et de toute invasion du territoire. C'est que, au moment même où l'orateur girondin tonnait ainsi à la tribune, une lettre de Vergniaud, de Gensonné et de Guadet était secrètement remise au roi : le triumvirat s'engageait à sauver Louis XVI s'il consentait à reprendre pour ministres Roland, Clavière et Servan. Les négociations échouèrent. Toutefois, jusqu'au 10 août, Vergniaud et ses amis, effrayés de l'ascendant que prenaient les Jacobins, modérèrent leur langage et leurs actes. Dans la journée où éclata le mouvement insurrectionnel, Vergniaud, Guadet et Gensonné présidèrent successivement l'Assemblée : ce fut Vergniaud qui prononça la déchéance du roi. Le lendemain, il adressa à la Commune de Paris une lettre par laquelle il mettait les Suisses vaincus et menacés sous la sauvegarde du peuple de la capitale. Le 2 septembre, lorsqu'on apprit la prise de Longwy et de Verdun, Vergniaud demanda que le peuple en masse travaillât aux retranchements de la capitale : « C'est aujourd'hui, s'écria-t-il, que Paris doit vraiment se montrer dans toute sa grandeur ! Hommes du 14 juillet et du 10 août, c'est vous que j'invoque... Vous avez chanté, célébré la liberté, il faut la défendre... Il n'est plus temps de discourir, il faut piocher la fosse de nos ennemis, ou chaque pas qu'ils font en avant pioche la nôtre... »

Les massacres des prisons l'attristèrent profondément.

Elu, le 5 septembre 1792, député de la Gironde à la Convention, le 1er sur 12, par 480 voix (671 votants), il fut nommé secrétaire de la nouvelle assemblée avec Brissot, Guadet, Condorcet, et se montra dès le début très opposé au parti de la Montagne. Le 10 octobre, il fut élu membre du premier comité de Constitution.

Ardent à attaquer Marat, Danton et la Commune de Paris, il se trouva, lors du procès du roi, dans une position embarrassante. Il inclina d'abord vers l'appel au peuple ; puis, cette mesure ayant été rejetée, il se prononça pour la mort. Il quitta le fauteuil de la présidence, qu'il occupait depuis le 11 janvier 1793, pour motiver son vote en ces termes :
« J'ai voté pour que le décret ou jugement qui serait rendu par la Convention nationale fût soumis à la sanction du peuple. Dans mon opinion les principes et les considérations politiques de l'intérêt le plus majeur en faisaient un devoir à la Convention. La Convention nationale en a décidé autrement. J'obéis : ma conscience est acquittée. Il s'agit maintenant de statuer sur la peine à infliger à Louis. J'ai déclaré hier que je le reconnais coupable de conspiration contre la liberté et la sûreté nationales. Il ne m'est pas permis aujourd'hui d'hésiter sur la peine. La loi parle : c'est la mort ; mais en prononçant ce mot terrible, inquiet sur le sort de ma patrie, sur les dangers qui menacent même la liberté, sur tout le sang qui peut être versé, j'exprime le même vœu que Mailhe, et je demande qu'il soit soumis à une délibération de l'assemblée. »

Malgré ces dernières paroles il rejeta le sursis. Enfin, ce fut lui qui, en qualité de président, eut à prononcer la sentence : il le fit en ces termes :
« Citoyens, je vais proclamer le résultat du scrutin. Vous allez exercer un grand acte de justice ; j'espère que l'humanité vous engagera à garder le plus profond silence : quand la justice a parlé, l'humanité doit avoir son tour. »

Il lut le recensement des votes et ajouta :
« Je déclare, au nom de la Convention nationale, que la peine qu'elle prononce contre Louis Capet est la mort. »

Toutefois Vergniaud ne put regagner la confiance du parti populaire qu'il s'était aliéné par sa démarche de juillet 1792 auprès du roi. Les intrigues de Brissot et la trahison de Dumouriez vinrent encore aggraver la situation des Girondins qui s'efforcèrent de représenter leurs adversaires comme des hypocrites d'égalité.

La Montagne se défendit avec acharnement et devint agressive à son tour. Le 31 mai, Vergniaud fit d'habiles et vains efforts pour sauver ses amis et lui-même ; la commission des Douze fut renversée, et, le 2 juin, un décret d'arrestation fut rendu contre 22 députés. Prisonnier sur parole, Vergniaud n'essaya point d'échapper par la fuite et se présenta devant le tribunal révolutionnaire, où il prononça ce mot célèbre : « La Révolution est comme Saturne : elle dévore ses enfants ! » Condamné à mort le 30 octobre, il ne voulut pas se servir du poison que lui avait donné Condorcet ; il monta le lendemain sur l'échafaud, et mourut avec courage.

Napoléon Ier a fait placer sa statue au Sénat ; la ville de Bordeaux a donné son nom à l'une de ses rues.