Points-clés
Quatrième personnage de l’État, le Président de l’Assemblée nationale joue un rôle essentiel dans la vie politique française.

Élu pour la durée de la législature, il dispose de nombreuses prérogatives dont certaines sont inscrites dans la Constitution. Il est ainsi consulté par le Président de la République dans plusieurs cas (dissolution de l’Assemblée, mise en œuvre des pouvoirs spéciaux de l’article 16) et détient un droit de saisine du Conseil constitutionnel, dont il nomme trois des membres.

Il a surtout un rôle primordial en matière d’organisation du travail parlementaire et de direction des débats en séance publique. 

 

La Présidence de l’Assemblée nationale joue un rôle essentiel dans la vie politique française, du fait de sa place au sein des institutions de la République et de sa contribution primordiale au bon fonctionnement de l’Assemblée. Son rôle a été approfondi par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la modification du Règlement qui en a découlé.

Cela explique que l’Assemblée nationale ait été, sous la Ve République comme sous les Républiques précédentes, présidée par des personnalités politiques de premier plan. Depuis 1958, se sont succédés Jacques Chaban-Delmas (1958–1969, 1978–1981 et 1986–1988), Achille Peretti (1969–1973), Edgar Faure (1973–1978), Louis Mermaz (1981–1986), Laurent Fabius (1988–1992 et 1997–2000), Henri Emmanuelli (1992– 1993), Philippe Séguin (1993–1997), Raymond Forni (2000 2002), Jean Louis Debré (2002-mars 2007), Patrick Ollier (mars-juin 2007), Bernard Accoyer (2007–2012), Claude Bartolone (2012–2017), François de Rugy (2017–2018),  Richard Ferrand (2018–2022) et Yaël Braun-Pivet (depuis juin 2022).

Lors de sa première séance, l’Assemblée nouvellement élue, présidée par son doyen d’âge, élit son Président ou sa Présidente. Cette élection, acquise pour toute la durée de la législature, a lieu au scrutin secret à la tribune. Si la majorité absolue des suffrages exprimés n’a pas été obtenue aux deux premiers tours de scrutin, au troisième tour, la majorité relative suffit et, en cas d’égalité de suffrages, le plus âgé est élu.

I. –    LE RÔLE INSTITUTIONNEL DE LA PRÉSIDENCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE ET SES RELATIONS AVEC LES AUTRES POUVOIRS ET ORGANES PUBLICS

1. – LES CONSULTATIONS OBLIGATOIRES

La Présidente de l’Assemblée nationale est obligatoirement consultée par le Président de la République en deux circonstances :

–    dissolution de l’Assemblée nationale (article 12 de la Constitution) ;

–    mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels par le Président de la République (article 16 de la Constitution).

Elle est également consultée par le Premier ministre lorsque celui-ci envisage de demander la tenue de jours supplémentaires de séance au-delà des cent vingt jours que chaque assemblée peut tenir au cours de la session ordinaire (article 28 de la Constitution).

2. – LE POUVOIR DE NOMINATION DE LA PRÉSIDENTE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

La Présidente de l’Assemblée nationale procède à des nominations dans des instances extérieures au Parlement conformément à la Constitution ou en application d’une loi.

Elle nomme, parallèlement au Président de la République et au Président du Sénat, un membre du Conseil constitutionnel lors de chaque renouvellement triennal de ce dernier (article 56 de la Constitution). Depuis la révision du 23 juillet 2008, cette nomination se fait après avis de la commission des lois.

Aux termes du nouvel article 65 de la Constitution, la Présidente de l’Assemblée nationale nomme, après avis de la commission des lois, deux des six personnalités appelées à siéger au sein des formations du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège et des magistrats du parquet.

Outre les nominations auxquelles elle procède en vertu de la Constitution, la Présidente de l’Assemblée nationale nomme un ou plusieurs membres de différents conseils et autorités administratives indépendantes (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, Conseil général de la Banque de France, Commission nationale de l’informatique et des libertés, Autorité des marchés financiers, Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, personnalités qualifiées placées auprès du Défenseur des droits, etc.).

Elle nomme également, en vertu de la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009, l’une des personnalités qualifiées de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution, chargée de donner un avis public sur les projets et propositions de texte délimitant les circonscriptions ou modifiant la répartition des sièges des députés ou des sénateurs. Cette nomination intervient après avis consultatif de la commission des lois.

Par ailleurs, certaines lois lui confient le soin de nommer un ou plusieurs députés pour siéger au sein d’organismes dans lesquels la représentation des assemblées parlementaires est prévue : c’est le cas notamment de la Commission d’accès aux documents administratifs, du Conseil d’orientation pour l’emploi, ou du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé. La loi n° 2018- 699 du 3 août 2018 prévoit que ces nominations doivent respecter la parité entre les femmes et les hommes et s’efforcer de respecter la configuration politique de l’Assemblée. 

3. –    LES POUVOIRS DE SAISINE DE LA PRÉSIDENTE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
a)    Saisine du Conseil constitutionnel

La Présidente peut déférer les lois, avant leur promulgation, au Conseil constitutionnel (article 61 de la Constitution) et le saisir sur le point de savoir si un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution (article 54 de la Constitution).

En cas de désaccord avec le Gouvernement, elle peut saisir le Conseil afin que celui- ci décide si une proposition de loi ou un amendement relève ou non du domaine de la loi ou est ou non contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38 de la Constitution (article 41 de la Constitution).

Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, la Présidente de l’Assemblée peut, en vertu de l’article 16 de la Constitution, saisir le Conseil constitutionnel aux fins d’examiner si les conditions énoncées par ce même article demeurent réunies.

Aux termes du nouvel article 39, alinéa 4, de la Constitution, en cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement sur le point de savoir si la présentation des projets de loi permet leur inscription à l’ordre du jour (1) de l’Assemblée nationale, la Présidente peut saisir le Conseil, qui statue dans un délai de huit jours.

b)    Saisine d’autres organes

L’article 39, alinéa 5, de la Constitution, introduit par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, permet à la Présidente de l’Assemblée nationale de soumettre une proposition de loi déposée par un député à l’avis du Conseil d’État, avant son examen en commission et sous réserve de l’accord de son auteur.

La Présidente tient également de la loi la possibilité de saisir :

–    la Cour de discipline budgétaire et financière ;

–    le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé ;

–    l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Elle peut en outre, à la demande d’une des commissions permanentes de l’Assemblée, transmettre au Défenseur des droits toute pétition dont l’Assemblée a été saisie.

L’article 70 de la Constitution dispose que le Parlement peut consulter le Conseil économique, social et environnemental. 

La Présidente peut enfin consulter le Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur les propositions de loi introduisant des dispositions qui lui sont relatives, et demander au haut-commissaire de la République de saisir pour avis l’Assemblée de la Polynésie française d’un projet ou d’une proposition de loi la concernant (lois organiques n° 99- 209 du 19 mars 1999 et n° 2004-192 du 27 février 2004).

4. – PRÉSIDENCE DU CONGRÈS ET DE LA HAUTE COUR

La Présidente de l’Assemblée nationale préside le Congrès, quand cette instance est appelée à se réunir pour l’achèvement d’une révision constitutionnelle, la ratification d’une adhésion à l’Union européenne non soumise à référendum ou lorsque le Président de la République prend la parole devant lui en vertu de l’article 18 de la Constitution.

Lorsqu’en application de l’article 68 de la Constitution, le Parlement est constitué en Haute Cour, celle-ci est présidée par la Présidente de l’Assemblée nationale.

II. – LE RÔLE DE LA PRÉSIDENTE AU SEIN DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

1. – ATTRIBUTIONS CONCERNANT LE MANDAT ET LE STATUT DES PARLEMENTAIRES

La Présidente de l’Assemblée nationale est la destinataire de toutes les décisions et communications susceptibles d’affecter le mandat ou le statut des députés, qu’il s’agisse :

–    des décisions du Conseil constitutionnel en matière de contentieux électoral, de la réception des démissions et de la constatation des vacances de siège ;

–    des correspondances relatives aux immunités ;

–    de la réception des adhésions aux groupes politiques et de la déclaration qu’ils font, le cas échéant, de leur appartenance à l’opposition ;

–    des déclarations de rattachement aux partis pour le financement de l’aide publique aux formations politiques.

Il lui appartient, ensuite, de diligenter les procédures prévues dans ces différentes circonstances, soit de sa propre initiative, soit en en saisissant le Bureau.

2. – PRÉSIDENCE DES ORGANES DÉCISIONNELS DE L’ASSEMBLÉE

La Conférence des présidents est convoquée chaque semaine, s’il y a lieu, par la Présidente au jour et à l’heure fixés par elle. Elle peut aussi la convoquer à tout moment pour tout autre motif. La Conférence est également convoquée par la Présidente à la demande d’un président de groupe pour qu’elle puisse exercer les prérogatives qui lui sont reconnues depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : opposition à l’inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi lorsqu’elle estime que les documents rendant compte de son étude d’impact ne satisfont pas aux exigences de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 ou opposition conjointe avec le Sénat à l’engagement de la procédure accélérée.

L’ordre du jour de deux semaines sur quatre est fixé par l’Assemblée nationale sur proposition de la Conférence des présidents, l’ordre du jour des deux autres semaines étant déterminé par le Gouvernement. Il appartient à la Présidente de recueillir les diverses propositions d’ordre du jour pour ces deux semaines et de les présenter à la Conférence.

La Présidente convoque et préside le Bureau de l’Assemblée qui a tous pouvoirs pour régler les délibérations de celle-ci et pour organiser et diriger tous ses services.

Aux termes de l’article 146-2 du Règlement, elle préside le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques institué en 2009.

3. – RÔLE DE LA PRÉSIDENTE DANS LA DIRECTION DES DÉBATS

En ce qui concerne la présidence des séances publiques, c’est à la Présidente qu’il revient :

–    d’ouvrir, de lever ou de suspendre la séance ;

–    de mener les débats en tenant compte des décisions de la Conférence des présidents ;

–    de déterminer l’ordre des orateurs et de leur donner la parole ;

–    de décider la réserve ou la priorité de certains articles et amendements ;

–    de veiller au respect du Règlement ainsi que des dispositions constitutionnelles ou organiques ;

–    de veiller à la discipline dans l’hémicycle.
Dans ces fonctions, la Présidente peut se faire remplacer par un des six vice présidents de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, la Présidente :

–    veille au bon fonctionnement des commissions, qu’elle convoque pour leur constitution ;

–    reçoit les dépôts de toutes les initiatives (projets, propositions de loi ou de résolution, motions, etc.) ;

–    renvoie, pour examen, les projets et propositions de loi à la commission compétente ;

–    veille à la bonne application de la procédure des questions écrites et orales ;

–    transmet les textes votés aux autorités compétentes.

Elle se prononce, dès leur dépôt, sur la recevabilité des amendements déposés sur les textes discutés en séance, notamment au regard de l’article 40 de la Constitution ‒ qui dispose que les amendements parlementaires ne peuvent avoir pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique, cette compétence pouvant être déléguée dans les faits au président de la commission des finances – ou, après consultation éventuelle du président de la commission saisie au fond – de son article 45 qui requiert que tout amendement présente un lien avec le texte.

La Présidente dispose également depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008 de quatre nouvelles prérogatives liées à la procédure législative :

–    l’article 39, alinéa 5, de la Constitution permet à la Présidente de soumettre une proposition de loi déposée par un député à l’avis du Conseil d’État (voir supra) ;

–    l’article 41 lui permet, au cours de la procédure législative, d’opposer l’irrecevabilité à un amendement ou une proposition qui n’est pas du domaine de la loi ;

–    aux termes de l’article 45, alinéa 2, la Présidente de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, agissant conjointement, ont la faculté, pour une proposition de loi, de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire après deux lectures (une seule si la procédure accélérée a été engagée) ;

–    la Présidente contrôle également l’objet des propositions de résolution déposées en vertu de l’article 34 1, car une proposition ne peut être inscrite à l’ordre du jour si elle a le même objet qu’une proposition inscrite antérieurement au cours de la même session ordinaire.

4. – AUTRES ATTRIBUTIONS DE LA PRÉSIDENTE
a)    Le rôle de représentation de l’Assemblée nationale

La Présidente de l’Assemblée nationale représente l’Assemblée et assure la préservation de ses intérêts. Elle dispose pour cela de « la durée de la législature », étant le seul membre du Bureau non soumis au renouvellement périodique.

Le Règlement de l’Assemblée dispose que « les communications de l’Assemblée nationale sont faites par le Président » (article 13) et c’est à elle que la loi confie la représentation de l’institution dans les instances juridictionnelles.

Au-delà de ces aspects juridiques, il entre dans la mission de la Présidente d’incarner la communauté des députés dans certaines circonstances.

C’est par exemple à ce titre qu’elle exprime, en séance publique, l’émotion de la représentation nationale face à certains événements d’une particulière gravité (attentats, catastrophes, disparition de personnalités, etc.)

Elle assure également la représentation de l’Assemblée dans les cérémonies officielles (cérémonie des vœux du Bureau au Président de la République) et dans certaines instances internationales (coprésidence du groupe français à l’Union interparlementaire ; Conférence des présidents des assemblées parlementaires européennes ; sommets des Présidents des Parlements du G7/G20). Elle accorde fréquemment des entretiens aux chefs d’État ou membres de gouvernement étrangers en visite à Paris.

b)    Le rôle de la Présidente en matière de sécurité

La Présidente de l’Assemblée nationale est compétente en matière de sécurité intérieure et extérieure de l’Assemblée (article 3 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ; article 13 du Règlement). Elle dispose, à ce titre, du concours d’un commandement militaire chargé, sous ses ordres, de veiller à la sécurité du Palais Bourbon et des locaux parlementaires.

  

   

(1) Et donc r​​​​​​​épond aux conditions fixées par l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, qui définit le contenu des documents rendant compte de l’étude d’impact associée aux projets de loi qui doivent être déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que le projet de loi.


Septembre 2023