La création de la fonction d’assistant parlementaire (ou de collaborateur de député) remonte à 1975. Elle constitue, d’une certaine manière, l’aboutissement d’un long processus répondant aux souhaits des députés de disposer, à côté de leur indemnité parlementaire perçue comme « un salaire », des moyens humains et matériels leur permettant de faire face aux diverses charges de leur mandat, et venant renforcer ceux qui avaient été accordés collectivement aux groupes politiques.
Plusieurs étapes ont marqué ce processus.
Une indemnité compensant les frais de secrétariat des députés a été créée en 1953 et supprimée en 1958.
L’indemnité d’aide dactylographique, mise en place en 1970, se substitue aux dispositifs introduits en 1968 et qui offraient aux députés la possibilité de se constituer un secrétariat particulier ou d’utiliser les services d’un secrétariat collectif organisé au sein des groupes politiques. L’objet et les conditions de gestion de cette indemnité furent modifiés à plusieurs reprises jusqu’en 1997. À cette date, l’indemnité de secrétariat fut remplacée par l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), destinée à couvrir les dépenses liées à l’exercice du mandat de député non prises en charge ou remboursées par l’Assemblée nationale. Depuis le 1er janvier 2018, une avance de frais de mandat s’est substituée à l’IRFM, en application de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Son montant s’élève à 5 373 €.
La demande des députés ne pouvait se satisfaire d’un soutien se limitant à la seule aide dactylographique, à un moment où les sollicitations pesant sur le mandat parlementaire exigeaient la présence de collaborateurs auprès d’eux, à l’image de ce qui existait dans certains parlements étrangers comme le Congrès américain : c’est ce qui explique la mise en place d’une dotation spécifiquement consacrée au recrutement de collaborateurs particuliers, appelée « crédit collaborateur ».
1. – Le principe du député-employeur et l’application du droit commun du travail
Le député dispose d’un crédit lui permettant de recruter jusqu’à cinq collaborateurs. Depuis le 1er janvier 2018, ce crédit mensuel s’élève à 10 581 €.
Le principe de base est celui du député-employeur : le collaborateur est le salarié du député, non celui de l’Assemblée nationale. De ce principe, dont la portée a été renforcée en 2002 par la possibilité offerte aux députés de gérer directement leur crédit collaborateur, découle l’ensemble des règles et dispositifs qui organisent la relation du député avec son ou ses collaborateurs :
- le député a la qualité d’employeur : il recrute librement ses collaborateurs, licencie, fixe les conditions de travail et le salaire de son personnel, dans le respect des dispositions du code du travail ;
- les collaborateurs sont recrutés sur la base d’un contrat de travail de droit privé. En règle générale, il s’agit de contrats de travail à durée indéterminée, mais le député peut recruter des collaborateurs sur la base de contrats à durée déterminée (dans les conditions fixées par le code du travail) ou conclure des contrats spécifiques lorsqu’un fonctionnaire est détaché auprès de lui en application des lois portant statut des fonctionnaires. Le contrat à durée indéterminée perdure en cas de réélection du député employeur ; en revanche, il est rompu lors de la fin de mandat du député ou en cas de dissolution ;
- des contrats types, dont les clauses sont approuvées par les questeurs, sont mis à la disposition des députés par le service de la gestion financière et sociale. Ils comportent deux stipulations directement liées au mode de gestion du crédit collaborateur : la première, relative à l’objet du contrat, dispose que « le député-employeur, agissant pour son compte personnel, engage le salarié qui lui est juridiquement et directement subordonné et a toute sa confiance, pour l’assister à l’occasion de l’exercice de son mandat parlementaire » ; la seconde précise que « la cessation, pour quelque cause que ce soit, du mandat du député- employeur constitue une juste cause de rupture du contrat ».
En cas de différend entre le député-employeur et son collaborateur, le conseil des prud’hommes est seul compétent – comme pour tout litige opposant un salarié et son employeur au sein d’une entreprise privée.
Ces principes ont été introduits en 2014 à l’article 18 du Règlement de l’Assemblée nationale, qui précise : « Les députés peuvent employer sous contrat de droit privé des collaborateurs parlementaires, qui les assistent dans l’exercice de leurs fonctions et dont ils sont les seuls employeurs. Ils bénéficient à cet effet d’un crédit affecté à la rémunération de leurs collaborateurs ». Depuis 2017, ces principes figurent également dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Une organisation de collaborateurs a tenté de remettre en cause le principe du député-employeur en faisant reconnaître par le tribunal d’instance du 7ème arrondissement de Paris l’existence d’une unité économique et sociale entre les députés employeurs de collaborateurs. La requête a été rejetée par un jugement du 21 mai 2002 qui précise que les avantages sociaux et, plus généralement, les conditions de travail des collaborateurs s’apparentent à « une mutualisation des moyens, habituelle au sein d’une même profession » et conclut que « l’absence d’une réelle communauté de travailleurs et d’une unité économique empêchent de reconnaître l’existence d’une unité économique et sociale entre les députés de l’Assemblée nationale ». Ce jugement a fait l’objet d’un pourvoi en cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation l’a rejeté par un arrêt du 18 février 2004 en considérant « qu’il n’existe aucune unité de direction sur les collaborateurs parlementaires » et que « les députés composant l’Assemblée nationale ne constituent (donc) pas une unité économique et sociale ».
2. – Une gestion du crédit collaborateur déléguée au service de la gestion financière et sociale
Depuis 2002, il appartient au député d’effectuer un choix entre un mandat de gestion « déléguée » donné à l’Assemblée ou une gestion directe de ce crédit.
En cas de gestion déléguée, le service de la gestion financière et sociale impute, sur les instructions de chaque député, les rémunérations des collaborateurs et effectue, pour le compte du député, les actes de gestion tels que l’établissement des bulletins de paye, le paiement des salaires et des charges afférentes, l’élaboration et la transmission aux organismes compétents des déclarations sociales et fiscales. Il n’exerce, à ce titre, qu’une fonction de prestataire de services.
En cas de gestion directe, le député reçoit, à ce titre, l’équivalent d’une fois et demie le crédit de base pour couvrir les charges patronales.
3. – La protection sociale des collaborateurs parlementaires
Les collaborateurs salariés relèvent du régime général de sécurité sociale des travailleurs salariés pour les risques maladie, maternité, invalidité, décès, accident du travail et vieillesse, d’un régime de retraite complémentaire de salariés de droit privé et du régime d’assurance chômage. Ils bénéficient des actions de formation professionnelle prévues par le code du travail.
Depuis 1975, une série de mesures ont amélioré la situation des collaborateurs. Outre que leurs rémunérations sont revalorisées en fonction de l’évolution des rémunérations publiques, diverses charges incombant à l’employeur sont financées hors crédit collaborateur, telles que :
- dès l’origine, les charges patronales sociales et fiscales obligatoires, qui représentent environ la moitié de la rémunération salariale brute imputée sur le crédit collaborateur ;
- à partir de 1978, les indemnités de fin de contrat allouées aux collaborateurs en cas de cessation du mandat du député-employeur ;
- depuis le 1er janvier 2006, à compter de deux ans d’ancienneté, la prime d’ancienneté égale à 5 % du salaire de base et revalorisée de 5 % tous les deux ans, dans la limite de 16 ans d’ancienneté ;
- diverses dépenses liées à des formations spécifiques délivrées aux collaborateurs (formations dispensées par l’École nationale d’administration depuis 1986 et par le Centre national de la fonction publique territoriale depuis 1991, cours d’anglais depuis 1992, cycles de deux jours à l’Institut des hautes études de défense nationale depuis 2011 et à l'Institut national des hautes études de la justice depuis 2016), à la médecine du travail et aux frais de transport des collaborateurs pour des trajets entre Paris et la circonscription liés à leurs fonctions.
Par ailleurs, divers avantages accessoires s’ajoutent au salaire de base :
- la prime de 13ème mois, instituée en 1982 et qui équivaut à un mois de salaire de base ;
- l’allocation de frais de garde d’enfant âgé de moins de trois ans, instituée en 1988 ;
- la prime de prévoyance qui s’est substituée en 1998 au remboursement plafonné des frais de mutuelle ;
- l’avantage repas (prime-repas ou titre-restaurant), instauré en mai 2000.
À l’origine, ces avantages étaient directement pris en charge par le budget de l’Assemblée et le député-employeur pouvait s’opposer à leur versement. Depuis 2002 et à l’exclusion de l’allocation de frais de garde (pour laquelle cette prise en charge subsiste), ils sont imputés sur le crédit collaborateur qui a été revalorisé à due concurrence.
Depuis le 1er janvier 2006, les collaborateurs remplissant certaines conditions de diplôme et/ou d’ancienneté peuvent accéder au statut de cadre dès lors qu’ils en ont fait la demande écrite à leur député-employeur.
En outre, depuis le 1er janvier 2014, l’ensemble des collaborateurs bénéficient du maintien intégral de leur salaire pendant la durée totale des arrêts maladie ou maternité, cette dépense étant partiellement prise en charge par le budget de l’Assemblée nationale.
En 2016 a été institué un régime obligatoire de complémentaire santé impliquant une cotisation mensuelle pour partie salariale (20 % de la cotisation totale) et pour partie patronale (80 % de la cotisation totale), cette dernière part constituant un apport du budget de l’Assemblée nationale en plus du crédit collaborateur.
4. – Accord collectif concernant les collaborateurs de députés
Un accord collectif concernant les collaborateurs de députés a été conclu le 24 novembre 2016 entre des organisations syndicales représentant les collaborateurs et une association de députés-employeurs créée à cet effet, de manière à contribuer à la clarification et la rénovation de la relation de travail entre le député-employeur et ses collaborateurs.
Les députés sont libres d’adhérer ou non à l’association, l’accord n’ayant d’effet que pour les députés adhérents et leurs collaborateurs.
Cet accord collectif, entré en vigueur le 1er mars 2017, comporte les mesures suivantes :
- un dispositif de forfait en jours permettant aux salariés autonomes de bénéficier de jours de repos s’ajoutant aux congés légaux, par accord entre chaque député-employeur et le collaborateur concerné;
- le rétablissement d’une indemnité destinée à compenser la précarité afférente à la rupture contractuelle pour fin de mandat, qui ne bénéficiait plus qu’aux collaborateurs recrutés avant le 1er janvier 2010;
- la consécration des régimes indemnitaires et sociaux existants favorables aux collaborateurs.