Jean Allard de Grandmaison

1905 - 1970

Informations générales
  • Né le 1er janvier 1905 à Nantes (Loire-Inférieure - France)
  • Décédé le 12 avril 1970 à Machecoul (Loire-Atlantique - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 9 octobre 1962
Département
Loire-Atlantique
Groupe
Indépendants et paysans d'action sociale

Biographies

Biographie de la Ve République

GRANDMAISON (Jean, Henri, Marie ALLARD de)
Né le 1er janvier 1905 à Nantes (Loire-Inférieure)
Décédé le 12 avril 1970 à Machecoul (Loire-Atlantique)

Député de Loire-Atlantique de 1958 à 1962

Anobli en 1773 par l’exercice de la charge de maire d’Angers dans les dernières années de l’Ancien Régime, Jean-François de Grandmaison eut trois fils. L’un d’entre eux, Allard de Grandmaison, s’installa dans le Pays de Retz. Le député Jean Allard de Grandmaison en était le lointain descendant, en même temps que l’héritier d’une tradition politique issue de la Contre-Révolution, particulièrement bien enracinée dans le sud du département de la Loire-Atlantique, l’un des bastions de la Vendée militaire, en état d’insurrection dès le 11 mars 1793 (massacre de prêtres constitutionnels à Machecoul) et l’une des dernières zones à résister, sous la direction de François de Charrette, aux armées de la République. Il ne doit pas être confondu avec les parlementaires du Maine-et-Loire de la famille Millin de Grandmaison, descendants eux aussi de Jean-François de Grandmaison, mais restés dans l’Anjou depuis la Révolution.

Jean de Grandmaison poursuivit ses études jusqu’au baccalauréat, successivement dans les établissements des Jésuites de Jersey, pendant la Grande Guerre, et de Tours, puis au Collège Saint-Stanislas de Nantes, principal lieu de formation de la jeunesse des milieux catholiques conservateurs aisés de la région. Marié à Bernadette Guillet de la Brosse, liée à la famille Say, il eut quatre enfants. Une fille – Elisabeth, d’abord mariée à Guy Clarion de Beauval, puis, après son veuvage, remariée à Loïc Bodard de la Jacopière – et trois fils – Jean-Luc, marié à Françoise Rolland de Rengervé ; Dominique, célibataire ; Bernard, marié à Béatrice Giraud-Morel. De santé fragile, il fut dispensé de service militaire. Il dirigea le comité local d’Action catholique pendant l’entre-deux-guerres. Il exerça un temps le métier de courtier en assurances, pour le compte de la Compagnie du Soleil, à Nantes. Il devint surtout le principal collaborateur de son oncle maternel, Augustin Dutertre de La Coudre, maire de Machecoul de mars 1907 à décembre 1944, conseiller général et député de la circonscription de Paimbœuf de mars 1937 jusqu’à la guerre, inscrit au groupe de la Fédération républicaine, membre du Comité de la droite en Loire-Inférieure et du Parti républicain national et social de Pierre Taittinger. En septembre 1939, Jean de Grandmaison se porta engagé volontaire et entra comme élève officier à l’Ecole d’Artillerie, alors à Poitiers. Son régiment se trouvait dans le Lot au moment de la débâcle. Il n’eut donc pas l’occasion de combattre avant l’armistice. Démobilisé, il retourna à Machecoul et y reprit ses activités ordinaires de grand notable rural qui, à la tête de ses propriétés (500 hectares environ, répartis en une quinzaine de fermes exploitées en métayage), s’occupait de nombreuses œuvres et associations. Il fonda dès 1940 un comité local d’aide aux prisonniers de guerre retenus en Allemagne. Il ne participa pas à la Résistance mais ne soutint en rien la Collaboration. En octobre 1945, son oncle, qui avait voté les pleins pouvoirs au maréchal Philippe Pétain le 10 juillet 1940, fut déclaré inéligible : alors qu’il avait retrouvé sa fonction de maire, perdue au profit de Théodore Bonneau en décembre 1944, à l’issue des élections municipales de mars-avril 1945, il dut y renoncer : Joseph Tostivint, pharmacien, le remplaça. Son neveu choisit alors de prendre sa succession politique. En mars 1945, il avait été élu conseiller municipal de Machecoul sur la liste menée par Augustin Dutertre de La Coudre. En septembre, il conquit le siège de conseiller général du chef-lieu de canton. Réélu conseiller municipal en septembre 1947 sur la liste de Joseph Tostivint et conseiller général en octobre 1951, il devint maire de Machecoul le 10 mai 1953.

Les nombreuses responsabilités de Jean de Grandmaison démontrent à l’envi le rôle social important que jouaient encore sous la IVe République les familles aristocratiques dans les zones conservatrices de la France rurale et catholique de l’Ouest. En 1953, il avait remplacé son oncle, décédé l’année précédente, à la tête de la Société des Courses de Machecoul, fondée en 1885 par Henri Leloup de La Biliais, maire de 1871 à 1907, à qui Augustin Dutertre de La Coudre avait succédé en 1918. Vice-président des Courses de Bretagne (Fédération hippique), il était aussi président du cercle sportif (« Cercle Gilles de Rais ») et président de la Commission administrative de l’Hôpital de Machecoul. S’inscrivant dans le droit fil du renouveau agrarien de l’entre-deux-guerres qu’avait initié le comte Hervé Budes de Guébriant pour compenser la perte d’influence politique des monarchistes en même temps que pour renouveler l’engagement social et politique des grandes familles aristocratiques ralliées, Jean de Grandmaison s’impliqua beaucoup dans le syndicalisme agricole : président du syndicat local des exploitants agricoles, président du syndicat des Marais de Machecoul, fondateur en 1956 et président de l’Union des syndicats de Marais de la Baie de Bourgneuf-en-Retz, il siégeait à la Chambre d’agriculture de Loire-Atlantique, présidait la Caisse locale et administrait la Caisse régionale de Crédit agricole. Au début de la Ve République, il put impulser un vaste effort d’aménagement collectif des marais, l’Union ayant racheté à l’État le canal maritime traversant la région.

Il était l’un des membres fondateurs et le directeur politique du Courrier de Paimbœuf, principal hebdomadaire du Comité d’Union nationale républicaine dans sud du département, dont il rédigeait chaque semaine l’éditorial. Le Comité d’UNR avait pris le relais, après la guerre, du « Comité de la droite », organisation partisane solidement structurée de la droite catholique conservatrice du département, encore liée avant 1940, par l’intermédiaire de son dirigeant, le marquis Henry de La Ferronnays, à l’Action française même si les relations s’étaient sensiblement relâchées depuis la condamnation de l’AF par le Vatican en 1926. Présidé depuis la Libération par le comte du Bois de Maquillé, le Comité avait été désigné en mars 1953 par Roger Duchet, secrétaire général du Centre national des indépendants et paysans – cela sur les conseils de Michel Raingeard, conseiller général de Nantes, député du RPF rallié à Antoine Pinay en mars 1952 et « tête pensante » du Comité – comme le seul représentant du Centre national dans le département de Loire-Inférieure. Le Comité d’UNR, bien que désormais fédération départementale du CNIP, et représenté en tant que tel lors du Ier congrès du parti en décembre 1954, n’en continuait pas moins de fonctionner de façon assez autonome pour tout ce qui touchait aux affaires départementales. Il rassemblait des tendances diverses : les élus locaux que les préfets successifs nommaient « indépendants de droite », maîtres du conseil général – le marquis du Dresnay, inamovible président de la Commission départementale, était leur leader – et représentants du courant le plus conservateur, ce qui n’avait pas empêché bon nombre d’entre eux de participer activement à la Résistance ; les indépendants et paysans, certains issus du Rassemblement du peuple français, voire du Parti social français, et ralliés au Centre national depuis 1952 – le député Olivier de Sesmaisons en était la figure la plus en vue ; les notables demeurés gaullistes après la « mise en sommeil » du RPF, au premier rang desquels figurait le comte Michel de Pontbriand, sénateur républicain social.

Ce fut en juin 1955, à l’occasion des élections pour le renouvellement du Conseil de la République, que Jean de Grandmaison commença à devenir l’une des figures de premier plan du Comité d’UNR et son dirigeant incontesté dans le sud de la Loire-Inférieure. Il fut en effet choisi pour figurer sur la liste du Comité, investie conjointement par le CNIP et par les républicains sociaux. Il s’agissait de remplacer le sénateur sortant Pierre Fleury, représentant de la petite fraction du parti la plus favorable à une redéfinition des alliances politiques dans le département. Venu du parti radical puis passé au RPF dès 1947, il avait suivi l’évolution du Comité d’UNR vers le CNIP mais était resté proche d’André Morice, leader des radicaux nantais depuis la fin des années trente. Il prônait une alliance avec celui-ci comme gage d’une modernisation définitive des relations socio-politiques dans une Loire-Inférieure encore très marquée par le combat entre Blancs et Bleus. Mais la question laïque restait indépassable aux yeux de la grande majorité des dirigeants du Comité, et Pierre Fleury fut évincé de la liste au profit de Jean de Grandmaison, placé en quatrième position derrière Abel Durand, président du conseil général, René Dubois, représentant de la presqu’île guérandaise, et Michel de Pontbriand, seul républicain social de la liste. Le maire de Machecoul fut toutefois devancé par Georges Aguesse, le candidat du MRP alors en plein renouvellement.

Brillamment réélu conseiller général de Machecoul en avril 1958, Jean de Grandmaison fut assez naturellement choisi par le CNIP comme candidat dans la 8e circonscription de la Loire-Atlantique, constituée par l’extrême sud du département, majoritairement rural même si l’on devait aussi tenir compte des cantons du Pellerin et de Paimbœuf. Le 23 novembre 1958, il affronta trois candidats seulement : deux candidats « marxistes », ayant d’autant moins de chance de l’emporter qu’ils étaient enseignants dans l’école publique – Joseph Fraud, instituteur présenté par le PCF (2 028 voix ; 4,25%) et Étienne Chauvin, instituteur en retraite présenté par la SFIO (2 978 voix ; 6,25%) – et Georges Judic, modéré, élu conseiller général du Pellerin en 1951 avec l’investiture de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance, candidat sans investiture nationale en 1958 mais proche des radicaux moriciens et impliqué dans la petite formation partisane départementale dénommée Union des républicains, créée en 1952 – mais sans véritable succès à cause du choix effectué par Roger Duchet en mars 1953 – pour servir de trait d’union entre la mouvance modérée laïque incarnée par André Morice, surtout forte à Nantes, et la fraction la plus ouverte du Comité d’UNR. Il remporta 18 190 voix (38,15% des suffrages exprimés) mais ne put empêcher Jean de Grandmaison d’être élu dès le premier tour avec 24 497 voix, soit 51,35% des suffrages exprimés. Son suppléant était Charles Hardy, exploitant agricole, maire de Chéméré et conseiller général de Bourgneuf-en-Retz.

Investi par le CNIP, Jean de Grandmaison s’inscrivit immédiatement au groupe indépendant et paysan d’action sociale, présidé par Henry Bergasse. Il devint membre de la commission de la Production et des Échanges le 27 janvier 1959 et fut reconduit à ce poste jusqu’à la fin de la législature. Le 29 juin 1959, il fut aussi désigné membre de la commission plénière de la Caisse nationale de Crédit agricole. Il ne déposa qu’une seule proposition de loi, tendant à modifier l’article 812 du Code rural relatif aux baux ruraux (n° 411, 27 novembre 1959) et n’intervint en séance qu’à deux occasions, lors du débat sur le budget de 1962 : le 29 octobre 1961 sur le budget de l’Agriculture, pour dénoncer la faiblesse des crédits affectés à l’électrification des campagnes, et le 7 novembre suivant sur le budget des Travaux publics et des Transports, pour regretter l’insuffisance des crédits aux dessertes aériennes intérieures, notamment en Bretagne. Député fidèle à la direction du CNIP, il devint, au fil des années, un partisan de plus en plus intransigeant de l’Algérie française, à l’image d’une forte minorité du Comité d’UNR de Loire-Atlantique.

En septembre 1960 fut créée à Nantes un Comité d’entente et d’action de Loire-Atlantique pour l’Algérie française, présidé par le sénateur René Dubois. La figure de proue en était le comte Horace de Savelli, ancien colonel, Compagnon de la Libération, président de la fédération départementale de l’Union nationale des combattants et maire de La Chapelle-sur-Erdre. Après quelques actions politiques visant à rassembler largement les élus locaux, y compris des socialistes, pour prévenir tout renoncement à la cause de l’Algérie française, la radicalisation de certains notables indépendants et paysans s’accéléra à partir de l’automne. Ils menèrent ouvertement campagne en faveur du « non » au référendum du 8 janvier 1961 sur le principe de l’autodétermination des Algériens, mais sans succès, les résultats en faveur du « oui » en Loire-Atlantique dépassant sensiblement la moyenne nationale. Au début du printemps 1961, l’Organisation armée secrète noua des liens étroits avec Horace de Savelli. En mars 1962, il fut arrêté. Sans que tous les notables du Comité d’entente et d’action fussent impliqués, même de loin, dans l’OAS, force est de constater qu’un certain nombre d’entre eux, dont Jean de Grandmaison, devinrent à partir de 1960 des adversaires systématiques du chef de l’État, par attachement à « la plus grande France » et par fidélité au passé. La cause de l’Algérie française l’emporta bientôt à leurs yeux sur tout le reste, y compris les activités ordinaires que les parlementaires se devaient d’avoir dans leurs circonscriptions – inaugurations, comices, permanences, etc. – ainsi que les rapports du préfet le signalèrent à plusieurs reprises. En 1962, les choses s’accélérèrent. Jean de Grandmaison fut l’un des dirigeants indépendants de Loire-Atlantique qui, contre l’avis d’Olivier de Sesmaisons ou du maire de Nantes Henri Orrion, firent campagne pour le rejet de Accords d’Évian. Leur échec électoral fut encore plus retentissant qu’en janvier 1961. Comme la grande majorité du groupe IPAS, il s’abstint volontairement lors du vote sur la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre, Georges Pompidou, le 27 avril 1962. Le 5 juillet suivant, sans être pourtant lié personnellement à l’OAS, il fit partie de la petite minorité du groupe qui refusa la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault puis, comme l’immense majorité des députés IPAS, il vota la motion de censure le 4 octobre, entraînant la dissolution de l’Assemblée nationale.

Pour nombre de notables du CNIP de Loire-Atlantique hostiles à Charles de Gaulle, le projet d’élection du président de la République au suffrage universel fut l’occasion de reprendre le combat politique perdu six mois plus tôt. Jean de Grandmaison s’engagea totalement pour le « non » au référendum du 28 octobre 1962 et fut mis une troisième fois en échec, le département votant majoritairement en faveur de la réforme constitutionnelle proposée. Investi par le CNIP dans la 8ème circonscription de Loire-Atlantique pour les élections législatives anticipées, il fut confronté le 18 novembre à une situation sensiblement différente de celle rencontrée quatre ans plus tôt. Outre le candidat communiste Joseph Fraud, qui rassembla 3 031 voix, le député IPAS affronta en effet deux candidats d’envergure : Edouard Moisan, ancien député du Mouvement républicain populaire sous la IVe République, qui obtint 8 547 voix, et le docteur Lucien Richard, investi par l’Union pour la nouvelle République, qui arriva en tête au premier tour avec 16 378 voix contre 13 346 seulement au député sortant. Tandis qu’une fraction non négligeable de l’électorat modéré de 1958 s’était abstenue, troublée par les prises de position en faveur de l’Algérie française tant du CNIP que d’André Morice, et qu’une fraction de l’électorat catholique se ralliait au candidat du MRP, une large partie des électeurs ruraux se tourna vers le candidat gaulliste qui leur apparut comme le seul garant de la stabilité politique qu’incarnait Charles de Gaulle. Au second tour, le PCF maintint son candidat (3 130 voix) mais le MRP retira le sien et les électeurs républicains populaires se reportèrent massivement sur le candidat de l’UNR qui réussit même à gagner quelques centaines d’électeurs indépendants. Il l’emporta avec 28 124 suffrages contre 11 433 seulement au député sortant.

Jean de Grandmaison, battu comme la grande majorité des candidats du CNIP, continua sa carrière politique locale, retrouvant le comportement de grand notable qui avait été le sien avant que la guerre d’Algérie finissante ne l’en détournât. Sans difficulté, il fut réélu pour la quatrième fois conseiller général de Machecoul en mars 1964, et pour la troisième fois maire du chef-lieu de canton en mars 1965. En mars 1970, malade, il renonça à se présenter au conseil général. Il décéda le mois suivant dans sa commune.