Depuis de nombreuses années, l’Assemblée nationale et le Sénat ont souhaité acquérir une capacité d’expertise autonome.
C’est dans cette optique qu’ont été créés par la loi, divers organes portant le titre de délégation :
- la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques (créée par la loi n° 79-1204 du 31 décembre 1979), commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, chargée d’informer les assemblées des résultats de la politique menée en faveur de la natalité ainsi que de l’application des lois relatives à la régulation des naissances, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse ;
- la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire (loi n° 99-533 du 25 juin 1999), chargée d’évaluer les politiques d’aménagement et de développement du territoire et d’informer les instances parlementaires sur l’élaboration et l’exécution des schémas de services collectifs ainsi que sur la mise en œuvre des contrats de plan ;
- la délégation parlementaire pour les Communautés européennes, devenue délégation parlementaire pour l’Union européenne (loi n° 94-476 du 10 juin 1994), chargée de suivre les travaux conduits par les institutions de l’Union européenne ;
- la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (créée par la loi n° 99-585 du 12 juillet 1999), chargée d’informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ainsi que du suivi des lois en la matière ;
- la délégation parlementaire au renseignement (créée par la loi n° 2007‑1443 du 9 octobre 2007), délégation commune à l’Assemblée nationale et au Sénat.
La loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 tendant à modifier l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires a procédé à la suppression des délégations parlementaires consacrées à la planification et aux problèmes démographiques. Elle a également supprimé la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire afin de tenir compte de la création à l’Assemblée nationale d’une commission permanente chargée de ces questions.
La loi précitée a, par ailleurs, consacré la transformation de la délégation pour l’Union européenne en commission permanente chargée des affaires européennes dans chacune des deux assemblées parlementaires.
Au commencement de la XIVe législature demeuraient en activité la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et la délégation parlementaire au renseignement. Une nouvelle délégation, chargée des Outre-mer, a été créée en juillet 2012, au début de la nouvelle législature et son existence a été consacrée par la loi en février 2017, puis le 28 novembre 2017, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
I. – La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes
La loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 a créé, au sein de chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
1. - La composition et les missions de la délégation
La délégation compte, à l’Assemblée nationale, trente-six membres désignés « de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes ». La délégation de l’Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle-ci. Les délégations établissent leur règlement intérieur, qui précise notamment la composition de leur bureau. Celui-ci est élu au début de chaque législature.
Aux termes de l'article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la délégation a « pour mission d’informer [l’Assemblée] de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l’égalité des chances entre les hommes et les femmes » et d'assurer « le suivi de l’application des lois » dans ce domaine. Si la mission de la délégation est transversale, elle doit être accomplie « sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales » ni de celles de la commission des Affaires européennes.
Par ailleurs, la loi précise que la délégation peut être saisie :
- sur les projets et propositions de loi par le Bureau de l’Assemblée – soit à son initiative soit à la demande d’un président ou d'une présidente de groupe – ou par une commission permanente ou spéciale – soit à son initiative soit à la demande de la délégation elle-même ;
- sur les textes soumis en application de l’article 88-4 de la Constitution, par la commission chargée des Affaires européennes.
Ces travaux donnent lieu au dépôt d’un rapport comportant des recommandations qui est rendu public et transmis aux commissions concernées.
La loi prévoit également l’établissement par les délégations parlementaires aux droits des femmes, chaque année, d’un « rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d’amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence ».
Pour mener à bien ses travaux, sur une thématique particulière ou sur un projet ou une proposition de loi, la délégation entend toute personne dont elle juge l’audition utile à son information. Elle peut notamment demander à entendre les ministres ; plus d’une vingtaine d’auditions de ministres et de secrétaires d’État ont ainsi eu lieu entre juillet 2012 et début 2017.
Le Gouvernement doit lui communiquer les informations utiles ainsi que les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission, aux termes de la loi du 12 juillet 1999 précitée, qui précise également qu’elle peut tenir des réunions conjointes avec la Délégation aux droits des femmes du Sénat.
2. - Les travaux menés par la délégation
La politique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes est par nature transversale : au-delà des mesures spécifiques en direction des femmes, il s’agit en effet de prendre en compte l’objectif d’égalité des sexes dans la conception et la mise en œuvre de toutes les politiques publiques.
Depuis sa création, la délégation a ainsi mené de nombreux travaux sur des sujets variés, tels que la parité en politique, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l’égalité professionnelle et salariale, les retraites, le travail à temps partiel, les violences faites aux femmes et la prostitution, la contraception et l'interruption volontaire de grossesse (IVG) mais, aussi, par exemple, la lutte contre le dérèglement climatique, les modalités d’imposition sur le revenu, le budget, le droit d’asile, le numérique ou encore l’aide publique au développement, sous le prisme de l’égalité femmes-hommes.
Au cours de la XIVème législature (2012-2017), la Délégation aux droits des femmes a publié trente rapports :
- dont environ la moitié sur des projets ou propositions de loi, concernant notamment le harcèlement sexuel, l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, la sécurisation de l’emploi, l’enseignement supérieur et la recherche, le système de retraites, l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la santé, le dialogue social et l’emploi, la République numérique, la réforme du droit du travail, etc. ; dans le cadre de l’examen de ces textes, les rapporteures et rapporteurs de la délégation ont déposé plusieurs amendements visant à mettre en œuvre les recommandations adoptées ;
- les autres rapports d’information portaient sur des thèmes particuliers, tels que le réseau déconcentré des droits des femmes, la mise en œuvre des obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle, la lutte contre le système prostitutionnel, la fiscalité, l’égalité femmes-hommes à Mayotte, etc., outre les actes de colloques organisés par la délégation ainsi que les rapports d’activité annuels, évoqués plus haut. La délégation a aussi adopté, en février 2017, un rapport d’information dressant le bilan des mesures adoptées en matière d’égalité femmes-hommes au cours de cette législature et de leur mise en œuvre.
La délégation a organisé plusieurs colloques, ouverts au public, sur différents thèmes, tels que l’égalité dans la fonction publique, la lutte contre le dérèglement climatique, la place des femmes en politique, l’aide publique au développement, les images et violences sexistes dans l’audiovisuel, les jeux vidéos ou internet, ou encore les nouvelles féministes.
Elle a par ailleurs développé au fil des années une activité internationale qui la conduit, d’une part, à participer à des réunions au niveau européen (au Parlement européen, par exemple) ou mondial (aux Nations Unies, notamment), d’autre part, à accueillir des personnalités ou délégations étrangères.
II. – La délégation parlementaire au renseignement
Créée par la loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007, la délégation parlementaire au renseignement, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, était initialement chargée de « suivre l’activité générale et les moyens des services spécialisés à cet effet placés sous l’autorité des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget ». Ses prérogatives ont été renforcées par la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 : elle contrôle désormais explicitement l’action du Gouvernement en matière de renseignement et évalue la politique publique en ce domaine.
Présidée alternativement par un député ou un sénateur, elle est composée de quatre députés et de quatre sénateurs, dont les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées respectivement des affaires de sécurité intérieure et de défense qui en sont membres de droit. Les autres députés et sénateurs sont désignés par le Président de chaque assemblée de manière à assurer une représentation pluraliste.
Afin de mener à bien ses missions, la délégation reçoit des informations concernant notamment la stratégie nationale du renseignement, le plan national d’orientation du renseignement, les crédits budgétaires consacrés au renseignement et le rapport annuel d’activité des services de renseignement.
Elle peut également solliciter du Premier ministre et des ministres concernés la communication des rapports de l’inspection des services de renseignement.
Elle se réunit de façon quasi-hebdomadaire et peut entendre le Premier ministre, les ministres compétents ainsi que les responsables des services de renseignement, éventuellement accompagnés des collaborateurs de leur choix.
Elle peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. La délégation établit, par ailleurs, un rapport public annuel.
Compte tenu du caractère extrêmement sensible de certaines informations, la délégation se voit imposer des restrictions portant à la fois sur la collecte et la publicité des données qui lui sont transmises.
Aux termes de l'article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, les documents, informations et éléments d’appréciation recueillis par la délégation ne peuvent porter ni sur les opérations en cours des services de renseignement, « ni sur les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard, ni sur les procédures et méthodes opérationnelles, ni sur les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement. »
Enfin, les travaux de la délégation sont couverts par le secret de la défense nationale. Le respect de celui-ci s’impose aux membres de la délégation et exclut la publication d’aucune information, ni d’aucun élément d’appréciation protégés par lui.
III. – La délégation parlementaire aux Outre-mer
Créée par la Conférence des présidents en juillet 2012, la délégation aux outre-mer a été institutionnalisée dans chaque assemblée par l’article 99 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, codifié à l’article 6 decies de l’ordonnance 58-1100 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui en fixe les compétences et la composition.
La délégation a pour mission d’informer l’Assemblée nationale sur la situation des collectivités des outre-mer, quel que soit leur statut, ainsi que sur toute question relative aux outre-mer.
Elle comprend de plein droit tous les députés élus par les outre-mer. Elle est complétée de manière que sa composition assure la représentation proportionnelle de tous les groupes politiques de l’Assemblée. Au cours de la quatorzième législature, elle comptait 67 membres.
Durant cette législature, la délégation aux outre-mer s’est acquittée de sa tâche en intervenant, par le biais de propositions annexées à ses rapports d’information, dans l’élaboration de divers projets de lois susceptibles d’intéresser les outre-mer. Elle a également adopté des rapports thématiques dont le plus emblématique a été consacré aux conséquences pour les outre-mer du changement climatique, présenté par trois co-rapporteurs représentant chacun une zone géographique des outre-mer. Le projet de résolution qui concluait ce rapport, repris et cosigné par des députés appartenant à la majorité comme à l’opposition, a été adopté par l’Assemblée nationale à l’occasion du débat préparatoire à la COP 21.
Enfin, la délégation a organisé de nombreuses auditions de personnalités de tous horizons et de tous domaines d’activité qui ont conforté, au fil des ans, son rôle d’interlocuteur institutionnel pour les problèmes ultramarins. C’est ainsi qu’elle a reçu la primeur des conclusions du rapport particulier de la Cour des comptes sur la départementalisation de Mayotte, en janvier 2016.
IV. – La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation
La Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (DCTD) a été créée par décision de la Conférence des Présidents du 28 novembre 2017.
A la différence des autres délégations parlementaires, son existence n’est, pour l’heure, pas encore consacrée par la loi. Le Président de l’Assemblée nationale avait cependant indiqué, au moment de la création de la DCTD, qu’il pourrait à terme être envisagé de modifier l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires afin d’inscrire dans la loi l’existence d’une Délégation aux collectivités territoriales dans chacune des deux assemblées (le Sénat disposant, pour sa part, d’une telle délégation depuis une décision de son Bureau du 7 avril 2009).
La création de la DCTD a eu pour objet de doter l’Assemblée nationale d’un organe pérenne entretenant avec les collectivités territoriales un dialogue constructif et permanent. Si l’article 36 du Règlement de l’Assemblée donne compétence à la commission des Lois en matière de collectivités territoriales, le fait que les questions relatives à ces dernières soient très fréquemment transversales et de nature à intéresser plusieurs commissions a conduit la Conférence des Présidents à décider de la création d’une délégation qui regroupe des députés appartenant à toutes les commissions.
La DCTD est composée de trente-six membres, désignés de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques. Son bureau est composé d’un président, de quatre vice-présidents et de quatre secrétaires.
Ses moyens d’action sont de quatre ordres.
Premièrement, elle procède à des auditions de toute personne qu’elle estime nécessaire d’entendre pour son information. Au cours de sa première année d’existence (de sa première réunion, tenue le 31 janvier 2018, au 31 décembre 2018), la Délégation a procédé, dans le cadre de dix-huit réunions, à l’audition de quatre membres du Gouvernement, neuf présidents ou responsables d’associations d’élus, cinq experts, directeurs d’administration ou présidents d’institutions et onze élus locaux à raison de leur mandat (dans le cadre du cycle d’auditions consacrées à la métropole du Grand Paris).
Deuxièmement, la Délégation conduit des travaux d’information, de contrôle ou d’évaluation, en créant des missions d’information, groupes de travail ou missions « flash ». Au cours de sa première année, la Délégation a créé cinq missions flash ou d’information confiées à des binômes de co-rapporteurs appartenant à la majorité et à l’opposition (sur les sujets suivants : expérimentation et différenciation territoriale ; autonomie financière des collectivités territoriales ; efficacité du dispositif des zones des revitalisation rurale ; équilibre entre les territoires urbains et ruraux ; investissement des collectivités territoriales) et un groupe de travail, également confié à un binôme majorité-opposition (sur la réforme de la fiscalité locale).
Troisièmement, la Délégation émet des avis sur les textes ou parties de textes (projets ou propositions de loi) dont elle estime qu’ils ont une incidence sur les collectivités territoriales. Au cours de sa première année, la Délégation s’est saisie pour avis de trois textes : le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) ; la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ; la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires.
Quatrièmement, la Délégation effectue des déplacements collectifs afin de rencontrer, en région, des représentants de toutes les catégories de collectivités territoriales. Elle prévoit d’effectuer un déplacement par trimestre afin d’avoir effectué, à la fin de la XVe législature, au moins un déplacement dans chaque région métropolitaine. Elle a effectué son premier déplacement en septembre 2018 à Nantes.