Point clé : résumé de la fiche de synthèse
Le pouvoir du Parlement sur la politique de défense s’est longtemps caractérisé, du fait de la lettre de la Constitution de 1958 mais aussi de la pratique institutionnelle, par une relative faiblesse.
La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, en accroissant l’information qui lui est due et son contrôle sur les opérations extérieures, représente une novation majeure pour le monde des armées.
Contrastant avec la situation dans les autres grandes démocraties, le Parlement français n’a joué, jusqu’à très récemment, qu’un rôle modeste dans la mise en œuvre de la politique de défense.
Les articles de la Constitution sont en effet nombreux qui soulignent la prédominance de l’exécutif. Ainsi, le chef de l’État est également celui des armées ; il préside les conseils et comités supérieurs de la Défense nationale (article 15). Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités (article 5). Dans le cas où des menaces graves et immédiates pèseraient sur ces intérêts vitaux, l’article 16 lui confère la faculté de « prendre les mesures exigées par les circonstances » (1).
L’article 21 prévoit par ailleurs que le Premier ministre est responsable de la Défense nationale.
De fait, le Parlement a été cantonné, selon l’article 35, à la seule autorisation de la déclaration de guerre, disposition dont il n’a jamais été fait usage depuis le début de la Ve République.
De nombreux rapports et propositions s’étaient succédé pour accroître la place du Parlement, d’autant que le nombre et le coût des opérations extérieures (OPEX) ont tendanciellement beaucoup augmenté et que leur nature a évolué, passant d’opérations de maintien de la paix à des actions impliquant parfois de véritables actions de combat.
Cette question a donc été largement abordée par le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par M. Édouard Balladur, ancien Premier ministre. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a complété l’article 35 en instituant une procédure d’information et de contrôle du Parlement sur les OPEX.
En amont, le Gouvernement doit ainsi l’informer de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger au plus tard trois jours après le début de l’intervention et doit préciser les objectifs poursuivis ; les modalités de cette information restent à sa discrétion. L’information transmise peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.
En aval, s’agissant de la prolongation des opérations extérieures, le principe retenu est celui d’une autorisation parlementaire. Il en est ainsi lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle, l’Assemblée a déjà eu à se prononcer à sept reprises au titre de l’alinéa 3 de l’article 35 de la Constitution, dont trois fois au cours de la XIIIe législature et quatre fois au cours de la XIVe :
- le 22 septembre 2008, elle a ainsi autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées en Afghanistan ;
- le 28 janvier 2009, a été autorisée la prolongation de cinq interventions : au Tchad, en République centrafricaine, en Côte d’Ivoire, au Liban et au Kosovo ;
- le 12 juillet 2011, pour la prolongation de l’intervention en Libye ;
- le 22 avril 2013, afin d’autoriser la prolongation de l’opération Serval menée au Mali ;
- le 25 février 2014, sur la prolongation de l’intervention en Centrafrique (opération Sangaris) ;
- le 13 janvier 2015, pour la prolongation de l’intervention en Irak (opération Chammal) ;
- le 25 novembre 2015, afin d’autoriser la prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien.
La Constitution ne dit cependant rien en cas de prolongation de l’OPEX sur plusieurs années.
Les opérations extérieures étant souvent liées à des accords de défense, une réflexion s’est également engagée sur l’amélioration de l’information du Parlement en la matière.
En effet, puisqu’ils ne font pas partie des accords internationaux énumérés à l’article 53 de la Constitution, ils n’ont pas a priori à être ratifiés ou approuvés en vertu d’une loi. Conformément à un engagement du Président de la République, la liste des accords de défense en vigueur au 1er janvier 2008 a été publiée dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
La loi de programmation militaire 2009‑2014 a parachevé le dispositif en prévoyant dans son rapport annexé que le Parlement sera désormais informé de la conclusion et des orientations des accords de défense. À ce titre, de 2012 à 2017, le Parlement a ainsi été amené à approuver ou ratifier des accords ou traités en matière de défense avec l’Algérie, la Serbie, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, Djibouti, la Croatie, la Nouvelle-Zélande, le Mali et la République de Guinée.