N° 3364 tome IX - Avis de Mme Catherine Génisson sur le projet de loi de finances pour 2007 (n°3341)



N° 3364

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2007 (n° 3341)

TOME IX

SÉCURITÉ SANITAIRE

Par Mme Catherine GÉNISSON,

Députée.

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Voir le numéro : 3363 (annexe n° 32).

INTRODUCTION 5

I.- LES ASPECTS BUDGÉTAIRES 7

A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION SECURITÉ SANITAIRE ET LEUR ÉVOLUTION 7

B. LES MOYENS AFFECTÉS AUX MISSIONS DES AGENCES SANITAIRES 7

1. l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) 8

2. l’Agence française de sécurité sanitaire alimentaire (AFSSA) 9

3. l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) 10

4. l’Agence de la biomédecine 11

5. l’Institut national de veille sanitaire (InVS) 11

6. l’Établissement français du sang 12

II.- L’APPROPRIATION DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE PAR LES CITOYENS 13

A. DES STRUCTURES ENCORE INSUFFISAMMENT LISIBLES POUR LES CITOYENS 13

1. Les structures mises en place sont un acquis indéniable 14

2. Le système reste encore complexe et peu lisible 15

a) des difficultés d’articulation 15

b) un maillon faible 16

c) des sujets insuffisamment traités 17

3. L’autonomie des agences face aux pouvoirs publics est parfois limitée 17

4. Vers une réforme des agences ? 18

B. PLACER LE CITOYEN AU CœUR DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE 19

1. Le citoyen doit s’approprier la sécurité sanitaire en amont des crises : l’utilité de la prévention 19

a) les infections nosocomiales 19

b) la grippe saisonnière 23

2. Le citoyen est en droit d’attendre un déclenchement précoce et transparent de l’alerte 24

a) le déclenchement de l’alerte 24

b) la transmission de l’alerte 29

c) la nécessaire transparence en temps de crise 30

3. La nécessité, en matière de veille, de disposer d’une expertise et d’une recherche citoyenne 31

a) la recherche 31

b) les experts 32

4. Le citoyen doit de façon générale être mieux associé à la sécurité sanitaire sur le terrain 33

a) l’information de fond 33

b) la mobilisation sociale 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉÉS 43

INTRODUCTION

Le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a souhaité, depuis le début de la XIIe législature, que les avis budgétaires présentés par les rapporteurs sur le projet de loi de finances se différencient plus nettement des rapports spéciaux.

En conséquence, les questions financières, qui relèvent plus par nature du champ de compétence de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, feront l’objet d’un très bref développement dans le présent avis tandis que la rapporteure usera de toute la latitude qui lui est laissée pour exposer un thème qui lui tient particulièrement à cœur.

Partageant pleinement la philosophie de cette initiative qui, dans l’esprit de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances permet aux parlementaires de mieux suivre les conditions dans lesquelles les services de l’État et les établissements publics qui en dépendent assument et assurent l’exécution des fonctions qui leur incombent, la rapporteure a choisi cette année d’axer sa réflexion sur l’appropriation de la sécurité sanitaire par les citoyens, sujet qui s’inscrit pleinement dans le cadre de la mission de veille et sécurité sanitaire de l’État.

Après avoir procédé à un nombre important d’auditions extrêmement enrichissantes dont la liste figure en annexe, la rapporteure est en mesure d’établir deux constats.

En premier lieu, si l’organisation multicentrique de la sécurité sanitaire dont s’est dotée la France en quelques années constitue un acquis indéniable, les structures complexes mises en place restent encore trop peu lisibles pour les citoyens en général et pour les professionnels de santé en particulier tandis que subsistent des problèmes d’autonomie et d’articulation avec les pouvoirs publics.

En second lieu, d’importants efforts restent à faire pour que le citoyen soit véritablement placé au cœur de la sécurité sanitaire. L’appropriation de la sécurité sanitaire par les citoyens ne saurait en effet se limiter à d’éventuels réformes de structures pour accroître la présence des citoyens dans les conseils d’administration des agences ou pour leur permettre de les saisir. L’instauration d’une véritable démocratie sanitaire passe aujourd’hui à la fois par une meilleure prévention des risques par les citoyens eux-mêmes, par un déclenchement précoce et transparent de l’alerte, par une expertise et une recherche performantes, indépendantes et transparentes et, de façon plus générale, par une meilleure association du citoyen à la sécurité sanitaire sur le terrain.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe le 10 octobre comme date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

La rapporteure a demandé que les réponses lui parviennent le 1er octobre 2006. A cette date, 4 % des réponses lui étaient parvenues. A la date butoir, ce pourcentage était de 25 %.

I.- LES ASPECTS BUDGÉTAIRES

Les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » sont en augmentation globale de 4,2 %.

Pour 2007, les moyens demandés au titre de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » s’établissent à 608 millions d’euros pour les autorisations d’engagement et 660 millions d’euros pour les crédits de paiement. Le plafond des emplois autorisés en équivalent temps plein est de 5 136.

En ce qui concerne le programme « Veille et sécurité sanitaires », qui relève du ministère de la santé et des solidarités et qui vise à renforcer la capacité de réponse de l’État aux crises sanitaires, les autorisations d’engagement sont en augmentation de 1,68 %, passant de 103,51 millions d’euros en 2006 à 105,25 millions d’euros pour 2006. Les crédits de paiement connaissent une évolution similaire, à raison de 105,3 millions d’euros pour 2007 contre 103,1 millions d’euros en 2006, soit une progression de 2,13 %.

Pour sa part, le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », qui concerne le ministère de l’agriculture, connaît une diminution de 60,2 %. Les autorisations de programme passent de 836 millions d’euros à 503 millions d’euros. S’agissant des crédits de paiement, ils passent de 537 millions d’euros en 2006 à 555 millions en 2007, soit une augmentation de 3,35 %. 555 millions d’euros, inclus dans le programme Sécurité et qualité sanitaire de l’alimentation, seront consacrés à la surveillance des conditions de production des végétaux (biocides, déchets, OGM) et au contrôle des animaux d’élevage.

Les crédits inscrits par la loi de finances sur le programme « Veille et sécurité sanitaire » sont essentiellement orientés vers le financement des agences sanitaires. Six opérateurs relèvent du programme « veille et sécurité sanitaire ». Il s’agit de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), l’Agence française de sécurité sanitaire alimentaire (AFSSA), l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), l’Agence de la biomédecine (ABM), l’Institut national de veille sanitaire (InVS) et l’Établissement français du sang (EFS).

Sur les 105,25 millions d’euros demandés sur le programme « Veille et sécurité sanitaire », 80,47 correspondent aux subventions aux agences, répartis comme suit.

Subventions aux agences

(en millions d’euros)

Action du programme

AFSSAPS

AFSSA

AFSSET

ABM

INVS

Total

Veille, surveillance, expertise et alerte

462 585

4 566 810

2 470 514

2 968 730

45 103 876

55 572 515

Gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises

0

119 948

112 500

0

5 887 340

6 119 788

Production et mise en œuvre de règles, de recommandations, de décisions et autres dispositifs

4 670 504

1 869 964

37 500

2 969 733

0

9 547 701

Information et formation

221 248

101 046

375 000

4 087 643

4 446 609

9 231 546

TOTAL

5 354 337

6 657 768

2 995 514

10 026 106

55 437 825

80 471 550

 

6,65 %

8,27 %

3,72 %

12,46 %

68.9 %

 

L’AFSSAPS, établissement public de l’État placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, s’est substitué depuis mars 1999 à l’Agence du médicament. Elle a, depuis la loi du 1er juillet 1998, des compétences très larges puisqu’elle participe à l’application des lois et règlements relatifs à l’évaluation, aux essais, à la fabrication, à la préparation, à l’importation, à l’exportation, à la distribution en gros, au conditionnement, à la conservation, à l’exploitation, à la mise sur le marché, à la publicité, à la mise en service ou à l’utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et des produits à finalité cosmétique. Dans ce cadre, l’AFSSAPS a compétence pour procéder à l’évaluation des bénéfices et des risques liés à l’utilisation de ces produits à tout moment et notamment lorsqu’un élément nouveau est susceptible de remettre en cause l’évaluation initiale.

Pour 2007, la subvention de l’État à l’AFSSAPS, qui ne représente qu’environ 15 % des ressources de l’agence (l’essentiel des ressources provenant de taxes sur les produits pharmaceutiques et de droits sur les dossiers présentés) devrait être de 5,354 millions d’euros, donc très inférieure à celle de la loi de finances initiale pour 2006 (16,310 millions d’euros). Cette diminution prend en compte une mobilisation du fonds de roulement disponible à fin 2006 pour un montant de 11 millions d’euros. Il est nécessaire que ce prélèvement exceptionnel ne se reproduise pas, notamment pour ne pas compromettre le projet d’établissement de l’AFSSAPS qui comprend un volet d’investissement informatique important, qu’il s’agisse de développer des systèmes d’information ou d’investir au titre de la maintenance des outils de laboratoire à Saint-Denis, Lyon et Montpellier.

Sept emplois nouveaux sont prévus dans le projet de loi de finances. Ils devraient permettre de répondre partiellement au développement du secteur post autorisation de mise sur le marché (AMM), au développement des technologies émergentes et aux nouvelles missions confiées à l’AFSSAPS par la loi de 2004 concernant la régulation et le suivi des micro-organismes et toxines.

Créée par la loi du 1er juillet 1998 afin de renforcer la veille et la sécurité sanitaires dans le domaine des aliments, l’AFSSA est placée sous la triple tutelle des ministères chargés de la santé, de l’agriculture et de la consommation. Lors de sa création, elle a incorporé le Centre national d’études vétérinaires et alimentaires (CNEVA).

Dans le but d’assurer la protection de la santé humaine, elle exerce des fonctions d’évaluation des risques sanitaires et nutritionnels, de recherche et d’appui scientifique et technique dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments depuis la production des matières premières jusqu’à la distribution au consommateur final. Elle a des missions spécifiques en matière de santé animale et de médicament vétérinaire, seul domaine dans lequel elle dispose d’un pouvoir de contrôle. Elle a un rôle de veille et d’alerte, un devoir d’information et de transparence dans son champ particulier d’intervention.

La loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 lui a confié la mission, à compter du 1er juillet 2006, d’évaluer les « intrants végétaux » (produits phytopharmaceutiques, adjuvants, matières fertilisantes et supports de culture), afin de séparer l’évaluation de la gestion des risques et de renforcer les capacités d’expertise. La compétence transférée à l’AFSSA consiste en l’évaluation des risques pour l’homme, l’animal et l’environnement, l’évaluation de l’efficacité, l’émission de recommandations portant notamment sur leurs conditions d’emploi.

Pour 2006, l’AFSSA devrait recevoir du ministère de la santé une subvention de 6 657 768 €. Cette augmentation des crédits de 645 000 € par rapport à la subvention permet utilement de couvrir les coûts liés au renforcement du laboratoire national de référence sur l’eau (200 000 €) et à l’étude « alimentation totale » (200 000 €). On ne peut que se féliciter du transfert dans la subvention pour charge de service public servie par le ministère de l’agriculture de 1,1 million d’euros, jusqu’alors financé au moyen de conventions dédiées aux activités relatives à la rage, aux encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST) et à l’antibiorésitance, ce qui permettra de déprécariser 22 agents affectés à ces missions pérennes depuis de nombreuses années. En revanche, il est regrettable qu’il n’a pas été prévu de reconduire l’effort de renforcement des équipes dédiées à la grippe aviaire (836 000 € avaient été accordés en 2006 par le ministère de la santé. 350 000 € seraient nécessaires, en 2007, pour maintenir encore un an les six agents recrutés pour faire face à cette crise et accélérer les travaux et les recherches en ce domaine.

Enfin, parce que les efforts de redéploiement réalisés par l’Agence depuis 2003 (plus de 3 millions d’euros) pour gager le financement de mesures nouvelles et tout ou partie de l’augmentation inéluctable de la masse salariale s’est traduit par une dégradation de sa capacité d’autofinancement, il serait nécessaire d’engager une réflexion en 2007 sur l’élargissement des modes de financement de l’AFFSA sur le modèle de ce qui existe déjà pour l’AFSSAPS pour permettre le maintien de ses équipements et ses infrastructures au niveau exigé par ses missions de référence et pour les activités de recherche associées.

Établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle des ministres chargés de l’environnement, de la santé et du travail, l’AFSSET a été créée en complément de l’ensemble des agences de sécurité sanitaire pour contribuer à assurer la protection de la santé humaine dans les domaines de l’environnement et du travail.

Ses missions ont été élargies par l’ordonnance 2005-1087 du 1er septembre 2005 et son décret d’application de juin 2006. Il s’agit d’une agence publique d’évaluation des risques fondée à partir des structures de l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), elle-même créée par la loi 2001-398 du 9 mai 2001. Dans le but d’assurer la protection de la santé humaine, l’AFSSET a pour mission l’évaluation des risques sanitaires liés à l’environnement et l’expertise scientifique en vue d’éclairer le gouvernement dans sa politique de sécurité sanitaire dans les deux domaines complémentaires de la protection des travailleurs et des milieux environnementaux.

La subvention 2007 s’établit à 2,996 millions d’euros.

Le docteur Michèle Froment-Védrine, directrice générale de l’AFSSET, a déploré que la structure déjà légère de l’AFSSET n’ait pas reçu de postes supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2007. Malgré des efforts de sous-traitance avec l’AFSSA, l’absence de nombreux emplois supports (personnel technique et administratif) est toujours à déplorer et le grand désarroi des collaborateurs de l’AFSSET, dont Mme Froment-Védrine s’est fait l’écho, est extrêmement préoccupant pour la poursuite des missions de l’agence.

L’ABM, établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle du ministre de la santé qui succède à l’Établissement des greffes (EFG), a été créé par la loi sur les droits des malades de 2002 et par le décret n° 2005-420 du 4 mai 2005 conformément aux dispositions de la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004. Quoi que rattaché au programme « veille et sécurité sanitaire », l’ABM n’exerce pas à proprement parler de mission de sécurité sanitaire. Son rôle opérationnel en matière de greffes d’organes, de tissus et de cellules ne la rattache pas à la notion d’alerte. Outre les missions relatives au prélèvement et à la greffe d’organes, de tissus et de cellules confiées depuis 1994 à l’EFG, l’agence intervient dans quatre grands domaines de la biologie et de la médecine humaine : la reproduction, l’embryologie et la génétique, la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

Les recettes prévues pour 2006 s’établissent à 47,67 millions d’euros, dont 9,55 millions de subvention de l’État au titre du ministère de la santé. La subvention prévue pour 2007 est de 10,026 millions d’euros. Pour 2007, 7 postes supplémentaires sont prévus, portant ainsi le total à 229 équivalents temps plein (ETP). Il s’agit avec ces créations de tenir compte des nouvelles missions assignées par la loi du 6 août 2004. Mme Carinne Camby, directrice générale, a tenu à appeler l’attention sur le manque de moyens de l’Agence au regard de ses nouvelles missions. Elle n’a pas hésité à dire que les 7 emplois supplémentaires sur les 18 qui étaient initialement demandés ne suffiront pas à faire face à la montée en charge de l’agence et l’obligera à décaler dans le temps certaines de ses missions.

L’ABM disposera pour la période 2006-2009 d’un contrat d’objectifs et de moyens (COM) qui sera finalisé à l’automne 2006. Il reflétera les orientations stratégiques que les tutelles assignent à l’ABM pour les années à venir et en particulier la montée en puissance de ses nouvelles attributions.

Établissement public de l’État placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, créé initialement par la loi du 1er juillet 1998 et son décret d’application de mars 1999, l’InVS a vu ses missions élargies et renforcées dans le domaine de la sécurité sanitaire par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Prenant la suite du Réseau national de santé publique (RNSP) créé en 1992, l’InVS recueille les données épidémiologiques sur la santé des Français, analyse l’évolution des risques sanitaires, détecte tout évènement de nature à modifier l’état de santé de la population, déclenche l’alerte en cas de menace et identifie dans l’urgence les causes d’une altération de la santé publique.

La subvention de l’État à l’InVS s’établira à 55,44 millions d’euros, en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une progression de plus de 36 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2006 (40,69 millions d’euros). La progression de la subvention en 2007 est en grande partie liée au besoin de remise à niveau de la subvention suite au prélèvement sur fonds de roulement important opéré en 2006. Un million d’euros est également ajouté pour la poursuite du développement des registres dans le cadre du plan Cancer.

L’année 2007 est la deuxième année du contrat d’objectifs et de moyens (COM). Les orientations stratégiques retenues dans ce cadre visent à renforcer les systèmes de surveillance à finalité d’alerte, à finaliser des programmes sur les pathologies professionnelles, à renforcer les cellules interrégionales d’épidémiologie (CIRE) et à développer la veille internationale en interface avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Union européenne.

Créé en application de l’article 18 de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits de santé, l’EFS, établissement public sous tutelle du ministère chargé de la santé, s’est substitué à l’Agence française du sang en janvier 2000.

La création de l’EFS s’est inscrite dans un schéma de profonde réorganisation de la transfusion sanguine destinée à garantir un niveau optimum de sécurité pour les patients. La loi du 1er juillet 1998 a séparé les missions de police sanitaire et d’évaluation des produits et des pratiques (transférées à l’AFSSAPS) des missions de production confiées à l’EFS, devenu opérateur unique de la transfusion sanguine en France en reprenant, au moyen de conventions, les activités transfusionnelles jusqu’alors exercées par les 42 établissements de transfusion sanguine (ETS).

L’EFS est chargé de veiller à la satisfaction des besoins en matière de produits sanguins labiles (PSL) et à l’adaptation de l’activité transfusionnelle aux évolutions médicales, scientifiques et technologiques, dans le respect des principes éthiques. Il organise sur l’ensemble du territoire les activités de collecte du sang, de préparation et de qualification des PSL, ainsi que leur distribution aux établissements de santé, et leur délivrance aux patients.

Mme Catherine Dessein, directrice générale de l’EFS, a indiqué se heurter depuis quelques années à des problèmes d’approvisionnement. Cette situation est évidemment très liée à la sécurité sanitaire dans la mesure où l’approvisionnement et la réactivité en cas d’alerte sont liés. Comme l’appel national aux dons ne peut être reproduit chaque année, il sera nécessaire à court terme de mettre en place des structures pérennes pour relancer la promotion des dons et donc d’y affecter des moyens budgétaires plus importants.

II.- L’APPROPRIATION DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE
PAR LES CITOYENS

Apparue en 1992 lors de la réforme du système de santé mise en place par le ministre de la santé et de l’action humanitaire Bernard Kouchner, l’expression « sécurité sanitaire » a été introduite dans le code de la santé publique par les lois du 29 juillet 1994 relatives à la bioéthique, avant d’être consacrée comme une mission fondamentale du système de santé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Définie à l’origine comme la sécurité contre les risques liés au fonctionnement du système de santé, le concept a été progressivement étendu à la protection contre les risques alimentaires ou environnementaux pour définir plus largement « la protection de la santé de l’homme contre les risques « iatrogènes » de la société, c'est-à-dire les risques induits par son fonctionnement et les systèmes de plus en plus complexes qui l’organisent », ainsi que l’écrit M. Didier Tabuteau (1). Comme il le précise, la sécurité sanitaire se donne ainsi pour ambition de restaurer l’impératif hippocratique « Primum non nocere » (d’abord ne pas nuire), de l’imposer, d’en faire un fondement de la législation comme de l’action.

Sujet politique dès l’origine, élément clef de la politique de santé, la sécurité sanitaire est progressivement devenue un sujet citoyen, une composante fondamentale de la démocratie sanitaire toujours à parfaire. Vache folle, grippe aviaire, canicule, Chikungunya, maladies nosocomiales, les sujets de sécurité sanitaire sont de plus en plus au premier plan des préoccupations de tous et l’article L. 1110-1 du code de la santé publique confie même désormais aux « usagers » la mission de contribuer à « la meilleure sécurité sanitaire possible ». Il n’est donc pas inutile de réfléchir au moyen de responsabiliser les citoyens-usagers du système de santé pour en faire de véritables acteurs de la sécurité sanitaire.

Au regard de cette impérieuse nécessité d’appropriation de la sécurité sanitaire par tous ses acteurs, on constate d’une part que les structures de la sécurité sanitaire sont encore insuffisamment lisibles (A), tandis que des avancées concrètes pourraient contribuer à renforcer encore la place du citoyen au cœur de la sécurité sanitaire (B).

La construction de la sécurité sanitaire est née en réaction aux crises successives qui ont marqué le système de santé : sang contaminé, hormone de croissance, encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), Tchernobyl, syndrome immuno-déficitaire acquis (SIDA), syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), canicule, infections nosocomiales et aléa thérapeutique, amiante, menace de pandémie grippale. Ces diverses crises ont abouti à ce que la construction de la sécurité sanitaire en France se fasse par « tâtonnements successifs » (2). Elles ont donné naissance à une organisation multicentrique complexe.

Malgré une réussite certaine, la multiplication d’agences sanitaires a suscité d’une part des problèmes de lisibilité et d’autre part des difficultés d’articulation avec les pouvoirs publics.

La France s’est dotée en un temps relativement court d’un système relativement performant de sécurité sanitaire. Cette construction s’est faite rapidement, en une quinzaine d’années, en réaction à des crises sanitaires mais aussi à des événements extérieurs tels que la création de l’agence internationale du médicament à Londres par exemple (Règlement CEE n° 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, instituant une agence européenne pour l'évaluation des médicament).

L’organisation mise en place comporte des acquis indéniable et la philosophie générale sur laquelle elle repose, qui consiste à procéder à la séparation des fonctions d’expertise (surveillance, veille et évaluation) et celles de gestion de crises (stratégie et décision), a été validée par l’expérience.

À titre d’exemple de la performance du système de sécurité sanitaire français, on peut citer sa très grande réactivité en matière de contamination alimentaire.

Le professeur Gilles Brücker, directeur général de l’InVS, a ainsi cité l’épisode de la Toussaint 2005 où l’InVS a identifié précocement un risque de syndromes hémolytiques et urémiques lié à l’intoxication chez les enfants par des steaks hachés et fait retirer en quelques jours 20 000 boîtes de 10 steaks hachés contaminants.

Le sénateur Claude Saunier, auteur du rapport de l’Office public d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l’application de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme, a quant à lui souligné que, si environ 15 000 personnes par an décédaient encore d’intoxications alimentaires dans les années cinquante, il en décédait aujourd’hui à peine 400.

Si le débat a finalement été tranché par la création de plusieurs agences plutôt que pour la création d’une agence unique, il n’est pas sûr qu’il faille le regretter tant la création d’une seule agence aurait sans aucun doute amené avec elle des dérives bureaucratiques préjudiciables.

De plus, des éléments de coordination ne sont pas absents du système de sécurité sanitaire français. À titre d’exemple de ces dispositifs de coordination, on peut citer les réunions hebdomadaires de sécurité sanitaire qui regroupent les directeurs des agences de sécurité sanitaire autour du directeur général de la santé et qui sont consacrées aux alertes sanitaires en cours ou prévisibles mais également à des échanges plus généraux entre les agences et l’administration centrale.

La définition de contrats d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et ses opérateurs, l’installation le 12 septembre 2006 du Comité national de santé publique (CNSP), le développement de synergies entre les agences, spécialement entre l’AFSSA et l’AFFSET, par la création de comités d’experts spécialisés (CES) communs, et la passation entre certaines agences de conventions de coopération sont autant d’exemples de tentatives de rationalisation et de coordination de l’organisation de sécurité sanitaire.

Il n’en demeure pas moins que le système français demeure complexe et peu lisible et que l’autonomie des agences par rapport aux pouvoirs publics reste dans certains cas limitée.

Le système mis en place en matière de sécurité sanitaire demeure d’une grande complexité. Peu lisible pour les citoyens, il ne l’est parfois guère plus pour les professionnels de santé. Le choix de la séparation des fonctions d’expertise de celles de gestion des crises ajoute en outre parfois des incompréhensions dans l’esprit des citoyens lorsqu’un décalage intervient entre l’appréciation scientifique du risque par les agences et la décision du politique gestionnaire du risque qui peut légitimement prendre en compte d’autres paramètres que les seuls paramètres scientifiques.

La coordination entre les diverses agences n’est pas toujours facile du fait de chevauchements de compétence. M. Michèle Froment-Védrine, directrice générale de l’AFSSET, a ainsi cité l’exemple des biocides qui sont normalement évalués par l’AFSSET mais qui, également utilisés en milieu hospitalier et dans la filière alimentaire, font aussi l’objet de programme de travail de la part de l’AFSSAPS et l’AFSSA, sans que l’AFSSET puisse efficacement assurer sa mission de coordination.

Dans certains domaines, des synergies seraient théoriquement possibles entre différentes agences, comme entre l’AFSSA et l’AFSSET sur le sujet de l’eau par exemple. Pourtant, ces synergies potentielles demeurent difficiles du fait de modes de fonctionnement différents entre l’AFSSA et l’AFSSET qui tiennent notamment au choix de procédures qualité différentes. Il en résulte un manque de cohérence d’ensemble.

On peut également regretter que la mise en place des cellules interrégionales d’épidémiologie (CIRE), antennes régionales qui relayent l’action de l’InVS sur le terrain, ne s’articule pas mieux avec les observatoires régionaux de santé qui sont des structures associatives chargés de décrire les problèmes sanitaires des populations.

Enfin, l’articulation entre le niveau national et le niveau européen ajoute parfois à la complexité du système et à sa lisibilité pour le citoyen. Alors que les agences européennes sont en théorie chargées de coordonner et d’harmoniser les méthodes entre les différentes structures nationales, il arrive parfois qu’elles expriment des avis en contradiction avec les avis nationaux, comme on l’a vu récemment au sujet de la grippe aviaire et du confinement des volailles.

L’agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSET) est la dernière née dans le dispositif législatif visant à renforcer la sécurité sanitaire en France.

L’AFSSET est également le maillon le plus faible du système de sécurité sanitaire français, tant elle rencontre des difficultés structurelles qui ne tiennent d’ailleurs pas seulement à un manque de moyens budgétaires.

Le secteur de l’environnement et de la santé au travail souffre en effet sans conteste d’un manque d’expertise propre et reste encore extrêmement fragmenté. L’AFSSET a normalement vocation à être une « tête de réseau », c'est-à-dire un établissement qui ne produit pas la science en interne mais qui a un rôle de coordination en cherchant la compétence scientifique auprès de partenaires permanents ou ponctuels.

Pourtant, si le législateur a demandé à l’AFSSET de nouer des relations contractuelles avec une quinzaine d’organismes (Centre scientifique et technique du bâtiment (Cstb), Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), Bureau de recherches géologiques et minières (Brgm), Institut national de la recherche agronomique (Inra), Institut national de recherche et de sécurité (Inrs), Centre technique du bois et de l’ameublement (Ctba)…), il eut peut-être été plus efficient d’en faire dès l’origine des éléments constitutifs d’une agence verticale.

Mme Michèle Froment-Védrine, directrice générale de l’AFSSET, s’est par exemple plainte que certains de ces opérateurs rechignaient à être coordonnés et que les tutelles elles-mêmes ne jouaient pas le jeu de la coordination puisque certaines des saisines relevant en théorie du champ de compétence de l’AFSSET ne passaient pas par elle. En particulier, on peut se demander si l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et l’Institut français de l’environnement n’avaient pas vocation à être fusionnés au sein de l’AFSSET. La structure en holding de l’AFSSET pose en outre un problème de lisibilité pour les citoyens dans la mesure où on ne sait parfois plus de qui émanent les études produites.

Enfin, on ne peut que déplorer l’isolement du risque nucléaire par rapport aux autres risques environnementaux du fait que l’AFSSET n’a pas absorbé l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI).

Alors que les risques sanitaires liés à l’environnement inquiètent légitimement de plus en plus les Français et que les enjeux en matière de santé au travail sont multiples comme l’illustre le développement important des troubles musculo-squelettiques (TMS), il apparaît urgent de reformater l’AFSSET en la dotant de la taille critique et des moyens budgétaires qui lui permettent de remédier à sa faiblesse congénitale.

Certains sujets comme la toxicologie demeurent enfin insuffisamment traités.

Le programme REACH (Registration, Evaluation, Authorisation and Restrictions of Chemicals) devrait néanmoins inciter à des progrès rapide en ce domaine.

Le rôle et les relations des agences avec les ministères de tutelle sont parfois critiqués. A propos des tutelles multiples qui s’exercent parfois sur la même agence sanitaire, on a même pu parler de « polyphonie ministérielle ».

Toutefois, cette analyse n’est pas unanimement partagée et Mme Pascale Briand, directrice générale de l’AFSSA, a par exemple indiqué que ces tutelles multiples n’étaient pas toujours un problème. Sur le sujet de la grippe aviaire, la plupart des saisines de l’AFSSA ont ainsi été conjointes et avaient préalablement fait l’objet d’une discussion entre le ministère de la santé et le ministère de l’agriculture.

Il n’en demeure pas moins que, d’après le sénateur Claude Saunier, les ministères, comme le ministère de l’agriculture ou celui de la santé qui assuraient avant la création des agences de sécurité sanitaire les fonctions de surveillance et de contrôle, acceptent aujourd’hui parfois mal qu’une partie de leur pouvoir leur échappe au profit de l’autonomie des agences et manifestent certaines réticences pour se déposséder de leurs anciennes attributions. Alors que l’AFSSA a théoriquement compétence pour réaliser des expertises sans en référer préalablement au ministère, le sénateur a par exemple indiqué que l’État continuait d’exercer un fort contrôle en la matière.

Mme Carine Camby, directrice générale de l’ABM, a rejoint le sénateur Claude Saunier en reconnaissant que la question de l’autonomie était un vrai problème. Le positionnement du ou des ministères de tutelle vis-à-vis des agences est parfois également problématique lorsque l’expertise propre du ministère doublonne celle des agences et qu’elle est parfois contradictoire.

Il est donc plus que jamais nécessaire de réaffirmer la nécessaire autonomie des agences de sécurité sanitaire dans leur champ de compétence et le cantonnement des autorités de tutelles à leur rôle propre.

Si la création d’un délégué interministériel à la grippe aviaire a pu ponctuellement constituer un dispositif de coordination entre les tutelles, cette réponse ne saurait être reproduite pour l’ensemble des risques en matière de sécurité sanitaire et il convient en conséquence de réfléchir à améliorer de façon globale le dispositif de coordination entre les tutelles.

Au regard des difficultés rencontrées par l’organisation actuelle de la sécurité sanitaire, le rapport (3) de la mission d’évaluation et d’expertise conduite par le professeur Jean-françois Girard a proposé de remodeler le dispositif actuel des agences autour de trois groupes de métiers, à savoir « la surveillance et la veille, la police sanitaire des produits et aliments destinés au consommateur ou au malade, et enfin l’évaluation des risques des milieux (air, eau, sol). Cette réforme supposerait en effet la création de trois organismes : un institut de surveillance du vivant, une agence de sécurité sanitaire des produits consommés par les êtres vivants, une agence des milieux ».

Cette proposition présente de nombreux avantages dans la mesure où elle « diminuerait la complexité du système, réduirait le nombre d’interfaces et limiterait l’importance des champs non couverts » mais, comme l’a souligné notamment M.  Didier Eyssartier, chef du service Questions financières de la DGS, il est sans doute nécessaire de stabiliser au préalable le système actuel et donc d’envisager une pause dans les réformes de structure avant d’introduire le nouveau regroupement proposé.

Certaines agences sanitaires ont déjà organisé la représentation des citoyens au sein de leur conseil d’administration (représentants de consommateurs pour l’AFSSA, représentants d’associations agréées compétentes en matière de protection de l’environnement, de la santé et de défense des consommateurs d’une part et, d’autre part, des organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés au niveau national pour l’AFSSET, représentants d’associations de patients et d’associations de donneurs de sang pour l’EFS). D’autres, comme l’AFSSAPS par exemple, ont déjà intégré des associations de patients dans certains groupes de travail, notamment sur l’information des patients et les autorisations temporaires d’utilisation.

Néanmoins, l’appropriation de la sécurité sanitaire par les citoyens ne saurait se limiter à d’éventuels réformes sur l’accroissement de la présence des citoyens dans les conseils d’administration des agences ou par la possibilité pour ceux-ci de les saisir. L’instauration d’une véritable démocratie sanitaire nécessite de placer véritablement le citoyen au cœur de la sécurité sanitaire.

Pour la rapporteure, cela passe par une meilleure prévention des risques, par un déclenchement précoce et transparent de l’alerte, par une expertise et une recherche performantes, indépendantes et transparentes et, de façon plus générale, par une meilleure association du citoyen à la sécurité sanitaire sur le terrain.

Une confiance trop grande a parfois été placée dans les vertus curatives de la médecine alors que certains risques sanitaires pourraient être mieux prévenus en amont. Comme l’a rappelé M.  Jean-François Girard, président de l’Institut de recherche et de développement (IRD), « la prévention est une activité non médicale : c’est à la société de s’approprier la prévention ».

Dans une telle optique de prévention, qui trouve utilement à s’appliquer dans le domaine des infections nosocomiales et de la grippe saisonnière par exemple, on ne peut faire de progrès en matière de sécurité sanitaire que si on s’appuie sur les professions de santé et les citoyens.

L’émergence de la notion de sécurité sanitaire a ouvert la voie au renforcement de la lutte contre les infections nosocomiales.

Les comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN)

Créés par la circulaire du 18 octobre 1973 relative à la prévention des infections hospitalières suite à des résolutions du Conseil de l'Europe (1972), les CLIN ne sont devenus obligatoires, pour les établissements publics et privés participant au service public (PSPH), que près de 15 ans plus tard, avec le décret n°88-657 du 6 mai 1988.

Les CLIN sont présents dans tous les établissements de santé, quel que soit leur statut, où ils sont chargés de la lutte contre les infections nosocomiales et la maîtrise de la résistance bactérienne aux antibiotiques.

Les missions du CLIN sont centrées sur la lutte contre les infections nosocomiales. Un CLIN est ainsi chargé :

– d’organiser et de coordonner une surveillance continue des infections dans l’établissement ;

– de promouvoir les actions de formation des personnels dans le domaine de la lutte contre les infections et leur transmission en milieu hospitalier ;

– de définir, animer et coordonner le programme annuel de lutte contre les infections nosocomiales de l’établissement ;

– d’établir annuellement un rapport d’activité qui décrit les actions entreprises dans l’établissement et analyse les résultats obtenus ;

– de fournir les données de la surveillance qui seront communiquées à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et les propositions d’enquête nécessaires à la poursuite de son action ;

– d’établir une collaboration régulière avec tous les services de l’établissement et plus particulièrement avec le service de microbiologie, le département d’information médicale, la médecine du travail, les services responsables des achats de matériels, les structures de formation du personnel.

Un CLIN dispose également d’un pouvoir de recommandation pour limiter le développement des infections et peut émettre un avis sur les aménagements de locaux et les acquisitions d’équipements susceptibles d’avoir une répercussion sur la prévention et la transmission des infections à l’hôpital.

L'article 4 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme rend obligatoire l'organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans tous les types d'établissements.

Un arrêté publié au Journal officiel du 2 septembre 2006 a créé les antennes régionales de lutte contre les infections nosocomiales. Dotées au minimum d’un médecin ou pharmacien et d’un infirmier ou d’un cadre de santé formés en hygiène, implantées dans un établissement de santé, elles doivent assurer un relais de proximité des CLIN auprès des établissements de santé.

Les Centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (C-CLIN)

Cinq C-CLIN, qui sont des structures interrégionales, ont été créés en 1992 avec pour mission l’assistance technique aux établissements de santé en matière de lutte contre les infections nosocomiales. Ils organisent l’animation et la formation du réseau des responsables de CLIN. Ils réalisent des études épidémiologiques multicentriques et en organisent le recueil épidémiologique standardisé. Ils suivent l’ensemble des signalements d’infections nosocomiales et constituent un appui technique aux DRASS pour la réalisation d’audit ou d’expertise en hygiène.

Ils constituent avec l’InVS le réseau national d’alerte, investigation, surveillance des infections nosocomiales (RAISIN) chargé de coordonner, au niveau national, les cinq programmes prioritaires de surveillance des infections nosocomiales (infections de site opératoire, bactéries multirésistantes, bactéries nosocomiales, infections nosocomiales en réanimation, accidents d’exposition au sang), la réalisation d’enquêtes nationales de prévalence (1996, 2001, 2006) et l’analyse et la gestion continue des signalements d’infections nosocomiales.

L’activité des C-CLIN auprès des établissements de santé s’est accrue notamment avec la mise en place des nouvelles recommandations de prévention du risque de maladie de Creutzfeldt-Jakob. Ils sont également désormais chargés de la formation des professionnels de santé exerçant en milieu libéral. Depuis la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la sécurité sanitaire le champ d’action des C-CLIN s’étend aux établissements privés (article L.  6111-4 du code de la santé publique). Par ailleurs, l’article L.  6111-4 issu de la même loi a confié aux C-CLIN une nouvelle mission de signalement des infections nosocomiales.

En 2007, les missions des C-CLIN continueront à se développer en lien notamment avec la généralisation de nouveaux indicateurs de qualité du tableau de bord des infections nosocomiales, conformément au plan national de lutte contre les infections nosocomiales 2005-2008. En plus de l’indicateur ICALIN – Indice composite d’évaluation des activités de lutte contre les infections nosocomiales- les autres indicateurs, relatifs à la surveillance des infections du site pératoire, à la consommation de solutions hydro-alcooliques pour l’hygiène des mains, aux staphylocoques dorés résistants à la méticilline, à la consommation d’antibiotiques devront être renseignés par les établissements fin 2007. Par ailleurs, l’enveloppe 2007 intégrera le financement des antennes régionales en cours de création. Le montant des crédits budgétaires proposé pour 2007 est de 410 000 €.

Les enquêtes nationales de prévalence (ENP) des infections nosocomiales fournissent des données actualisées sur le risque infectieux dans les établissements de santé publics ou privés. Elles permettent surtout de mieux orienter les actions de prévention.

Il est intéressant de noter que le programme de lutte contre les infections nosocomiales en cours (2005-2008) met l’accent sur la transparence. Un service téléphonique (0810 455 455) et un site internet (www.infonosocomiale.fr) sont ouverts aux patients. De même un tableau de bord des infections nosocomiales a été mis en place pour que chacun ait accès aux actions prises par les établissements pour lutter contre le risque infectieux. Un premier volet a fait l’objet d’un rapport publié en mars 2006 avec un classement des établissements en fonction d’un score mesurant la qualité de la prévention.

Une nouvelle enquête de prévalence va avoir lieu dans un souci d’information et de communication. Dans ce cadre, le ministre a demandé qu’une attention particulière soit portée « à la résistance des bactéries aux antibiotiques ». L’enjeu sur les bonnes pratiques en matière d’antibiothérapie est en effet d’importance dans la mesure où une prescription d’antibiotique produit obligatoirement de l’antibiorésistance qui peut entraîner un risque collectif d’une pression de sélection de bactéries résistantes. C’est la raison des campagnes de sensibilisation sur le bon usage des antibiotiques, comme la récente campagne de l’assurance maladie en 2002 : « les antibiotiques, c’est pas automatique ».

Sur ce sujet de l’antibiorésistance, il est nécessaire qu’une réflexion soit rapidement menée pour que, lors de la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM), les antibiotiques les plus puissants soient réservés à la prescription en milieu hospitalier où la délivrance est davantage contrôlée.

L’intérêt de développer encore la surveillance et les actions d’information vers les professionnels de santé hospitaliers et libéraux en matière d’infections nosocomiales a encore été renforcé par de récentes alertes.

Si les indicateurs de surveillance des infections nosocomiales à entérocoques résistants sont plutôt rassurants, l’apparition d’infections nosocomiales à Clostridium difficile de type 027 (4) dans une quinzaine d’établissements de santé et des maisons de retraite du Nord-Pas-de-Calais depuis l’alerte donnée au centre hospitalier de Valenciennes en mars 2006 suscite une certaine inquiétude. L’épidémie d’infections digestives, identifiée en 2003 aux Canada et aux États-Unis et détectée par la suite en Grande-Bretagne, en Belgique et aux Pays-Bas, « n’est pas encore maîtrisée » selon un bilan fourni le 3 octobre 2006 par l’InVS. Elle a touché jusqu’à présent 330 patients et 19 morts ont été recensés.

On ne peut que se féliciter des mesures déjà prises au niveau national, notamment de l’envoi d’une circulaire sur la maîtrise des infections à Clostridium difficile, même s’il est regrettable qu’une plus grande transparence en direction des personnels de santé des établissements concernés n’ait pas eu lieu dès le début.

Des progrès restent néanmoins à faire. Comme l’a justement souligné le professeur Yves Mouton, du centre hospitalier Gustave Dron de Tourcoing, il n’y a pas encore suffisamment de personnels soignants formés à l’infectiologie.

Surtout, il faudrait maintenant insister plus particulièrement sur l’utilité de préconisations simples, tant pour les professions de santé que pour l’ensemble des citoyens : renforcement de l’hygiène des mains et nettoyage quotidien de l’environnement proche du patient infecté.

Comme l’a indiqué le professeur Yves Mouton, il ne s’agit ni plus ni moins que de réintroduire des réflexes d’hygiène de base enseignés naguère par les Hussards noirs de la IIIe République et qui n’existent malheureusement parfois plus.

Le professeur Yves Mouton a également appelé l’attention de la rapporteure sur le sujet de la grippe saisonnière. Un nombre important de morts liées à la grippe saisonnière est en effet évitable par une meilleure prévention, qui ne passe pas simplement par le recours aux vaccins antigrippaux mais, là encore, par des gestes simples d’hygiène élémentaires.

En effet, la grippe saisonnière, bénigne chez la plupart des jeunes et des adultes, est à l’origine d’une morbidité importante et d’une mortalité non négligeable pour les personnes à risque non vaccinées, en particulier les personnes très âgées. L’enjeu est d’importance dans la mesure où les prévisions du réseau Sentinelles de l’INSERM font état d’une taille épidémique en France durant la saison grippale 2006-2007 de 2,2 millions de cas avec une fourchette allant de 1,3 à 3 millions et où l’on compte environ 7 500 décès chez les personnes de plus de 75 ans chaque hiver pendant les périodes épidémiques.

D’après le professeur Mouton, la grippe saisonnière est vécue à tort comme une infection banale alors qu’elle provoque, pour la seule région Pas-de-Calais, environ 500 morts par an dont certaines sont à coup sûr évitables.

Il convient donc de rappeler les règles d’hygiène élémentaire le plus largement possible, à l’école mais aussi dans les milieux hospitaliers. Dans ce rôle de prévention, l’intervention du médecin de famille délivrant des messages simples est fondamentale. Des campagnes nationales, sur le modèle de celle lancée par l’INPES auprès des corps enseignants et dans tous les établissements scolaires pour lutter contre la transmission des infections respiratoires en favorisant trois réflexes élémentaires (« Lave-toi les mains au savon, plusieurs fois par jour, en comptant jusqu’à 30 », « Mets ta main devant ta bouche quand tu tousses ou quand tu éternues », « Jette toujours ton mouchoir dans une poubelle ») devraient être généralisées.

Ces messages simples de prévention en matière de risque avéré comme la grippe saisonnière sont d’autant plus utiles qu’ils servent aussi pour les risques potentiels comme la grippe aviaire.

M.  Didier Tabuteau, responsable de la chaire santé à l’Institut d’études politiques de Paris, a indiqué que le système français était un des plus performant pour la surveillance technique, mais il a souligné que des difficultés subsistaient en ce qui concerne le déclenchement de l’alerte.

Si le citoyen français est encore peu impliqué dans les signalements d’origine alimentaire ou environnementale à l’inverse des personnes habitant les Pays-Bas par exemple, il est néanmoins en droit d’attendre un déclenchement précoce et transparent de l’alerte. La réactivité du dispositif est en effet un enjeu majeur de la sécurité sanitaire.

A partir du moment où le système de sécurité sanitaire s’est perfectionné, il faut logiquement s’attendre à ce qu’il y ait de plus en plus d’alerte dans l’avenir. Loin d’affecter la confiance dans le système, le déclenchement répété d’alertes doit faire partie du fonctionnement normal du système.

Or, si on constate un bon déclenchement de l’alerte pour les risques identifiés, des progrès restent encore à faire pour les risques émergents.

 Une bonne maîtrise des risques identifiés

Dans le domaine des risques désormais bien identifiés (canicule, pandémie grippale, grand froid), de multiples capteurs de risque fonctionnent déjà, pour lesquels le déclenchement de l’alerte est basé sur des modèles épidémiologiques.

On peut en particulier mentionner le réseau Sentinelles, composé depuis 1984, à l’initiative de l’Institut national de la recherche et de la santé (Inserm), de capteurs épidémiologiques appelés « médecins sentinelles » qui acceptent de rapporter, volontairement et bénévolement, les observations qu’ils font dans leur pratique quotidienne à propos d’une douzaine d’indicateurs de santé. Depuis 1994, ce système est visible sur Internet, permettant un recueil, mais aussi une diffusion de l’information à tout le public d’internautes, sans restriction d’accès.

Les groupes régionaux d’observation de la grippe (Grog) sont également un exemple de la place que peuvent prendre les soignants de ville dans l’alerte médicale. Les Grog ont été développés à partir de 1984 avec pour objectif principal la détection précoce et régionalisée de la circulation des virus grippaux et la mise en alerte du système de soins. Constitués de vigies nombreuses et diversifiées (près de 600 médecins généralistes et pédiatres, SOS-médecins, 93 pharmacies d’officine…) réparties sur l’ensemble du territoire, les Grog travaillent en partenariat avec l’InVS et mettent, chaque mercredi, un bulletin en ligne sur leur site internet (www.grog.org). Grâce à ce réseau national, l’alerte grippale a toujours été fiable et précoce. La capacité de ce réseau à recueillir de l’information épidémiologique et virologique a conduit les autorités sanitaires à faire appel aux Grog lors de crises sanitaires récentes liées à des infections respiratoires virales (grippe du poulet en 1997, crise du syndrome respiratoire aigu sévère- SRAS-) et à les impliquer dans le plan gouvernemental Pandémie grippale.

À côté des systèmes de surveillance volontaire sur le modèle des réseaux Sentinelles, existent également des dispositifs de déclarations obligatoires qui concernent aujourd’hui une trentaine de maladies, comme les légionelloses par exemple. Ces systèmes ont fait la preuve de leur performance, notamment lors du retour d’un épisode caniculaire exceptionnel à l’été 2006 qui a duré plus d’un mois et touché jusqu’à 68 départements dont la région parisienne.

Les dispositions prises depuis 2003 en application du plan national canicule et la gestion de la crise ont permis de limiter à son minimum l’excès de mortalité imputable aux fortes chaleurs de l’été. La préparation à une pandémie de grippe aviaire semble également désormais bien structurée, au moins au plan national.

Point sur la préparation à un épisode de grippe aviaire

Les travaux de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la grippe aviaire, les enseignements tirés de l’exercice européen de novembre 2005 et de l’exercice national « Pandémie grippale 06 » des 24 et 25 avril 2006, comme l’évolution de la situation internationale, ont montré qu’il était nécessaire d’actualiser le plan de 2004 et de le rendre plus opérationnel.

Un nouveau plan, profondément remanié, a ainsi été approuvé en début d’année 2006 et mis en ligne sur Internet dès le 11 janvier 2006, conformément à la volonté de transparence exprimée par le Premier ministre. Une quarantaine de fiches techniques, qui en explicitent la mise en œuvre, lont complété et ont été mises en ligne le 15 février 2006 (http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/grippe_aviaire/planpandemiegrippale_janvier06.pdf).

La stratégie générale de ce plan s’inscrit toutefois dans la continuité du précédent, à savoir :

– « Prévenir l’apparition et le développement de foyers de virus aviaire sur le territoire national en les détectant au plus tôt et en les éradiquant ;

– Freiner l’apparition et la diffusion sur le territoire national d’un nouveau virus adapté à l’homme, par des mesures de santé publique précoces et adaptées à chaque situation ;

– Organiser et adapter le système de santé (prise en charge ambulatoire proportionnée à l’état des malades -traitement à domicile et hospitalisation des formes graves) ;

– Mobiliser tous les établissements de santé au maximum de leurs capacités avec un circuit pour les patients grippés ;

– Maintenir un approvisionnement en matériels médicaux et équipements de protection ;

– Organiser la continuité de l’État et de la vie économique : action de proximité et de solidarité (personnes âgées dépendantes et isolées), maintien des activités essentielles pour la sécurité et la vie de la population (nourriture, eau, électricité...) et accompagner cette stratégie par un large effort de communication, d’information et de formation (afin de préparer le pays à la gestion de ce risque et de la crise) » (5).

Par rapport au plan précédant, le nouveau plan présente toutefois une évolution remarquable du point de vue de l’appropriation par les citoyens et les professions de santé : il est pratique et plus facile d’utilisation opérationnelle par les acteurs concernés.

Le tableau de synthèse des mesures, par exemple, qui figure à la fin du document, permet immédiatement à tous les décideurs d’identifier les différentes mesures proposées en fonction la situation dans laquelle on se trouve, et permet aussi d’anticiper sur les mesures à prendre en cas d’évolution.

La protection de la population reste bien sûr la priorité absolue : elle se traduit non seulement par l’acquisition d’antiviraux et de masques de protection respiratoire, par la fabrication d’un vaccin prépandémique et la réservation du vaccin pandémique, mais également par la préparation d’une capacité humaine et technique de prise en charge médicale de la population, y compris des ressortissants français à l’étranger.

L’état des stocks nationaux fin septembre 2006 est le suivant :

– 243 millions de masques FFP2 livrés, sur une commande totale de 286 millions d’ici la fin de l’année.

– 765 millions de masques chirurgicaux livrés, sur une commande totale d’1 milliard d’ici la fin de l’année.

– Antiviraux Tamiflu et Relenza : 13 millions de traitements livrés en gélules et 9 millions en vrac, sur une commande totale de 33 millions à livrer d’ici octobre 2007.

La situation semble pourtant moins satisfaisante pour ce qui concerne la capacité à faire face à des événements non prévus.

Dès son rapport public 2004, la Cour des comptes déplorait ainsi déjà que les plans établis en réponse à des menaces sanitaires « visent principalement des situations déjà rencontrées ».

 Des progrès restent encore à faire pour les risques non identifiés

L’épisode récent de l’épidémie de Chikungunya à la Réunion illustre les difficultés que peut rencontrer le système de sécurité sanitaire face à des risques non prévus.

Chikungunya : préparation d’un plan de lutte

Par rapport au mois d’août 2005, le nombre de nouveaux cas a baissé de deux tiers cette année. Le retour de la saison chaude dans l’hémisphère sud est néanmoins synonyme d’un risque de reprise de l’épidémie. C’est pourquoi le gouvernement a présenté le 11 septembre 2006 un plan de lutte contre le chikungunya.

Ce plan de crise s’articule autour de trois points principaux :

– l’organisation de la lutte anti-vectorielle ;

– la préparation des établissements hospitaliers ;

– l’information de la population sur les moyens de lutte contre le moustique porteur du virus.

Par ailleurs, la protection sanitaire, l’aide aux personnes les plus vulnérables et le soutien aux entreprises sont maintenus.

Dans une perspective à plus long terme, un service permanent de lutte antivectorielle, en collaboration avec les collectivités locales, sera mis en place. La capacité et les moyens humains des hôpitaux de la Réunion seront parallèlement renforcés. Enfin, le centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes de l’Océan Indien sera installé avant la fin 2006.

Pour soutenir le tourisme, une campagne de promotion de La Réunion sera lancée par le ministère en charge de ce domaine.

Pour être en mesure de faire face au défi sanitaire majeur que représentent des menaces à la fois inattendues et indéfinies, il est plus que jamais nécessaire de se doter d’une méthodologie efficace pour améliorer les dispositifs d’anticipation des situations d’urgence ou de crises sanitaires.

Une des grandes leçons de l’épisode caniculaire de 2003 en matière d’identification des risques est en effet que les systèmes de surveillance ne doivent pas être concentrés sur des phénomènes connus mais doivent concerner la surveillance de signaux sanitaires qui ne sont pas forcément déjà connus.

Dans cet esprit, l’InVS a mis en place un réseau original de veille prospective qui intègre des données issues de trois sources : la médecine de ville, les services d’urgences qui recueillent des variables socio-démographiques et médicales (gravité/âge/sexe) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui recueille des données de mortalité en provenance de communes. L’intérêt de cette alerte non spécifique a pu être établi (6). En effet, il a été montré que la surveillance et le traitement automatique en temps réel de ces données de mortalité permettent de détecter des phénomènes émergents ou inhabituels et de réduire les délais d’alerte. Si les données de mortalité avaient par exemple été transmises en temps réel lors de l’épisode de canicule de 2003 (7), il aurait été possible de détecter une augmentation de la mortalité dès le 5 août, au début du pic thermique. On aurait ainsi gagné une journée sur le premier signal d’alerte sanitaire qui avait été émis par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) du Morbihan le 6 août.

Les médecins pourraient également être plus impliqués dans les dispositifs de veille sanitaire, notamment les urgentistes libéraux. La culture de participation à la veille sanitaire pourrait être mieux intégrée à l’activité professionnelle des médecins libéraux, y compris dans leur mode de rémunération.

Dans le cas du Chikungunya, l’alerte avait bien été donnée par l’InVS dès son arrivée aux Comores en mars 2005. Il y aura même, d’après le professeur Gilles Brückner, 16 fiches d’alerte entre février et décembre 2005. D’autre part, l’Établissement français du sang avait interrompu ses prélèvements à la Réunion dès le début 2006. C’est donc bien la gravité de l’alerte qui a été mal appréhendée, d’autant plus que le virus avait muté. Le cas du Chikungunya a bien mis en évidence que le problème réside dans la capacité, face à une alerte, de mener une réflexion prospective sur les conséquences prévisibles et sur les plans de santé publique à mettre en place.

C’est pourquoi la proposition du rapport Girard de créer une structure qui prenne en charge au sein de la Direction générale de la santé (DGS) la stratégie de veille sanitaire de façon à mieux suivre les étapes successives dans la procédure de veille sanitaire (l’apparition d’un signal, la nécessité d’une évaluation du risque, l’analyse stratégique et, enfin, le passage à la gestion) est séduisante. Le professeur Girard a fait part de sa conviction que pour certaines crises récentes comme celle des huîtres d’Arcachon, on est passé de la première étape, l’apparition du signal, à la dernière, la gestion de la crise, en escamotant l’évaluation du risque et l’analyse stratégique.

Enfin, il convient de souligner que l’alerte peut également être déclenchée de façon plus intuitive, sur la base de modèles non scientifiques. L’apport de cette approche a été illustré lors de l’épisode du Chikungunya par les mises en garde de Mme Gélita Hoarau, sénatrice de La Réunion. Sur ce sujet, M.  Francis Delon, secrétaire général du secrétariat général de la défense nationale (SGDN), a fait valoir qu’il n’était pas toujours souhaitable de disposer d’un dispositif administratif trop régulé et que des réseaux associatifs par Internet concentrant des informations pouvaient ainsi apporter une aide précieuse en matière de déclenchement de l’alerte.

En fait, il s’agit bien de développer la capacité d’anticipation et de réactivité du système de sécurité sanitaire, de diversifier au maximum les capteurs extérieurs en combinant pour ce faire, comme le proposent à la fois le professeur Jean-François Girard et M.  Didier Houssin, l’apport de deux formes différentes de messages : ceux des « guetteurs », chargés de la veille et ceux des « collectionneurs », chargés de la surveillance, dont l’organisation est plus continue et le souci d’exhaustivité plus grand.




Source : rapport de la mission d’évaluation et d’expertise de la veille sanitaire en France, par Jean-François Girard, Françoise Lalande, Louis-Rachid Salmi, Stéphane Le Bouler, Laetitia Delannoy, disponible en ligne sur www.sante.gouv.fr

Il convient de développer l’analyse stratégique, c'est-à-dire de transformer un signal dormant en signal actif, et pour ce faire de chercher tous azimuts.

Dès que l’alerte est déclenchée, elle doit être rapidement transmise à tous les intéressés. Depuis quelques années, la direction générale de la santé (DGS) s’est équipée de plusieurs dispositifs lui permettant de transmettre rapidement une information en cas d’alerte.

Le dispositif « DGS-Urgent » permet d’envoyer en moins de six heures, par messagerie électronique, directement à 29 000 professionnels de santé abonnés et à 50 000 autres par le relais du système CEGETEL, un message leur donnant soit directement l’information détaillée sur une situation d’urgence, soit le lieu où cette information est disponible (site Internet du ministère ou d’une agence de sécurité sanitaire).

Le système « MARS » permet d’envoyer rapidement un message par multi-diffusion de télécopies, aux SAMU et autres services d’urgence, aux centres anti-poisons (CAP), et à l’ensemble des hôpitaux publics et privés de métropole et d’outre mer. Un système identique est utilisé pour joindre rapidement les médias : chaînes de télévision, presse généralisée et spécialisée, radios, etc.

Enfin, le système « CEDRALIS » (automate électronique d’appel), en fonction depuis 2006, permet, en cas d’urgence sanitaire impérieuse, d’envoyer un message téléphoné à chaque médecin, par zone géographique et par spécialité.

En plus de ces outils, et en cas d’événement particulièrement grave, le ministère peut alerter le public par voie de messages diffusés par la radio ou la télévision ; le temps d’antenne est réquisitionné sur décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

En matière de crises sanitaires, le message envoyé aux politiques ne suffit pas. Selon le professeur Gilles Brückner, directeur général de l’InVS, il n’y a pas d’alternative possible à l’information des citoyens.

Il convient donc de favoriser la transparence en travaillant sur la «pédagogie du risque», selon l’expression de Bernard Kouchner, quitte à prendre le risque de l’alarmisme.

En matière de sécurité sanitaire, le principe de transparence est en effet « une exigence démocratique et une obligation éthique mais aussi une garantie fondamentale de l’efficacité du système » (8)

Dans cet esprit, l’InVS diffuse par exemple toutes les informations dont il dispose sur son site Internet à l’exception du message initial d’alerte. Tirant les conséquences de l’épisode caniculaire de 2003, l’article L.  1417-1 du code de la santé publique dispose désormais que l’INPES a pour mission de participer, à la demande du ministre chargé de la santé, à la gestion des situations urgentes ou exceptionnelles ayant des conséquences sanitaires collectives, notamment en participant à la diffusion de messages sanitaires en situation d'urgence. M. Philippe Lamoureux, directeur général de l’INPES, s’est félicité que le dispositif prévu pour la réquisition d’espaces dans les médias a parfaitement fonctionné, y compris chez les chaînes privées, alors même que celles-ci se situent en dehors du champ de la réquisition.

L’information transmise doit toutefois être nécessairement accompagnée d’un devoir d’écoute et de débats pour s’assurer que le message a été bien reçu. Quoi qu’il en soit, il demeure extrêmement difficile d’effectuer des prévisions aux limites des connaissances actuelles sur les maladies émergentes. D’où la grande importance qu’il y a de lancer rapidement, dans un souci d’anticipation, des missions de recherches sur les risques émergents pour développer les actions de veille sanitaire

Pour maîtriser les risques, il faut d’abord les connaître. Face à un danger avéré ou potentiel, le recours à la recherche et à l’expertise scientifique est donc indispensable.

Le renforcement de l’interface entre la surveillance et la recherche est nécessaire.

L’enjeu est bien sûr de susciter les recherches adéquates et de contribuer ainsi à l’amélioration de l’évaluation des risques. Il peut s’agir de disposer de connaissances pour pouvoir concevoir des modélisations, ou de développer par la recherche de nouveaux tests biologiques qui seront un apport pour la surveillance. L’affaire du sang contaminé ou celle de l’amiante ont montré que la responsabilité de l’État pour carence fautive pouvait être engagée. Dès lors, l’État se trouve en effet dans l’obligation de rechercher les risques.

Il importe de créer les conditions d’une mobilisation plus forte sur la recherche appliquée alors que l’accent est encore trop souvent mis en France sur la recherche fondamentale.

Il est aussi plus que jamais nécessaire de mettre en place des travaux de recherche consacrés aux pathologies émergentes pour quantifier les risques qui les concernent. A ce sujet, il convient de souligner que la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche, prévoyant la mise en place de centres thématiques de recherche et de soins (CTRS) ayant vocation à associer des équipes scientifiques et médicales de haut niveau pour développer des projets démontrant une continuité entre recherche fondamentale, recherche clinique et soins innovants, ouvre sans doute une perspective intéressante et dynamique à la collaboration des chercheurs fondamentaux et des médecins.

De même, il convient également de saluer deux initiatives susceptibles de participer à l’amélioration des systèmes de surveillance et de veille. Il s’agit en premier lieu de la création du département de la recherche en santé publique de l’INSERM, qui a pour mission de mettre en place une gestion de l’information en santé publique coordonnée avec la recherche, de façon à orienter la politique de recherche et de surveillance. En second lieu, la création prochaine d’un Institut virtuel de recherche en santé publique (IVRSP) (9) mérite d’être encouragée même si sa dénomination pourrait vraisemblablement être utilement changée.

L’expertise joue un rôle central dans le dispositif des agences sanitaires. Il faut donc se féliciter que la France dispose d’un niveau d’expertise scientifique élevé en matière de risques sanitaires.

En effet, c’est au vu de l’évaluation des risques fournie par les experts que les pouvoirs publics pourront ensuite exercer leur responsabilité de la gestion du risque en prenant toutes les mesures utiles. Comme on l’a déjà vu, la France considère que la séparation entre l’évaluation et la gestion des risques permet une plus grande objectivité dans la prise de décision.

Pourtant des critiques s’expriment parfois au sujet de l’indépendance des experts par rapport aux industries ou aux laboratoires privés. Le récent rapport de la mission d’information de la commission des affaires sociales du Sénat sur le médicament regrette ainsi l’influence de l’industrie pharmaceutique auprès des experts des agences sanitaires et reproche que ces structures, et notamment l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) qui délivre en particulier les autorisations de mise sur le marché, soient financées pour près de 80 % par des taxes provenant des laboratoires.

Ce procès fait au système français est souvent excessif. En premier lieu, il convient de souligner que le même principe de financement mixte, public-privé avec une prééminence pour le privé existe déjà pour l’Agence européenne du médicament à Londres.

Plus fondamentalement, moins que du mode de financement, il importe de s’assurer de la compétence, de l’indépendance et de la transparence de l’expertise.

À cet effet, les procédures d’appels d’offres doivent être préférées à la cooptation pour que la sélection des experts ne se fasse plus dans l’opacité, des critères d’excellence scientifique doivent être définis, la rétribution de l’expertise doit être décente et harmonisée entre les agences et les experts doivent être soumis à une déclaration publique d’intérêt (DPI) pour éviter d’éventuels conflits d’intérêt et garantir leur indépendance. Dans cette optique, la démarche en certification d’expertise auprès du comité français d’accréditation (COFRAC), engagée par certaines agences sanitaires comme l’AFSSA par exemple, mérite d’être saluée.

Sur le même sujet, la recommandation, faite par le sénateur Claude Saunier dans le rapport de l’Office public d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l’application de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme, de créer une Haute autorité de l’expertise qui serait chargée, en toute autonomie, d’encadrer l’adaptation à chaque domaine des règles assurant l’indépendance réelle de l’expertise, ainsi que la vérification de leur respect garde toute son actualité et sa pertinence.

Il convient de noter que la fonction d’expertise est encore malheureusement insuffisamment reconnue dans les carrières académiques, les promotions et les rémunérations. Pour valoriser la carrière des experts, leurs travaux devraient plus systématiquement faire l’objet de publications dans des revues scientifiques à comité de lecture. Dans cet esprit, la loi de programme pour la recherche est peut-être de nature à permettre une meilleure valorisation de l’expertise dans la mesure où elle introduit parmi les indicateurs d’activité des chercheurs la reconnaissance des contributions à des expertises nationales ou internationales. Enfin, la problématique de l’articulation entre le monde scientifique de l’expertise et la société ne peut être éludée.

L’expertise et la politique de recherche ne peuvent pas passer que par les scientifiques. La société doit participer au débat. Pour ne prendre qu’un exemple, Mme Catherine Dessein, directrice générale de l’EFS, a évoqué le cas des investissements lourds (15 millions d’euros en 2001) réalisés en matière de dépistage génomique viral (DGV) en transfusion sanguine pour la détection du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et du virus de l’hépatite C (VHC). Le débat sur l’affectation de ces ressources reste encore trop confidentiel et limité aux experts même si certaines associations de malades commencent à s’en saisir. Il serait pourtant souhaitable que les parlementaires s’emparent de ce type de sujet, notamment au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) pour examiner si une réorientation de ces fonds vers d’autres objectifs ne seraient pas plus efficients. Plus largement encore, ce type de choix pourrait faire l’objet d’États généraux.

Les citoyens, et en premier lieu les professionnels de santé, ont besoin d’informations de fond pour devenir acteur de la sécurité sanitaire. Il n’est pas souhaitable de se limiter à la fourniture d’informations de crise. C’est pourquoi des agences, comme l’AFSSA par exemple, ont créé une direction de l’information et de la communication.

Mme Carine Camby, directrice générale de l’ABM, a confirmé cette nécessité d’informer les citoyens sur les sujets sensibles de son ressort tels que le don d’ovocyte, le clonage, la recherche sur l’embryon ou le tourisme procréatif. Il est en effet nécessaire d’alimenter le débat public et d’informer les professionnels de santé. À cet effet, le conseil d’orientation de l’ABM, regroupant des membres du Parlement, des conseillers d’État, des juristes, des philosophes, des scientifiques, des membres du conseil consultatif des droits de l’Homme, rend des avis publics qui participent de cette nécessaire communication vis-à-vis du public.

Dans le domaine des produits de santé, les médicaments présentent par nature des risques qui doivent faire l’objet d’une balance bénéfice-risque. Or cette analyse ne peut se limiter à l’instant de l’autorisation de la mise sur le marché (AMM). La connaissance évolue constamment et la balance est ainsi amenée à évoluer également. Si l’information n’est diffusée que lors des crises, on entretient le public dans l’illusion qu’il n’y a pas de risque en dehors de celles-ci alors qu’il s’agit en fait d’un continuum. C’est pourquoi l’AFSSAPS a pris la décision de publier les comptes rendus de pharmacovigilance. Dans ce domaine encore, la transparence renforce la confiance des citoyens dans le système. Elle est d’autant plus nécessaire que les laboratoires ne joue pas spontanément le jeu de la transparence (10). Ainsi, le laboratoire Bayer a récemment reconnu qu’il avait dissimulé les résultats d’une étude sur le Trasylol, un antifibrinolytique, médicament destiné à réduire les pertes sanguines à la suite d’un pontage coronarien alors que l’étude montrait des accidents de type AVC (accident vasculaire cérébral), encéphalopathie, coma ou insuffisance rénale grave.

Pour jouer la transparence, le défi est de trouver la bonne articulation entre le monde scientifique et la société. M. Philippe Lamoureux, directeur général de l’INPES, a indiqué que le premier rôle de l’INPES est de développer les aptitudes de la population à faire face aux risques sanitaires et que dans ce domaine, la réaction des citoyens est d’autant plus adaptée que la préparation a eu lieu à froid. L’INPES a ainsi par exemple largement contribué à l’information en amont sur la canicule de 2006 (diffusion de dépliants, campagne radio sur la nécessaire solidarité avec les personnes âgées) et projette de la même façon de réaliser une campagne par film d’animation sur la grippe aviaire à l’automne prochain.

Au sujet des campagnes d’information, il semble urgent de réfléchir rapidement aux modalités d’information des populations qui ne sont pas facilement réceptives aux messages traditionnels et en particulier les migrants. Pour cibler de manière plus précise les populations qui ne se reconnaissent pas dans les messages classiques, le soutien des associations pourrait être utile. Il convient dès maintenant de se féliciter de la diffusion récente par l’INPES d’un carnet de santé en 22 langues, qui constitue un véritable guide pratique pour les étrangers sur nombre de thèmes de santé.

Au-delà des campagnes d’information sur le plan national, des actions d’information doivent également être réalisées sur le terrain, avec les réseaux de proximité, les associations régionales de prévention et les collectivités locales ou les structures intercommunales, par le biais du développement de campagnes d’information dans les écoles ou dans d’autres lieux de vie comme les entreprises, les hôpitaux, les collectivités territoriales. Ces campagnes peuvent ensuite faire l’objet d’une évaluation ex post relative à l’état des représentations des populations. De telles évaluations permettent ensuite de faire évoluer la stratégie de communication.

De la même façon, les efforts doivent être poursuivis pour mieux transmettre l’information relative à la sécurité sanitaire.

Les citoyens et les professionnels de santé doivent s’emparer des sujets de sécurité sanitaire et en discuter ensemble. Dans cet objectif d’appropriation des messages de sécurité sanitaire par les citoyens, il est évident que les médecins et les pharmaciens, par les contacts simples et de proximité qu’ils entretiennent, ont un rôle majeur à jouer. M. Didier Tabuteau propose même dans cette optique de mieux associer les médecins en intégrant un volet de sécurité sanitaire dans la convention médicale. Celle-ci pourrait par exemple comporter des engagements en matière de déclaration de pharmacovigilance ou de vaccination obligatoire. Les associations de patients, dont certaines sont extrêmement bien organisés et donc susceptibles de bien faire passer les messages, ont également un rôle primordiale à jouer.

En définitive, c’est à une véritable mobilisation de l’ensemble du corps social autour de la sécurité sanitaire qu’il convient plus largement de parvenir.

S’agissant de l’exemple de la grippe aviaire, M. Didier Houssin, directeur général de la santé et délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, a confirmé ce qu’il énonçait déjà il y a quelques mois sur le site Internet officiel dédié (11) en déclarant « que l’un des enjeux essentiel aujourd’hui de la préparation d’une pandémie grippale, c’est ce que l’on peut appeler la mobilisation sociale, c’est-à-dire que le pays a élaboré un socle, il a une stratégie d’ensemble, on a acquis les produits, les ministères se sont organisés, ils vont améliorer les choses ; les préfets ont également été mobilisés. Mais maintenant, il faut rentrer dans la partie la plus fine, le tissu social du pays, les petites entreprises, les petites collectivités, les petites communes, chacun d’entre nous. Et cet enjeu de mobilisation, c’est-à-dire finalement de mise en alerte sur cette menace et d’évolution vers des comportements adaptés, auxquels on s’est préparés, qui seraient ceux qui seraient nécessaires en situation de pandémie, c’est le travail que nous avons à faire dans les semaines et les mois qui viennent ».

Partageant l’analyse de M. Didier Houssin, M. Francis Delon, secrétaire général du secrétariat général pour la défense national (SGDN), estime que si la France dispose d’un des meilleurs plans européens, il reste encore beaucoup de chemin à faire en matière de mobilisation sociale sur le terrain, que ce soit au travers de la mobilisation des entreprises, des structures professionnelles et associatives et des collectivités locales.

Le plan Pandémie grippale a certes déjà fait l’objet d’exercices dit majeurs, dont le premier, le 30 juin 2005, a mis en évidence certaines insuffisances. Un nouvel exercice d’État-major a eu lieu les 24 et 25 avril 2006, réunissant trois cent membres de cabinet ministériels et hauts fonctionnaires des diverses administrations (santé, transports, affaires étrangères, …), et qui a testé les phases les plus difficiles du plan.

Toutefois, c’est désormais d’exercices locaux effectués sur le terrain, sur le modèle de ceux déjà réalisés en Bretagne et à Lyon, dont on a besoin, tant la mobilisation sociale passe par des exercices de terrain qui soient réellement des exercices de base, de vie quotidienne, impliquant notamment l’ensemble des professions de santé et du secteur médico-sociaux qui seront à n’en point douter les premiers opérateurs de terrain en cas de pandémie.

Sur ce point, les Britanniques ont testés expérimentalement d’intéressants dispositifs de centres d’appels locaux avec des experts médicaux qui gèrent notamment par des diagnostics à distance la distribution de Tamiflu.

Dans cette optique d’une appropriation par les acteurs de terrain, il faut se féliciter de la constitution lors des exercices de panels « opinion publique », destinés à observer les réactions du public confrontés à la situation et la mise en place de groupes de professionnels (gestionnaires territoriaux de crise, professions de santé, entreprises et service à la population, monde rural) représentant la société française et reflétant les réactions des uns et des autres.

Dans cet enjeu d’une appropriation locale des plans nationaux de réaction à des crises sanitaires importantes, la France dispose, comme l’a souligné M. Francis Delon, de l’atout de son organisation administrative locale. En sens contraire, on peut regretter que la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique opère une certaine forme de recentralisation qui ne joue pas forcément dans le sens d’une meilleure appropriation de la sécurité sanitaire par les citoyens.

En conclusion, la rapporteure tient à saluer l’attention portée aux préoccupations de sécurité sanitaire par les pouvoirs publics, et en tout premier lieu par le ministère de la santé et des solidarités. Il faut se féliciter tout particulièrement de l’augmentation globale des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2007 et des efforts notables réalisés en matière de préparation à une pandémie de grippe aviaire, même s’il convient encore de les traduire dans les comportements de terrain.

Au-delà des réformes structurelles qu’il est encore nécessaire de mettre en œuvre pour améliorer le système français, notamment dans le secteur de l’environnement et de la santé au travail où l’AFSSET n’a pas encore atteint la taille critique et l’organisation requise pour remplir convenablement son rôle, les crédits affectés à la sécurité sanitaires demeurent toutefois encore insuffisants.

C’est pourquoi la rapporteure estime que la meilleure façon de rendre service au ministre de la santé et des solidarités en renforçant sa position dans les futurs arbitrages financiers est d’émettre en l’état un avis défavorable à l’adoption de ces crédits.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Catherine Génisson, les crédits pour 2007 de la mission « Sécurité sanitaire » au cours de sa séance du 31 octobre 2006.

Un débat a suivi l’exposé de la rapporteure.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné la grande qualité des deux rapports déjà présentés, en soulignant qu’ils avaient beaucoup de sens et en se félicitant de leur utilité. Il conviendrait de les distribuer localement et dans tous les milieux de la santé publique. La recherche en matière de sécurité sanitaire doit effectivement se développer. La compétence, l’indépendance et la transparence de l’expertise sont vraiment des points importants. L’appropriation citoyenne de la sécurité sanitaire est donc un objectif primordial.

M. Jean-Pierre Door a indiqué que la gestion du risque épidémique est effectivement un enjeu majeur de sécurité et de santé publiques. La prise de conscience de la nécessité d’anticiper le danger est assez récente. Si l’organisation du système de défense était difficile à percevoir jusqu’à maintenant, des politiques innovantes de mobilisation de l’ensemble des moyens de l’Etat se sont faites jour depuis deux ans sur le sujet de la grippe aviaire.

Il convient d’insister sur la mobilisation sociale, comme la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la grippe aviaire l’avait d’ailleurs recommandé. La mise en place, il y a quelques semaines, d’un comité d’éthique chargé des problèmes relatifs à la grippe aviaire participe à cet objectif et va dans le sens de l’indispensable proximité avec les citoyens.

L’outil administratif n’est probablement pas aujourd’hui optimum, car le pouvoir juridique appartient au préfet, alors qu’il conviendrait de donner une plus grande responsabilité aux élus des collectivités locales en désignant un référent sanitaire au sein de chaque collectivité. Le système d’alerte puis de défense doit être pris en charge par les élus locaux. Il est essentiel que l’expérimentation soit déclinée sur le plan local.

Il est regrettable que le rapport n’aborde pas les problèmes de cohérence du système français de sécurité sanitaire avec le dispositif européen. On ne peut rester isolé sur ces sujets, du fait des échanges croissants. Il convient également de faire le lien entre la défense sanitaire au sein de l’Union européenne et dans le monde.

La traçabilité des médicaments est un sujet relativement peu abordé bien que fondamental. Proposée dans le cadre de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’instauration d’une traçabilité des médicaments en France s’est vu opposée l’irrecevabilité financière. Cette traçabilité n’existe pas en France, alors qu’elle permettrait pourtant d’éviter les abus, les fraudes et les risques sanitaires, notamment lorsque ces médicaments sont fabriqués dans des pays peu respectueux des procédures.

M. Pierre-Louis Fagniez a salué la qualité du rapport, même s’il ne partage pas l’avis défavorable de la rapporteure sur l’adoption des crédits de la mission « Sécurité sanitaire ». De façon générale, les termes « d’appropriation citoyenne » de la veille sanitaire paraissent quelque peu impropre, puisque les citoyens ne s’intéressent bien souvent au sujet qu’en cas de crise. Le parallélisme avec les inondations est éloquent. Les plans de prévention du risque inondation ne reçoivent que peu d’échos, si ce n’est lorsqu’une crise se profile. Il en est de même en matière de sécurité sanitaire, même si on peut le regretter. Sans remettre en cause l’expression d’« appropriation citoyenne », les termes de « sensibilisation citoyenne » seraient sans doute plus adaptés.

Par ailleurs, le maire apparaît bien comme le seul échelon de responsabilité pertinent en matière de sécurité sanitaire. Tous les maires devraient s’efforcer de s’approprier ce rôle crucial.

Il est étonnant que l’agence de biomédecine dépende uniquement pour ses crédits du ministère de la santé et même qu’elle relève de la mission « Sécurité sanitaire » alors que ses activités en matière de veille sont extrêmement limitées. Sachant, pour appartenir à son conseil d’administration, que l’Agence de biomédecine n’a effectivement obtenu que 7 postes sur les 18 demandés, doit-elle réorienter ses demandes vers le ministère de la recherche afin d’obtenir les moyens qui lui manquent ?

M. Jean-Luc Préel a estimé que le rapport est très intéressant et que la présentation du budget par mission est un réel progrès. Par ailleurs, le choix du thème est tout à fait pertinent et fait naître de multiples questions :

– Quelles sont les relations entre les agences et les ministères ?

– Ne conviendrait-il pas de développer l’autonomie des agences, aujourd’hui toute relative, tant au niveau de la gestion de leurs personnels, que de leur financement ?

– Ne pourrait-on pas imaginer d’autres modes de financement ?

– Quelles sont les relations entre l’AFSSAPS et la Haute autorité de santé et comment pourrait-on les améliorer ?

– L’AFSSAPS entretient-elle des liens au niveau européen, notamment dans le domaine du médicament ?

– Quels sont les relais des agences sur le terrain ?

– Est-ce que le ministère de la santé a prévu de retenir certaines préconisations du récent rapport du professeur Jean-François Girard sur la veille sanitaire ?

M. Bernard Perrut a interrogé la rapporteure sur l’établissement français du sang. Les structures locales appellent régulièrement l’attention de la représentation nationale sur les manques chroniques de dons de sang. Le rapport évoque cette question de la difficulté des approvisionnements et suggère la création de structures pérennes pour relancer la promotion des dons et l’affectation de moyens budgétaires plus importants. Quelles préconisations concrètes peuvent être formulées face à l’urgence du sujet ?

Mme Martine Billard a évoqué l’épidémie de légionellose qui a touché Paris cet été, du fait de dysfonctionnements de tours de réfrigération. La municipalité a alors été confrontée à la mauvaise volonté des organismes et des entreprises responsables de l’entretien de ces tours. Comment les collectivités et les maires, dont le rôle est mis en avant, peuvent-ils réagir, alors même qu’ils ne disposent souvent que de peu d’information sur les causes et l’origine de l’épidémie ? Comment éviter de nouvelles victimes face à un problème auquel les maires sont de plus en plus confrontés ?

M. Georges Colombier est revenu sur le problème de l’approvisionnement en sang de notre pays. Lors des réunions des assemblées de donneurs de sang, ces derniers s’inquiètent souvent de cet état de fait. Ne pourrait-on pas imaginer qu’une information sur ce thème soit dispensée à la fois aux patients par les médecins traitants et aux adolescents par l’Education nationale, afin de sensibiliser régulièrement la population aux problèmes de solidarité et aux enjeux du don de sang ? Ces propositions concrètes seraient susceptibles de donner rapidement des résultats.

La rapporteure a remercié l’ensemble des intervenants pour leurs suggestions et leurs propositions. En réponse aux différentes questions, elle a apporté les précisions suivantes :

– On ne peut que se féliciter de la qualité des dispositifs de sécurité sanitaire en France. Ceux-ci ont été rapidement mis en place, en réaction à des crises ponctuelles. Pour autant, il existe encore un décalage entre l’organisation des agences et la connaissance qu’en ont les citoyens. Les agences sont en effet très récentes et leurs modes de fonctionnement restent souvent complexes et différents selon les secteurs. Il conviendrait donc d’améliorer la cohérence du dispositif, de favoriser la complémentarité des agences et d’organiser des lieux de rencontres fréquentes qui viendraient s’ajouter à ceux existant déjà, comme la réunion hebdomadaire de sécurité sanitaire autour du directeur général de la santé.

– Le problème des relations avec l’Union européenne est effectivement un sujet majeur. Il est d’ailleurs développé dans le rapport.

– La traçabilité des médicaments devrait effectivement être mise en œuvre. C’est un sujet dont l’AFSSAPS doit se saisir. D’autre part, la transparence concerne également les laboratoires pharmaceutiques, qui ont trop tendance à ne diffuser leurs résultats que quand ils sont bons.

– S’agissant du choix de la dénomination d’« appropriation » retenue dans le rapport, il convient certes que les citoyens se mobilisent lors des crises mais il faut aussi profiter de ces crises pour qu’ils s’approprient réellement le thème de la sécurité sanitaire sans se contenter d’une simple sensibilisation. L’exemple de la pandémie grippale est intéressant. La grippe aviaire a fait prendre conscience à nos concitoyens de l’importance des règles élémentaires d’hygiène qui doivent être enseignées dans la famille, dans le milieu scolaire et dans les milieux professionnels de la santé. Le respect de préconisations simples est également important pour la grippe classique. À partir d’une crise, il est possible de traiter d’un problème de façon globale.

– S’agissant de la question de l’antibiothérapie, les mesures d’information initiées par M. Bernard Kouchner ont porté leurs fruits, puisque chacun sait aujourd’hui que les antibiotiques ne sont pas efficaces contre les virus. Il s’agit ici d’un sujet certes médical mais qui est également devenu un sujet citoyen allant bien plus loin qu’une simple sensibilisation.

– L’appropriation sur le terrain est effectivement fondamentale. Le rôle des professionnels de santé est décisif et celui des maires, qui sont en première ligne, doit être renforcé.

– S’agissant de l’Agence de la biomédecine, l’implication du ministère de la recherche n’a pas été évoquée lors des auditions mais il semble effectivement que sa participation au financement de l’agence soit une bonne piste.

– La question des relations entre les agences et les ministères est bien développée dans le rapport. La genèse de l’existence des agences explique les problèmes de « collision » de compétences entre certaines agences et l’Etat. Des progrès ont déjà été faits mais il convient aujourd’hui d’aller plus loin, de mieux préciser le rôle de chacun, et d’éviter surtout toute distorsion entre les messages diffusés par les agences et les décisions ministérielles.

– S’agissant des financements, il serait effectivement intéressant de diversifier les modes de financement des agences, comme cela existe déjà pour l’AFSSAPS et comme le rapport le préconise pour l’AFFSA.

– Les relations entre la Haute autorité de santé et l’AFSSAPS n’ont pas été spécifiquement évoquées lors des auditions mais elles peuvent certainement être améliorées et il y a matière à réflexion sur le sujet.

– Des relais des agences sur le terrain existent déjà ; les cellules interrégionales d’épidémiologies (CIRE) relayent, par exemple, l’action de l’InVS. De tous les relais de terrain, le maire est sans aucun doute à la première place.

– Le récent rapport Girard est effectivement intéressant. Peu de propositions relèvent toutefois du court terme. Si la préconisation d’un regroupement des agences par thème est séduisante à moyen terme, il faut tout d’abord stabiliser leur fonctionnement. En tout état de cause, il faut préalablement revoir complètement le périmètre de compétence et les missions de l’AFFSET. L’ajout d’une compétence en matière de santé au travail était légitime mais a rajouté de la complexité. Le problème de l’AFSSET dépasse d’ailleurs largement le strict cadre financier.

– La problématique du don de sang est lourde à gérer, car le séisme vécu par les donneurs de sang après la découverte du sida n’a pas fini de faire des ravages. Le discours des professionnels à la suite de cette nouvelle pandémie a été très alarmiste et il convient aujourd’hui de mieux expliquer aux donneurs potentiels l’importance de stricts critères de sélection. En effet, lorsqu’ils sont refusés comme donneur, l’incompréhension des citoyens, voire dans certains cas l’impression de vexation, peut être grande. La plupart du temps, les personnes refusées ne seront plus jamais des donneurs et elles font même parfois une publicité délétère pour le don de sang. La formation des professionnels et l’information des donneurs sont donc fondamentales. Sur ce sujet la proposition de M. Georges Colombier relative au rôle des médecins traitants et à celui de l’Education nationale est très opportune.

– La légionellose est une maladie grave, parfois mortelle dans des proportions non négligeables. Il y a aujourd’hui beaucoup de difficultés à connaître les circonstances d’apparition de cette maladie et ses points de fixation car il est très difficile de faire des études épidémiologiques sur le sujet. En outre, il n’est pas sûr que les maires soient les premiers concernés. Sur ce sujet complexe, on ne peut se contenter de faire des procès d’intention aux entreprises à l’origine de cette maladie. Il convient d’obtenir la mobilisation de tous.

– Il est, enfin, essentiel d’insister sur la nécessité de promouvoir la recherche appliquée et de faire reconnaître l’expertise au sein du cursus universitaire.

Contrairement aux conclusions de la rapporteure, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2007 de la mission « Sécurité sanitaire ».

La rapporteure a précisé que son opposition était avant tout constructive.

Le président Dubernard a confirmé son souhait que le rapport soit largement diffusé.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉÉS

Ø Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) – M. Philippe Lamoureux, directeur général

Ø Centre hospitalier de Tourcoing Gustave-Dron – Pr Yves Mouton, chef de service

Ø Institut de veille sanitaire – M. Gilles Brücker, directeur général

Ø Institut d’études politiques – M. Didier Tabuteau, responsable de la chaire santé

Ø Établissement français du sang (EFS) – Mme Catherine Dessin, directrice générale, et M. Jean-Marc Ouazan, directeur de la communication et des relations institutionnelles

Ø Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN) – M. Francis Delon, secrétaire général

Ø M. Claude Saunier, sénateur

Ø Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire – M. Didier Houssin, directeur général de la santé

Ø Agence de la biomédecine – Mme Carine Camby, directrice générale, Mme Béatrice Guéneau-Castilla, secrétaire générale, et Mme Brigitte Voisin, directrice administrative

Ø Institut de recherche pour le développement (IRD) – M. Jean-François Girard, président

Ø Direction générale de la santé (DGS) – M. Olivier Laurens-Bernard, chef du département des situations d’urgences sanitaires, et M. Didier Eyssartier, chef du service questions financières

Ø Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSET) – Mme Michèle Froment-Védrine, directrice générale, et M. Henri Poinsignon, directeur général adjoint

Ø Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) – Mme Pascale Briant, directrice générale, et M. Félix Faucon, secrétaire général

Ø Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) – M. Jean Marimbert, directeur général, et Mme Anne Burstin, adjointe au directeur général

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