Léon Daudet

1867 - 1942

Informations générales
  • Né le 16 novembre 1867 à Paris (Seine - France)
  • Décédé le 2 juillet 1942 à Saint-rémy-de-provence (Bouches-du-Rhône - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
XIIe législature
Mandat
Du 16 novembre 1919 au 31 mai 1924
Département
Seine
Groupe
Indépendants

Biographies

Né à Paris le 16 novembre 1867, mort à Saint-Rémyde-Provence (Bouches-du-Rhône), le 2 juillet 1942.

Député de Paris de 1919 à 1924.

Léon Daudet était d'origine provençale par son père, l'illustre auteur de Tartarin de Tarascon et des Lettres de mon moulin, bretonne et tourangelle par sa mère.

Il fit des études secondaires brillantes, d'abord au Lycée Charlemagne, puis à Louis-le-Grand, où il fut condisciple de Joseph Bédier, de Paul Claudel, de Marcel Schwob. En rhétorique, il emporta le premier accessit de composition française au Concours général. En philosophie, sous l'influence de son professeur, Burdeau, il s'enthousiasma pour la doctrine de Kant qu'il vitupérera plus tard en la qualifiant d'école de la paralysie mentale et en affirmant qu il n'est mitrailleuse ou mortier qui porte aussi loin et fasse autant de ravages.

Chez son père, alors au faîte d'une gloire dont on ne mesure peut-être plus exactement aujourd'hui l'éclat, il eut l'occasion de rencontrer tout ce qui comptait dans le Paris littéraire et artistique de l'époque : Flaubert, Tourgueniev,. les frères Goncourt, Jules Lemaître, Anatole France, Paul Bourget, François Coppée, José-Maria de Heredia, Pierre Loti, Rodin, Mallarmé, Reynaldo Hahn,. d'Annunzio, Whistler..

En 1885, il entreprend des études de médecine qui lui permettent d'accomplis son « volontariat » comme aide-major en 1887. Mais il renoncera à les poursuivre, après avoir échoué à l'internat dans des conditions qu'il estime injustes. Il réglera sans ménagements ses comptes avec le monde médical et ses « patrons » dans Les Morticoles, livre à clefs qui connaîtra, en 1894, un vif succès de scandale.

Ce fils bien doué d'un père illustre avait de surcroît épousé en 1891 la jeune fille la plus célèbre de France : Jeanne Hugo, petite-fille du poète, celle-là même dont tout Français apprend dès qu'il sait lire qu'elle fut un jour mise au pain sec. Le mariage, uniquement civil, avait fait scandale. Sa femme l'introduisit dans la bonne société républicaine où sa famille évoluait, la mère de celle-ci ayant épousé en secondes noces Lockroy, député et ancien ministre radical, grand ami de Maquet et de Clemenceau. Malgré la naissance d'un fils, Charles, en 1892, le ménage se brise et le divorce est prononcé en 1895. Du même coup, Léon Daudet rompt avec le milieu républicain.

Pendant plusieurs années, il mène une vie fort agitée, marquée notamment par une liaison notoire et tapageuse avec une chanteuse de l'Opéra, Lucienne Breval.

En 1903, il se remarie avec sa cousine germaine, Marthe Allard, dont il aura trois enfants, Philippe, François et Claire. Sa seconde femme exercera sur lui une influence très profonde. Elle le ramène au catholicisme et contribue pour beaucoup à sa conversion aux doctrines royalistes et nationalistes de Charles Maurras.

A cette époque, Léon Daudet est déjà fort connu. Il a publié une douzaine de volumes, romans et essais, et collabore plus ou moins régulièrement à La libre parole, au Germinal de Pascal Grousset, au Soleil, au Figaro. Il appartient depuis 1896 à l'Académie Goncourt. Fort érudit, curieux de tout, causeur brillant, il est passionné de littérature et de musique : de Wagner d'abord, dont il se déprendra, pour revenir à Beethoven, puis devenir un des premiers admirateurs de Debussy. C'est aussi un bon vivant. Gastronome attentif, il est doué d'un formidable appétit, qui, joint au mépris qu'il professait pour les exercices physiques - « le sport ne m'a jamais intéressé » - lui valut, assez vite, une corpulence excessive.

Ses opinions politiques ne paraissent pas, d'abord, très fermement assurées. En 1889, au moment de la crise boulangiste, il avait pris parti pour la République avec autant de fougue qu'il en mettra plus tard à la combattre. Cependant, il s'était inscrit à la Ligue antisémite de Drumont dès sa fondation. Le 4 janvier 1895, il assiste, avec Barrès, à la dégradation de Dreyfus et il soutiendra plus tard que l'impression fâcheuse produite sur lui par le condamné (« il paraissait plus spectateur qu'acteur de cette effroyable cérémonie dont le sens semblait lui échapper ») a déterminé son attitude ultérieure. Quoi qu'il en soit, son antisémitisme ne se démentira jamais ; il connaîtra même,. notamment sous le gouvernement de Léon Blum, en 1936, des périodes paroxystiques. Cependant, il se différenciera toujours de la frénésie hystérique de Drumont et de tant d'autres. Outre que Daudet avait, comme il est de règle, ses « bons juifs » (Georges Mandel par exemple ou son ancien condisciple, Marcel Schwob) il tentait, au moins, de raisonner sa passion, de l'intégrer dans une doctrine politique : « la démocratie est le milieu qui rend pathogène et toxique le microbe juif qui, sans elle, serait demeuré inoffensif ou à peu près. » C'est vers 1904 qu'il commence à s'intéresser à l'Action Française, dont l'organe est alors une modeste revue bimensuelle. En 1908, grâce à des capitaux fournis pour une bonne part par sa femme et par lui-même, l'Action Française devient un quotidien. Il en sera le rédacteur en chef, jusqu'en 1917, puis le codirecteur, avec Charles Maurras. Pendant trente ans, il y publiera presque chaque jour des articles qui sont autant de pamphlets et de réquisitoires souvent pleins de verve, toujours violents, parfois outranciers (ils lui vaudront, d'ailleurs, une douzaine de duels). Leur succès sera d'emblée considérable auprès des lecteurs. Sans doute, quelques romans fort audacieux, comme l'Astre noir (1893) ou Suzanne (1897) étaient-ils peu faits pour lui attirer l'estime et l'audience d'une clientèle traditionaliste et catholique. Mais, comme le disait la marquise de Mac-Mahon, « nous faisons crédit au polémiste ; quant au romancier, nous l'ignorons, c'est un autre homme. »

En 1913, Daudet publie un livre « d'études et documents sur l'espionnage juif-allemand en France depuis l'affaire Dreyfus ». Cet ouvrage contient bon nombre d'affirmations aventurées, d'accusations gratuites, ce qui ne saurait surprendre quand on sait que l'auteur posait en principe que « tout Allemand naturalisé est suspect, et que tout Allemand vivant en France est nécessairement un espion ». Mais il valut à Daudet une grande réputation d'intransigeance patriotique et de clairvoyance. D'abord parce que certains des renseignements qu'il fournissait devaient se révéler exacts ; à cause aussi, sans doute, du caractère prophétique que l'événement devait bientôt donner à son titre même : l'Avant Guerre.

Au moment où le conflit qu'il avait annoncé éclate, Daudet n'est pas à Paris. Il a quitté la ville, craignant qu'on ne cherche à l'abattre en représailles de l'assassinat de Jean Jaurès que beaucoup imputaient, à tort, à l'Action Française. Au cours de ce voyage, il reçoit dans un accident d'automobile une blessure à la tête qui le dissuade de s'engager. Il demeurera donc à sa table de rédacteur en chef de l'Action Française, et se servira de la tribune que lui offre son journal pour dénoncer et pourchasser sans trêve ni répit les traîtres, les défaitistes et tous ceux qu'il baptise les « embochés ». On l'appelait le « procureur du Roy », le « préfet de police in partibus ». Il se flattera plus tard d'avoir fait condamner 43 espions ou agents de l'Allemagne au prix de procès dont, en 1926, il estimait le nombre entre 350 et 400. Là encore, il accuse souvent à tort et à travers, reproduisant sans les contrôler les dénonciations que lui adressaient des « informateurs » trop bien intentionnés, et à plusieurs reprises, il est contraint de se rétracter. Il n'en a pas moins joué un rôle déterminant dans la fameuse affaire du Bonnet rouge. Il mena à cette occasion contre le Ministre de l'Intérieur radical Malvy une virulente campagne de presse qui finit par le contraindre à démissionner, le 31 août 1917.

Daudet ne cesse pas pour autant ses attaques, et à la fin de septembre il adresse au Président de la République une lettre dont le président du Conseil Painlevé devait, quelques jours plus tard, donner lecture devant une Chambre houleuse. Daudet y accusait formellement Malvy d'avoir fait renseigner le commandement allemand sur le projet d'attaque du Chemin des Dames et d'avoir fomenté les mutineries de juin 1917. L'enquête devait révéler par la suite que ces accusations étaient sans fondement, Malvy ayant certes péché par légèreté et incurie, mais sans jamais commettre aucun acte de trahison caractérisée. L'affaire n'en donna pas moins lieu à des débats passionnés, qui marquèrent la fin de l'Union sacrée et la désagrégation de la majorité qui soutenait le Cabinet Painlevé. Celui-ci fut mis en minorité le 13 novembre 1917 à propos d'une interpellation relative d'ailleurs aux « persécutions » qu'il avait fait subir à l'Action Française. Il devait être remplacé par le Ministère Clemenceau, auquel les socialistes ne participaient pas.

Daudet s'en prit également à Joseph Caillaux, et fut pour beaucoup dans son arrestation, opérée . en janvier 1918.

Cependant, il soutenait fermement Clemenceau, oubliant qu'il avait naguère encore tiré sur lui à boulets rouges le traitant de « ganache » (1915), de « démolisseur » (1916), de « sinistre vieux » (1917). Quant à Malvy, renvoyé devant le Sénat constitué en Haute Cour, il fut condamné à cinq ans de bannissement. Ce fut un triomphe pour Daudet, qui avait été longuement entendu comme témoin. Les élections générales législatives du 16 novembre 1919 se soldèrent par un demi-échec pour les royalistes. Tenus. à l'écart du Bloc National, ils présentèrent leurs propres candidats avec l'espoir d'en faire entrer une centaine au Palais-Bourbon. Trente à peine furent élus. A Paris, il n'y en eut qu'un seul : Léon Daudet lui-même, tête de la liste « d'Action française et d'Union nationale » du 3e secteur (16e arrondissement). Encore fût-ce de justesse, -puisque des quatorze candidats proclamés élus c'est lui qui obtint, et de loin, le plus petit nombre de voix : 19.691 (sur 186.015 suffrages exprimés) alors que le moins favorisé, après lui, Ferdinand Buisson, en a 37.790, et qu'Emmanuel Evain, tête de la liste d'Entente républicaine, de tendance conservatrice et catholique, en compte 77.772.

A la Chambre, il siège à l'extrême-droite, parmi les quelque trente députés proches de l'Action française, qui prirent le nom d'Indépendants. Malgré cet isolement relatif, il allait se faire entendre, en se montrant, comme le dit l'historien américain Eugen Weber dans son ouvrage sur l'Action française « le plus puissant porte-parole du nationalisme extrémiste, en un temps où le nationalisme extrémiste était fort à la mode ». Là encore, son talent de polémiste le servit. Son à propos, sa verve caustique, sa violence même le rendaient redoutable. Surtout, il est vrai, dans l'interruption et l'apostrophe, car, de l'aveu même de l'un de ses biographes, pourtant fort bien disposé à son égard, M. Paul Dresse, il était « moins attachant dans les grands développements ».

Quoi qu'il en soit, il se posa vite en chef de file de l'opposition de droite. Dès la formation du cabinet Millerand, le premier de la législature, il attaque. Il interpelle le Gouvernement pour cri. tiquer l'attribution du portefeuille de l'Intérieur au radical Théodore Steeg, qu'il accuse d'une part d'être d'origine allemande, d'autre part d'être le tuteur d'un enfant naturel que Malvy aurait eu d'une « espionne » allemande. L'opération était habile, car les catholiques du groupe de l'Entente conservaient une méfiance profonde pour quiconque se réclamait du radicalisme, et ils furent nombreux à s'abstenir dans le vote de confiance. Daudet avait marqué un premier point. Il ne devait pas s'en tenir là, et son action de harcèlement se poursuivit sans relâche.

Ses interventions sont innombrables. C'est, notamment, un interpellateur infatigable. Au cours de la seule année 1920, par exemple, il interpelle le Gouvernement à cinq reprises. D'abord, comme nous l'avons déjà rappelé, sur l'attribution du portefeuille de l'Intérieur à Steeg ; puis « sur les mesures à prendre pour empêcher le retour de grèves politiques et révolutionnaires nuisibles au redressement du pays » ; puis « sur les moyens à employer pour mettre fin aux attentats révolutionnaires contre la Nation » ; « sur la démission du Ministre de la Guerre, André Lefèvre » ; et enfin « sur les facilités accordées aux agents allemands et bolcheviks pour pénétrer en France ». Ceci sans compter de très nombreuses interventions sur le budget, et dans des discussions relatives aux réparations, au rétablissement d'une ambassade auprès du Saint Siège, etc.

Mais il faudra attendre 1922 pour que Daudet et ses amis puissent inscrire à leur actif un succès parlementaire important.

On sait qu'en janvier de cette année là, à Cannes, Aristide Briand, alors Président du Conseil et Ministre des Affaires étrangères, cédant aux instances de Lloyd George, hostile au principe même des réparations mises à la charge de l'Allemagne par le traité de Versailles, avait consenti à la convocation d'une Conférence internationale, qui devait se tenir à Gênes en mars, en réunissant sur un pied d'égalité complète les représentants des Alliés, ceux de l'Allemagne et ceux de la Russie soviétique. C'était, semblait-il, le premier pas vers une amputation de la dette allemande. L'émotion fut très vive dans les milieux politiques français. Le Président de la République, Millerand, télégraphia à Briand pour lui demander des explications. Ce qui, d'ailleurs, lui sera par la suite âprement reproché. Mais c'est Daudet qui porta l'estocade, en développant, à propos de la fixation de l'ordre du jour de la Chambre, une véritable interpellation.

L'Action Française put ainsi se targuer d'avoir provoqué la démission de Briand, et son remplacement par Poincaré, qui devait se refuser à toute concession sur les réparations et, le 11 janvier 1923, occuper la Ruhr. C'est au cours de son mandat de député que s'est abattue sur Léon Daudet l'épreuve atroce qui devait le marquer profondément et assombrir toute la fin de sa vie : la mort de son fils Philippe. Sans entrer dans les arcanes de cette affaire dont certains détails demeurent aujourd'hui encore fort mystérieux, rappelons-en brièvement les grandes lignes. Philippe Daudet avait quatorze ans. Fugueur récidiviste, il avait disparu depuis plusieurs jours quand, le 24 novembre 1923, un taxi l'amena à l'hôpital Lariboisiére. Selon les dires du chauffeur, Bajot, il venait dans la voiture, de se tirer une balle dans la tête. L'enfant mourut sans avoir repris connaissance. On apprit bientôt, à la stupeur générale, qu'il avait passé les dernières heures de sa vie en compagnie d'anarchistes, qu'il s'était- notamment rendu au journal le Libertaire, et dans la boutique d'un certain Le Flaouter, qui cumulait les « qualités » de libraire spécialisé dans la pornographie, d'anarchiste notoire et... d'indicateur de police. Ne pouvant croire au suicide de son fils, Léon Daudet fut toute de suite convaincu qu'il s'agissait d'un « crime policier » . Selon lui, la police « aux ordres des francs-maçons » aurait abattu le petit Philippe chez Le Flaouter, afin de se venger de son père et de tenter de le compromettre dans une affaire scandaleuse. Puis, elle l'aurait mis dans un taxi conduit par un homme à sa solde, pour tenter de camoufler l'assassinat en suicide. Pendant des mois, l'enquête piétine, cependant que les polémiques font rage. En janvier 1925, Léon Daudet dépose une plainte pour meurtre contre plusieurs hauts fonctionnaires de la Sûreté nommément désignés. Une ordonnance de non-lieu est rendue. Mais l'affaire rebondit, car le chauffeur Bajot, que Daudet a traité de faux témoin, l'attaque en diffamation. A l'issue d'un procès tumultueux, Daudet est condamné à cinq ans de prison en octobre 1925.

Dix-huit mois plus tard, sommé de se constituer prisonnier pour purger sa peine, il refuse et se barricade dans les bureaux de l'Action française, rue de Rome, en face de la gare Saint-Lazare. Le 13 juin 1927 des forces de police très importantes, conduites par le préfet Chiappe en personne, sont massées devant l'immeuble et s'apprêtent à donner l'assaut de leur côté, les Camelots du Roi, enfermés dans ce nouveau Fort Chabrol sont décidés à se défendre. La bataille semble inévitable, quand Daudet, du balcon déclare « je ne veux pas, pour une cause non politique où le salut national n'est pas en jeu, faire couler un sang précieux... Je me rends. au cri de « Vive la France ». Il est immédiatement conduit à la Prison de la Santé.

Il n'y restera pas longtemps. Douze jours plus tard, en effet, ses amis réussirent à l'en faire sortir. Grâce à une ingénieuse machination téléphonique, ils parvinrent à faire croire au Directeur de la Prison qu'il avait au bout du fil le Ministre de l'Intérieur, lequel lui donnait l'ordre d'élargir sur-le-champ son prisonnier. Le pauvre homme reconduisit lui-même Daudet jusqu'au portail... et fut mis à la retraite le jour même.

Quant à Daudet, il se réfugia en Belgique, où sa famille vint le rejoindre, et d'où il poursuivit son activité de journaliste.

Il y resta deux ans et demi et ne rentra à Paris, gracié, qu'en janvier 1930.

Entre temps les élections générales de 1924 avaient apporté à Léon Daudet une double déception. D'abord, elles avaient consacré le succès du Cartel des Gauches dont il avait prédit l'échec et l'éclatement. Ensuite, elles lui avaient coûté son propre siège de député.

Tête de la liste de réconciliation et d'action nationale, toujours dans le troisième secteur de Paris, il obtint bien 17.348 voix soit environ 2.000 de moins seulement qu'en 1919 ; mais cela le laisse fort loin du compte puisque le moins bien loti des élus rassemble, cette fois, 43.465 suffrages. Ce fut la fin d'une carrière parlementaire aussi bien remplie qu'elle fut brève.

Daudet ne s'y résigna pas facilement. En mai 1925, il tenta de conquérir le siège de sénateur du Maine-et-Loire laissé vacant par la mort de son ami Jules Delahaye. Mais, malgré l'appui de presque toute la presse conservatrice du département, sa personnalité fracassante inquiéta sans doute les notables angevins qui lui préférèrent un catholique modéré, l'ancien député Anatole Manceau.

Tout le reste de sa vie fut donc consacré à son activité de journaliste et à son œuvre littéraire, dont une partie attira les foudres du Saint-Office. En effet, plusieurs de ses livres furent mis à l'index, notamment deux ouvrages relatifs à l'affaire de la condamnation de l'Action française par le Vatican : « Les pièces d'un procès, l'Action Française et le Vatican et la politique du Vatican (1927), et un roman fort licencieux Les Bacchantes dont la publication, en 1932, avait « atterré ses amis ».

Dans les colonnes de son journal, il défend, au jour le jour, les positions du mouvement, en rappelant inlassablement les grands thèmes de la doctrine maurrassienne. « La France est à la croisée des chemins : il lui reste peu de temps pour choisir de façon décisive entre la mort et le Roi ». « Le risque de guerre est permanent, telle est l'amère vérité, et il le demeurera tant qu'un régime à la fois raisonnable et fort, la monarchie, ne sera pas venu remplacer la République ».

Après la défaite de 1940, il approuve naturellement la prise du pouvoir par le maréchal Pétain, pour qui il réclame « l'adhésion de tous les patriotes ». Mais, très déprimé par l'effondrement de la France, affaibli par la maladie, il se retire dans sa propriété de Saint-Rémy-de-Provence. De là il continue à envoyer des articles à l'Action Française, mais en se désintéressant de plus en plus de la direction du journal, jusqu'à ce qu'une hémorragie cérébrale l'emporte, le 2 juillet 1942 à l'âge de 75 ans.

Léon Daudet laisse à ceux qui l'ont connu le souvenir d'un homme au caractère entier, enthousiaste, sincère, mais incapable de mesure, vaniteux, souvent injuste et léger.

Il aura exercé sur son temps une influence certaine.

Dans le domaine artistique, s'il n'a jamais hésité à dénigrer de la façon la plus excessive ce qu'il ne comprenait ou n'aimait pas, il a à coup sûr contribué à imposer des écrivains comme Proust, Bernanos, Céline, un musicien comme Debussy.

Polémiste, il excellait à trouver le sobriquet qui fait balle, le trait de caricature qui marque son homme. Citons, entre mille, ces « portraits » de Clemenceau : « une tête de mort sculptée dans un calcul biliaire » ; de Deschanel : « une petite poupée qui vint au monde peinte en rose, et qui a mis du rouge par-dessus » ; d'Ernest Judet : « tenant de la fouine géante et du Scandinave d'eau douce » ; de Léon Blum : « sorte de lévrier hébreu, minaudant et facile » ; d'Edouard Herriot : « citoyen laborieux, rond et subtil, orateur né, même tribun, se frappant la poitrine à tout propos, chaleureux et sans mémoire ».

Mais, à côté de cela, quand on lit ses articles à froid, que de tirades où l'outrance verbale, la violence systématique, cachent mal l'inexistence des arguments, d'injures simplement outrancières, de calomnies gratuites ou odieuses - que l'on songe à Roger Salengro.

Quant à son œuvre littéraire, fort abondante - de 1891 à 1945, Daudet a écrit plus de cent volumes, romans, essais, pamphlets - elle est tombée dans un oubli qu'il est difficile de juger immérité. Ce qui survivra peut-être ce sont les livres de souvenirs, comme Fantômes et vivants (1914), Devant la douleur, L'entre-deux-guerres (1915), Salons et journaux (1917), Au temps de Judas (1920), Etudes et milieux littéraires (1927).

Encore convient-il de ne pas oublier qu'ils valent plus par la verve du conteur que par la sûreté de l'information.




Né le 16 novembre 1867 à Paris
Décédé le 2 juillet 1942 à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône)

Député de Paris de 1919 à 1924

(Voir première partie de la biographie dans le dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, tome IV, p. 1242 à 1246)

Après la défaite de 1940, Léon Daudet approuve la prise du pouvoir par le Maréchal Pétain, pour qui il réclame « l'adhésion de tous les patriotes ».

En 1941, il publie Sauveteurs et incendiaires.

Très déprimé par l'effondrement de la France, affaibli par la maladie, il se retire dans sa propriété de Saint-Rémy-de-Provence. De là, il continue à envoyer des articles à l'Action Française, tout en se désintéressant de plus en plus de la direction du journal, jusqu'à ce qu'une hémorragie cérébrale l'emporte, le 2 juillet 1942, à l'âge de 75 ans.