Fiche de synthèse n°3 : Le Gouvernement

Point clé : résumé de la fiche de synthèse

Dirigé par le Premier ministre nommé par le Président de la République, le Gouvernement constitue la seconde moitié de l’exécutif bicéphale mis en place par la Constitution de 1958.

Il se compose de ministres nommés par le Président de la République sur proposition du Premier ministre.

Le Gouvernement est chargé par la Constitution de déterminer et de conduire la politique de la Nation.

À sa tête, le Premier ministre détient le pouvoir réglementaire. Il joue également un rôle central dans la procédure législative puisqu’il dispose du droit d’initiative et de la maîtrise d’une partie de l’ordre du jour du Parlement. Il peut être habilité par le Parlement à légiférer par voie d’ordonnances.

I. – Constitution et démission du Gouvernement

1.  – La formation du Gouvernement

Le choix du Premier ministre est une prérogative propre du Président de la République. L’ article 8 de la Constitution prévoit, en revanche, que le choix des ministres est effectué par le chef de l’État sur proposition du Premier ministre.

Aucune condition ne préside à ces différents choix (rien n’impose, par exemple, que le Premier ministre ou les ministres soient des parlementaires) ; toutefois, le fonctionnement des institutions et la pratique démocratique conduisent le Président de la République à choisir un Premier ministre qui a le soutien de la majorité parlementaire.

2.  – La démission du Gouvernement

L’ article 8 de la Constitution indique que le Président de la République met fin aux fonctions du Premier ministre sur présentation, par celui-ci, de la démission du Gouvernement.

Cette démission peut être :

- soit le résultat d’un vote de défiance de l’Assemblée nationale sur le programme du Gouvernement ou sur une déclaration de politique générale (conformément à l’ article 49, alinéa premier de la Constitution, cas qui ne s’est jamais produit à ce jour) ou de l’adoption d’une motion de censure (en application de l’ article 49, alinéa 2 de la Constitution, cas pour lequel il existe un seul précédent datant de 1962) ;

- soit systématique (au lendemain de l’élection présidentielle) ;

- soit volontaire (au lendemain des élections législatives, ou pour opérer un large remaniement ministériel sans pour autant changer de Premier ministre) ;

- soit contrainte, s’apparentant ainsi à une révocation par le Président de la République.

La fonction des autres membres du Gouvernement cesse :

- soit en cas de démission du Gouvernement présentée par le Premier ministre ;

- soit en cas de « révocation » prononcée par le Président de la République sur proposition du Premier ministre ;

- soit en cas de démission individuelle.

II. – Le statut des membres du Gouvernement

1. – Rang

Le Gouvernement se compose du Premier ministre et de ministres.

Parmi les ministres, on peut distinguer :

- des ministres d’État, titre honorifique parfois attribué aux principaux chefs de partis ou de courants de la majorité et attribuant une préséance protocolaire sur les ministres « simples » ; ils sont désormais toujours à la tête d’un département ministériel (les ministres d’État dits « sans portefeuille » ont aujourd’hui disparu) ;

- des ministres proprement dits ; ceux-ci dirigent l’administration placée sous leur autorité mais ne disposent pas du pouvoir réglementaire (seul le Premier ministre en est titulaire), sauf pour prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de leurs services ;

- des ministres délégués soit auprès du Premier ministre, soit auprès de simples ministres ;

- des secrétaires d’État, ceux-ci pouvant soit être autonomes (et disposer à ce titre d’un budget propre, du pouvoir de contreseing et de l’autorité sur des services), soit être délégués auprès du Premier ministre ou d’un ministre ; en principe, les secrétaires d'État ne participent pas au Conseil des ministres.

Certains Gouvernements ont également pu comprendre des hauts commissaires.

Le nombre de membres du Gouvernement n’est pas limité.

2. – Obligations et incompatibilités

Les membres du Gouvernement doivent, dans les deux mois suivant leur nomination, adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts, également transmise au Premier ministre. Ces déclarations sont rendues publiques et doivent être actualisées en cas de modification substantielle. Les mêmes déclarations sont exigées dans les deux mois suivant la cessation de fonction.

Ils doivent également confier à un tiers la gestion de leurs instruments financiers et font l’objet, dès leur nomination, d’une procédure de vérification fiscale.

Par ailleurs, les fonctions ministérielles sont incompatibles avec diverses autres activités.

En application de l' article 23 de la Constitution, un membre du Gouvernement ne peut exercer un mandat parlementaire. L’incompatibilité prend effet au terme d’un délai d’un mois après la nomination du député ou du sénateur au Gouvernement ; pendant cette période, le parlementaire ne peut participer aux scrutins, mais il reste, au moins formellement, membre de l’assemblée où il siégeait le jour de sa nomination. Au terme du délai d’un mois, le Président de l’Assemblée nationale prend acte du remplacement du ministre par « la personne élue en même temps que lui à cet effet », c’est-à-dire par son suppléant dont le nom lui a été préalablement communiqué par le ministre de l’intérieur. La nouvelle rédaction qui a été donnée, en juillet 2008, au deuxième alinéa de l’ article 25 de la Constitution, prévoit que, dans les conditions fixées par une loi organique (en l’occurrence la loi organique n° 2009-38 du 13 janvier 2009), ce remplacement revêt un caractère temporaire : il prend fin à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions ministérielles. Dans ce laps de temps, l’ex-ministre n’a pas la possibilité de renoncer à son siège au profit de son suppléant. Sauf à démissionner et provoquer une élection partielle, il retrouve automatiquement son siège.

Un membre du Gouvernement ne peut poursuivre l’exercice d’une profession publique (le fonctionnaire entrant au Gouvernement sera ainsi placé dans une position de détachement et, à compter du 1er octobre 2014, en disponibilité) ou privée (y compris libérale). Il est également impossible de cumuler fonctions gouvernementales et exercice d’une fonction de représentation professionnelle (ce qui inclut la qualité de membre du Conseil économique, social et environnemental).

3. – Responsabilité individuelle

RESPONSABILITÉ POLITIQUE

Tout membre du Gouvernement est politiquement responsable des actes de son administration ; la sanction de cette responsabilité est la révocation ou la démission.

RESPONSABILITÉ PÉNALE

Les ministres et secrétaires d’État sont également pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, si ceux-ci sont qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis ; ils sont jugés par la Cour de justice de la République créée en 1993 et composée de 12 parlementaires (6 députés et 6 sénateurs) et de 3 magistrats du siège à la Cour de cassation (dont l’un préside la Cour).

III.– Le Premier ministre

1. – La direction du Gouvernement

Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement ( article 21 de la Constitution).

Il personnifie et représente le Gouvernement et, à ce titre, parle en son nom (lors de la présentation de son programme ou de l’engagement de responsabilité en particulier).

Il exerce une autorité politique sur les membres du Gouvernement qui se traduit, notamment, par un pouvoir de coordination de l’action gouvernementale et d’arbitrage en cas de divergences. Il préside les comités interministériels.

Il est assisté dans ses fonctions par son cabinet et par le secrétariat général du Gouvernement (structure chargée en particulier de préparer avec le secrétariat général de la Présidence de la République l’ordre du jour du Conseil des ministres, d’établir le relevé de ses décisions, de saisir pour avis le Conseil d’État sur les projets de texte soumis au Conseil des ministres, de soumettre à la signature du Premier ministre le décret de présentation des projets de loi, de suivre la procédure législative, de promulguer les lois votées, de publier les textes réglementaires adoptés et d’organiser les réunions interministérielles).

2. – Le pouvoir réglementaire

Le Premier ministre détient le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires ( article 21 de la Constitution). C’est donc à lui qu’il appartient de prendre les règlements nécessaires à l’application des lois ; ceux-ci sont, le cas échéant, contresignés par le ou les ministres chargés de leur exécution.

Ce pouvoir réglementaire et ce pouvoir de nomination sont toutefois partagés avec le Président de la République pour les décrets et les désignations aux emplois supérieurs pris en Conseil des ministres. Il peut être délégué aux ministres mais ceux-ci n’en disposent pas en propre : ils n’ont qu’un pouvoir d’administration sur leur département ministériel.

3. – Le rôle du Premier ministre dans la procédure législative

Le Premier ministre exerce un rôle important dans la procédure législative.

Il est tout d’abord le seul, au sein du pouvoir exécutif, à disposer de l’initiative des lois, à l’exception des projets de lois constitutionnelles dont l’initiative appartient au Président de la République.

Par ailleurs, il conduit très largement la procédure : il choisit l’assemblée devant laquelle sera déposé le projet de loi (à l’exception des rares cas où une priorité d’examen est prévue par l’ article 39 de la Constitution), il maîtrise une partie de l’ordre du jour du Parlement, il choisit les amendements déposés au nom du Gouvernement, il peut décider d’opter pour certaines procédures (procédure accélérée, convocation d’une commission mixte paritaire, vote bloqué, etc.). Dans les faits, certains de ces pouvoirs sont cependant exercés, dans le cours de la discussion de chaque texte, par le ministre en charge du texte discuté (droit d’amendement, vote bloqué).

4. – Les autres attributions

Outre les attributions déjà mentionnées, le principal pouvoir du Premier ministre réside dans le contreseing qu’il apporte aux actes du Président de la République (à l’exception notamment du recours au référendum législatif, de la décision de dissoudre l’Assemblée nationale, du recours aux pouvoirs exceptionnels de l’ article 16, des nominations au Conseil constitutionnel et au Conseil supérieur de la magistrature).

LES AUTRES ATTRIBUTIONS EXCLUSIVES

Le Premier ministre peut, sans consulter le Conseil des ministres :

- saisir le Conseil constitutionnel des lois votées avant leur promulgation ( article 61 de la Constitution) et des engagements internationaux ( article 54) ;

- demander au Sénat l’approbation d’une déclaration de politique générale ( article 49, alinéa 4) ;

- décider, après consultation du Président de l’assemblée concernée, de faire siéger une assemblée plus de 120 jours au cours d’une même session ordinaire ( article 28, alinéa 3) ;

- demander au Président de la République de convoquer le Parlement en session extraordinaire ( article 29, alinéa premier) ;

- demander au Président de la République de prendre l’initiative d’une révision de la Constitution ( article 89) ;

- donner un avis au chef de l’État sur une dissolution éventuelle de l’Assemblée nationale ou sur un recours aux pouvoirs exceptionnels de l’ article 16.

Le Premier ministre peut exceptionnellement suppléer le Président de la République pour présider le Conseil des ministres.

LES AUTRES POUVOIRS PARTAGÉS AVEC LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

La plupart des pouvoirs partagés entre les deux têtes de l’Exécutif ont déjà été présentés (nomination des membres du Gouvernement, pouvoir réglementaire et pouvoir de nomination aux emplois civils et militaires). Seuls demeurent les pouvoirs en matière de défense, la Constitution faisant du Président de la République le chef des armées mais confiant au Premier ministre la responsabilité de la Défense nationale.

IV. – Les pouvoirs du Gouvernement

1. – La conduite de la politique de la Nation

L’ article 20 de la Constitution confie au Gouvernement le soin de « déterminer et conduire la politique de la Nation ». Dans les faits, les principales décisions étant prises en Conseil des ministres, cette compétence gouvernementale est partagée avec le Président de la République lorsque celui-ci dispose d’un Premier ministre appartenant à sa famille politique.

2. – L’exercice par délégation du pouvoir législatif

La Constitution permet au Parlement de déléguer son pouvoir législatif au Gouvernement par le biais des ordonnances.

On dénombre plusieurs types d’ordonnances :

a) les ordonnances prises en application de l’ article 38 de la Constitution permettant au Gouvernement « pour l’exécution de son programme », de « demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi » (le recours aux ordonnances est impossible pour des dispositions relevant de la Constitution ou de lois organiques).

Il faut donc, dans un premier temps, que le Gouvernement dépose auprès du Parlement un projet de loi d’habilitation précisant les mesures envisagées et la durée de la délégation de pouvoir. Une fois la loi votée, les ordonnances sont soumises à une double contrainte procédurale :

– elles doivent être examinées pour avis par le Conseil d’État ;

– elles doivent être adoptées en Conseil des ministres, ce qui nécessite la signature du Président de la République (qui peut la refuser comme ce fut le cas lors de périodes de cohabitation).

Avant le terme du délai d’habilitation, un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement. La ratification ne peut être qu’expresse.

b) les ordonnances prises en application des articles  47 et 47-1 de la Constitution qui visent le cas de non-respect par le Parlement des délais qui lui sont impartis pour adopter le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette procédure n’a jamais été mise en œuvre.

c) les ordonnances prises en application de l’article 74-1 de la Constitution constituent la seule délégation permanente du pouvoir législatif ; elles permettent au Gouvernement, sous diverses conditions, d’étendre en l’adaptant le droit de la métropole aux collectivités d’outre-mer.

3. – Les pouvoirs exceptionnels en matière d’ordre public

L’ÉTAT DE SIÈGE

Prévu par l’article 36 de la Constitution, il vise surtout les situations liées à la guerre et à l’insurrection. Il n’a jamais été appliqué sous la Vème République, en particulier parce que les pouvoirs exceptionnels confiés au Président de la République en application de l’ article 16 de la Constitution lui ont largement ôté son utilité. L’état de siège doit être décrété en Conseil des ministres et sa prorogation au-delà de douze jours nécessite l’autorisation du Parlement. Il se caractérise par un transfert de l’autorité civile à l’autorité militaire.

L’ÉTAT D’URGENCE

Prévu par la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, il vise « le péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public »ou« d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Comme l’état de siège, il est décrété en Conseil des ministres et sa prorogation au-delà de douze jours doit être autorisée par le Parlement. Il a été notamment utilisé en Nouvelle-Calédonie en 1985 et en métropole, afin de faire face à des troubles survenus dans les banlieues, en 2005. Il a été déclaré en novembre 2015 après les attentats survenus à Paris et à Saint-Denis puis prorogé à plusieurs reprises par la loi.