Paul Mirguet

1911 - 2001

Informations générales
  • Né le 12 décembre 1911 à Failly ( - District de Moselle - Empire allemand)
  • Décédé le 22 mai 2001 à Metz (Moselle - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 9 octobre 1962
Département
Moselle
Groupe
Union pour la nouvelle République

Biographies

Biographie de la Ve République

MIRGUET (Paul)

Né le 12 décembre 1911 à Failly (District de Moselle, Empire allemand)
Décédé le 22 mai 2001 à Metz (Moselle)

Député de Moselle de 1958 à 1962

« Fils du peuple, il est resté fils du peuple », peut-on lire à propos de Paul Mirguet dans la brochure consacrée à la campagne électorale qu’il mène, en 1973, pour récupérer son siège de député, celui de la deuxième circonscription de Moselle. C’est dire que Paul Mirguet aime à rappeler ses origines modestes, celles d’un « enfant du terroir messin », « d’origine paysanne ». Ses parents étaient en effet exploitants agricoles, vignerons plus précisément, dans cette Lorraine annexée par l’Allemagne en 1871. « Né sous l’annexion », aura-t-il aussi coutume de rappeler, ce souvenir traumatisant expliquant sans doute pour partie son engagement de résistant : « Le patriotisme exacerbé des populations annexées a guidé mes actes durant toute ma vie », écrira-t-il. Après des études modestes, l’obtention d’un CAP dans le secteur de l’alimentation, il devient cadre dans une entreprise frigorifique.

La guerre lui offre de se distinguer. Il sert d’abord dans la marine, à bord des dragueurs de mines. Résistant de la première heure, il prend part à l’organisation de mouvements de résistance parmi les expulsés, dont il est. Après l’instauration du Service du travail obligatoire (STO), il participe aux activités de soutien et de camouflage des réfractaires. Il devient en 1943 chef départemental des Forces françaises de l’Intérieur du département de l’Indre, sous le nom de « Surcouf », « emprunté à l’un des plus célèbres maquisards de la mer », dira-t-il. C’est aussi à cette époque qu’il se marie : le 22 janvier 1943, il épouse Pierrette Marx qui, juive, est elle aussi contrainte de se cacher. Ils auront deux enfants. En 1944, il prend une part active à la Libération, en se livrant à plusieurs centaines de coupures de voies ferrées mais aussi, entre les 6 et 8 juin 1944, à la réception, au convoyage et à la protection des parachutistes britanniques du Special Air Service (SAS). Il commande en septembre 1944 la subdivision de Châteauroux ; il expliquera plus tard qu’il s’agissait alors de « mettre fin au climat semi-révolutionnaire que la Résistance a eu l’obligation de créer ». Son engagement lui vaut d’obtenir la médaille de la Résistance et la Croix de guerre ; il sera fait officier de la Légion d’honneur par le président René Coty le 28 septembre 1957. L’expérience de la Résistance le marque durablement et jamais il ne manque d’y puiser argument dans ses prises de position politiques, à l’ombre du général de Gaulle. Il prendra ainsi la présidence de l’association des Combattants volontaires de la Résistance de la Moselle et participera également à l’organisation du concours pour le prix de la résistance dans les collèges et lycées.

Après la guerre, il reprend son poste de conseiller technique dans l’industrie agro-alimentaire puis fonde sa propre société spécialisée dans l’industrie du froid. Se considérant comme l’un des pionniers dans la diffusion des produits alimentaires stabilisés par le froid à basse température, il fustige les difficultés d’accès au crédit pour les entreprises moyennes comme la sienne et déplore que les banquiers s’apparentent, depuis les nationalisations, à des « fonctionnaires » jouant « mal leur rôle d’incitation ». Son intérêt pour le domaine agro-alimentaire le pousse à écrire un opuscule en 1957, Viandes et réalités économiques et politiques, et lui vaut de remporter le concours organisé afin de sélectionner les projets de reconstruction des abattoirs de La Villette. Il ne cessera de regretter que ce secteur économique soit trop mal connu selon lui des pouvoirs publics et par là même trop négligé.

Il mène parallèlement une carrière politique modeste, dans la fidélité au général de Gaulle : il adhère au Rassemblement du peuple français (RPF) en 1947 et devient sous cette étiquette conseiller municipal de Metz, un poste qu’il conserve jusque 1962. Soutenant évidemment avec vigueur le retour du général de Gaulle après le 13 mai, il donne une conférence, le 25 juin 1958, dans le cadre d’une réunion du comité de coordination des anciens combattants de la Moselle : il y défend une réforme des institutions visant à instaurer un régime présidentiel ; il pourra ainsi se targuer d’avoir été l’un des premiers à proposer l’élection du président de la République au suffrage universel. Menant campagne contre le « désordre », la « démagogie » et le « défaitisme », pour la « renaissance de la France » que permet à ses yeux l’« aube nouvelle, pleine d’espérance » levée sous les auspices gaulliens, il se présente comme un « homme sérieux » et, tout particulièrement pour les Messins, « un homme de chez nous », formules explicitement tournées contre les hommes d’appareil qu’il nomme les « professionnels du gaullisme ». Il propose à ses électeurs de faire de l’agglomération messine une unité susceptible de devenir la véritable capitale économique du Nord-Est, « dont l’activité et la prospérité rejailliront sur les centres ruraux ». Fort de tels arguments, il est élu sous l’étiquette de l’Union pour la nouvelle République (UNR) le 30 novembre 1958, au deuxième tour, face au député sortant issu du Mouvement républicain populaire (MRP), Joseph Schaff, maire de Montigny-les-Metz ; il obtient 18 293 voix, sur 38 715 suffrages exprimés.

Membre de la commission de la production et des échanges durant cette première législature de la Ve République, Paul Mirguet soutient le général de Gaulle et la politique du gouvernement de Michel Debré. Il vote donc pour les déclarations de politique générale du gouvernement, les 16 janvier et 15 octobre 1959, le projet de règlement définitif de l’Assemblée nationale, le 3 juin 1959, le projet de loi relatif aux rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privés, le 23 décembre 1959. Il vote le 2 février 1960, pour le projet de loi visant, après la semaine des barricades, à accorder des pouvoirs spéciaux au gouvernement en Algérie et, le 11 mai 1960, pour la réforme constitutionnelle tendant à compléter les dispositions du titre XII de la Constitution relatives à la Communauté. À la suite de la nomination de Georges Pompidou à la tête du gouvernement, le 14 avril 1962, il soutient, le 27 avril, le programme de politique générale et vote la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault, le 5 juillet 1962.

Comme député, il n’oublie pas le secteur dans lequel il s’est professionnellement investi. Il intervient ainsi sur le sujet des abattoirs, un thème qu’il connaît bien. Il estime notamment que le réseau des quelque 18 000 abattoirs dont dispose la France est par trop vétuste et trop mal surveillé de son point de vue sur les plans sanitaire et fiscal. Il appelle de ses vœux une concentration du secteur de l’abattage et de la commercialisation – il faudrait d’après lui réduire les établissements à mille tout au plus pour plus d’efficacité économique dans la structuration du marché de la viande. Il s’intéresse aussi au marché de l’essence, jugeant que les prix du carburant en Algérie, trop bas, devraient être alignés sur ceux de la métropole au moyen d’une taxe sur l’essence consommée dans les trois départements algériens ; le produit de cette taxe pourrait aussi servir à octroyer aux soldats du contingent, bénéficiant d’une permission libérable en métropole, des bons d’essence gratuits.

Au-delà, Paul Mirguet se présente, sur le plan économique, en libéral soucieux de traquer tous les effets de ce qu’il considère comme un Etat omniprésent et tout-puissant. Il dépose ainsi, en novembre 1961, quatre propositions de loi qui toutes ont pour points communs la lutte contre une administration supposée à la fois tentaculaire et inefficace. L’une d’elles concerne les hauts fonctionnaires dont il souhaite obtenir « un meilleur rendement », contre l’indiscipline et l’impéritie qu’il prête à une partie de la haute fonction publique ; il propose donc que les hauts fonctionnaires cessent de bénéficier de la protection du statut de la fonction publique mais reçoivent en contrepartie des primes et indemnités exceptionnelles. Décidément inquiet des abus présumés, soucieux de ne pas confondre « autorité de l’Etat avec autoritarisme de l’administration », il propose aussi de « faciliter les recours contre l’usage abusif de l’autorité administrative ». Il entend également rétablir l’autorité du préfet face aux grandes administrations départementales. Une autre de ses propositions de loi a une ambition plus vaste encore : pour simplifier l’organigramme gouvernemental, il imagine un système où ne subsisteraient que six grands ministères d’Etat (Affaires intérieures et Justice ; Relations extérieures et Défense nationale ; Finances générales et gestion des entreprises nationalisées, des services publics et du domaine de l’Etat ; Economie générale ; Affaires culturelles, familiales et sociales ; Affaires et Travaux techniques et publics et de la construction). Son objectif affiché, une fois encore, est de lutter contre ce qu’il juge être la « totale irresponsabilité de l’Administration et notamment des chefs de service » ; cette vaste réforme de structure non seulement offrirait de mettre un terme à la « confusion des attributions de compétences » mais encore permettrait à la France de « continuer à jouer un rôle dans le monde ».

Car, en gaulliste fidèle et passionné, il entend plus que tout défendre le rang de la France et soutient pour ce faire une conception politique et stratégique sur laquelle il revient à plusieurs reprises, en particulier en octobre 1960 lors de la discussion de la loi de programme relative aux équipements militaires. Son engagement armé dans la Résistance explique sans doute qu’il se soit intéressé de près à la guérilla et à la contre-guérilla, « arme moderne dans la stratégie », comme il l’avait exposé dans une conférence de janvier 1956 devant des chefs d’entreprise, susceptibles de trouver dans le thème de l’« arme psychologique » un intérêt non seulement militaire mais économique. C’est en se référant aux « douloureux événements de 1940 » que Paul Mirguet intervient dans le débat parlementaire sur le sujet. Une fois encore, comme pour l’administration précédemment évoquée, il blâme une armée jugée trop « bureaucratique », « aussi inadaptée aux missions modernes que l’était l’armée de 1939 ». Sur le plan stratégique, le député estime qu’il faut substituer aux unités lourdes et encombrantes des unités légères, composées de combattants d’élite et de parachutistes bien entraînés, susceptibles d’intervenir à l’arrière des lignes par des opérations de guérillas. À ses yeux, la guérilla se généralisera comme une véritable force de dissuasion ; c’est selon lui « l’arme la plus moderne de la stratégie après la bombe atomique ». L’enjeu, à cette date, est bel et bien de prendre le dessus sur le terrain, en Algérie et de vaincre la « rébellion ». Plutôt que l’usage de la torture et des opérations répressives « qui attisent inutilement la haine », Paul Mirguet préconise la formation d’une police spécialisée apte à détruire les réseaux clandestins au moyen notamment de l’arme psychologique. Parallèlement, cette guerre psychologique doit aussi être menée, en France, contre les « défaitistes » – et Paul Mirguet ne recule pas ici devant la comparaison avec l’action de Clemenceau pendant la Grande Guerre, ce qui lui vaut l’encouragement enthousiaste de Jean-Marie Le Pen (« Excellent exemple ! Prenez-en de la graine ! »). Plus encore que le général de Gaulle, le député Mirguet n’a pas de mots assez durs pour dénigrer l’ONU, ce « cirque », cet « organisme de désintégration de l’influence européenne dans le monde » : la France y serait injustement accusée alors que, assène Paul Mirguet, « une fois de plus, c’est la France qui a raison, les autres nations le comprendront un jour ». Le député en appelle donc à « une France unie, de la droite à l’extrême gauche, résolue à s’opposer à la subversion », pour le maintien du « moral de la nation ».

Ce vocabulaire guerrier, puisant ses références dans l’histoire des deux guerres mondiales en particulier, sert aussi le député Mirguet lorsqu’il s’agit pour lui de soutenir la réforme constitutionnelle de 1962 sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Il intervient non sans virulence lors de la séance du 4 octobre 1962, en redisant son plus vif attachement au général de Gaulle qui, certes à ses yeux, n’est pas « Dieu réincarné mais qui a l’habitude d’envisager avec beaucoup de clairvoyance et de bon sens la situation pour cinq ans, dix ans et même vingt ans d’avance. Voilà pourquoi l’Histoire toujours lui donne raison. » Paul Mirguet expose de nouveau à cette occasion sa vision des relations internationales, entrées selon lui à l’« ère des conflits entre races » : la menace vient désormais d’Asie et est susceptible de mettre en péril la civilisation occidentale. C’est dans un tel contexte qu’un exécutif fort s’impose, après « un siècle de régime d’assemblées omnipotentes », incapables selon lui de faire face à pareille menace. Une fois encore, Paul Mirguet se réfère à l’autorité de Clemenceau, mais aussi à celle de Foch. La référence aux conflits mondiaux se confirme ainsi par son omniprésence : ceux qui refuseraient le changement constitutionnel sont assimilés à « ceux qui, en 1914, avaient laissé envahir la France », dont ils seraient les successeurs, à ceux encore « qui sont responsables de la plus tragique des défaites de notre histoire en 1940, à la suite de laquelle la France aurait été rayée de la liste des nations du monde, sans la clairvoyance d’une poignée d’hommes courageux ».

Mais c’est cependant avec l’« amendement Mirguet » que le député de Moselle restera finalement célèbre. Il intervient lors de la discussion du projet de loi autorisant le gouvernement à « prendre les mesures nécessaires pour lutter contre certains fléaux sociaux ». Le 18 juillet 1960, Paul Mirguet propose en effet d’ajouter à la liste de ces « fléaux » l’homosexualité et donc aux moyens gouvernementaux « toutes mesures propres à lutter contre l’homosexualité », à l’égal de l’alcoolisme, de la tuberculose, de la toxicomanie, du proxénétisme et de la prostitution. Pour le député, il n’est nullement utile de développer longuement les arguments à l’appui de ce sous-amendement, tant est grande à le suivre « la gravité de ce fléau qu’est l’homosexualité, fléau contre lequel nous avons le devoir de protéger nos enfants ». Une fois encore, c’est à la civilisation que se réfère Paul Mirguet : « Au moment où notre civilisation dangereusement minoritaire dans un monde en pleine évolution devient si vulnérable, nous devons lutter contre tout ce qui peut diminuer son prestige », explique-t-il pour défendre sa proposition.

Deux jours plus tard, l’association Arcadie envoie au député un courrier respectueux mais choqué, qui lui demande instamment de revenir sur son amendement : « Nous ne pouvons croire, écrivent les rédacteurs de la lettre, qu’une disposition si contraire aux caractères fondamentaux du droit pénal français (car vous n’ignorez pas que notre code pénal ignore le délit d’homosexualité) soit le fruit d’une réflexion approfondie et, moins encore, d’une connaissance réelle du problème ». Selon Arcadie, « en demandant au Gouvernement de lutter contre l’homosexualité sans préciser autrement [sa] pensée, [il a] ouvert la voie à des répressions aveugles, avec tout le cortège de chantage, de névroses, de ruine de vies humaines », d’autant que la protection des mineurs, la lutte contre les outrages publics à la pudeur et contre la prostitution masculine sont d’ores et déjà assurées par la législation et le Code pénal. Mais rien n’y fait. Paul Mirguet répond à Arcadie : « C’est parce que j’ai des enfants et que je devine quel peut être le désespoir d’un père apprenant que son fils a été amené à commettre des actes contre nature par suite de déplorables exemples d’adultes sans scrupules, que j’ai demandé au gouvernement de se pencher sur ce problème. » Le sous-amendement, voté à 323 voix contre 131, est inséré dans la loi promulguée le 30 juillet 1960. Il a pour conséquence, entre autres effets, d’accroître les peines minimales encourues en cas d’outrage à la pudeur lorsqu’il s’agit de rapports homosexuels.

Paul Mirguet ne retrouve pas son siège en octobre 1962. Il est battu par son adversaire MRP de 1958 Joseph Schaff qui, arrivé en tête au premier tour avec 17 373 voix contre 16 018 au député sortant, bénéficie au second tour de la mobilisation des abstentionnistes. Joseph Schaff l’emporte donc avec 18 684 voix, alors que Paul Mirguet n’en recueille que 16 565.
Dans ce qu’il présente comme son « testament politique », un long texte intitulé Programme de réformes et d’action politique pour une France libre et sociale publié en 1973, Paul Mirguet fustige l’appareil du parti de l’Union pour la défense de la République (UDR) auquel il n’a pas su ou voulu s’intégrer ; il revendique pour sa part l’« héritage spirituel de la résistance et du gaullisme authentique », auquel il demeure fidèle au point de considérer que « dès 1940 » « toute la population était gaulliste ». Il continue aussi de vouer aux gémonies les « gaspillages des deniers publics » et en appelle, en libéral qu’il est resté, au « desserrement de la contrainte de l’Etat ». Enfin, sa vision des rapports de forces internationaux n’a pas changé : face à un possible « conflit de races » qui opposerait l’Occident et l’Asie, la France et l’Europe pourront avoir besoin de l’Afrique ; aussi, d’après Paul Mirguet, même si les peuples du Tiers-Monde « sont dominés par des complexes, qu’ils cachent derrière des discours tapageurs », en cas de guerre « de races » avec l’Asie, « l’apport de l’Afrique sera nécessaire à la civilisation occidentale pour rétablir l’équilibre ».