Barthélémy Boganda

1910 - 1959

Informations générales
  • Né le 4 avril 1910 à Bobangui (Oubangui-chari)
  • Décédé le 29 mars 1959 à Boukpayanga (Centrafrique)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 10 novembre 1946 au 4 juillet 1951
Département
Oubangui-Chari
Groupe
Mouvement républicain populaire
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Oubangui-Chari
Groupe
Centre républicain d'action paysanne et sociale et des démocrates indépendants
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Oubangui-Chari
Groupe
Non inscrit
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 9 décembre 1958 au 29 mars 1959
Département
Oubangui-Chari
Groupe
Non inscrit

Biographies



Né le 4 avril 1910 à Bobangui (Oubangui-Chari)

Décédé le 29 mars 1959 à Boukpayanga (République Centrafricaine)

Député de l'Oubangui-Chari de 1946 à 1958

Né dans une famille de paysans à Bobangui, petit village de la Lobaye, au sud-ouest de Bangui, sa mère l'appelle Boganda, ce qui signifie : « je suis ailleurs, je suis nulle part ». De décembre 1921 à décembre 1922, il apprend à lire le français avec Mgr Jean Calloch, deux heures par jour, le restant de son temps étant consacré au travail manuel. Le 24 décembre, il devient chrétien sous le prénom de Barthélémy. « Etre chrétien, écrira-t-il plus tard, signifiait pour moi s'émanciper des coutumes ancestrales, devenir frère de l'humanité ». A douze ans, il exprime sa volonté de devenir prêtre « pour pouvoir, confiera-t-il un jour, sortir mon pays et mes frères de la situation où ils se trouvaient ». Il fait successivement ses études primaires à la mission Saint-Paul de Bangui, ses études secondaires au petit séminaire de Kisantu au Congo-Kinshasa, ses études ecclésiastiques au grand séminaire de Yaoundé au Cameroun. Ordonné prêtre, le 17 mars 1938, il exerce son ministère à Bangui, à Grimari et Bangassou. En 1939, il souhaite s'engager dans l'armée française, mais son évêque le mobilise sur place pour remplacer les religieux rappelés en France.

En 1946, Mgr Grandin, évêque de Bangui, l'incite à compléter son œuvre humanitaire et sociale par une action politique. Lors des élections législatives du 10 novembre, il se présente aux suffrages du collège des autochtones pour le territoire de l'Oubangui-Chari qui fait alors partie de l'Afrique équatoriale française. Quatre candidats sont en présence pour un siège à pourvoir. Sur 32 716 électeurs inscrits, 22 949 votants et 22 444 suffrages exprimés, Barthélémy Boganda, qui se réclame du M.R.P., obtient 10 846 voix et devance largement ses trois concurrents, notamment le député sortant, François Joseph Reste, gouverneur général des colonies en retraite.

Son élection est validée le 20 décembre. Il est nommé membre de la Commission des territoires d'outre-mer et de la Commission du ravitaillement. Inscrit au groupe M.R.P, il le quitte, en 1950, pour rejoindre les « non-inscrits ». Il est l'auteur de plusieurs propositions et rapports. C'est au cours de cette législature qu'il fait les deux seules interventions de sa carrière parlementaire ; le 4 août 1947, il dénonce les abus du colonialisme : « J'aurais voulu », déclare-t-il, « monter à cette tribune le cœur débordant de sentiments de gratitude à l'égard de l'œuvre française dans les territoires d'outre-mer. Mais, permettez-moi de m'indigner devant ce fait que bien peu de gens peuvent contester : cette œuvre grandiose a été et est encore, hélas, compromise par des abus très graves ». Le 30 juin 1950, il condamne le manque de justice sociale en Afrique équatoriale française.

Il consacre l'essentiel de son action à l'Afrique noire. En 1948, il songe à créer une organisation locale pour répondre aux besoins immédiats des populations de l'Oubangui. Il fonde la société coopérative Oubangui, Lobaye, Lesse (SOCOULLOLE) qui se préoccupe d'alimentation, d'habillement, de logement, de soins médicaux, d'enseignement. En 1950, il fonde son propre parti, le « Mouvement d'évolution sociale de l'Afrique noire » (M.E.S.A.N.), chargé de « promouvoir l'évolution politique, économique et sociale de l'Afrique noire, renverser les barrières du tribalisme et du racisme, substituer à la notion dégradante de subordination coloniale, la notion plus humaine de fraternité et de coopération ». Le 13 juin 1950, il se marie avec Michelle Jourdain, dont il aura deux filles et un garçon. Ce mariage marque sa rupture avec Rome. Malgré cela, il continue de se poser en leader du christianisme africain. Sa détermination à lutter contre les injustices de la colonisation l'amène à se heurter à l'administration coloniale. Mais son audience auprès des populations africaines ne cesse de croître.

Aux élections législatives du 17 juin 1951, Barthélémy Boganda est « candidat indépendant pour le Mouvement de l'Evolution ». Dans le collège des citoyens de statut personnel, il y a 111 201 électeurs inscrits, 67 746 votants et 65 541 suffrages exprimés. Ses concurrents les plus dangereux, Marcel Bella, candidat du R.P.F., et Georges Darlan, président du Conseil général, obtiennent respectivement 21 637 voix et 8 288 voix. Recueillant 31 631 voix, soit 48,1 % des suffrages exprimés, il est élu. Sa profession de foi exprimait clairement les enjeux : « Vous allez protester contre la servitude en votant librement pour la justice et la liberté proclamée dans la Déclaration des Droits de l'Homme ». Sa victoire est rehaussée encore par la condamnation à 45 jours de prison que lui inflige le tribunal de Brazzaville. L'affaire est exposée dans Terre africaine, l'organe du M.E.S.A.N.

Au cours de cette seconde législature, Barthélémy Boganda se détache de la vie parlementaire parisienne. Il est bien nommé membre de la Commission de la marine marchande et des pêches, le 20 janvier 1953, de la justice et de la législation, le 19 janvier 1954, du travail et de la sécurité sociale, le 18 janvier 1955, mais il ne dépose que trois propositions de loi en faveur des Africains et n'intervient pas dans les débats. Son intérêt est en Afrique. Il passe la plus grande partie de son temps en Oubangui, partageant ses activités entre son métier de planteur de café, son œuvre d'émancipation et de nouvelles fonctions politiques. En avril 1952, il est élu conseiller territorial, et en mai, il entre au Grand conseil de l'A.E.F.

Aux élections législatives du 2 janvier 1956, dans le même collège des citoyens de statut personnel, il emporte une victoire écrasante sur son rival, apparenté aux indépendants. Sa profession de foi montre clairement le sens de son action : « Avec la liberté que j'ai conquise pour vous de haute lutte, il faut le bonheur. Le bonheur et la prospérité de l'Oubangui-Chari résident dans ces trois mots : retour à la terre et produire. Je vous ai donné l'exemple. Il nous faut déprolétariser de plus en plus. Il faut créer une bourgeoisie africaine. Une société basée sur le prolétariat est la proie facile du communisme. Vive l'Oubangui-Chari, terre de nos aïeux ! Vive l'Union française ! » Sur 271 877 électeurs inscrits et 176 182 suffrages exprimés, il recueille 155 952 voix, soit 89 % des suffrages exprimés, contre 20 230 à Jean-Baptiste Songomali. Au cours de cette troisième législature, les tables de l'Assemblée n'indiquent aucune activité du nouvel élu ; à part de rares exceptions, son nom n'apparaît que parmi ceux des abstentionnistes lors des différents scrutins.

L'application de la loi-cadre Defferre lui permet d'acquérir de nouvelles responsabilités. En novembre 1956, il devient le premier maire de Bangui. Le 18 juin 1957, il est élu président du Grand conseil de l'Afrique équatoriale française. Il se sert de cette tribune pour faire connaître ses vues sur l'unité africaine. Il se fait le pionnier de l'indépendance et de l'unité des grands ensembles régionaux africains. Dans une brochure d'août 1958, Propositions d'un Etat unique, il décrit son but : « Bâtir une Afrique centrale libre, de langue française, qui fera entendre sa voix dans les instances internationales ». Il fonde le Rassemblement pour le Centrafrique. Le 1" décembre, la République Centrafricaine est proclamée. Il en devient le Premier ministre, chef du gouvernement.


BOGANDA (Barthélémy, Gabriel)
Né le 4 avril 1910 à Bobangui (Oubangui-Chari)
Décédé le 29 mars 1959 à Boukpayanga (République Centrafricaine)

Député de l’Oubangui-Chari de 1958 à 1959

(Voir première partie de la biographie dans le Dictionnaire des parlementaires français (1940-1958) tome 2, p. 414, 415 et 416)

Président du Grand conseil de l’Afrique équatoriale française depuis peu, Barthélémy Boganda considère le retour au pouvoir du général de Gaulle au printemps 1958 avec circonspection. D’ailleurs, il ne prend pas part au vote d’investiture le 1er juin. Le nouveau président du Conseil reste l’homme de la conférence de Brazzaville et des promesses d’émancipation non tenues pour des élites africaines partagées entre admiration pour de Gaulle et défiance à l’égard des gaullistes. Un mois après le vote des pleins pouvoirs qu’il a approuvés, Barthélémy Boganda exprime les attentes du Mouvement pour l’évolution sociale de l’Afrique noire (MESAN) en ce qui concerne la nouvelle Constitution devant l’Assemblée territoriale de l’Oubangui-Chari. Considérant que la loi-cadre Defferre de 1956 est désormais dépassée, il souhaite la reconnaissance du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » en Afrique noire. L’ancien prêtre reprend une formule d’Edgar Faure à propos de la Tunisie lorsqu’il plaide en faveur d’une « indépendance totale dans l’interdépendance volontaire et librement consentie ». Le MESAN défend un modèle de République confédérale où les anciennes colonies puissent s’associer à la métropole : certaines attributions de souveraineté (relations extérieures, défense, monnaie) y seraient exercées en commun. Barthélémy Boganda est du reste attaché à l’unité de l’Afrique équatoriale française, formée du Gabon, du Congo, de l’Oubangui-Chari et du Tchad. Il entretient de nombreux contacts dans les milieux gouvernementaux à Paris et tente de gagner ses interlocuteurs à ses vues, qui font écho à celles de Léopold Sédar Senghor pour l’Afrique occidentale française (AOF).
Le général de Gaulle décide d’effectuer un voyage en Afrique noire à l’été 1958 pour en convaincre les habitants d’approuver la Constitution de la Vème République, qui crée la Communauté. Il est accueilli à Brazzaville par une foule enthousiaste, le 24 août 1958 : Barthélémy Boganda prononce à cette occasion un discours de bienvenue. Il y souligne que le général de Gaulle représente « une personnalité qu’aucun parti politique, qu’aucune portion du peuple ne (peut) ni s’attribuer ni monopoliser » et se dit convaincu que le chef du gouvernement français est venu en AEF « pour achever l’œuvre entreprise à la conférence de Brazzaville ». L’homme du 18 juin salue en réponse « les belles et éloquentes paroles » de Barthélémy Boganda. Il affirme au sujet de l’indépendance totale à l’égard de la France que « quiconque la voudra, pourra la prendre aussitôt » et que « la Métropole ne s’y opposera pas ». Le lendemain, 25 août 1958, les paroles de De Gaulle se concrétisent quand Ahmed Sékou Touré s’oppose à la Constitution de la Vème République et appelle les Guinéens à prendre immédiatement leur indépendance.
Barthélémy Boganda invite au contraire ses compatriotes à approuver la nouvelle loi fondamentale, au motif qu’elle reconnaît le « principe du droit des peuples d’Outre-Mer à l’Indépendance ». Le 28 septembre 1958, l’Oubangui-Chari approuve massivement la Constitution de la Vème République.
L’ordonnance du 17 octobre 1958 dispose que les députés élus en 1956 par les anciens Territoires d’Outre-mer sont autorisés à siéger à l’Assemblée nationale. Des élections y sont prévues à une date ultérieure, mais la nécessité commande d’appliquer d’abord le nouveau statut de la Communauté en Afrique noire. Barthémély Boganda ne s’inscrit à aucun groupe parlementaire et ne participe pas aux travaux parlementaires à Paris. Il ne prend pas la parole au Palais-Bourbon en 1958-1959 et est absent au moment des votes qui marquent les débuts de la législature.
L’ancien prêtre échoue à sauvegarder l’unité de l’Afrique Equatoriale française (AEF) et en tire à regret les conséquences. Abandonnant le nom d’ « Oubangui-Chari », marqué par le passé colonial, il crée la République centrafricaine et y assume les fonctions de Premier ministre à partir du 7 décembre 1958. Leader incontesté et souvent autoritaire, il forge les principaux symboles du nouvel état, comme sa devise (unité, dignité, travail), son hymne ou son drapeau à cinq couleurs frappées d’une étoile. Membre du Conseil exécutif de la Communauté, il participe à ses deux premières réunions à Paris en février et mars 1959. Son éloquence et ses fonctions passées au sein du Grand conseil de l’AEF lui valent une audience particulière, aux côtés du général de Gaulle.
L’attachement aux valeurs chrétiennes n’a pas faibli chez Barthélémy Boganda malgré sa rupture avec l’Eglise au début des années 1950. S’il envisage la création d’ « Etats-Unis de l’Afrique latine » regroupant les anciennes colonies françaises, portugaises et espagnoles, c’est pour en placer les peuples sous le double signe de la culture occidentale et chrétienne.
Lorsqu’il disparaît dans un accident d’avion en mars 1959, la nouvelle plonge d’abord ses compatriotes dans la consternation. L’ancienne puissance coloniale est ensuite soupçonnée d’avoir souhaité la mort de l’homme fort de la République centrafricaine. Ces accusations ne cesseront d’être reprises à Bangui, jusque dans l’expression de responsables gouvernementaux. D’autres rumeurs évoquent une disparition « diplomatique », sans plus de preuve : le Premier ministre Boganda aurait quitté l’Afrique pour les Antilles, sur pression de la métropole. La disparition d’un chef charismatique provoque fréquemment ce type de « bruits » où se mêlent l’émotion, l’incrédulité et l’espoir. Barthélémy Boganda bénéficie de funérailles nationales en Centrafrique.
Son éloge funèbre est prononcé par Jacques Chaban-Delmas dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale le 28 avril 1959. Le leader du MESAN, figure du panafricanisme, y est dépeint comme un « tribun habile », un « homme d’Etat français et africain » qui « eut la joie de voir commencer à se réaliser de son vivant, en vertu de la Constitution de la Vème République, l’idéal pour lequel il avait lutté pendant toute sa vie ». Le Premier ministre Michel Debré fait écho à ces propos, qui salue « une personnalité attachante », qui fut « aussi un homme d’Etat ayant une conscience particulière de ses responsabilités ».
En 1961, les autorités centrafricaines décident de construire un village à 250 kilomètres de Bangui, dans la zone marécageuse où l’avion transportant l’ancien Premier ministre s’est écrasé deux ans plus tôt. Elles lui donnent le nom de Boganda.