Fiche de synthèse n°49 : Les commissions d’enquête et les missions d’information créées par la Conférence des présidents

Point clé : résumé de la fiche de synthèse

Les commissions d’enquête sont apparues en France avec le régime parlementaire, le droit d’enquête étant considéré comme un corollaire du droit de contrôle des assemblées ; néanmoins, la procédure n’était pas inscrite dans la Constitution.

Associées aux crises du régime sous les IIIème et IVème Républiques, elles ont été dotées, sous la Vème République, d’un statut contraignant destiné à prévenir toute ingérence parlementaire vis-à-vis du pouvoir exécutif et de l’autorité judiciaire.

Toutefois, grâce à l’élargissement de leurs moyens d’investigation et à la publicité de leurs auditions depuis 1991, les commissions d’enquête sont à l’heure actuelle des instruments d’information et de contrôle efficaces, dont les conclusions sont susceptibles d’infléchir l’action gouvernementale. Leur existence est, depuis la révision du 23 juillet 2008, inscrite à l’article 51‑2 de la Constitution, qui prévoit que « des commissions d’enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d’information. »

Depuis 2003, la Conférence des présidents peut créer des missions d’information temporaires, sur proposition du Président de l’Assemblée nationale.

I. – Les commissions d’enquête

1. – La création d’une commission d’enquête 

Depuis 1991, on désigne sous un seul vocable « commission d’enquête » les instances qui auparavant prenaient la forme d’une « commission d’enquête » proprement dite (dont l’objet devait porter sur des faits déterminés) ou d’une « commission de contrôle » (dont l’objet concernait la gestion administrative, financière ou technique de services publics ou d’entreprises nationales).

La création d’une commission d’enquête relève exclusivement de l’initiative parlementaire. Celle-ci doit prendre la forme du dépôt, par un ou plusieurs députés, d’une proposition de résolution tendant à la création d’une telle commission. Cette proposition de résolution doit exposer les motifs de la demande et déterminer l’objet de l’enquête.

Elle est transmise à la commission permanente compétente au fond. L’Assemblée nationale se prononce ensuite en séance publique.

Depuis 1988, un « droit de tirage » annuel permettant l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête, a été reconnu conventionnellement à chaque groupe politique. Ce droit de tirage, qui était tombé en désuétude, a été renforcé et consacré à la suite de la révision constitutionnelle de 2008. Dans sa rédaction issue de la résolution du 27 mai 2009, il a tout d’abord été prévu que chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire puisse demander, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, qu’un débat sur la création d’une commission d’enquête ait lieu en séance publique. Pour être rejetée, la création de la commission d’enquête devait faire l’objet d’un vote négatif des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée, seuls les députés qui y sont défavorables prenant part au vote.

Afin de rendre plus effectif encore ce droit de tirage, le Règlement a été modifié en novembre 2014 afin de garantir la création de droit de la commission d’enquête demandée par le groupe d’opposition ou le groupe minoritaire. Désormais, il suffit que le président d’un tel groupe en fasse la demande pour que la Conférence des présidents prenne acte de la création de la commission d’enquête, à condition toutefois que les conditions requises pour sa création soient réunies. Outre celles tenant à la recevabilité, un groupe ne peut demander selon cette procédure la constitution d’une nouvelle commission d’enquête tant qu’une précédente commission d’enquête ou une mission d’information, elle aussi constituée au titre du droit de tirage, n’a pas achevé ses travaux.

a) Recevabilité de la proposition de résolution

Dans son rapport, la commission permanente se prononce sur la recevabilité de la demande au regard des textes et sur son opportunité.

Selon les termes du Règlement de l’Assemblée nationale, la proposition de résolution doit« déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion » ; cette exigence n’est pas très contraignante en pratique.

Par ailleurs, l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementairesprohibe expressément la création d’une commission d’enquête lorsque les faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. C’est pourquoi le Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que le Président notifie la proposition de résolution dès son dépôt au garde des sceaux.

Le problème de la délimitation précise des domaines respectifs de l’enquête parlementaire et des investigations judiciaires a donné lieu à une jurisprudence complexe ; l’interprétation qui prévaut est que l’existence de poursuites n’interdit pas la création d’une commission d’enquête lorsqu’elle est souhaitée, mais restreint son champ d’investigation aux faits n’ayant pas donné lieu à poursuites. Ainsi, la souplesse d’interprétation de cette règle a permis, par exemple, la création des commissions d’enquête sur le Service d’action civique, les sectes, le Crédit Lyonnais ou le régime étudiant de la Sécurité sociale.

Quoi qu’il en soit, les travaux d’une commission d’enquête sont automatiquement interrompus par l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits qui ont motivé sa création.

b) Composition des commissions d’enquête

Bien que l’ordonnance de 1958 ait prévu à l’origine la désignation des commissaires au scrutin majoritaire, un compromis a toujours permis de respecter la proportionnelle des groupes.

La révision du Règlement du 27 mai 2009 a renforcé le pluralisme des commissions d’enquête. Désormais, leurs membres sont désignés à la proportionnelle des groupes ; leur bureau doit s’efforcer de reproduire la configuration politique de l’Assemblée et d’assurer la représentation de toutes ses composantes. Enfin, les fonctions de président ou de rapporteur reviennent automatiquement à un membre d’un groupe d’opposition ou d’un groupe minoritaire.

Les commissions d’enquête comprennent au maximum 30 membres qui élisent au scrutin secret un bureau – composé obligatoirement d’un président, de 4 vice-présidents et de 4 secrétaires – et un rapporteur.

2. – Déroulement des travaux

a) Des délais limités

Les commissions d’enquête ont un caractère temporaire : leur mission prend fin par le dépôt de leur rapport et au plus tard à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date d’adoption de la résolution qui les a créées.

Par ailleurs, une commission d’enquête ne peut être reconstituée avec le même objet avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la fin de ses travaux ou de la fin des travaux d’une mission créée par la Conférence des présidents sur le même sujet.

b) Des pouvoirs importants

Aux termes de l’ordonnance de 1958, « les commissions d’enquête sont formées pour recueillir des éléments d’information […] en vue de soumettre leurs conclusions à l’assemblée qui les a créées ».

Elles organisent leurs travaux par référence aux règles applicables aux commissions permanentes. La loi a aligné leurs prérogatives sur celles de la commission des finances :

- un droit de citation directe : les personnes dont une commission d’enquête a jugé l’audition utile sont tenues de déférer à la convocation qui leur est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission d’enquête. Elles sont entendues sous serment, à l’exception des mineurs de seize ans. Elles sont tenues de déposer sous réserve des dispositions relatives au secret professionnel prévues aux articles 226‑13 et 226-14 du code pénal. Ces obligations sont assorties de sanctions pénales. Par ailleurs, les sanctions prévues en cas de faux témoignage ou de subornation de témoin sont applicables aux enquêtes parlementaires ; les poursuites judiciaires sont exercées à la demande du président de la commission d’enquêteou à la demande du Bureau de l’Assemblée, lorsque le rapport a été publié. En revanche, les personnes entendues sont protégées, depuis la loi n° 2008‑1187 du 14 novembre 2008, des actions en diffamation, injure ou outrage pour les propos tenus devant une commission d’enquête, sauf s’ils sont étrangers à l’objet de l’enquête ;

- des pouvoirs spécifiques attribués aux rapporteurs : ces derniers exercent leurs missions sur pièces et sur place et doivent obtenir tous les renseignements de nature à faciliter leur mission ; ils sont habilités à se faire communiquer tout document de service, à l’exception de ceux revêtant un caractère secret, concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs ;

- l’apport de la Cour des comptes :depuis la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, les communications de la Cour des comptes aux ministres et les réponses qui leur sont apportées peuvent être communiquées, à leur demande, aux commissions d’enquête et la Cour peut procéder aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions d’enquête du Parlement sur la gestion des services ou organismes soumis à son contrôle ou à celui des chambres régionales ou territoriales des comptes ;

- la publicité des auditions : chaque commission d’enquête est libre de l’organiser par les moyens de son choix, y compris par retransmission télévisée. Elle peut, à l’inverse, choisir de se placer sous le régime du secret. Il faut préciser que le secret continue à s’appliquer aux autres travaux de la commission : ainsi, sauf si le rapport publié à la fin de ses travaux en fait mention, les délibérations internes de la commission ne doivent pas être divulguées.

Chaque commission d’enquête est dotée d’un secrétariat composé de fonctionnaires de l’Assemblée nationale. Les nombreuses auditions auxquelles elle procède font l’objet de comptes rendus, le plus souvent publiés en annexe à son rapport. Elle peut effectuer des missions en France (et le cas échéant à l’étranger), des crédits spécifiques étant prévus à cet effet dans le budget de l’Assemblée nationale.

c) La fin des travaux

Le rapport est adopté par la commission d’enquête et remis au Président de l’Assemblée nationale ; lamention de ce dépôt est faite au Journal officiel. Le rapport est publié, sauf décision contraire de l’Assemblée constituée en comité secret, à la suite d’une demande devant intervenir dans un délai de cinq jours à compter du dépôt. Le rapport d’une commission d’enquête peut en outre faire l’objet d’un débat sans vote en séance publique (ce fut le cas du rapport de la commission d’enquête sur les sectes en 1996).

Toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans, divulguerait ou publierait une information relative aux travaux non publics d’une commission d’enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux en a fait état, est passible de sanctions pénales. Les députés qui auraient fait l’objet d’une sanction pénale ou disciplinaire pour manquement à l’obligation du secret à l’occasion des travaux non publics d’une commission d’enquête ne peuvent à nouveau être désignés membres d’une commission d’enquête pendant la durée de la législature.

3. – Une capacité d’influence sans pouvoir de contrainte

a) L’orientation de l’action gouvernementale

Les conclusions et propositions occupent en général une grande place dans les rapports des commissions d’enquête. Ces documents reflètent évidemment l’opinion de la majorité de la commission, mais l’usage est d’intégrer dans une partie distincte l’opinion des commissaires minoritaires.

Les conclusions contenues dans les rapports peuvent faire l’objet d’un débat sans vote ; les députés peuvent également les évoquer en utilisant les procédures du droit parlementaire classique, notamment en posant des questions au Gouvernement.

La réforme du Règlement de l’Assemblée nationale adoptée le 27 mai 2009 prévoit que, à l’issue de six mois suivant la publication du rapport d’une commission d’enquête, le membre de la commission permanente compétente désigné par celle-ci à cet effet, lui présente un rapport sur la mise en œuvre des conclusions de ladite commission d’enquête.

b) La faculté de susciter l’action judiciaire

En menant leurs investigations, les commissions d’enquête peuvent découvrir des faits délictueux. Sans pouvoir les qualifier juridiquement, ni se prononcer sur la sanction applicable, elles peuvent transmettre les informations recueillies au ministère de la justice, à sa demande, aux fins d’ouverture d’une enquête judiciaire, ou encore saisir directement le parquet, en application de l’article 40 du code de procédure pénale (tel fut le cas de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements sectaires sur les mineurs, en 2006).

c) La stimulation de l’activité parlementaire

Les commissions permanentes, quant à elles, peuvent reprendre une question examinée par une commission d’enquête et compléter ses investigations ; il arrive, en outre, que d’anciens membres d’une commission d’enquête s’associent au dépôt d’une proposition de loi destinée à remédier aux insuffisances de la législation révélées lors de l’enquête.

 

Commissions d’enquête créées à l’Assemblée nationale
sous la XIVème législature

-          Commission d’enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement et des services de l’État, notamment ceux des ministères de l’économie et des finances, de l’intérieur et de la justice, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d’une affaire qui a conduit à la démission d’un membre du Gouvernement.

-          Commission d’enquête sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

-          Commission d’enquête sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés.

-          Commission d’enquête relative aux causes du projet de fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu’on peut tirer de ce cas.

-          Commission d’enquête sur les conditions de privatisation de la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM).

-          Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire.

-          Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de France

-          Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle

-          Commission d'enquête sur l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

-          Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

-          Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

-          Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

-          Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI.

-          Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015

-          Commission d’enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

-          Commission d’enquête sur la fibromyalgie

-          Commission d’enquête sur les conditions d'octroi d'une autorisation d'émettre à la chaîne Numéro 23 et de sa vente

II. – Les missions d’information créées par la Conférence des Présidents

Une disposition du Règlement, adoptée en mars 2003 dans le cadre de la réflexion sur la modernisation des méthodes de travail de l’Assemblée et modifiée en mai 2009, donne à la Conférence des présidents la possibilité de créer des missions d’information, sur la proposition du Président de l’Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel a précisé que ces missions devaient être temporaires et se limiter à un simple rôle d’information.

La création de ces missions en Conférence des présidents, à l’initiative du Président de l’Assemblée, confère une certaine solennité à des travaux qui concernent des sujets sensibles ou des thèmes d’actualité intéressant tous les groupes politiques et toutes les commissions et ce, d’autant plus que le Président de l’Assemblée a la possibilité de présider la mission (missions d’information sur les signes religieux à l’école, sur l’assurance maladie et sur les questions mémorielles).

Depuis 2009, la fonction de président ou de rapporteur revient de droit à un député appartenant à un groupe d’opposition, si ces fonctions ne sont pas exercées par la même personne.

La réforme du Règlement de novembre 2014 a ouvert à chaque président de groupe d’opposition ou minoritaire un droit de tirage, une fois par session ordinaire, leur permettant d’obtenir la création d’une mission d’information, s’ils n’ont pas déjà fait usage au cours de la même session du droit d’obtenir celle d’une commission d’enquête.

Les travaux des missions d’information comprennent des auditions et éventuellement des déplacements en France et à l’étranger. Les rapports peuvent donner lieu à un débat sans vote en séance. Selon l’objet de la mission, ils peuvent également se conclure par le dépôt d’une proposition de loi cosignée, le cas échéant, par l’ensemble des membres de la mission (mission d’information sur l’accompagnement de la fin de vie), d’un projet de loi (missions d’information sur les signes religieux à l’école et sur la famille et les droits des enfants) ou la présentation d’un décret (mission d’information sur l’interdiction du tabac dans les lieux publics).

Missions d’information créées par la Conférence des présidents
sous la XIVe législature

    

-       Mission d’information sur les coûts de production en France

-       Mission d’information sur les immigrés âgés

-       Mission d’information sur l’écotaxe poids lourds

-       Mission d’information sur la simplification législative

-       Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

-       Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

-       Mission d'information sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie

-       Mission d'information relative au paritarisme

-       Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

-       Mission d'information sur les moyens de Daech

-       Mission d’information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

-       Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la France et l'Azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud Caucase