1. - Les lois constitutionnelles
Les lois constitutionnelles portent révision de la Constitution selon la procédure déterminée à l’ article 89 de la Constitution.
L’initiative d’une révision constitutionnelle appartient au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, ainsi qu’aux députés et aux sénateurs. Le projet ou la proposition de loi constitutionnelle doit être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’un projet de loi, le Président de la République peut décider de ne pas le soumettre à référendum, mais au Parlement convoqué en Congrès qui l’approuve à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Le champ de la révision constitutionnelle fait l’objet d’une double limitation :
- limitation dans le temps : aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ou en cas d’intérim de la présidence de la République ;
- limitation de son champ : les lois constitutionnelles ne peuvent remettre en cause la forme républicaine du Gouvernement.
2. - Les lois organiques
Les lois organiques précisent les modalités d’organisation et de fonctionnement des pouvoirs publics dans les cas prévus par la Constitution.
Les projets et propositions de loi tendant à modifier une loi organique ou portant sur une matière à laquelle la Constitution confère un caractère organique doivent comporter dans leur intitulé la mention expresse de ce caractère. Elles ne peuvent contenir de dispositions d’une autre nature.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu’une loi organique « ne peut intervenir que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution » ( décision n° 87-234 DC du 7 janvier 1988) et précisé que « l’introduction dans un texte de loi organique de dispositions n’ayant pas cette nature pourrait en fausser la portée » ( décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005). Toutefois, lorsque des dispositions non organiques sont insérées dans une loi organique, le Conseil se contente de les « déclasser », c’est-à-dire de leur restituer leur valeur de loi ordinaire (ce qui permet de les modifier selon la procédure applicable aux lois ordinaires).
Les projets ou propositions de loi organique sont soumis à une procédure particulière d’adoption :
- comme les lois ordinaires, ils ne peuvent être examinés par la première assemblée saisie qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après leur dépôt. Toutefois, en cas d’engagement de la procédure accélérée, subsiste un délai spécifique, fixé à quinze jours, ce qui n’est pas le cas pour les autres lois ;
- il ne peut être présenté aucun amendement ou article additionnel tendant à introduire dans le projet ou la proposition des dispositions ne revêtant pas le caractère organique ;
- en cas de désaccord entre les deux assemblées, la loi organique ne peut être adoptée en dernière lecture par l’Assemblée nationale qu’à la majorité absolue de ses membres ;
- les lois organiques relatives aux conditions d’application de l’article 88 -3 de la Constitution (ouvrant aux résidents de l’Union européenne le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales) et celles « relatives au Sénat » doivent être adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Le Conseil constitutionnel a, en 2009, limité la portée de la notion de lois organiques « relatives au Sénat » aux dispositions qui affectent directement et spécifiquement le Sénat. Une loi n’est pas relative au Sénat lorsque chaque assemblée est concernée par les mêmes dispositions ;
- une loi organique ne peut être promulguée qu’après déclaration par le Conseil constitutionnel de sa conformité à la Constitution.
3. - Les lois de finances
On distingue trois catégories de lois de finances :
- la loi de finances de l’année (souvent appelée loi de finances « initiale ») qui arrête annuellement les ressources, les dépenses et le montant de l’excédent ou du déficit budgétaire de l’État ;
- la loi de finances rectificative qui a notamment pour objet d’ajuster les prévisions de ressources de l’année en cours ou de modifier les dépenses ou leur répartition ;
- la loi de règlement qui constate les résultats financiers de chaque année civile.
En application de l’ article 39 de la Constitution, les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il en allait de même des amendements gouvernementaux qui, dans ce cadre, introduisent des mesures nouvelles (décisions n° 76-73 DC du 28 décembre 1976 et n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006).
Le Parlement dispose d’un délai de 70 jours pour se prononcer (40 jours en première lecture à l’Assemblée nationale, 15 ou 20 jours en première lecture au Sénat). Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans ce délai, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnances.
La loi de finances est votée en deux parties distinctes, d’abord celle relative aux ressources et à l’équilibre général, puis celle relative aux dépenses ainsi qu’aux mesures n’ayant pas d’incidence sur l’équilibre. Le projet de loi de finances est soumis à une seule lecture dans chaque assemblée, avant que le Gouvernement puisse provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.
4. - Les lois de financement de la sécurité sociale
Catégorie de lois instituée par la révision constitutionnelle du 22 février 1996, les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de ses prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses. Elles déterminent également les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et prévoient, par catégorie, les recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base dont elles fixent, par branche, les objectifs de dépenses.
Les lois de financement de la sécurité sociale sont examinées chaque année à l’automne, selon des règles de procédure inspirées de celles des lois de finances. Elles sont soumises en premier lieu à l’Assemblée nationale ; il en va de même des amendements qui, dans ce cadre, introduisent des mesures nouvelles. Le Parlement dispose d’un délai de 50 jours pour se prononcer (20 jours à l’Assemblée en première lecture, 15 jours au Sénat en première lecture) ; si le Parlement ne s’est pas prononcé dans ce délai, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnances.
Les lois de financement de la sécurité sociale comportent quatre parties : la première correspond à la loi de règlement, la seconde à la loi de financement rectificative pour l’année en cours, la troisième regroupe les recettes pour l’année à venir et la quatrième les dépenses.
Des lois de financement rectificatives supplémentaires peuvent en cours d’année modifier les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année.
5. - Les lois de programmation
Les lois de programmation – qui remplacent les lois dites de « programme » depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 – déterminent les objectifs de l’action de l’État, dans un domaine déterminé (éducation nationale, dépenses militaires, etc.), pour une durée de plusieurs années (souvent cinq ans), et les moyens financiers qu’il envisage d’y consacrer.
Cependant, les crédits correspondants ne peuvent être ouverts que par une loi de finances votée pour chaque exercice budgétaire. Les lois de programmation n’ont donc pas de valeur normative et obligatoire sur le plan financier. Les plans approuvés par le Parlement, définissant des objectifs à long terme, peuvent donner lieu à des engagements financiers de l’État, mais cette procédure est tombée en désuétude (la dernière loi de ce type étant celle du 10 juillet 1989 approuvant le Xème plan). En revanche, depuis 2008, des lois de programmation peuvent définir les orientations pluriannuelles des finances publiques.
6. - Les lois autorisant la ratification des traités
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.
Les traités ou accords portant sur les domaines définis à l’ article 53 de la Constitution ne peuvent être ratifiés par le Président de la République qu’après le vote d’une loi l’y autorisant ; il s’agit des traités de paix, traités de commerce, traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes et ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire.
Au cours de l’examen par les assemblées du projet de loi de ratification, les articles contenus dans les traités ou accords soumis à ratification ne sont pas soumis au vote. Aucun amendement ne peut être présenté sur le texte du traité. L’Assemblée ne peut conclure qu’à l’adoption, au rejet ou à l’ajournement.
Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le Président de l’une ou de l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, déclare qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution.
L’ article 11 de la Constitution n’emploie pas le terme de loi référendaire. Mais il prévoit que, sur certains sujets, un projet de loi peut être soumis au référendum, c’est-à-dire à l’ensemble des électeurs. Adoptées au suffrage universel, les lois référendaires échappent au contrôle de constitutionnalité (décision du Conseil constitutionnel du 6 novembre 1962).
Le texte soumis au référendum doit porter sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendre à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.
La décision de recourir au référendum est prise par le chef de l’État, sur proposition du Premier ministre pendant la durée des sessions parlementaires ou sur proposition conjointe des deux assemblées. Dans les faits, le Parlement n’a jamais usé de son pouvoir d’initiative. Quant au Gouvernement, sa proposition n’a été le plus souvent que de pure forme, l’initiative réelle appartenant au Président de la République.
La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l’ article 11 de la Constitution afin d’introduire la référence précitée aux textes portant sur la politique environnementale de la Nation mais aussi pour prévoir une nouvelle voie de recours au référendum. Celui-ci peut désormais être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Si cette proposition n’a pas été examinée au moins une fois par chacune des assemblées dans un délai de six mois à compter de la décision du Conseil constitutionnel déclarant qu’elle a bien reçu le soutien d’au moins un dixième des électeurs, le Président de la République la soumet au référendum.
En marge de la procédure prévue par l’ article 89 de la Constitution, le Général de Gaulle a eu recours à la procédure de la loi référendaire pour réviser la Constitution afin d’instituer l’élection du Président de la République au suffrage universel ( loi constitutionnelle du 6 novembre 1962).