Créée en 1807, la Cour des comptes a vu progressivement ses missions s’élargir avec l’extension des compétences de l’État et de la sphère publique.
Elle a désormais compétence pour contrôler :
– l’État ;
– les établissements publics nationaux ;
– les entreprises publiques ;
– les institutions de la sécurité sociale.
Dans tous ces cas, sa saisine résulte de la loi, elle est donc automatique.
– les organismes de droit privé dont la majorité des voix ou du capital est détenue par des organismes soumis obligatoirement au contrôle de la Cour ou dans lesquels ces organismes ont un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ;
– les organismes de droit privé (les associations, notamment) bénéficiaires de concours financiers d’origine publique ;
– les organismes d’intérêt général faisant appel à la générosité publique ;
– les organismes bénéficiant de concours financiers de l’Union européenne ;
– les organismes habilités à recevoir des impositions de toute nature et des cotisations légalement obligatoires.
I. – Les quatre rôles de la Cour des comptes : juger, contrôler, certifier, évaluer
1. – Juger
Les fonctions juridictionnelles de la Cour des comptes, ainsi que, pour les organismes relevant de leur ressort, des chambres régionales et territoriales des comptes, ont longtemps été centrées sur le jugement des comptes des comptables publics.
Ce contrôle de régularité s’exerçait sur les seuls comptables publics (ou sur des « comptables de fait » s’étant immiscé dans les fonctions de ces derniers). À ce titre, les juridictions financières vérifiaient le respect des règles comptables relatives au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses.
Par ailleurs, la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), juridiction administrative spécialisée de nature répressive, rattachée à la Cour des comptes, était seule compétente pour sanctionner les infractions aux règles de gestion publique commises par les agents publics ordonnateurs des recettes et des dépenses.
La loi de finances pour 2022 et une ordonnance du 23 mars 2022, mettent fin, à compter du 1er janvier 2023, à ce régime dual de responsabilité financière, et le remplacent par un régime commun aux ordonnateurs et aux comptables publics.
Ce nouveau régime de responsabilité conduit à poursuivre les infractions aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens de l'État, des collectivités, établissements et organismes soumis au contrôle des juridictions financières, dès lors que ces infractions sont constitutives « d’une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif ». En conséquence, de simples erreurs comptables n’engageront plus la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public. En revanche, les magistrats financiers pourront sanctionner les infractions financières les plus graves commises par l’ensemble des gestionnaires publics et appliquer des amendes, non rémissibles et non assurables, plafonnées à six mois de rémunération.
Les affaires seront instruites et jugées, en premier ressort, par une chambre du contentieux de la Cour des comptes, composée de magistrats de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes, l’appel relevant d’une Cour d’appel financière, composée de magistrats de la Cour des comptes, de conseillers d’État et de personnalités qualifiées, le juge de cassation demeurant le Conseil d’État.
Il convient de relever que, parmi les personnes ayant qualité pour déférer au ministère public près la Cour des comptes des faits susceptibles de constituer des infractions, figure notamment le président de l’Assemblée nationale.
2. – Contrôler
La Cour des comptes vérifie le bon emploi des fonds publics (selon l’article
L. 111-3 du code des juridictions financières, elle « s’assure du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l’État »), soit à l’occasion de l’exercice de ses fonctions juridictionnelles, soit directement en examinant la gestion des ordonnateurs.
En pratique, partout où de l’argent public est engagé, la Cour veille à la régularité, à l’efficience et à l’efficacité de la gestion. Pour ce faire elle contrôle l’État et ses opérateurs, les organismes de sécurité sociale, les entreprises publiques, les organismes bénéficiant de dons ainsi que les établissements et services médico-sociaux et les cliniques privées. Ses observations sont communiquées aux institutions et organismes contrôlés, ainsi qu’à leurs autorités de tutelle.
Enfin, comme l’aide de l’État à un organisme privé peut consister en une subvention, la Cour est compétente pour vérifier l’emploi de ces aides publiques. Depuis 1991, cette compétence est étendue aux organismes faisant appel à la générosité publique. La Cour porte une appréciation sur la conformité des dépenses engagées par ces organismes aux objectifs poursuivis par l’appel à la générosité publique.
3. – Certifier
Chaque année, la Cour certifie les comptes de l’État et du régime général de la sécurité sociale. Cette mission, confiée par la loi organique relative aux lois de finances de 2001 et par celle relative aux lois de financement de la sécurité sociale de 2005, vise à garantir aux citoyens une information financière et comptable plus claire, lisible, et une image plus fidèle de la réalité financière de l’État et de la sécurité sociale.
Conformément à la convention signée le 23 juillet 2013 par le Premier président, le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée nationale, la Cour certifie chaque année les comptes des deux assemblées. Cette mission, qui vise à apprécier la conformité des états financiers au référentiel comptable de chaque assemblée, ne porte pas sur la gestion des moyens, matériels et humains, mobilisés pour assurer leur fonctionnement.
4. – Évaluer
La Cour assiste le Parlement et le Gouvernement dans l’évaluation des politiques publiques. Elle cherche à vérifier si les résultats sont à la hauteur des objectifs fixés et si les moyens budgétaires sont utilisés de manière efficace et efficiente. Le rôle de la Cour n’est pas de commenter les choix faits, mais d’évaluer les conséquences et de formuler des recommandations pour atteindre les objectifs votés par le Parlement. Les pouvoirs publics peuvent ainsi fonder leurs décisions sur des analyses objectives.
II. – L’assistance au Parlement
L’article 47-2 de la Constitution, tel qu’il résulte de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, prévoit que la Cour des comptes :
– assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement ;
– assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques ;
– contribue à l’information des citoyens par ses rapports publics.
Résultant de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, la référence à l’évaluation tend à consacrer une évolution qui a conduit les assemblées, comme la Cour, à intégrer dans leurs travaux une dimension nouvelle : l’appréciation des résultats et de l’efficacité des politiques publiques. C’est en particulier l’objet du Printemps de l’évaluation mis en place sous la XVème législature.
1. – La transmission de documents
L’assistance de la Cour au Parlement se traduit d’abord par la transmission de nombreux documents dont certains seulement sont publics.
Le Parlement est évidemment destinataire des rapports publics de la Cour :
– le rapport public annuel adressé au Président de la République. Il est, en application de l’article L. 143-6 du code des juridictions financières, « présenté au Parlement ». Cette présentation prend la forme d’un dépôt effectué de façon solennelle par le Premier président de la Cour dans l’hémicycle de chacune des assemblées ;
– les rapports publics thématiques ou particuliers qui résultent d’enquêtes de la Cour parfois conjointes avec les chambres régionales des comptes.
Le Parlement est aussi destinataire de documents non publics : les rapports particuliers établis sur les comptes et la gestion d’entreprises publiques ainsi que les référés de la Cour qui ne seraient pas publiés (observations adressées à des ministres sous la signature du Premier président), etc.
Cette information du Parlement par la Cour a été renforcée en 2008 par une disposition prévoyant que son Premier président communique aux commissions des finances, aux commissions des affaires sociales et aux commissions d’enquête des assemblées, à leur demande, les constatations et observations définitives de la Cour qui ne font pas l’objet d’une transmission obligatoire.
2. – L’aide au contrôle des finances publiques
L’article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances a modifié et précisé la mission d’assistance de la Cour au Parlement en matière de contrôle des lois de finances et plus généralement des finances publiques.
Il est ainsi précisé que la mission d’assistance confiée à la Cour comporte notamment le dépôt de plusieurs rapports :
– un rapport, avant la fin du mois de juin, relatif à la situation et aux perspectives des finances ;
– un rapport, conjoint au dépôt du projet de loi relative aux résultats de la gestion, sur l’exécution des lois de finances qui doit comporter une analyse par mission et par programme de l’exécution des crédits budgétaires ;
– un rapport conjoint au dépôt de tout projet de loi de finances sur les mouvements de crédits opérés par voie administrative et dont la ratification est demandée dans ledit projet de loi de finances (il s’agit en pratique des décrets d’avances).
Par ailleurs, la Cour doit certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État.
Elle doit également répondre aux demandes d’assistance formulées par le président et le rapporteur général des commissions des finances de chacune des assemblées dans le cadre de leur mission de contrôle et d’évaluation.
La Cour a enfin l’obligation de répondre, dans un délai de huit mois, à toute demande d’enquête sur la gestion des services ou organismes qu’elle contrôle, émanant des commissions des finances. De fait, la Cour est saisie chaque année, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, de demandes d’enquête sur des sujets arrêtés par la commission des finances sur proposition de son bureau, qui choisit parmi les demandes formulées par les membres de la commission et en particulier par les rapporteurs spéciaux. C’est ainsi que la Cour des comptes remet à la commission des finances quatre à six rapports d’enquête par an, qui font ensuite l’objet d’une présentation et d’un débat devant la commission.
La Cour apporte une assistance comparable dans le domaine du contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Elle établit chaque année un rapport sur leur application qu’elle remet au Parlement. Elle peut être saisie par les commissions parlementaires compétentes de toute question relative à l’application des lois de financement et procéder à leur demande aux enquêtes sur les organismes soumis à son contrôle (article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières).
III. – Le Haut Conseil des finances publiques
Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), signé à Bruxelles le 2 mars 2012, prévoit que des « institutions indépendantes [sont] chargées, au niveau national, de vérifier le respect des règles » communes sur le solde structurel des administrations publiques et l’objectif de son équilibre à moyen terme.
Sur ce fondement, la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a créé le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). La loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a rassemblé ces dispositions dans un titre VI, nouveau, de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux loi de finances (LOLF).
La loi organique dispose que le HCFP est un « organisme indépendant, […] placé auprès de la Cour des comptes [et] présidé par le premier président de la Cour des comptes ». Outre son président, il comprend quatre magistrats en activité à la Cour des comptes, le directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et cinq personnalités nommées, respectivement, par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, les présidents des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et le président du Conseil économique, social et environnemental).
Le Haut Conseil contribue à l’information du Parlement dans la mesure où la publication de ses avis, pour l’essentiel à l’occasion du dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale du projet de loi auquel ils se rapportent, s’accompagne quasi systématiquement d’une audition de son président par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Ces avis, pour la préparation desquels le HCFP peut adresser toute question à l’administration ou avoir recours à une expertise tierce, portent en particulier sur :
- « la cohérence des prévisions macroéconomiques et de l’estimation du produit intérieur brut potentiel sur lesquelles repose le projet de loi de programmation des finances publiques […] au regard de l’objectif à moyen terme retenu et des engagements européens de la France » ;
- « la cohérence de l’article liminaire du projet de loi de finances de l’année et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques […] définies dans la loi de programmation des finances publiques, ainsi que le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses » de ces deux textes ;
- le cas échéant, « la cohérence du projet de loi de finances rectificative, [du] projet de loi de finances de fin de gestion ou [du] projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, notamment de son article liminaire, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques, ainsi que le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses » ;
- « la compatibilité des dispositions des projets de loi de programmation [sectoriels] mentionnés au vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution ayant une incidence sur les finances publiques avec les objectifs de dépenses prévus […] par la loi de programmation des finances publiques en vigueur ou, à défaut, par l’article liminaire de la dernière loi de finances » ;
- « les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de programme de stabilité établi au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l’Union européenne » ;
- « le cas échéant, les écarts importants […] que fait apparaître la comparaison des résultats de l’exécution de l’année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques » ;
- à la demande du Gouvernement, la réunion ou non des « circonstances exceptionnelles » qui, aux termes du TSCG, autorisent un écart temporaire à la trajectoire.
Les travaux du Haut Conseil des finances publiques éclairent par ailleurs le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel dans leur rôle respectif de conseiller juridique du Gouvernement et de gardien du respect de la Constitution par le législateur.