Jean, Antoine Lafargue de Grangeneuve

1751 - 1793

Informations générales
  • Né le 4 décembre 1751 à Bordeaux ( - Généralité de Bordeaux - France)
  • Décédé le 21 décembre 1793 à Bordeaux (Gironde - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale législative
Mandat
Du 3 septembre 1791 au 20 septembre 1792
Département
Gironde
Groupe
Gauche
Régime politique
Révolution
Législature
Convention nationale
Mandat
Du 6 septembre 1792 au 21 décembre 1793
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Girondins

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député en 1791, membre de la Convention, né à Bordeaux (Généralité de Bordeaux, France) le 4 décembre 1751, exécuté à Bordeaux (Gironde) le 21 décembre 1793, « fils légitime de Jean-Pierre Lafargue de Grangeneuve, avocat, et de Marie Chastang, » il fut reçu avocat au parlement de Bordeaux le 25 juillet 1791.

Il adopta avec ardeur les idées de la Révolution, fut nommé, en 1789, substitut du procureur de la commune de Bordeaux, et fut élu, le 3 septembre 1791, député de la Gironde à l'Assemblée législative, le 11e sur 12, par 193 voix (390 votants). À l'occasion de cette élection, Bernadau dit de lui dans ses Tablettes manuscrites : « Homme de loi qui portera à Paris le véritable cachet des cadets de Gascogne. » Il ne tarda pas à se signaler, dès la première séance, demandant la suppression des titres de « sire » et « majesté », en démontrant que le roi et le Corps législatif étaient deux pouvoirs souverains indépendants l'un de l'autre, mais égaux, et que rien par conséquent de ce que l'un s'attribuait ne devait être refusé à l'autre.

Le 1er janvier 1792, au nom du comité de surveillance, il présenta un rapport contre les émigrés, pour lesquels il réclamait des mesures sévères, attaqua les frères du roi « qui avaient fui devant la justice du peuple », et blâma énergiquement « les procédés obséquieux, les attitudes de courtisans qui dégradent les citoyens, mènent à la bassesse et accoutument, même font prendre goût à l'esclavage ».

Au mois de février suivant, il accusa le ministre de la Marine de trahir la France au profit de la royauté et soutint Dubois-Crancé contre le ministre de la Guerre. En revanche, Jourdan Coupe-Têtes trouva grâce devant lui, ainsi que les massacreurs d'Avignon et les soldats de Chateauvieux révoltés à Nancy, qu'il couvrit d'éloges. Le premier, il parut à l'Assemblée coiffé du bonnet rouge.

À quelque temps de là, il eut, avec son collègue Jouneau, une querelle qui ne se termina point à l'honneur du député bordelais. À la suite d'un mot blessant et de voies de fait, un duel avait été décidé. Mais, sur le terrain, au lieu de croiser le fer, Grangeneuve se précipita sur son adversaire et le frappa violemment. L'affaire alla devant les tribunaux et se termina par la condamnation de Grangeneuve. On a raconté de lui que, vers le 10 août 1792, Chabot et Grangeneuve, en présence de Bazire, convinrent de s'entre-assassiner dans les environs des Tuileries, espérant que leur mort serait attribuée aux royalistes et fournirait au peuple un motif pour se soulever. Grangeneuve alla courageusement au rendez-vous et attendit vainement Chabot, qui avait trouvé bon sans doute de se conserver pour une meilleure occasion. À partir de ce moment, les idées de Grangeneuve se modifièrent ; sa tenue même fut plus correcte.

Le 6 septembre 1792, élu par le département des Bouches-du-Rhône, membre de la Convention, le 4e sur 10, avec 372 voix (674 votants), il répondit, dans le procès de Louis XVI, au 3e appel nominal :

« Vous avez décrété hier que votre décision sur le sort de Louis ne serait pas soumise à la sanction du peuple ; vous avez donc décidé que vous prononceriez souverainement. Quelque indéfinis que soient mes pouvoirs, je n'y trouve point, je ne puis pas même y supposer le pouvoir extraordinaire d'accuser, de juger et de condamner souverainement à la mort l'individu détrôné depuis cinq mois. Je suis bien sûr au moins que je n'ai jamais accepté cette prétendue fonction ; et s'il se pouvait qu'on me démontrât que telle a été l'intention secrète de mes commettants, je saurai toujours, et cela me suffit, qu'il n'a jamais été dans la mienne de m'en charger. Je ne puis d'ailleurs me dissimuler qu'à ce jugement criminel souverain participeraient un grand nombre de nos collègues qui ont manifesté, avant le jugement, des sentiments incompatibles avec l'impartialité d'un tribunal, et qu'on a mis en œuvre autour de nous tous les moyens d'influence possibles pour arracher à la Convention nationale une sentence de mort. Dans de semblables circonstances, je ne pourrai moins que jamais accepter et exercer le pouvoir criminel souverain qu'on nous attribue. Réduit à prendre uniquement des mesures de sûreté générale, je déclare que s'il m'était démontré que la mort seule de Louis pût rendre la république florissante et libre, je voterais pour la mort ; mais comme il est au contraire démontré à mes yeux que cet événement peut amener les plus grands maux, sans produire un avantage réel ; que jamais la liberté d'un peuple n'a dépendu de la mort d'un homme, mais bien de l'opinion publique et de la volonté d'être libre, je ne voterai pas pour la mort. Fussé-je même du nombre de ceux qui pensent qu'il y a autant de danger à laisser vivre Louis qu'à le faire mourir, la prudence me commanderait encore de rejeter les mesures irréparables, pour qu'on puisse, dans toutes les circonstances, opposer aux projets de nos ennemis ou son existence ou sa mort. Je suis d'avis de la détention. »

Grangeneuve prit place parmi les Girondins, défendit l'inviolabilité des membres de l'Assemblée, et accusa la Montagne de vouloir instituer une nouvelle tyrannie.

Compris dans la liste de proscription du 2 juin 1793, il se réfugia à Bordeaux et chercha à y vivre caché.

Mis hors la loi, le 18 juillet, il fut dénoncé en décembre par le menuisier chez qui il s'était réfugié ; arrêté le 21, et, le même jour, condamné par une commission militaire qui lui reprocha notamment de « s'être lâchement caché dans une tanière pour se soustraire à la poursuite des républicains », il fut exécuté quelques heures après.

La ville de Bordeaux a donné son nom à l'une des rues du quartier des Chartrons.