Fiche de synthèse n°58 : Les activités internationales de l’Assemblée nationale

Point clé : résumé de la fiche de synthèse

À l’origine, les relations internationales constituaient un domaine dans lequel la marge de manœuvre de l’Assemblée nationale était limitée. L’Assemblée a toutefois progressivement investi ce champ au point que certains n’hésitent pas à user aujourd’hui du concept contesté de « diplomatie parlementaire ». Mais on peut incontestablement parler désormais d’activités internationales des parlements.

Dans ce domaine, le Président de l’Assemblée nationale joue un rôle central, le Bureau, les commissions et les groupes d’amitié constituant les autres acteurs de l’activité internationale de l’Assemblée.

À côté des activités classiques du Parlement appliquées au domaine international (vote des lois autorisant la ratification des traités, contrôle de la politique étrangère du Gouvernement, vote des crédits affectés à l’action internationale de l’État), l’Assemblée nationale a développé diverses autres activités : établissement de relations avec les autres parlements, mise en œuvre d’actions de coopération interparlementaire, participation aux travaux d’assemblées parlementaires internationales, participation aux missions d’observation des élections.

I. – Parlement et relations internationales : un mariage délicat

Dès les premiers temps de l’histoire parlementaire française, s’est posée la question de savoir si le Parlement pouvait être un acteur de la politique étrangère. En créant un comité « chargé de prendre connaissance des traités et des relations extérieures de la France pour en rendre compte à l’Assemblée », les assemblées de la Révolution y apportèrent un début de réponse qui ne permettait toutefois pas d’écarter deux objections fondamentales : le risque d’empiéter sur les pouvoirs de l’Exécutif et celui d’exposer au grand jour des matières souvent frappées du sceau de la confidentialité. Problématique résumée par Eugène Pierre, secrétaire général de la Chambre des députés à l’aube du XXe siècle, dans son traité de droit politique électoral et parlementaire rédigé en 1902 : « négocier ne saurait être le fait de plusieurs, et rien de ce qui touche aux relations d’un peuple avec ses voisins ne peut être préparé dans le tumulte d’une assemblée délibérante (...) Les vrais principes veulent que le Gouvernement ait les mains complètement libres pour toutes les négociations diplomatiques, mais qu’il ne puisse jamais engager définitivement sa signature, qui est celle de la Nation, sans l’avis préalable des représentants de la Nation. »

S’il est incontestable que la diplomatie est par essence une fonction régalienne, il n’en est pas moins vrai que le Parlement a progressivement investi son domaine au point que le concept de « diplomatie parlementaire » a pu apparaître.

Le succès de cette notion ambiguë et trompeuse – parce que laissant à penser que se développe au sein du Parlement une diplomatie autonome ou parallèle – témoigne en réalité de la place croissante occupée par l’action internationale au sein des activités de l’Assemblée. Dans la réalité, l’action internationale des parlements s’inscrit dans la continuité de la diplomatie d’État. Elle en est le complément et les députés en sont souvent les promoteurs ou les autorités chargées de l’expliquer.

La conjonction de plusieurs facteurs explique cette évolution :

- la construction européenne qui a rendu progressivement moins nette la séparation entre affaires intérieures et extérieures ;

- le phénomène de globalisation qui a montré que les problèmes rencontrés dans de nombreux domaines (environnement, santé, transports, télécommunications, mouvements migratoires, etc.) dépassaient largement les cadres nationaux ;

- la décolonisation, puis la démocratisation des pays de l’Europe centrale et orientale, qui ont eu pour conséquence de faire croître très fortement la demande en matière de coopération interparlementaire ;

- l’implication de plus en plus forte de la « société civile » dans les affaires publiques – y compris celles relevant de la sphère internationale – qui a contraint les parlements à s’engager dans le domaine des relations internationales afin de ne pas laisser le champ libre aux seules ONG dont la légitimité n’égalera jamais celle des assemblées élues.

II. – Les acteurs de l’activité internationale de l’Assemblée nationale

1. – Le Président de l’Assemblée nationale

Personnalité politique parmi les plus importantes de la République, quatrième personnage de l’État, le Président de l’Assemblée nationale rencontre de très nombreux hôtes étrangers dans sa résidence de l’Hôtel de Lassay : chefs d’État ou de gouvernement officiellement invités par la République,présidents d’assemblées parlementaires de pays étrangers, dirigeants d’organisations internationales, ambassadeurs en poste à Paris, opposants emblématiques de certains régimes, etc. À titre d’exemple, le Président de l’Assemblée nationale s’est entretenu avec 183 personnalités étrangères au cours de la XIVe législature.

Le Président peut même convier certains hôtes à s’exprimer dans l’hémicycle (privilège réservé aux chefs d’État et de gouvernement, au Secrétaire général des Nations Unies et au Président de la Commission européenne). Pourtant, jusqu’en 1993 (et à l’exception notable du Président américain Woodrow Wilson en 1919), il n’était pas dans les usages parlementaires qu’un chef d’État étranger s’exprimât à la tribune de l’Assemblée nationale. Mais M. Philippe Séguin, alors Président de l’Assemblée nationale, avec l’accord du Bureau, allait amorcer cette année-là un revirement en invitant le roi d’Espagne à prononcer un discours dans l’hémicycle. Suivirent, entre autres, le Président américain Bill Clinton, le roi Hassan II du Maroc, le Premier ministre britannique Tony Blair, le Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, le chancelier allemand Gerhard Schröder, le Président algérien Abdelaziz Bouteflika, le Président du Conseil espagnol Jose Luis Zapatero, le Président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso et, plus récemment, le Président de la République tunisienne, M. Moncef Marzouki et le Président de la République italienne, M. Giorgio Napolitano. À ce jour, 18 personnalités étrangères se sont ainsi exprimées à la tribune de l’Assemblée nationale.

Le Président de l’Assemblée nationale peut aussi être chargé de représenter le Président de la République à des cérémonies à l’étranger ou de mener en son nom des missions diplomatiques. En 1992, le Président de l’Assemblée nationale a ainsi porté un message au Japon pour dissiper le malentendu suscité par des propos du Premier ministre d’alors. De même, en 1995, le Président de l’Assemblée s’est rendu, à la demande du Président de la République, en Algérie en vue d’aider à mettre un terme au blocage des relations entre les deux pays. En 2009, le Président de l’Assemblée nationale s’est rendu en Chine porteur d’un message du Président de la République pour dissiper les malentendus survenus à la suite du passage de la flamme olympique à Paris et la rencontre avec le dalaï-lama à Varsovie en 2008.

Il peut également lancer de son propre chef des initiatives importantes dans le domaine des relations internationales, telle la conduite de missions à l’étranger. Ainsi, en 2009, le Président de l’Assemblée a eu un entretien avec le Président de la République populaire de Chine à l’occasion d’un déplacement à Pékin au cours duquel il a signé un accord de coopération interparlementaire avec l’Assemblée nationale populaire. En mars 2013, le Président de l’Assemblée nationale a annoncé lors d’un déplacement au Mali l’appui de son institution au renforcement des capacités de l’Assemblée nationale malienne dans le cadre des efforts déployés par la France pour accompagner la transition politique dans ce pays. Les présidents des groupes politiques de l’Assemblée participent à certaines de ces missions (en Turquie en 2005, au Proche-Orient en 2009). D’autres initiatives peuvent être citées : la réunion conjointe du Bundestag et de l’Assemblée nationale française dans l’hémicycle du Congrès au château de Versailles en janvier 2003, l’intervention du Président de l’Assemblée devant la Chambre des députés brésilienne en octobre 2009, l’organisation conjointe, par l’Assemblée nationale et le Sénat, de la VIIIe session plénière de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée en janvier 2014 à Marseille, ou l’organisation conjointe, en décembre 2015, par l’Assemblée nationale, le Sénat et l’Union interparlementaire, d’une réunion parlementaire mondiale sur le climat parallèlement à la 21e Conférence des parties à la Conventions des Nations unies sur les changements climatiques.

Enfin, il convient de signaler que, dans le domaine des relations interparlementaires, le Président de l’Assemblée nationale préside de droit plusieurs délégations parlementaires auprès d’assemblées ou d’associations parlementaires internationales (Union interparlementaire, Assemblée parlementaire de la Francophonie) et, à ce titre, participe à leurs sessions les plus importantes. Il a ainsi ouvert la XXXVe session annuelle de l’APF qui s’est tenue à Paris, à son invitation, en juillet 2009, ainsi que la réunion du Bureau de l’APF, en janvier 2013, à Clermont-Ferrand. En outre, des instances regroupant des Présidents d’assemblée se réunissent désormais régulièrement (réunion des Présidents d’assemblée parlementaire des États membres de l’Union européenne, réunion des Présidents d’assemblée parlementaire des pays composant le G8, réunion des Présidents d’assemblée des pays membres du dialogue euro-méditerranéen).

2. – Le Bureau de l’Assemblée nationale

Placée sous l’autorité d’un vice-président de l’Assemblée, une délégation chargée des relations internationales a été instituée depuis plusieurs années, au sein du Bureau de l’Assemblée nationale.

Son rôle principal consiste à instruire les décisions du Bureau relatives au programme annuel de déplacements et de réceptions des groupes d’amitié et à valider les actions de coopération envisagées auprès de parlements étrangers.

3. – La conférence des présidents

La Conférence des présidents peut décider de constituer une mission d’information sur une question internationale. Il a ainsi été créé en 2016, sur la proposition du Président de l’Assemblée nationale, la mission d’information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations, présidée par le Président de l’Assemblée nationale qui en a également été le rapporteur.

4. – Les commissions

La commission des affaires étrangères constitue évidemment l’élément central de l’activité internationale de l’Assemblée. Ses principales activités consistent à :

- examiner les projets de loi autorisant la ratification de traités et d’accords internationaux ;

- auditionner des personnalités françaises et étrangères. Au cours de la XIVe législature, la commission a ainsi procédé à 44 auditions du ministre des affaires étrangères, 2 auditions de chefs d’État étrangers, 3 auditions de Premiers ministres étrangers, 11 auditions de ministres étrangers des affaires étrangères ou encore 10 auditions de représentants des institutions européennes ;

- créer des missions d’information sur des questions relevant des relations internationales ou de la politique extérieure de la France. Au cours de la XIVe législature, 28 rapports d’information ont ainsi été publiés par la commission des affaires étrangères, couvrant un champ thématique et géographique très large ;

- donner son avis sur les groupes d’amitié et les groupes d’études à vocation internationale qu’il est envisagé de créer.

Mais il n’y a pas de monopole de la commission des affaires étrangères sur les questions internationales. La commission des finances examine ainsi les crédits affectés aux missions « Action extérieure de l’État », « Aide publique au développement » et « Prêts à des États étrangers », la commission de la défense est compétente pour les questions stratégiques, la commission des affaires économiques pour les problèmes liés au commerce extérieur et c’est la commission des lois qui a examiné, en 2006, la dernière loi relative à la politique migratoire de la France.

Enfin, la commission des affaires européennes, outre ses attributions relatives à l’examen des actes communautaires, étudie également les questions portant sur la politique extérieure de l’Union et celles concernant son élargissement.

5. – Les groupes d’amitié et les groupes d’études à vocation internationale

Les groupes d’amitié constituent l’élément clé des relations interparlementaires bilatérales. Leur but premier est en effet de tisser des liens entre parlementaires français et étrangers.

Les groupes d’amitié auditionnent à Paris diverses personnalités : ambassadeurs représentant le pays du Parlement ami, diplomates, universitaires, journalistes et spécialistes de la géopolitique, de l’économie ou de la culture du pays. Ils organisent des missions auprès du Parlement homologue et des réceptions de délégations parlementaires étrangères. Ils peuvent enfin servir de point d’appui à des actions de coopération interparlementaire ou de coopération décentralisée.

Trois critères sont retenus pour l’agrément des groupes d’amitié : existence d’un parlement, existence de relations diplomatiques avec la France, appartenance du pays considéré à l’ONU. Les groupes d’études à vocation internationale (GEVI) institués en 1981 permettent d’offrir un cadre adapté à la situation des pays ne remplissant pas tous les critères exigés pour pouvoir créer un groupe d’amitié. 

III. – Typologie des activités internationales de l’Assemblée nationale

1. – Les activités classiques de l’Assemblée nationale appliquées à la politique étrangère

L’Assemblée nationale a progressivement investi la sphère des questions internationales au point que celles-ci ne sont plus souvent considérées comme une matière spécifique. L’Assemblée exerce donc dans ce domaine l’ensemble de ses attributions traditionnelles :

- elle vote les lois autorisant la ratification des traités ;

- elle adopte les crédits relatifs à la politique étrangère de l’État ;

- elle contrôle l’action du pouvoir exécutif dans ce domaine, soit à l’occasion de déclarations du Gouvernement sur des thèmes de politique étrangère (celui-ci peut même engager sa responsabilité à l’issue d’un tel débat, comme ce fut le cas en 1991 au moment de la première guerre du Golfe), soit par les questions posées par les députés, soit en créant des commissions d’enquête sur des sujets internationaux (telle celle portant en 2007 sur les conditions de la libération des infirmières et du médecin bulgares et sur les récents accords franco-libyens) ou des missions d’information.

Par ailleurs, depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Parlement doit donner son autorisation à toute prolongation au-delà de quatre mois d’une intervention des forces armées françaises à l’étranger, l’Assemblée nationale statuant en dernier ressort en cas de désaccord avec le Sénat. Il peut apparaître paradoxal de présenter cette nouvelle disposition dans les attributions classiques de l’Assemblée nationale appliquées à la politique étrangère, mais il faut souligner que, s’il s’agit pour la France d’une prérogative nouvelle accordée à son Parlement, il n’en est pas de même pour beaucoup de parlements étrangers qui disposaient déjà d’un pouvoir de ce type depuis de nombreuses années.

2. – Les activités internationales spécifiques de l’Assemblée nationale

Elles sont de plusieurs ordres :

- la conduite des relations interparlementaires qui s’établissent soit dans un cadre bilatéral par le biais des groupes d’amitié ou des grandes commissions bilatérales, soit dans le cadre multilatéral des assemblées parlementaires internationales ;

- la mise en œuvre de la coopération interparlementaire qui permet à l’Assemblée nationale d’apporter une aide technique aux parlements qui sollicitent son appui ;

- la participation de l’Assemblée nationale aux travaux d’assemblées parlementaires internationales dont elle est membre : Union interparlementaire (UIP), organisme créé en 1889 et regroupant aujourd’hui les parlements de  170 pays et 11 membres associés ; Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN), Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP-OSCE), Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM), Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM), ou observateur : Assemblée parlementaire de la coopération économique de la mer Noire (AP-CEMN) ;

- la participation de l’Assemblée nationale aux mécanismes d’observation des élections. Aujourd’hui, de très nombreuses élections sont, à la demande des autorités du pays concerné, observées par la communauté internationale. Institution emblématique de la démocratie, l’Assemblée nationale a un rôle naturel à jouer dans ce processus d’observation et ce d’autant plus que les élus qui la composent, connaissent mieux que quiconque les rouages des processus électoraux. Les opérations d'observation électorale menées par l’Assemblée nationale sont désormais essentiellement dans le cadre de l’AP-OSCE.