Benjamin Constant

1767 - 1830

Informations générales
  • Né le 25 octobre 1767 à Lausanne (Canton de Vaud - Suisse)
  • Décédé le 8 décembre 1830 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Seconde Restauration - Chambre des députés des départements
Législature
IIe législature
Mandat
Du 25 mars 1819 au 17 août 1822
Département
Sarthe
Groupe
Opposition libérale
Régime politique
Seconde Restauration - Chambre des députés des départements
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 25 février 1824 au 5 novembre 1827
Département
Seine
Groupe
Opposition libérale
Régime politique
Seconde Restauration - Chambre des députés des départements
Législature
IVe législature
Mandat
Du 17 novembre 1827 au 16 mai 1830
Département
Bas-Rhin
Groupe
Opposition libérale
Régime politique
Monarchie de Juillet - Chambre des députés
Législature
Ire législature
Mandat
Du 23 juin 1830 au 8 décembre 1830
Département
Bas-Rhin
Groupe
Indépendant

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Membre du Tribunat, député de 1819 à 1822, et de 1824 à 1830, né à Lausanne (Canton de Vaud, Suisse) le 25 octobre 1767, mort à Paris (Seine) le 8 décembre 1830, descendait d'une famille française et protestante qui s'était expatriée au début du XVIIe siècle. Son père avait été officier au service de la Hollande ; une lettre de Voltaire, avec qui il correspondait, apprend qu'en septembre 1772, il était colonel à Huningue. Benjamin Constant resta à Lausanne jusqu'à l'âge de 13 ans, puis entra dans des universités d'Angleterre et d'Allemagne.

Après une équipée de jeunesse en Angleterre, il fut attaché par son père, comme chambellan, à la cour de Brunswick, et y épousa une fille d'honneur de la duchesse ; quatre ans après, les époux divorçaient, et Benjamin Constant vint se fixer à Paris. Il se lia avec le parti républicain, et fit l'apologie du Directoire dans une brochure sur la Force du gouvernement actuel de la France (1797), brochure qui fut insérée au Moniteur.

Après le 18 fructidor, il sollicita de Barras (lettre du 27 mars 1798) une sorte de candidature officielle :
« Le dévouement sans bornes que j'ai cherché à vous prouver, écrivait-il, ne me paraît pas encore légitimer ma demande. Mais si vous croyez que ma conduite, depuis que je me suis attaché au sort de la République, la manière dont j'ai combattu la réaction lorsque vous seul osiez résister à Carnot dans le Directoire, me rendait digne de cette place, j'ai la confiance que vous voudrez bien m'appuyer de votre influence. Je serai toujours ce que j'ai tâché d'être, lorsque vous avez, le 18 fructidor, sauvé la République et la liberté du monde. »

Le sceptique Barras fut peu touché sans doute de cet enthousiasme naïf, et Constant ne fut pas député. Il continua d'écrire, demanda et obtint la réintégration, dans le titre et la qualité de Français, des protestants français d'origine, frappés par la révocation de l'édit de Nantes, publia Des réactions politiques et Des effets de la Terreur, devint l'orateur du cercle constitutionnel de la rue de Lille, opposé au club de Clichy, et où se réunissaient les républicains modérés, et, à la création du Tribunat (nivôse an VIII), fut appelé par le premier consul à faire partie de cette assemblée. Il s'y montra un des membres les plus ardents de l'opposition indépendante, combattit l'établissement des tribunaux spéciaux, parla en faveur du jury, et travailla à la rédaction définitive du code civil. Il était encouragé dans son opposition par Mme de Staël, à qui il s'était alors attaché ; aussi fut-il compris dans la première élimination de 1802, avec Chénier, Daunou, Ginguené, etc.

« Vous avez été épurés, disait-on aux tribuns restants. »

« Dites écrémés, » répartit Mme de Staël.

Exilés tous les deux par ordre de Napoléon (1803), ils se retirèrent d'abord en Allemagne, notamment à Weimar, où Constant se lia avec Schiller, Gœthe, Wieland et Herder, fut nommé membre de l'académie de Gœttingue, et traduisit en vers français le Wallenstein de Schiller. Il lui fut bientôt permis de rentrer en France ; on le revit peu de temps à Paris; il se fixa à Coppet, chez Mme de Staël. Sur ces entrefaites, celle-ci étant devenue veuve (1807), Constant lui demanda de l'épouser : mais elle refusa, « ne voulant pas, répondit-elle, en changeant de nom, dérouter l'Europe ». Constant, de dépit, retourna en Allemagne, où il épousa une veuve, cousine du prince de Hardenberg. Vers la même époque, il entra en relations avec Bernadotte, alors prince royal de Suède, et fut décoré par lui de l'Etoile polaire ; il publia aussi l'Esprit de conquête et d'usurpation dans leurs rapports avec la civilisation actuelle (1814), et rentra en France avec les Bourbons. Par l'entremise de Mme Récamier, la reine de Naples lui confia le soin de défendre ses intérêts au Congrès de Vienne.

Au point de vue politique, la monarchie constitutionnelle semblait devoir satisfaire, en principe, ses aspirations libérales ; il se flatta, dans le Journal des Débats, d'arriver à l'alliance durable de la dynastie avec les intérêts nés de la révolution. Aussi le brusque retour de l'île d'Elbe, en renversant ses rêves, excita sa colère ; dans les Débats du 19 mars 1815, il traita Bonaparte « d'Attila, de Gengis-Kan plus terrible, plus odieux encore ».
« Je n'irai pas, disait-il ensuite, misérable déserteur, me traîner d'un pouvoir à l'autre, couvrir l'infamie par le sophisme, et bégayer des paroles profanées pour racheter une existence honteuse. »

À l'approche de l'empereur, il partit pour Nantes, avec le dessein de gagner les Etats-Unis. Mais le souvenir de Mme Récamier ne lui permit pas de dépasser Nantes ; au bout de huit jours, il était de retour à Paris, et, le surlendemain de son arrivée (14 avril 1815), l'empereur, libéral par nécessité, le faisait appeler près de lui, pour lui demander un projet de constitution. Constant sortit de cette entre vue complètement gagné à la cause impériale, et fut nommé, peu de jours après (20 avril 1815), conseiller d'Etat ; ce fut lui qui rédigea, entre autres, l'article 26 de l'Acte additionnel aux Constitutions de l'empire, article « portant qu'aucun discours écrit, excepté les rapports des commissions, ne pourrait être lu dans l'une ou l'autre des Chambres. »

Waterloo vint mettre fin à ce nouveau rêve constitutionnel, et bien que, dès le 26 juillet 1815, Constant eût écrit à Talleyrand « qu'il offrait son sincère dévouement au gouvernement du roi », le gouvernement du roi ne s'empressa pas de l'accepter.

Constant se rendit en Angleterre, et y publia Adolphe, sorte de roman de ses propres aventures. Il revint en France en 1816, lança, contre les ultras, son livre : Des moyens de rallier les partis en France, collabora au Mercure, fut un des fondateurs de la Minerve, fit des conférences à l'Athénée, et se présenta en 1818 aux élections législatives à Paris ; le ministère fit échouer sa candidature de quelques voix.

Mais, l'année suivante, il fut, le 25 mars 1819, élu député par le collège de département de la Sarthe, avec 667 voix (1 051 votants, 1 490 inscrits). Il siégea dans l'opposition libérale, se posa en défenseur de la Charte, combattit la loi contre la liberté de la presse, et les lois d'exception, et prit part à toutes les grandes discussions de la législature. Son duel (juin 1822), avec M. Forbin des Issarts ( Voy. ce nom), fut dû à une polémique de presse.

Réélu, le 25 février 1824, dans le 4e arrondissement de Paris, par 737voix (1 355 votants et 1 475 inscrits), contre M. Acloque, 593 voix, il vit son élection contestée à cause de sa nationalité suisse : « Venez, écrivait-il, le 27 mars, à Casimir Perier. La circonstance est grave et sera unique, car toute ma destinée en dépend. » L'élection fut validée, et Benjamin Constant reprit contre le pouvoir, à la tribune et dans la presse, sa campagne de publiciste libéral et de doctrinaire engoué de popularité, aspirant, selon la formule de l'école, à « un gouvernement quelconque, avec la plus grande somme possible de garanties individuelles, et le moins possible d'action administrative. »

Aux élections du 17 novembre 1827, il fut nommé dans deux collèges, à Paris où il réunit 1 035 voix sur 1 188 votants et 1 291 inscrits, et à Strasbourg, dans le 2e arrondissement électoral du Bas-Rhin, qui lui donna 124 voix sur 243 votants et 268 inscrits, contre 108 voix à M. Humann, député sortant.

Dans ces deux législatures il prit la parole contre les lois de tendance, du sacrilège, du droit d'aînesse, de « justice et d'amour » dirigée contre la presse, et dans tous les débats importants. Le caractère de son opposition est bien résumé dans cette phrase d'un de ses discours d'alors :

« Entre la monarchie absolue et la monarchie constitutionnelle, la différence est dans le fond; entre la République et la monarchie constitutionnelle, la différence est dans la forme. »

Il fut des 221, et obtint sa réélection, le 23 juin 1830, par 201 voix sur 275 votants et 296 inscrits, contre M. Frédéric de Turkheim, 66 voix.

Les ordonnances de Juillet le jetèrent dans l'opposition dynastique, sans grand enthousiasme, car le 30 au soir, découragé par les tergiversations du duc d'Orléans, comme Laffitte lui disait :

« Eh ! Eh ! que deviendrons-nous demain ? »

« Demain, répondit-il, nous serons pendus! »

À cette époque, il était aussi tourmenté de soucis d'argent, et vieux, malade, infirme, passait ses nuits dans les maisons de jeu. Il contribua à l'avènement de Louis-Philippe, accepta du nouveau roi un don de trois cent mille francs, tout en protestant « que la liberté passe avant la reconnaissance », et fut appelé à la présidence du Conseil d'Etat.

Réélu, par suite de cette dernière nomination, le 21 octobre 1830, par 208 voix sur 237 votants et 279 inscrits, il mourut moins de deux mois après.

Le jour des obsèques, quelques jeunes gens voulurent porter le cercueil au Panthéon ; ils en furent empêchés, et un député ayant proposé peu après à la tribune d'accorder à Benjamin Constant ce suprême honneur, ne put réunir la majorité.

On a de lui, outre les ouvrages déjà cités, un grand nombre de publications politiques et littéraires, parmi lesquelles La Religion considérée dans sa source, ses formes et ses développements (1824) tient le premier rang.