Pierre Laffont

1913 - 1993

Informations générales
  • Né le 12 mars 1913 à Marseille (Bouches-du-Rhône - France)
  • Décédé le 17 mars 1993 à Inconnu ()

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 17 mai 1961
Département
Anciens départements d'Algérie
Groupe
Unité de la République

Biographies

Biographie de la Ve République

LAFFONT (Pierre)
Né le 13 mars 1913 à Marseille (Bouches-du-Rhône)
Décédé le 17 mars 1993 à Paris

Député d’Oran-Campagne (Algérie) de 1958 à 1961

Pierre Laffont naît à Marseille, en 1913. Son père est le directeur de la Compagnie transatlantique, tandis que sa mère fait partie d’une grande famille de Français d’Algérie installés à Oran. C’est ainsi qu’après une scolarité métropolitaine, qui le mène à une licence de droit à l’université d’Aix-en-Provence et à un diplôme de l’école de notariat de Marseille, il s’embarque outre-Méditerranée pour se lancer dans la carrière journalistique. Le principal quotidien de la ville d’Oran, L’Écho d’Oran, avait été créé au XIXème siècle par son arrière-grand-père maternel ; il en prend la direction en 1945.
À la tête du grand quotidien de l’Ouest algérien, Pierre Laffont publie des éditoriaux qui comptent dans la vie politique et intellectuelle du pays. Lorsqu’en novembre 1954, commencent ce qu’on appellera les « événements d’Algérie », il prend des positions qui en font un proche des libéraux, ces Français d’Algérie qui condamnent la violence de toutes parts et cherchent les voies d’une issue pacifique. Farouche adversaire de l’indépendance, il se fait l’avocat d’une solution qu’il souhaite française et juste pour tous. Ainsi, dans son éditorial du 23 mai 1955, il préconise une sortie rapide du conflit afin d’assurer le salut du pays, pour « les Français de toutes origines et de toutes confessions », en ces termes : « Nous n’avons jamais pensé que la force fût la solution de tous les problèmes. Nous nous sommes toujours employés à développer l’esprit de générosité, de justice et de progrès. […] La paix est le premier bien des pays civilisés ».
Au fur et à mesure que le conflit dure et s’enlise, Pierre Laffont décide de prolonger son engagement au-delà de ses activités de journaliste. Aux élections législatives de juin 1958, consécutives au retour du général de Gaulle, il se présente sur la liste pour le Renouveau de l’Algérie française, conduite par le docteur Chérif Sid Cara, dans la huitième circonscription. Les dispositions spéciales à l’élection dans les départements d’Algérie, établies par l’ordonnance du 16 octobre 1958, fixent pour chaque circonscription une certaine proportion entre candidats de statut civil de droit commun et candidats de statut civil local – ou « Français musulmans d’Algérie ». Sur sa liste, dans la circonscription d’Oran-campagne, il est le seul « Français d’Algérie ». Le docteur Sid Cara, qui la conduit, est alors le co-président, avec le général Massu, du Comité central de salut public d’Algérie. Les positions défendues sont nettement favorables à l’Algérie française, à une solution de type « intégrationniste » ; elles rencontrent un succès remarquable. Le 30 novembre 1958, la liste pour le Renouveau de l’Algérie française remporte, en effet, 84% des suffrages exprimés, face à une unique liste concurrente, dite d’Union républicaine. La popularité du directeur de L’Écho d’Oran, qui tire à cette époque à 120 000 exemplaires, ainsi que celle de Sid Cara, figure majeure de la vie politique oranaise depuis l’après-guerre, n’y sont sans doute pas étrangères.
Élu au Palais Bourbon, Pierre Laffont s’inscrit au groupe de la Formation administrative des élus d’Algérie et du Sahara, qui devient en juillet 1959 le groupe pour le Regroupement national de l’unité de la République. Il est nommé membre suppléant de la Commission spéciale du règlement en janvier 1959, puis membre de plein exercice de la Commission des affaires étrangères, dans laquelle il siège d’octobre 1959 à avril 1960 puis de nouveau à partir d’octobre 1960. Au mois d’avril 1960, il cesse d’appartenir au groupe de l’Unité de la République, et prend l’étiquette d’indépendant. Parallèlement à sa fonction de député, il continue à diriger le quotidien oranais, et réalise à ce titre deux entretiens avec de Gaulle, en 1959 et en 1960. C’est lors de ce premier entretien, le 29 avril 1959, que le général prononce la célèbre phrase, qui commence à faire douter de ses intentions réelles : « L’Algérie de papa est morte, et si on ne le comprend pas on mourra avec elle ». Malgré l’enlisement de la guerre, la violence de plus en plus exacerbée qui oppose l’armée française aux nationalistes algériens, Pierre Laffont continue à appeler au calme et à la réconciliation. En juin 1960, il écrit ainsi dans L’Écho d’Oran : « Notre but est simple : nous voulons vivre et nous voulons vivre Français. Pour l’obtenir nous ne reculerons devant rien, sauf la violence. »
Mais bientôt la réalité le rattrape et met à mal ses convictions et ses espoirs. Alors que depuis novembre 1954, l’Oranie est relativement épargnée par les violences les plus massives de la guerre, qui se produisent plutôt dans le centre et l’Est du pays, il en est tout autrement à partir de 1961. L’Organisation de l’armée secrète (OAS), créée au mois de janvier 1961 à Madrid, fait bientôt d’Oran son quartier général et le théâtre principal de ses activités terroristes. Devant cette escalade de la violence, Pierre Laffont voit sa position devenir de plus en plus intenable. Pris entre deux feux, celui du FLN et celui de l’OAS, l’homme qui voulait jeter un pont entre les communautés choisit bientôt le silence. Il décide concomitamment de démissionner de son mandat de député le 16 mai 1961 et de cesser d’écrire dans son journal. Il se souvient, en 1968, de ce moment-là en ces termes : « Dans cette course à l’abîme je n’ai pas ma place […] conscient de ne pas représenter l’opinion d’une partie importante de mes électeurs, je donne ma démission » (L’Expiation). Il publie un dernier appel à la paix dans son journal : « Aucune considération ne peut m’empêcher, en m’en allant, de répéter avec foi que la violence n’entraîne que la violence et que rien n’est possible dans ce pays sans la concorde des différentes communautés et l’union étroite avec la France. Rien ne se construit sur la haine. »
Ses votes à l’Assemblée nationale traduisent bien la façon dont, d’abord partisan enthousiaste du général de Gaulle, il doit se rendre à l’évidence que celui-ci n’est pas, à son image, un partisan convaincu de l’Algérie française. S’il vote favorablement le programme du gouvernement Debré, le 16 janvier 1959, ainsi qu’au projet de règlement définitif de l’Assemblée nationale, le 3 juin 1959, il ne prend pas part au vote le 15 octobre de la même année sur la déclaration de politique générale du Premier ministre. Il fait de même le 23 décembre 1959 à propos du projet de loi sur les rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privés. Il approuve cependant, le 2 février 1960, l’ensemble du projet de loi de pouvoirs spéciaux attribués au gouvernement. Enfin le 11 mai 1960, il ne prend pas part à l’Assemblée au vote sur la modification des dispositions du titre XII la Constitution sur la Communauté.
Après la déclaration d’indépendance du 1er juillet 1962, Pierre Laffont décide de rester, en Algérie, à la tête de son quotidien. Jusqu’à ce qu’au mois de septembre 1963 l’État algérien décide de mettre le journal sous sa tutelle, il en reste le directeur. Rentré alors en France, il devient en 1964 le président d’une société d’édition et entre au conseil d’administration des éditions Robert Laffont, du nom de son frère qui les a fondées. Il publie en 1968 un premier livre, L’Expiation, sur ses années de guerre. Témoin privilégié et lucide, il fait des événements une relation circonstanciée et jamais polémique. Devenu coordinateur d’une des principales organisations de rapatriés d’Algérie, le Recours (Rassemblement et coordination des rapatriés et spoliés d’outre-mer), il entreprend aussi une relecture de l’histoire de la colonisation française dans une Histoire de la France en Algérie en 1979 et dans L’Algérie des Français en 1981. Il meurt à Paris en 1993. Il était chevalier de la Légion d’honneur.