Fiche de synthèse n°52 : Le contrôle de l’application des lois et l’évaluation de la législation et des politiques publiques

Point clé : résumé de la fiche de synthèse

Le suivi de l’application des lois est devenu l’une des missions importantes du Parlement. Il poursuit un double objectif : veiller à l’application des lois votées et s'assurer des conditions concrètes de leur mise en œuvre.

Depuis une dizaine d’années, le contrôle parlementaire de l’application des lois s’étend à l’évaluation de la législation, conformément à la nouvelle approche de l’action publique, qui apprécie les effets et l’impact des décisions prises au regard des objectifs fixés et des moyens mobilisés. Cette évolution se traduit d’ailleurs dans la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a modifié l’article 24 de la Constitution afin de préciser que le Parlement, outre le vote de la loi et le contrôle de l’action du Gouvernement, « évalue les politiques publiques ».

Plusieurs instruments ont été mis en place afin de répondre à ces nouvelles exigences :

- la présentation devant les commissions permanentes de rapports d’application des lois lorsque celles-ci nécessitent la publication de textes de nature réglementaire ;

- la création de structures temporaires – missions d’information ou commissions d’enquête – destinées à  évaluer la mise en œuvre de certaines législations et politiques publiques ;

- le développement de structures plus pérennes : la MEC (mission d’évaluation et de contrôle chargée d’évaluer chaque année les résultats de certaines politiques publiques) placée auprès de la commission des finances de l’Assemblée nationale et la MECSS (mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale) instituée auprès des commissions des affaires sociales de l’Assemblée et du Sénat ;

- le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) ; les délégations parlementaires spécifiques.

I. – Le contrôle de l’application des lois, par principe, relève des commissions permanentes

La complexité croissante des lois les rend de plus en plus tributaires de textes réglementaires d’application. Les députés suivent donc avec attention l’application des lois qu’ils votent afin d’éviter, notamment, que le défaut de publication des textes d’application fasse échec aux décisions qu’ils ont prises.

Depuis 1990, le rapporteur général de la commission des finances procède à l’examen de l’état d’application des dispositions fiscales des lois examinées par la commission (c’est-à-dire non seulement des lois de finances, mais aussi de toutes les lois portant dispositions d’ordre économique et financier). Il présente également au printemps un rapport d’information sur les premiers éléments disponibles concernant l’exécution du budget de l’année précédente.

Cette pratique a été généralisée et étendue à toutes les commissions en 2004. En effet, depuis cette date, à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes de nature réglementaire, un rapport sur la mise en application de cette loi doit être présenté à la commission compétente. Ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi, ainsi que de ses dispositions qui n’auraient pas fait l’objet des textes d’application nécessaires. Il peut donner lieu, en séance publique, à un débat sans vote ou à une séance de questions.

L’article 145‑7 du Règlement confie la rédaction de ce rapport à deux députés. Ce binôme inclut nécessairement le rapporteur du texte dont l’application est examinée, ainsi qu’un député d’un groupe d’opposition, qui peut avoir été désigné à cette fin par la commission dès que le projet de texte lui est renvoyé.

Afin de contrôler l’application des lois, les commissions permanentes disposent des échéanciers de mise en œuvre des textes mis à  disposition par le Gouvernement sur le site Légifrance. Elles peuvent également se fonder sur les études d’impact qui accompagnent les projets de loi et exposent notamment l’état d’application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ainsi que les modalités d’application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées. Enfin, les rapporteurs peuvent requérir toute information utile auprès des ministères chargés de la mise en application du texte et entendre toute personne utile à leur information.

II. – Le développement progressif d'une évaluation des effets de la législation

La nouvelle approche de l’action publique, qui apprécie les effets et l’impact des décisions prises au regard des objectifs fixés et des moyens mobilisés, a été intégrée dans le contrôle parlementaire de l’application des lois. Le développement de ces activités de contrôle et d’évaluation est conforme aux fonctions qu’assigne la Constitution au Parlement qui, aux termes de l’article 24 de la Constitution tel qu’il résulte de la révision du 23 juillet 2008, « vote la loi », « contrôle l’action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ».

Un nombre croissant de textes est assorti d’un dispositif de contrôle qui peut prendre des formes diverses, plus ou moins contraignantes : simple remise d’un rapport d’application ; organisation d’expérimentations sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution ; mise en place de mécanismes d’évaluation, pouvant aller jusqu’à une obligation continue d’information du Parlement afin de lui permettre d’assurer un contrôle immédiat des mesures prises par le Gouvernement (voir par exemple l’article  4-1 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence).

L'Assemblée nationale a utilisé les dispositifs existants ou a créé de nouveaux outils afin d’évaluer la législation, certains temporaires, d’autres pérennes.

1. – Des organes temporaires de contrôle et d'évaluation

En  juin 1990, une modification du Règlement a permis la création de missions d’information temporaires portant notamment sur les conditions d’application d’une législation. Ces missions d’information peuvent être créées au sein d’une seule commission permanente, être communes à plusieurs commissions permanentes ou être créées par la Conférence des présidents.

Depuis la réforme du 28 novembre 2014, le Règlement prévoit l’évaluation de l’impact d’une loi trois ans après son entrée en vigueur. Aux termes de l’article 145-7 du Règlement, il s’agit alors de faire état dans un rapport « des conséquences juridiques, économiques, financières, sociales et environnementales de la loi, le cas échéant au regard des critères d’évaluation définis dans l’étude d’impact préalable, ainsi que des éventuelles difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de la loi. »

La composition de ces missions d’information est très variable. En pratique, ces missions sont presque toujours composées de deux députés ou plus. Conformément à l’article 145 du Règlement, elles doivent alors compter en leur sein un député de l’opposition et s’efforcer de reproduire la configuration politique de l’Assemblée. Lorsque la mission d’information est créée sur décision de la Conférence des présidents, elle comporte un bureau de neuf membres –  un président, quatre vice-présidents et quatre secrétaires  – auquel s’ajoute le poste de rapporteur, la fonction de président ou de rapporteur revenant de droit à un député appartenant à un groupe d’opposition.

Les travaux des missions d’information sont d’une durée variable, souvent de quelques mois, au cours desquels leurs membres procèdent à des auditions et des déplacements, et se concluent par la publication d’un rapport d’information.

Par ailleurs, la mission assignée aux commissions d’enquête – organes parlementaires temporaires spécifiques car dotés de prérogatives d’investigation étendues (communication de pièces, auditions sous serment,…) – tend à évoluer vers une démarche évaluative de politiques sectorielles, ou de telle ou telle législation.

2. – Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Créé par la réforme du Règlement du 27 mai 2009, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) permet à l’Assemblée nationale de mettre en œuvre la fonction d’évaluation qui lui est explicitement reconnue par l’article 24 de la Constitution.

La composition initiale du CEC, très institutionnelle car comportant un certain nombre de membres de droit, présidents d’un groupe politique ou d’une commission permanente, a été modifiée en 2014 pour renforcer son efficacité et assurer une participation accrue des groupes, en rapprochant sa composition de celle des autres délégations et offices. L’article 146-2 du Règlement de l’Assemblée nationale indique que le CEC, présidé par le Président de l’Assemblée nationale, comporte trente-six membres désignés, pour la durée de la législature, de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes.

Au titre de ses missions, dont le champ a été strictement délimité par le Conseil constitutionnel (décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009), le CEC assure les fonctions suivantes :

- assurer l’évaluation des politiques publiques transversales : le CEC, de sa propre initiative ou à la demande d’une commission permanente, évalue les politiques publiques portant sur des domaines de compétence plus larges que ceux d’une commission permanente. Chaque groupe peut obtenir de droit la réalisation d’une évaluation par session ordinaire (article 146-3 du Règlement) ; le programme des travaux du CEC est planifié sur une année ;

- être tenu informé des conclusions des missions d’information : le CEC est tenu informé des conclusions des missions d’information, qu’elles soient propres à une commission permanente, communes à plusieurs commissions permanentes ou créées par la Conférence des présidents (article 146-4 du Règlement) ;

- formuler des propositions pour l’ordre du jour de la semaine réservée par priorité au contrôle et à l’évaluation : en application de l’article 48 de la Constitution, le CEC peut « en particulier, proposer l’organisation en séance publique, de débats sans vote ou de séances de questions portant sur les conclusions de ses rapports ou sur celles des rapports des missions d’information » des commissions permanentes ou de la Conférence des présidents (article 146-7 du Règlement) ;

- réaliser une évaluation préalable d’un amendement d’un député ou de la commission saisie au fond, à la demande de son auteur ou, dans le cas d’un amendement de la commission, à la demande du rapporteur ou du président de la commission (article 146-6 du Règlement).

3. – Les missions d’évaluation et de contrôle

Au sein de la commission des finances de l’Assemblée nationale a été créée en 1999 une mission d’évaluation et de contrôle (MEC) chargée d’évaluer chaque année les résultats de certaines politiques publiques. Cette structure présente deux particularités par rapport aux autres missions créées par les commissions :

- il s’agit dans les faits d’une structure permanente (constituée pour un an, elle est reconduite chaque année),

- la majorité et l’opposition y ont une représentation plus paritaire que proportionnelle et un poste de coprésident est confié à l’opposition.

De la même manière, une mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a été mise en place en 2004 au sein de la commission des affaires sociales. De composition également plus paritaire que proportionnelle, elle constitue un instrument de contrôle des finances sociales permettant aux députés de mieux suivre l’exécution des lois de financement de la sécurité sociale et de s’assurer que les nouveaux outils législatifs et réglementaires répondent aux objectifs financiers retenus.

4. – Les délégations

La délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, créée en 1999, s’est vue confier par la loi le soin d’éclairer l’Assemblée sur les thématiques entrant dans son champ de compétences ainsi que de suivre l’application des lois s’y rapportant.

Créée par la loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007, la délégation parlementaire au renseignement, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, était initialement chargée de « suivre l’activité générale et les moyens des services spécialisés à cet effet placés sous l’autorité des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget ». Afin d’assurer un meilleur contrôle parlementaire sur les activités de renseignement, la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a modifié l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : la délégation parlementaire au renseignement contrôle désormais explicitement l’action du Gouvernement en matière de renseignement et évalue la politique publique dans ce domaine.

Enfin, la Conférence des présidents a créé, le 17 juillet 2012, une délégation aux outre-mer, chargée, comme celle qui existe déjà au Sénat, d’informer l’Assemblée nationale sur toute question relative aux outre-mer. Elle est composée de 63 députés, dont les 27 députés d’outre-mer qui en sont tous membres de droit.