Fiche de synthèse n°6 : Le Conseil constitutionnel

Point clé : résumé de la fiche de synthèse

Longtemps considéré comme une atteinte à l’expression de la volonté de la Nation, le contrôle de la constitutionnalité des lois n’existe réellement en France que depuis 1958. Il a été confié au Conseil constitutionnel, organe confiné dans un rôle limité lors des premières années de la Vème République.

Plusieurs révisions constitutionnelles (en particulier celle de 1974 permettant aux parlementaires de saisir le Conseil des lois non encore promulguées et celle de 1992 élargissant cette faculté aux traités), associées à la jurisprudence même du Conseil, lui ont permis de trouver progressivement sa place dans les institutions et d’affirmer son autorité tant en matière de contrôle de la constitutionnalité des normes que dans le domaine du contentieux électoral.

La reconnaissance, au mois de juillet 2008, d’une possibilité de saisir le Conseil constitutionnel, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, lorsqu’un justiciable fait valoir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution lui garantit, s’inscrit dans le prolongement de cette évolution.

I. – Composition

1. - Les membres de droit

Les anciens Présidents de la République sont membres de droit et à vie du Conseil constitutionnel.

2. - Les membres désignés

Neuf membres sont désignés pour neuf ans, trois par le Président de la République, trois par le Président du Sénat, trois par le Président de l’Assemblée nationale. Le Conseil se renouvelle par tiers tous les trois ans, les trois détenteurs du pouvoir de nomination nommant chacun un nouveau membre à cette occasion. Le président du Conseil est nommé par le Président de la République.

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi du 23 juillet 2010, ces nominations sont soumises à la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution (avis public de la commission chargée des lois constitutionnelles de chaque assemblée ; impossibilité d’y procéder lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions). Toutefois, les nominations effectuées par les Présidents de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission chargée des lois constitutionnelles de l’assemblée concernée.

II.– Statut des membres du Conseil constitutionnel

Les membres du Conseil constitutionnel ne sont soumis à aucune condition d’âge ni de qualification professionnelle.

Avant leur entrée en fonction, les membres du Conseil constitutionnel prêtent serment devant le Président de la République.

Leur statut vise à garantir leur indépendance :

– ils sont irrévocables ;

– leur mandat n’est pas renouvelable (toutefois, en cas de nomination en remplacement d’un conseiller en cours de mandat à moins de trois ans du terme de celui-ci, le remplaçant peut être désigné à nouveau pour un mandat complet) ;

– ils sont soumis à un régime d’incompatibilité rigoureux, qui inclut l’ensemble des mandats électoraux et qui a été étendu à l’ensemble des activités professionnelles par la loi organique du 11 octobre 2013 ;

– le non-respect des règles d’incompatibilité entraîne la démission d’office de l’intéressé ;

– ils sont soumis à une obligation de réserve les contraignant à garder le secret des délibérations, à ne pas donner de consultations et à ne pas exprimer de position politique sur des sujets ayant fait ou pouvant faire l’objet d’une décision du Conseil.

III.– Missions du Conseil constitutionnel

1. – Les compétences consultatives

Le Président de la République doit consulter le Conseil constitutionnel lorsqu’il décide d’exercer les pouvoirs exceptionnels que lui confère l’article 16 de la Constitution (l’avis du Conseil est publié au Journal officiel). Les mesures prises dans le cadre de l’article 16 requièrent l’avis préalable du Conseil. Depuis juillet 2008, l’article 16 prévoit que, après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale ou du Sénat ainsi que par soixante députés ou sénateurs aux fins d’examiner si les conditions requises par la Constitution pour recourir à ces pouvoirs demeurent réunies ; il procède de plein droit à cet examen au bout de soixante jours.

Par ailleurs, le Gouvernement consulte le Conseil sur les actes préparatoires à l’organisation du scrutin pour l’élection présidentielle et le référendum.

2. – Les compétences juridictionnelles

a) Le contentieux électoral et référendaire

Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des consultations électorales.

Pour l’élection présidentielle, il vérifie notamment l’éligibilité des candidats, contrôle les parrainages, s’assure du dépôt de la déclaration de situation patrimoniale, établit la liste des candidats, veille à la régularité des opérations électorales, examine les réclamations (celles-ci peuvent être formulées par tout électeur) ; il proclame les résultats de l’élection ; il examine également les recours contre les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; enfin, c’est le Conseil constitutionnel qui peut décider de reporter l’élection en cas de décès ou d’empêchement d’un candidat.

Pour les élections parlementaires, le Conseil vérifie la régularité des résultats sur requête des électeurs ou des candidats ; il peut soit valider les résultats, soit annuler l’élection, voire (mais ce cas ne s’est produit qu’une seule fois) réformer le résultat et proclamer élu un autre candidat. Le Conseil est également saisi de la situation des candidats dont le compte de campagne a été rejeté par la CNCCFP (ou qui ont omis de déposer un tel compte) ; il peut confirmer ce rejet, et, le cas échéant, prononcer l’inéligibilité à tout mandat (pour une durée pouvant aller jusqu’à trois ans) du candidat dont le compte a été rejeté à bon droit. S’il s’agit du candidat élu, cette inéligibilité entraîne la démission d’office du mandat.

Pour les consultations référendaires, le Conseil est consulté sur le texte soumis à référendum ainsi que sur les décrets relatifs à l’organisation du scrutin. Depuis 2000, il s’est déclaré compétent pour vérifier les opérations préparatoires ; il veille à la régularité des opérations de vote et examine les réclamations portées devant lui. Il en proclame les résultats.

b) Le contrôle des normes

LE CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ

Domaine de référence du contrôle

Le contrôle de constitutionnalité ne se limite pas à la vérification de la conformité à la seule Constitution au sens strict. Il s’étend à ce qu’il est convenu d’appeler le « bloc de constitutionnalité ».

Outre la loi fondamentale de la République, le bloc de constitutionnalité comprend notamment le préambule de la Constitution. Celui-ci, en renvoyant à deux autres textes, la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946, confère également valeur constitutionnelle à ces textes ; la loi est donc soumise aux principes contenus dans la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » et aux « principes particulièrement nécessaires à notre temps » au sens du préambule de 1946, ainsi qu’à divers principes et objectifs de valeur constitutionnelle définis par la propre jurisprudence du Conseil.

Le bloc de constitutionnalité comprend également la Charte de l’environnement annexée à la Constitution depuis la révision du 1er mars 2005.

Mise en œuvre du contrôle

Le contrôle de constitutionnalité est systématique pour les lois organiques avant leur promulgation et pour les règlements des assemblées parlementaires. Celles-ci ne sont donc plus pleinement maîtresses de leur règlement et ont ainsi perdu un des attributs essentiels des régimes parlementaires antérieurs à la Vème République.

Pour les lois ordinaires, le contrôle est facultatif et s’opère après une saisine du Président de la République, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, du Premier ministre ou, depuis la révision constitutionnelle de 1974, de soixante députés ou soixante sénateurs.

Le Conseil doit statuer dans un délai d’un mois, qui peut être ramené à huit jours par le Gouvernement en cas d’urgence.

Le Conseil constitutionnel peut également opérer, depuis la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 et la loi organique du 19 mars 1999, un contrôle de constitutionnalité sur les lois du pays adoptées par l’assemblée délibérante de Nouvelle-Calédonie et qui, aux termes de l’ article 77 de la Constitution, ont force de loi. Dans ce cas, il doit être saisi par le haut-commissaire, le gouvernement, le président du congrès, le président de l’une des assemblées de province ou dix-huit membres du congrès. Il se prononce dans les trois mois de sa saisine.

Sur le fondement de l’ article 61-1 de la Constitution, introduit par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la loi organique du 10 décembre 2009 a mis en place, à compter du 1er mars 2010, un mécanisme de contrôle de constitutionnalité a posteriori des dispositions législatives : la question prioritaire de constitutionnalité. Tout justiciable peut, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, soutenir qu’une disposition législative, par définition déjà promulguée, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. La juridiction vérifie que les conditions posées par la loi organique sont remplies et transmet la question à la juridiction suprême de son ordre, laquelle exerce à son tour un filtre et renvoie, le cas échéant, la question au Conseil constitutionnel. Ce dernier statue alors sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la disposition législative ainsi contestée, dans un délai de trois mois.

Conséquences des décisions du Conseil constitutionnel : en cas de non-conformité, la disposition est censurée. Plusieurs situations sont alors possibles :

– l’intégralité de la loi est censurée, ce qui interdit sa promulgation ;

– une partie de la loi est censurée. Si le Conseil constitutionnel précise que la disposition visée est inséparable du reste du texte, celui-ci ne sera pas promulgué et sera donc soit abandonné, soit fera l’objet d’un nouveau dépôt intégrant les modifications susceptibles de le rendre conforme à la Constitution. Si, en revanche, la disposition est séparable, le Président de la République promulguera la loi amputée de la disposition non constitutionnelle ou demandera une nouvelle délibération, conformément à l’article 10, alinéa 2 de la Constitution.

Dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel abroge la disposition déjà promulguée qu’il juge inconstitutionnelle. Il peut choisir de moduler dans le temps les effets de sa décision. Il détermine également les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition abrogée a produits sont susceptibles d’être remis en cause.

Le Conseil peut aussi assortir de conditions une déclaration de constitutionnalité en émettant des « réserves d’interprétation ». Celles-ci orienteront l’interprétation de la loi.

Contrôle de la compatibilité des accords internationaux avec la Constitution

Le Conseil constitutionnel peut être saisi aux fins de vérifier si un engagement international ne comporte pas de clauses contraires à la Constitution. Le droit de saisine est ouvert aux mêmes autorités que celles habilitées à le saisir en matière de contrôle de constitutionnalité des lois, y compris soixante députés ou soixante sénateurs depuis la révision constitutionnelle de 1992. S’il s’avère qu’une clause de ce type existe, la révision de la Constitution doit alors précéder la ratification de l’accord.

LA VÉRIFICATION DU RESPECT DES DOMAINES DE LA LOI ET DU RÈGLEMENT

L’ article 41 de la Constitution permet au Gouvernement et, depuis la révision de 2008, au Président de l’assemblée saisie d’opposer l’irrecevabilité à toute proposition de loi ou tout amendement considéré comme ne relevant pas du domaine de la loi. En cas de désaccord entre le Président de l’assemblée concernée et le Gouvernement, c’est au Conseil constitutionnel, saisi par l’un ou l’autre, qu’il appartient de trancher dans un délai de huit jours.

De même, l’ article 37, alinéa 2 de la Constitution donne au Conseil, saisi par le Premier ministre, un pouvoir de contrôle a posteriori du respect du domaine de la loi par les textes législatifs intervenus après l’entrée en vigueur de la Constitution de la Vème République. Il statue dans un délai d’un mois. S’il déclare que le texte de forme législative qui lui est soumis a le caractère réglementaire, il permet ainsi de le modifier par décret.

LA VÉRIFICATION DU RESPECT DU DOMAINE DE COMPÉTENCE DES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER DOTÉES D'UN STATUT D'AUTONOMIE

Sur le fondement du neuvième alinéa de l’ article 74 de la Constitution, le Conseil constitutionnel est compétent pour constater qu’une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la Polynésie française, de celui de Saint-Barthélemy ou de celui de Saint-Martin est intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité d’outre-mer, ce qui permet alors à l’assemblée délibérante de la collectivité de modifier ou d’abroger la disposition législative. Il doit être saisi par le président de l’exécutif ou de l’assemblée délibérante de la collectivité, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat, et statue dans un délai de trois mois.

3. – Les autres compétences

Le Conseil constitutionnel, saisi par le Gouvernement, peut constater l’empêchement du Président de la République d’exercer ses fonctions.

Le Conseil constitutionnel est le juge des incompatibilités parlementaires. Si le bureau de l’assemblée à laquelle appartient le parlementaire émet un doute sur la situation du parlementaire, le Conseil peut être saisi de la question, à la demande du Bureau, du garde des Sceaux ou du parlementaire lui-même. Le Conseil peut également, à la demande d’une assemblée ou du garde des Sceaux, constater la déchéance d’un parlementaire dont l’inéligibilité se révèle après l’élection.

Enfin, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi organique du 15 avril 2009, si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie d’un projet de loi refuse son inscription à l’ordre du jour en invoquant la méconnaissance des règles de présentation des projets de loi, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre pour trancher, dans un délai de huit jours, le désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement.

IV. – Procédure et organisation interne

1. – Procédure

Le Conseil constitutionnel ne se situe pas au sommet de la hiérarchie des tribunaux judiciaires ou administratifs. En ce sens, ce n’est pas une Cour suprême. C’est une institution dont les séances suivent le rythme des requêtes dont il est saisi.

Il ne siège et ne rend des décisions qu’en séance plénière. Les délibérations sont soumises à une règle de quorum en vertu de laquelle la présence effective de sept conseillers est requise. En cas de partage, la voix du président est prépondérante. En l’absence du président, la séance est présidée par le doyen d’âge.

En matière de contrôle de constitutionnalité, le Conseil statue après audition du rapport de l’un de ses membres. La procédure est écrite et contradictoire.

Lorsqu’il est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil peut recevoir les observations du Président de la République, du Premier ministre et des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations. L’audience est publique, sauf cas exceptionnels.

Pour le contentieux électoral, l’instruction est confiée à l’une des trois sections composées de trois membres désignés par le sort mais dont chacun devra avoir été nommé par une autorité différente. Les décisions sont prises en séance plénière. L’audition des parties et de leurs conseils (non publique) tend à se développer.

Sauf lorsqu’il exerce son rôle consultatif ou pour les actes préparatoires aux élections, le Conseil rend des « décisions ». Conformément à l’ article 62 de la Constitution, ces décisions ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent à toutes les autorités administratives ou juridictionnelles. Elles sont publiées au Journal officiel.

Les débats en séance ainsi que les votes ne sont ni publics, ni publiés. Les opinions dissidentes ne sont pas divulguées : elles ne pourront être connues du public qu’au terme du délai protégeant le secret des délibérations du Conseil constitutionnel, soit vingt-cinq ans actuellement. En revanche, la décision, la saisine et les observations éventuelles du Gouvernement sont diffusées le jour même sur le site internet du Conseil et publiées dans la semaine au Journal officiel.

2. – Organisation interne

L’ensemble des services (service juridique, greffe, service administratif et financier, service de la documentation et service des relations extérieures) est dirigé par un secrétaire général, nommé par décret du Président de la République sur proposition du président du Conseil constitutionnel. Le secrétaire général coordonne les travaux du Conseil.

Le Conseil constitutionnel jouit de l’autonomie financière, laquelle garantit la séparation des pouvoirs. Son président en fixe le budget, dont la dotation est inscrite dans la loi de finances.