N° 3364 tome X - Avis de M. Patrick Beaudouin sur le projet de loi de finances pour 2007 (n°3341)



N° 3364

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2007 (n° 3341)

TOME X

SOLIDARITÉ ET INTÉGRATION

Par M. Patrick BEAUDOUIN,

Député.

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Voir le numéro : 3363 (annexes n° 33).

INTRODUCTION 5

I.- LES GRANDES MASSES BUDGÉTAIRES 9

A. UN EFFORT IMPORTANT POUR L’HÉBERGEMENT D’URGENCE 11

B. LE RESPECT DES ENGAGEMENTS À L’ÉGARD DES RAPATRIÉS 12

C. LA MISE EN PLACE DE LA DÉLÉGATION INTERMINISTÉRIELLE À L’INNOVATION, À L’EXPÉRIMENTATION SOCIALE ET À L’ÉCONOMIE SOCIALE 13

D. L’ACCUEIL DES ÉTRANGERS : LES FRUITS DE PLUSIEURS ANNÉES DE RÉFORME 13

1. L’accueil des demandeurs d’asile 13

2. L’intégration des immigrants réguliers 15

a) Le déploiement du contrat d’accueil et d’intégration 15

b) Les nouvelles structures administratives 17

E. LA MISE EN PLACE DE LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS (HALDE) 18

F. L’ALLOCATION DE PARENT ISOLÉ : VERS LE RAPPROCHEMENT DES MINIMA SOCIAUX 19

G. LA PROTECTION MALADIE : DES DÉPENSES MAÎTRISÉES 20

1. La couverture maladie universelle 20

2. L’aide médicale d’État 20

H. L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES 21

II. L’HÉBERGEMENT D’URGENCE ET D’INSERTION: UN DOMAINE DANS LEQUEL L’ÉTAT DOIT ASSUMER PLEINEMENT SES RESPONSABILITÉS 23

A. LE CONSTAT : MALGRÉ LES EFFORTS BUDGÉTAIRES, UN DISPOSITIF D’HÉBERGEMENT AU BORD DE L’EMBOLIE 25

1. Un dispositif puissant après une montée en charge rapide 25

2. L’insuffisance chronique des crédits d’hébergement d’urgence et ses conséquences néfastes 27

3. Un dispositif saturé, inadapté, au bord de l’embolie ? 28

a) Des publics qui ne sont pas ceux pour lesquels les établissements sont conçus 29

b) La dérive hôtelière, symptôme de l’inadaptation du dispositif 31

c) La nécessité d’une offre plus diversifiée et plus orientée vers l’insertion dans la durée 32

d) Un enjeu essentiel : assurer la fluidité du système en offrant des sorties par le haut 32

B. VERS UN DISPOSITIF ENCORE RENFORCÉ, DIVERSIFIÉ ET RÉORIENTÉ VERS LA PRISE EN CHARGE SUR LA DURÉE 33

1. Le plan de cohésion sociale 34

2. Le plan triennal de renforcement de l’hébergement d’urgence 35

C. METTRE EN PLACE UN PILOTAGE DU SYSTÈME DANS LE RESPECT DE SES ACTEURS 38

1. Les outils proposés 38

a) Avoir un langage commun : le référentiel national « Accueil, hébergement, insertion » 38

b) Prévoir un cadre conventionnel pour la coopération et le rapprochement des structures 39

c) Les contrats d’objectifs et de moyens, instruments de la programmation pluriannuelle 40

d) Les indicateurs : une démarche à ses débuts 40

2. Le pilotage et la coopération, plus difficiles à mettre en œuvre dans le domaine de l’urgence sociale ? 41

D. UN ENJEU ESSENTIEL : L’ACCÈS AU DROIT COMMUN 43

1. La domiciliation, un droit essentiel qui doit être facilité et financé 43

2. La rotation dans le parc de logement : une réponse à la difficulté d’accès au logement de droit commun 43

3. Un retour au pays dans des conditions dignes, seule voie réaliste de « retour à la normale » pour les personnes déboutées du droit d’asile 44

TRAVAUX DE LA COMMISSION 45

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 47

INTRODUCTION

Les crédits de la mission « Solidarité et intégration », sur lesquels porte le présent avis – à l’exception de ceux relevant du programme « Handicap et dépendance », qui donnent lieu à un rapport pour avis de M. Gérard Cherpion –, s’articulent, pour la plupart, autour de la lutte contre l’exclusion, que ce soit l’exclusion économique, sociale, citoyenne, ou de genre.

Le rapporteur a voulu faire le point sur la grande exclusion, donc sur l’action en faveur des plus vulnérables, à travers, dans le budget, l’action n° 2 du programme n° 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables ». Cette action porte sur l’ensemble des crédits affectés à l’urgence sociale et aux politiques de réinsertion sociale.

Il convient avant tout de cadrer le champ de la grande exclusion. L’exclusion est un mot qui a été forgé en 1974 par M. René Lenoir, alors conseiller technique au cabinet de Mme Simone Veil. Il s’agissait de désigner, par ce terme, la situation des personnes en dehors du regard de l’assistance. Pour plus de clarté, le rapporteur souhaite préciser que l’exclusion est un concept dynamique : il désigne non pas une situation de manque, mais un processus par lequel une personne se disqualifie socialement. Comme le souligne dans « L’homme en état d’urgence » le docteur Xavier Emmanuelli, « contrairement à l’opinion véhiculée, l’exclusion n’est pas due seulement à une misère économique, mais d’abord à une misère physiologique, morale, psychologique, culturelle […] Un exclu est […] une victime au sens où il n’a plus son libre arbitre ni la capacité à prendre en main sa destinée ». Or, la rue est le symptôme terminal de l’exclusion. Face à cette situation, de nombreuses associations se dévouent, qu’elles soient héritières de la charité chrétienne et humaniste, ou marquées par un combat plus politique.

En second lieu, il faut lever une ambiguïté quant aux objectifs de l’urgence sociale. En effet, si l’urgence revêt, paradoxalement, un caractère permanent, elle ne se suffit pas à elle-même et doit s’inscrire dans une démarche globale de réinsertion.

Une personne peut être dite sans domicile un jour donné si, la nuit précédente, elle a eu recours à un service d’hébergement ou a dormi dans un lieu non prévu pour l’habitation (rue, abri de fortune). Selon la toute récente livraison de l’INSEE (Economie et Statistiques, n° 391-392), le groupe des sans-domicile est stable quantitativement mais hétérogène qualitativement : ce sont pour moitié des hommes seuls disposant de très faibles revenus, au chômage ou inactifs après avoir débuté leur carrière dans des métiers peu qualifiés mais aussi des personnes plus jeunes et plus diplômées, disposant plus souvent de revenus du travail, des jeunes mères de famille allocataires de revenus sociaux, des personnes nées à l’étranger qui vivent en couple avec des enfants, et enfin un petit groupe d’hommes seuls proches de l’âge de la retraite.

Selon les acteurs de l’urgence, entendus par votre rapporteur, l’évolution actuelle du public accueilli dans les centres d’hébergement est marquée par la hausse du nombre de déboutés du droit d’asile qui ne sont pas sortis du territoire français, par un rajeunissement et par un accroissement du nombre de familles.

Dans ce domaine, l’État, par l’intermédiaire des directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales (DRASS et DDASS), est un acteur prédominant en tant que financeur des nombreux intervenants, mais aussi comme coordinateur du secteur de l’urgence sociale.

Depuis 2002, en effet, l’État a cherché à coordonner le dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion (AHI). Ces réflexions ont abouti au référentiel national AHI, publié en mars 2005, qui a permis de donner un cadre et une sémantique commune à l’ensemble des acteurs du secteur de l’urgence sociale. Ce référentiel a également permis de rappeler que l’hébergement d’urgence devait être avant tout inscrit dans une dynamique orientée vers l’insertion.

Durant l’été 2006, la distribution de tentes par une association caritative a inscrit la question de l’urgence à l’agenda médiatique de façon spectaculaire. Cet épisode ne doit cependant pas masquer, sous la rhétorique de la nouveauté, l’émergence d’une véritable politique publique articulée autour du dispositif AHI.

Cette politique repose aujourd’hui sur quatre piliers : le plan de cohésion sociale, le plan triennal 2007-2009 de renforcement et d'amélioration des dispositifs d'hébergement d'urgence, le plan hiver – dispositif à trois niveaux – et le rapport remis en août 2006 par Mme Agnès de Fleurieu et M. Laurent Chambaud à Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, lequel a débouché sur l’expérimentation, depuis le mois de septembre, de nouvelles structures d’hébergement de « stabilisation » ouvertes en continu.

Suite à la réunion du Comité interministériel de lutte contre l’exclusion (CILE) du 12 mai 2006 – le rapporteur observe que, bien qu’institué par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, le CILE s’est tenu pour la première fois le 6 juillet 2004 –, le plan triennal 2007-2009 de renforcement et d’amélioration des dispositifs d’hébergement d’urgence prévoit notamment l’ouverture permanente (« pérennisation ») des hébergements jusqu’à présents financés pour la seule période hivernale. Le projet de loi de finances pour 2007 prend en compte cette mesure, ainsi que la transformation de places d’hébergement d’urgence en places de centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et le renforcement de la veille sociale et des équipes mobiles.

À ce plan exceptionnel s’ajoute la poursuite de la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale avec la création de places nouvelles dans les maisons-relais et en CHRS.

Si le présent budget permet de mettre en œuvre l’ensemble des mesures nouvelles annoncées, il faut cependant souligner que l’exercice de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fait apparaître une impérieuse nécessité de cohérence. Cette demande est exprimée aussi bien par les associations que par les services de l’État que votre rapporteur a pu auditionner.

Le rapporteur a pu constater que l’intervention de l’État, dans le domaine de l’urgence sociale, doit faire face à plusieurs paradoxes : un État principal financeur, mais qui dispose d’un budget en décalage permanent qui offre peu de visibilité, tant pour les services de l’État que pour les acteurs associatifs ; une nécessité d’agir à la carte, tout en promouvant un travail de mise en cohérence et en réseaux des différents acteurs ; enfin, la nécessité, au-delà des indicateurs budgétaires, de mettre en œuvre des indicateurs de résultats « plus humains » et susceptibles de tenter de mesurer la réinsertion des personnes les plus vulnérables.

Le rapporteur considère que ce deuxième exercice d’application de la nouvelle LOLF permet d’envisager la mise en œuvre, dans le secteur de l’urgence sociale, d’une véritable culture d’objectifs et de moyens, réclamée par chacun des acteurs et susceptible d’améliorer la cohérence du dispositif. Cette politique publique naissante doit donc faire l’objet, en premier lieu, d’une organisation et d’un pilotage plus poussés, ainsi que d’une programmation pluriannuelle des crédits. Cela implique que les moyens de l’État soient mieux programmés dès la loi de finances initiale.

Le rapporteur n’en oublie pas moins que la situation des sans-abri et des sans domicile fixe pose la question de l’accès aux dispositifs de droit commun permettant de sortir de la grande exclusion. Il fera donc des propositions concrètes en ce sens.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, le 10 octobre.

Le rapporteur a demandé que les réponses lui parviennent le 18 septembre. A cette date, 7 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir, ce pourcentage était de 82 %.

I.- LES GRANDES MASSES BUDGÉTAIRES

Parmi les trente-quatre missions du budget général de l’État, la mission « Solidarité et intégration » est l’une des huit à présenter un caractère interministériel : deux ministres sont responsables de sa gestion, celui de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement et celui de la santé et des solidarités, l’un et l’autre assistés par des ministres délégués.

Le nombre de membres du gouvernement impliqués dans les actions décrites dans la mission « Solidarité et intégration » rend compte de l’importance et de la diversité de ces actions. Comme on peut le voir graphiquement ci-après, cette mission est en effet répartie en sept programmes de poids budgétaire très inégal.

On rappellera qu’au sens de la loi organique (n° 2001-692 du 1er août 2001) relative aux lois de finances, une mission « comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie », tandis qu’un « programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l’objet d’une évaluation ».

Le rapporteur ne commentera pas les crédits du programme le mieux doté, « Handicap et dépendance », qui représente avec 8 milliards d’euros les deux tiers des 12 milliards de la mission « Solidarité et intégration », puisque la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné à cette fin M. Gérard Cherpion.

Le graphique ci-après présente les masses budgétaires des programmes de la mission « Solidarité et intégration » pour 2007.

Les masses budgétaires des programmes
de la mission « Solidarité et intégration » en 2007

Le tableau ci-après permet d’identifier, à l’intérieur des programmes de la mission « Solidarité et intégration », les principales interventions auxquelles ils correspondent. Il convient de noter que ces programmes sont subdivisés en « actions » dont certaines seulement sont présentées dans le tableau, les autres items renvoyant simplement aux évaluations prévisionnelles de dépenses données dans l’annexe budgétaire dite « projet annuel de performance » (communément appelée « bleu »). Le programme étant l’unité de crédits sur laquelle s’exerce l’autorisation budgétaire du Parlement, les montants inscrits dans les documents budgétaires pour les actions et les diverses interventions présentent un caractère purement indicatif.

S’agissant de la comparaison 2007/2006, on relève assez peu d’effets de structure. On notera toutefois l’augmentation évaluée à 20 millions d’euros des ressources fiscales de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, en application de l’article 54 du présent projet de loi de finances, qui autorise, toutes choses égales par ailleurs, une réduction à due concurrence de son financement par l’État.

Les principales lignes de crédits de la mission Solidarité et intégration

En millions d’euros

Loi de fin. 2006 (1)

Projet 2007

Evolution en %

MISSION « SOLIDARITÉ ET INTÉGRATION »

12 173,2

12 204,5

0,3

Programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »

1 010

1 051,5

4,1

Aide sociale d’État

41,1

41,1

-

Actions en faveur des jeunes

14,6

14,6

-

Illettrisme/gens du voyage

3,4

3,4

- 0,3

Veille sociale

41,1

41,1

-

Hébergement d’urgence

109,7

136,5

24,5

Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

473,1

490,5

3,7

Allocation logement temporaire (ALT)

40

41

2,5

Accompagnement social individualisé (ASI)

40

40

-

Maisons-relais et aide à la gestion locative sociale (AGLS)

24,3

28,2

16,1

Action « Rapatriés »

177,8

168

- 5,5

« Actions en faveur de l’innovation, de l’expérimentation sociale et de l’économie sociale »

-

11

 

Programme « Accueil des étrangers et intégration », dont :

558,5

455,1

- 18,5

Action « Prise en charge sociale des demandeurs d’asile », dont :

318,8

244

- 23,5

Centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA)

148,1

162,9

10,1

Dispositifs d’urgence

35,7

37

3,6

Allocation temporaire d’attente

129

38

- 70,5

Action « Intégration », dont :

219,2

184,9

- 15,7

Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM)

16,5

46,6

182,8

Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ANCSEC) (ex-FASILD)

177,6

114,8

- 35,3

Centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH)

10,6

10,6

-

Action « Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité »

10,7

11,6

8,4

Programme « Actions en faveur des familles vulnérables », dont :

1 097,8

1 152,1

4,9

Allocation de parent isolé (API)

875

917

4,8

Tutelles et curatelles d’État

197,9

203

2,6

Programme « Handicap et dépendance »

7 807,9

8 039,3

3

Programme « Protection maladie », dont :

607

398,1

- 34,4

Couverture maladie universelle (CMU)

323,5

114,7

- 64,6

Aide médicale d’État

233,5

233,5

-

Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA)

50

50

-

Programme « Egalité entre les hommes et les femmes »

27,4

28,3

3,4

Programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales »

1 064,5

1 080

1,5

(1)Pour les moyens afférents aux différentes interventions à l’intérieur des programmes, les chiffres 2006 sont ceux de l’annexe « projet annuel de performances » au projet de loi de finances pour 2006.

Les crédits affectés aux rapatriés resteront en 2007 à un niveau très élevé, afin de mettre en œuvre la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Les principales mesures de cette loi sont :

– pour les anciens harkis et membres des forces supplétives, la prorogation jusqu’en 2009 des aides à l’accession à la propriété, à l’amélioration de l’habitat, et au désendettement immobilier, ainsi que des aides scolaires et à la formation, et surtout une forte revalorisation de l’allocation de reconnaissance (les intéressés se voyant proposer le choix entre le doublement de l’allocation, portée à 2 800 euros par an, le versement unique d’un capital de 30 000 euros, ou une solution intermédiaire) ;

– pour les rapatriés attributaires des lois d’indemnisation, la restitution des prélèvements opérés sur leurs certificats d’indemnisation au titre du remboursement des prêts de réinstallation.

Le tableau ci-dessous permet de constater l’effort budgétaire considérable qui a été engagé à partir de 2006, avec un véritable changement d’échelle des moyens.

Moyens consacrés à la politique des rapatriés

 

Loi de finances initiale

Consommation effective

2001

14 635

18 479

2002

14 796

16 812

2003

14 000

24 894

2004

11 002

28 523

2005

22 000

89 313

2006

176 863  

149 676*

2007

168 000  

 

* Crédits engagés ou délégués au premier semestre.

Le décret n° 2006-151 du 13 février 2006 a institué la délégation interministérielle à l’innovation, à l’expérimentation sociale et à l’économie sociale (en remplacement de la délégation interministérielle à l’innovation sociale et à l’économie sociale). Ses missions principales seront d’une part le soutien et la promotion « des activités d’intérêt général innovantes pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques », notamment en assurant dans ce domaine la veille et l’évaluation, d’autre part l’étude et l’élaboration de mesures destinées à favoriser le développement des coopératives, des mutuelles et des associations, en conduisant la concertation avec les acteurs de l’économie sociale. Par ailleurs, la délégation répartira les moyens du fonds d’innovation et d’expérimentation sociale.

Un Conseil supérieur de l’économie sociale est également instauré.

Enfin, une nouvelle « action » budgétaire ad hoc est proposée par le projet de loi de finances. Cette action sera dotée en 2007 de 10,96 millions d’euros, dont 8 millions pour le financement du fonds d’innovation et d’expérimentation, qui pourra notamment contribuer au développement du micro-crédit.

La diminution attendue, en 2007, de près d’un quart des moyens destinés à financer l’accueil des demandeurs d’asile traduit la réussite de la réforme engagée depuis 2003.

Cette réforme a comporté des modifications législatives concernant le droit d’asile lui-même et ses procédures, effectuées par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003, dans laquelle le législateur a à la fois pris en compte l’évolution des engagements internationaux et européens de la France et rationalisé les procédures dans le respect des personnes, notamment en faisant de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le « guichet unique » d’examen des demandes (avec le remplacement de « l’asile territorial » par la « protection subsidiaire ») et en introduisant la notion de « pays d’origine sûr » pour rejeter en amont les demandes abusives.

La réforme passe surtout par une évolution des moyens consacrés à l’accueil des demandeurs d’asile visant à le rendre plus digne, grâce à de nouvelles possibilités d’hébergement, mais aussi plus efficace, grâce à des procédures plus rapides qui doivent contribuer à rendre notre pays moins attractif. À cette fin, les moyens de l’OFPRA et de la commission des recours des réfugiés (CRR) ont été renforcés, un effort conséquent de création de places en centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA), réparties sur tout le territoire, a été engagé et le pilotage du dispositif d’hébergement a été confié aux préfets de région.

À cet égard, la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale comprend un engagement de créer 4 000 places nouvelles de CADA pour continuer le programme enclenché sur la période 2005-2007. Finalement, ce sont 5 000 places qui auront été créées de fin 2004 à fin 2007. Les moyens affectés aux CADA augmenteront de plus de 10 % en 2007 par rapport à 2006.

L’allocation temporaire d’attente a été créée par la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 en remplacement de l’allocation d’insertion, au bénéfice des mêmes catégories de personnes : les demandeurs d’asile et personnes assimilées ainsi qu’éventuellement d’autres personnes en situation de grande difficulté. Mais, à la différence de cette dernière, son versement est conditionné au fait non seulement que les bénéficiaires ne sont pas hébergés (en CADA ou dans les autres structures du dispositif national d’accueil), mais en outre qu’ils n’ont pas refusé un tel hébergement qui leur était proposé.

La très forte diminution – de plus de 70 % – de l’enveloppe budgétaire consacrée en 2007 à l’allocation temporaire par rapport à celle de l’allocation d’insertion prend donc en compte à la fois la baisse de la demande d’asile consécutive aux réformes menées et l’augmentation des capacités d’hébergement en CADA.

Le tableau ci-après montre les résultats de cet ensemble de réformes. On relève qu’après un premier recul des demandes d’asile en 2005, la tendance semble se confirmer en 2006 : sur la base des 18 857 demandes recensées pendant le premier semestre de cette année, on pourrait constater une nouvelle diminution de 25 % des dépôts de dossiers.

Pour le reste, on note les progrès réalisés en matière de délais à l’OFPRA et de taux de prise en charge des demandeurs par le réseau des CADA, que l’on s’efforce également de recentrer sur son objet initial en évitant que les demandeurs pour lesquels une décision définitive (favorable ou non) a été prise y restent hébergés.

Il convient cependant de garder à l’esprit que l’accélération des procédures a aussi pour effet de créer plus rapidement des personnes déboutées du droit d’asile ; en région parisienne, ce sont ces personnes, ces familles qui occupent désormais l’essentiel des chambres d’hôtel financées par l’État.

Indicateurs relatifs à l’évolution de la prise en charge administrative
et sociale de la demande d’asile

 

2001

2002

2003

2004

2005

Au 30 juin 2006

2006 (prév.)

2007 (prév.)

2010 (cible)

Demandes d’asile conventionnel (hors mineurs accompagnés)

48 860

52 877

54 429

57 616

52 066

18 857

     

Demandes d’asile territorial (à ajouter)

17 000

23 000

28 000

4 200

         

Délai de traitement moyen d’un dossier à l’OFPRA (en jours calendaires)

217

324

258

130

108

112

60

60

 

Délai de traitement d’un dossier à la CRR (en jours calendaires)

   

261

292

283

299

90

90

 

Nombre de places en CADA (fin de l’année)

6 782

10 317

12 480

15 689

17 710

 

19 689

20 689

 

Taux d’hébergement en CADA des demandeurs d’asile en cours de procédure (%)

   

15,3

16,2

26,2

 

30

52

80

Taux de places en CADA occupées au 31/12 de l’année par des demandeurs d’asile en cours de procédure (%)

       

60

 

60

75

85

Créé, d’abord à titre expérimental dans 12 départements, par le comité interministériel à l’intégration du 10 avril 2003, le contrat d’accueil et d’intégration est destiné aux migrants qui viennent s’installer en France pour une durée d’au moins un an, et plus particulièrement à ceux qui projettent de s’y installer durablement. L’offre du contrat a progressivement été généralisée et couvrait, mi-2006, 86 départements. En effet, entre-temps, plusieurs dispositions législatives sont venues renforcer la portée du contrat d’accueil et d’intégration :

– La loi de programmation pour la cohésion sociale précitée lui a donné un fondement législatif et l’a généralisé. Elle prévoit en outre que, pour l’appréciation de la condition d’intégration républicaine de l’étranger dans la société française conditionnant la délivrance d’une première carte de résident, il sera tenu compte de la signature et du respect du contrat par l’étranger.

– La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration rend la signature du contrat obligatoire et l’étend aux mineurs à partir de seize ans. Il devient un élément pris en compte lors du premier renouvellement de la carte de séjour temporaire. La loi précise aussi le contenu du contrat, notamment en disposant que la formation linguistique prescrite dans ce cadre sera sanctionnée par un diplôme d’État.

Le contrat comporte, outre un accueil personnalisé (un entretien) :

– une formation civique d’une journée, obligatoire ;

– une journée d’information « Vivre en France », facultative, présentant les principaux services publics et les modalités d’accès à ceux-ci ;

– le cas échéant, une formation linguistique, gratuite, pouvant atteindre 500 heures ;

– enfin, si nécessaire, un suivi social.

La signature du contrat n’était pas, jusqu’à présent, obligatoire mais, dans les faits, comme on le constate sur le tableau ci-après, plus de 90 % des migrants auquel il est proposé y souscrivent.

Données relatives au contrat d’accueil et d’intégration

 

2003

2004

2005

1er semestre 2006

Nombre de personnes auditées

9 220

41 616

71 747

47 958

Nombre de contrats signés

8 027

37 613

66 450

45 477

Taux de signature du contrat en %

87,1

90,4

92,6

94,8

Nombre de personnes inscrites en formation civique

8 010

37 264

65 292

44 061

Nombre de formations linguistiques prescrites

2 726

11 318

16 653

11 090

Nombre d’inscriptions aux journées d’information « Vivre en France »

1 426

8 119

12 464

9 738

Nombre de bénéficiaires du suivi social

498

2 971

5 361

2 866

Source : questionnaire budgétaire.

Cependant, il apparaît que des progrès restent à faire en matière de suivi des formations. En effet, pour la formation civique, le taux de participation estimé s’élève à 72 %. Pour la formation « Vivre en France », ce taux de participation est de 57 % (sur les inscrits). Pour les formations linguistiques, au 31 décembre 2004, le nombre d’entrées en formation était seulement de 7 818 depuis le début de l’expérimentation en juillet 2003, à rapprocher des 10 553 personnes orientées vers ces formations jusqu’à fin juin 2004 (ce qui donne un taux de participation de 74 %).

Les structures administratives ont été clarifiées avec l’établissement de deux organismes distincts, l’un orienté vers l’accueil des nouveaux migrants, l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), l’autre à vocation beaucoup plus générale, puisqu’il s’agit d’assurer l’égalité des chances à tous ceux qui vivent en France, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ANCSEC).

Ÿ L’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations

La loi de programmation pour la cohésion sociale précitée a créé l’ANAEM pour gérer le service public de l’accueil des migrants qu’elle institue, en fusionnant l’Office des migrations internationales (OMI) et le Service social d’aide aux migrants (SSAE). La loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances dispose qu’à partir de 2007, l’ANAEM assurera les prestations de formation et d’accompagnement relatives au contrat d’accueil et d’intégration, précédemment à la charge du Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD). En conséquence, l’ANAEM verra sa subvention passer de 16,5 millions d’euros en 2006 à 46,6 millions en 2007. En outre, l’article 54 du présent projet propose une augmentation du tarif des trois taxes (perçues à l’occasion de la délivrance d’un premier titre de séjour, du renouvellement des autorisations de travail et de la demande de validation d’une attestation d’accueil) dont l’agence est affectataire ; cette revalorisation est évaluée à 20 millions d’euros.

L’ANAEM est enfin chargée de gérer le dispositif d’aide au retour volontaire des étrangers en situation irrégulière, notamment les déboutés du droit d’asile : expérimenté à partir de septembre 2005, ce dispositif a été généralisé en 2006. Au 31 août 2006, 1 084 personnes étaient déjà reparties sur la base de ce dispositif, alors que les années précédentes (de 2001 à 2005), les retours volontaires d’étrangers en situation irrégulière organisés par l’OMI oscillaient entre 600 et 900 par an. Pour 2007, la prévision budgétaire à ce titre s’élève à 5 millions d’euros, ce qui correspond à 1 700 dossiers pour une aide moyenne de 3 000 euros.

Ÿ L’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances

L’ANCSEC a été créée par la loi précitée pour l’égalité des chances. Sa mission est de contribuer « à des actions en faveur des personnes rencontrant des difficultés d’insertion sociale ou professionnelle ». Pour cela elle « met en œuvre, d’une part, sur le territoire national, des actions visant à l’intégration des populations immigrées et issues de l’immigration résidant en France [et] concourt à la lutte contre les discriminations (…) contre l’illettrisme et à la mise en oeuvre du service civil volontaire. Elle participe, d’autre part, aux opérations en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville ». L’agence peut intervenir directement ou par le biais de concours financiers.

Le décret n° 2006-945 du 28 juillet a précisé les règles de fonctionnement de l’agence et son conseil d’administration a été constitué et installé au mois d’octobre. Son budget, dont une fraction seulement relève de la mission Solidarité et intégration, devrait atteindre environ 500 millions d’euros en 2007 (1). L’ANCSEC reprend les compétences et les moyens du FASILD (hors accueil des étrangers primo-arrivants : voir supra) et bénéficiera du transfert de la plupart de ses personnels (soit environ 290 agents) ainsi que du renfort d’agents de la délégation interministérielle à la ville (DIV) sur la base du volontariat. Le nombre d’emplois qui sera transféré de la DIV est fixé à 12 équivalents temps plein, qui contribueront à l’accroissement de 20 emplois (équivalents temps plein) de l’effectif de l’agence qui est prévu, notamment pour mettre en œuvre le service civil volontaire.

Instaurée par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE a vu ses pouvoirs récemment renforcés : la loi pour l’égalité des chances précitée l’a dotée d’une nouvelle prérogative, celle de proposer aux personnes fautives de discriminations, sous réserve d’homologation par le parquet judiciaire, une amende transactionnelle (de 3 000 euros au plus pour les personnes physiques et 15 000 pour les personnes morales). Il s’agit donc d’un véritable pouvoir de sanction financière, comme la plupart des autorités administratives indépendantes en disposent, en amont de l’éventuelle intervention du juge pénal.

Quelle a été l’activité antérieure de la Haute autorité ? Le rapport annuel 2005, première année de fonctionnement de la nouvelle institution, recense 1 822 réclamations enregistrées (jusqu’au 28 février 2006). S’agissant des critères de discrimination invoqués, l’origine (ethnique) vient en tête (40 % des plaintes), suivie par les questions de santé et de handicap (14 %), puis le sexe (6 %). Pour ce qui est des domaines où ces discriminations sont alléguées, l’emploi est de loin le plus courant (45 % des cas), précédant l’accès aux services publics (18 %). Un tiers de ces réclamations (626) avait reçu une réponse définitive de la HALDE lorsqu’elle a arrêté son rapport : nombre de réclamations ont été déclarées irrecevables ou infondées, sont tombées du fait d’un accord amiable entre les parties en cause ou ont été réorientées vers d’autres autorités ou administrations ; 64 « recommandations » ont toutefois été prononcées à l’endroit de personnes ou d’organismes et 41 dossiers transmis au parquet.

Les moyens dédiés à la HALDE seront en augmentation de 8,4 % en 2007, passant de 10,7 millions d’euros à 11,6 millions, afin de permettre un renforcement de ses personnels : l’effectif exprimé en équivalents temps plein (ETPT) passera de 66 à 73. Il est toutefois à noter qu’en 2005, sur un exercice il est vrai tronqué (le collège n’ayant été installé qu’en mars), le HALDE n’a consommé que 3,27 millions d’euros.

Le régime légal de l’allocation de parent isolé (API) est modifié par deux articles du présent projet de loi de finances, les articles 55 et 56. Il s’agit de deux mesures techniques d’alignement des règles sur celles en vigueur pour le revenu minimum d’insertion (RMI) qui s’insèrent dans l’option générale de rapprochement des différents minima sociaux prônée dans plusieurs travaux d’étude récents, notamment les rapports de Mme Valérie Létard (2) et de MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt, membres du Sénat. Ces modifications conduiront également à des économies budgétaires, chiffrées à 10 millions d’euros pour l’article 55 et à 131 millions pour l’article 56.

L’article 55 a pour objet l’alignement du « forfait logement » imputé sur l’API sur celui pris en compte pour la détermination du montant du RMI (on rappelle que le forfait logement correspond à l’évaluation forfaitaire, à déduire pour le calcul de l’allocation, de l’avantage en nature que représente le fait d’être logé gratuitement par un tiers ou de l’avantage en espèces constitué par une aide au logement). L’article 56 confère un caractère subsidiaire général à l’API, compte tenu de son caractère de revenu de solidarité différentiel, alors que le droit en vigueur prévoit seulement la subrogation des caisses d’allocations familiales dans les droits de l’allocataire pour la récupération des pensions alimentaires dues par l’autre parent. Désormais, l’API ne pourra être versée qu’après que le bénéficiaire aura fait valoir ses droits (le cas échéant avec l’assistance de la caisse d’allocations familiales) à toute autre prestation sociale (sauf le RMI) et à toute créance d’aliments.

En 2007, selon les documents budgétaires, l’effectif moyen prévisionnel de bénéficiaires de l’API dépasserait 215 000, contre 209 000 en 2006 et 202 000 en 2005. En revanche, le montant moyen d’allocation mensuelle régresserait à 355 euros en 2007 contre 407 euros en 2006, ce qui est la conséquence des mesures décrites supra, qui devraient avoir un effet significatif du fait, en particulier, de l’existence de l’allocation de soutien familial (ASF) qui, par construction, est perçue par les mêmes publics que l’API.

À plus long terme, les mesures visant à favoriser la prise d’emploi inscrites dans la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 relative au retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (simplification et renforcement des mécanismes de cumul allocation/revenus d’activité, mécanisme visant à garantir des places en crèche pour les enfants des allocataires prenant un emploi) devraient porter leurs fruits. Selon les indicateurs associés à l’API dans l’annexe budgétaire projet annuel de performances, le taux d’allocataires disposant d’un revenu d’activité (outre l’allocation) devrait passer de 13,9 % en 2004 à 15,4 % en 2007.

L’aide médicale de l’État constitue la couverture santé des étrangers en situation irrégulière qui résident en France. La préservation de ce droit nécessite d’éviter toute dérive, en particulier qu’il soit détourné au profit de personnes ne résidant pas effectivement en France.

La loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 a donc instauré une condition de résidence ininterrompue de plus de trois mois (sauf pour les soins d’urgence).

Comme il apparaît sur le tableau ci-après, une maîtrise de la dépense a été obtenue : après avoir atteint jusqu’à 154 millions d’euros par trimestre en 2003, elle oscille en 2004-2005 aux alentours de 90-100 millions d’euros.

La diminution des dépenses consécutive à la réforme de la législation de l’AME est manifeste si on compare cette évolution à celle des dépenses générales de santé : alors que les dépenses d’assurance maladie ont crû en 2005 de 3,2 %, les dépenses de l’AME ont, dans le même temps, diminué de 10,8 %.

Il est donc proposé, dans le projet de loi de finances, une reconduction des moyens prévus pour l’AME à hauteur de 233,48 millions d’euros.

Evolution de l’aide médicale d’État

 

Bénéficiaires (en fin de trimestre)

Dépenses (en millions d’euros)

1er trimestre 2003

167 403

118,8

2è trimestre 2003

152 010

122

3è trimestre 2003

164 569

154

4è trimestre 2003

170 316

110,5

1er trimestre 2004

163 763

129,2

2è trimestre 2004

155 719

105,6

3è trimestre 2004

152 342

92,6

4è trimestre 2004

146 297

95,1

1er trimestre 2005

158 600

89,9

2è trimestre 2005

170 184

82,7

3è trimestre 2005

174 864

97,7

4è trimestre 2005

178 689

106,5

Le programme « Egalité entre les hommes et les femmes » correspond sans doute à des enjeux budgétaires modestes, avec un peu plus de 28 millions d’euros de crédits dédiés prévus en 2007, en augmentation de 3,4 % sur la dotation initiale pour 2006. Il s’agit essentiellement d’un budget de fonctionnement qui finance les services des droits des femmes et de l’égalité ainsi que des réseaux associatifs.

Il sera toutefois marqué en 2007 par un effort substantiel sur des thématiques telles que l’articulation des temps de vie et la promotion de l’égalité professionnelle.

Il importe surtout de mentionner l’aboutissement en 2006 de deux chantiers législatifs très importants, même s’ils n’ont pas d’incidences budgétaires considérables, avec la promulgation de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

II. L’HÉBERGEMENT D’URGENCE ET D’INSERTION: UN DOMAINE DANS LEQUEL L’ÉTAT DOIT ASSUMER PLEINEMENT SES RESPONSABILITÉS

Comme il a été indiqué sommairement dans la première partie du présent avis, les politiques d’insertion et de lutte contre l’exclusion bénéficieront en 2007 d’un effort budgétaire important, les moyens du programme n° 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » qui y est dédié augmentant de plus de 4 %. Cet effort portera en particulier sur l’hébergement d’urgence. Il s’agit d’un domaine dans lequel l’État a consenti un effort budgétaire continu et considérable depuis plusieurs années. D’après l’audit de modernisation demandé sur ce sujet aux Inspections générales des affaires sociales et de l’administration (IGAS/IGA), 88 000 places d’hébergement étaient proposées en 2005, mobilisant près d’un milliard d’euros, soit 86 % de plus qu’en 2000. Dans ce secteur traditionnellement marqué par l’intervention de nombreux et parfois puissants acteurs associatifs, l’État est devenu le financeur sinon exclusif, du moins extrêmement prédominant.

C’est pourquoi le rapporteur plaidera pour que les conséquences nécessaires en soient tirées : la dépense publique, dans ce domaine comme dans les autres, doit être efficace ; cela implique qu’on l’évalue, qu’on la pilote, en utilisant les outils de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ; il appartient à l’État de le faire et c’est possible dans le respect de ces grands partenaires que sont les associations caritatives comme dans le respect des personne fragiles qui sont les « usagers » des politiques d’urgence et d’insertion.

Or, actuellement, bien que considérablement renforcé en quelques années, le système d’hébergement d’urgence et d’insertion fonctionne mal. Une nouvelle phase de renforcement et d’adaptation de ce dispositif est en cours avec la mise en œuvre des mesures arrêtées par le Comité interministériel de lutte contre les exclusions (CILE) du 12 mai 2006 et des instruments plus structurels de gestion
– engagements pluriannuels, outils de coopération, indicateurs et référentiels – ont été finalisés ou doivent l’être. Il reste cependant beaucoup à faire.

Avant d’évoquer plus particulièrement la question de l’hébergement, il convient d’observer que la montée en puissance très rapide de l’intervention étatique à ce titre s’inscrit dans un panorama qui reste assez équilibré quand on regarde l’ensemble des interventions au bénéfice des plus démunis dans notre pays.

Celles-ci, pendant longtemps, ont relevé principalement de l’action caritative menée par de grandes et anciennes associations. Encore aujourd’hui, ces associations restent largement financées par la générosité des particuliers et des entreprises, avec un soutien indirect de l’État à travers les réductions d’impôt accordées au titre des dons : la dépense fiscale (le manque à gagner en impôts) à ce titre aurait représenté environ 850 millions d’euros en 2005 ; l’importance de ce montant rend compte tout à la fois de la générosité de nos concitoyens et de la confiance que la puissance publique leur fait, ainsi qu’aux associations, en reconduisant un régime fiscal attractif.

L’État, de son côté, et d’abord pour des raisons d’ordre public et social élémentaire – ne pas laisser trop de personnes errer et parfois mourir dans la rue –, a mis en place des solutions d’urgence – ce fut d’abord l’ouverture de stations de métro pendant les nuits les plus froides de l’hiver – qui se sont progressivement structurées et ont dû en prendre en compte, à coté du public traditionnel des « exclus », celui, en croissance explosive, des étrangers dépourvus de ressources, en particulier les demandeurs d’asile, légalement autorisés à résider en France durant l’instruction de leur dossier mais pas à y travailler, ce qui rend inévitable une prise en charge publique. Parallèlement à ces actions orientées vers les plus exclus et les plus isolés par construction, l’insuffisance des filets sociaux traditionnels (sécurité sociale, assurance chômage, aide sociale…) dans un contexte de chômage de masse conduisait à instituer les différents minima sociaux spécialisés, puis le RMI, pour tous ceux qui glissaient vers la précarité puis l’exclusion.

Enfin, l’action sociale a toujours existé à l’échelon local et les départements se sont vus transférer, en plusieurs étapes, l’ensemble des politiques d’aide sociale. Le dispositif d’accompagnement des bénéficiaires du RMI, prévu dès 1988 par la loi, constitue toujours l’un des principaux en matière d’accompagnement et d’insertion des personnes en grande difficulté.

Le graphique ci-dessous montre le relatif équilibre entre ces grands acteurs que sont l’État, les départements et les organisations caritatives financées par la générosité publique, mais aussi par l’État à travers les aides fiscales et, de plus en plus, les conventions qui leur confient la gestion des politiques budgétaires.

Structure des dépenses publiques d’urgence, hébergement, insertion en 2005 (hors allocations de « minima sociaux »)

Fortement renforcé ces dernières années, le dispositif d’hébergement d’urgence et d’insertion offre, si l’on prend en compte les nuitées en hôtel financées (à l’année), près de 100 000 places en cette fin d’année 2006 (en se fondant sur les données des documents budgétaires).

En ne retenant que les places dans des structures ad hoc ou financées en raison de leur nature sociale, on arrive à 88 000 places :

– 12 212 places en 2006 dans le parc pérenne de centres d’hébergement d’urgence (CHU) ;

– 31 507 places, selon la programmation budgétaire pour fin 2006, dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui sont des établissements médico-sociaux ayant pour mission d’accueillir durablement « les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d’insertion, en vue de les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale », selon les termes de la loi (article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles) ;

– 4 481 places, fin 2006, dans les maisons-relais, qui sont des résidences associant logements individuels et espaces collectifs, afin d’offrir un cadre de vie convivial permettant une réadaptation à la vie sociale dans la durée à des personnes qui ne justifient pas d’un accompagnement intense tel qu’en offrent en principe les CHRS, mais ne peuvent guère accéder au logement « ordinaire » (par exemple des personnes vieillissantes et/ou psychiquement atteintes qui n’ont pas besoin d’un encadrement lourd mais dont les perspectives d’insertion dans un milieu complètement « ordinaire » sont faibles) ;

– 19 200 places conventionnées (en 2005) en « allocation logement temporaire-ALT1 », c’est-à-dire dans des organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées et aidés à ce titre, ce dispositif flexible ayant l’avantage de se rapprocher du logement « ordinaire » (il s’agit d’une aide au logement) et d’impliquer une participation financière des bénéficiaires, ce qui est symboliquement très important ;

– 19 689 places prévues fin 2006 dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ;

– 948 places dans les centres provisoires d’hébergement (CPH) destinés aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié.

Selon le document intitulé « projet annuel de performances », repris dans le graphique ci-après, le nombre de places financées en hôtel sur le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » serait de 6 000 en 2006, 2 000 étant prévues pour 2007. Par ailleurs, en 2007, sont programmées 6 659 places dans le dispositif hors-CADA pour demandeurs d’asile (sur le programme « Accueil des étrangers et intégration »), dont 4 159 dans le dispositif déconcentré qui correspond essentiellement à de l’hébergement en hôtel. Globalement, on serait donc à environ 10 000 places d’hôtel à l’année. Toutefois, il est permis d’interroger la crédibilité de ces chiffres quand il apparaît que dans la seule Ile-de-France étaient financées, en mai 2006, 10 669 places en hôtel (dont 7 427 au titre du programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » et 3 242 au titre du programme « Accueil des étrangers et intégration »).

Répartition de l’offre d’hébergement d’urgence et d’insertion

(selon les données du projet annuel de performances et fin 2006, sauf mention contraire)

Il est enfin à noter que cette présentation cumule les places financées sur les crédits du programme n° 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » et celles financées sur le programme n° 104 « Accueil des étrangers et intégration » : comme on l’a rappelé en première partie du présent avis, les politiques inscrites sur ce programme ont fait l’objet d’importantes réformes, conduites sur plusieurs années et qui portent aujourd’hui leurs fruits. C’est pourquoi le présent développement se centrera plutôt sur les actions relevant du programme n° 177.

Néanmoins, eu égard à la fluidité des publics entre les structures relevant de l’un et l’autre programmes, il est inévitable de présenter l’ensemble du dispositif d’hébergement imputé sur ces deux programmes. Cela conduit d’ailleurs des gestionnaires de terrain à critiquer la coexistence de deux programmes sur des interventions très proches, dont on peut soutenir qu’elles devraient être fongibles et soumises aux mêmes règles. Sur ce point, on se doit de rappeler un point très simple : la logique « LOLF » est celle d’une comptabilité de destination, d’une présentation des moyens par destinataires, par publics ciblés ; à cet égard, distinguer le public des étrangers en situation régulière qui justifient d’intervention sociales spécifiques, soit en tant que demandeurs d’asile, soit en tant qu’immigrants en cours d’intégration, apparaît pleinement justifié.

Parmi les différentes lignes budgétaires concernant les interventions au bénéfice des plus démunis, celle de l’hébergement d’urgence au sens strict – qui ne recouvre notamment ni le financement des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et maisons-relais, ni celui de la « veille » (services de type « 115 »), ni celui des actions orientées par principe vers différentes catégories d’étrangers, imputées sur le programme n° 104 « Accueil des étrangers et intégration » – se caractérise à la fois par le dynamisme des montants en cause et le décalage systématique entre les moyens affectés en loi de finances initiale et ceux finalement consacrés à cette politique, comme on peut le constater dans le tableau ci-dessous.

Les coûts budgétaires de l’hébergement d’urgence *

(en millions d’euros)

 

2003

2004

2005

2006

2007

Loi de finances initiale

n.d.

n.d.

101,65

109,66

136,5

Dépense effective

135,34

125,73

174,83

   

* Ligne budgétaire « hébergement d’urgence » au sens strict : hors CHRS, hors veille (115), hors interventions pour les demandeurs d’asile (CADA et dispositif d’urgence qui leur est dédié). Il n’y a pas de données pour les lois de finances initiales 2003 et 2004 car la nomenclature des chapitres et articles n’était pas assez fine pour identifier cette action.

Les dotations en loi de finances initiale n’étant jamais suffisantes, elles sont complétées en cours de gestion. Ainsi, en 2005, un décret d’avances de 64 millions d’euros a-t-il abondé les moyens en cours de gestion. Pour 2006, une délégation complémentaire de 30 millions d’euros a été affectée dès mars à ces actions et un décret d’avances sera encore nécessaire.

Les autres lignes d’interventions au bénéfice des exclus, telles que la ligne « veille sociale » – « 115 », accueils de jour, maraudes… – (41,06 millions d’euros en 2007) ou celle dédiée au financement des CHRS (490,5 millions d’euros en 2007) connaissent une évolution plus régulière et une gestion moins chaotique, mais elles aussi sont sous tension permanente.

Les conséquences néfastes de ce mode de gestion sur le terrain sont multiples :

– Les associations opératrices reçoivent les sommes qui leur sont dues pour une année donnée au mieux à l’automne de celle-ci, parfois durant l’exercice suivant. Entre-temps, elles doivent se financer auprès des banques en versant des agios : selon les propos d’un interlocuteur du rapporteur, il serait parfois plus simple de subventionner directement les banquiers ! Certaines déclarent fonctionner avec un déficit récurrent de financement public, comblé par leurs ressources propres (Emmaüs, premier opérateur pour les places d’urgence en Ile-de-France, l’évalue à 3 à 5 % de ses coûts à ce titre).

– La crédibilité de l’État dans ses négociations financières avec les opérateurs est affaiblie, chacun sachant d’avance que les engagements pris ne seront pas tenus dans les délais, mais qu’il y aura une « rallonge » plus tard…

– Ces opérateurs sont découragés par l’incertitude dans laquelle ils vivent sur la continuité de leurs moyens.

– Des actions menées avec continuité ou qui impliquent par construction de la continuité sont brutalement remises en cause : des familles hébergées à l’hôtel depuis des mois, des années, sont jetées à la rue ; des permanences « 115 » cessent tout à coup de fonctionner, ou du moins d’être financées, ou ne fonctionnent plus que de nuit, pas de jour…

– Pour les structures qui bénéficient de garanties réglementaires en matière de tarification et de continuité des financements, c’est-à-dire les CHRS, cela constitue la source de contentieux financiers dans lesquels l’État est finalement condamné, avec des intérêts de retard à verser. L’un des enjeux du décret d’avance en préparation pour cette année 2006 est d’ailleurs de « solder » ces contentieux avec les CHRS, évalués à 25 millions d’euros.

L’ensemble du dispositif d’hébergement est souvent perçu comme saturé. À titre d’exemple, le CHRS « L’îlot » à Vincennes déclare avoir reçu 350 demandes en 2005 pour les 10 studios pour jeunes couples qu’il offre. Cependant, plusieurs personnes rencontrées par le rapporteur ont fait état de signes de « décrue » de la demande, d’une certaine suffisance enfin atteinte pour l’ensemble de l’offre d’hébergement. À cet égard, la toute récente publication de l’INSEE relative aux sans-abri rappelle qu’une étude réalisée en janvier 2001 avait chiffré à 86 000 le nombre des personnes sans domicile au sens strict, c’est-à-dire des personnes qui, un jour donné, avaient passé la nuit précédente dans un centre d’hébergement ou un autre lieu non prévu pour l’habitation (3) : avec une capacité approchant les 100 000 places, le dispositif financé par l’État paraît répondre aux besoins en termes strictement quantitatifs ; les questions se posent peut-être, désormais, plus en termes d’adaptation et de fluidité du système, ainsi que de qualité de l’accueil et de la prise en charge.

Personnes lourdement désocialisées et/ou atteintes de troubles psychiques, mais aussi personnes en situation de précarité, d’instabilité après une vie affective et professionnelle fragile, déboutés du droit d’asile (seuls ou en famille), « travailleurs pauvres », femmes isolées après une séparation brutale, jeunes en rupture de ban, etc., les occupants des hébergements d’urgence et d’insertion sont très divers et ne correspondent souvent qu’en partie à l’objet théorique de ces hébergements. Cette situation est au demeurant, pour une part, inévitable vu la rapidité avec laquelle cette population évolue, en particulier en ce qui concerne les migrants, les pays d’origine de ceux-ci changeant fortement d’une année sur l’autre.

Dans les structures d’urgence, il apparaît que la majorité des personnes présentes ne relèvent pas de la mise à l’abri temporaire que visent ces structures. Selon le rapport IGAS/IGA, les personnes en situation de « rupture récente » ne représenteraient que 15 à 20 % des personnes qui y sont accueillies. Selon une enquête « une nuit donnée », qui a photographié la situation un soir de 2004, 20 % des hébergés le sont depuis plus de six mois et un tiers depuis un à six mois. Pour reprendre la terminologie de la mission, une part importante de ces personnes se « chronicise » au sein des structures d’urgence, sans y bénéficier, par construction, d’un accompagnement d’insertion. Certains, au demeurant, qui en ont un emploi, n’en ont sans doute pas besoin, mais ont alors encore moins à « résider » de fait dans le dispositif d’urgence.

Le rapporteur a pu constater lors de sa visite à la « Halte fontenaysienne », structure d’accueil de jour « à bas seuil », c’est-à-dire vouée d’abord à l’accueil de base (repas, douche, lavage des vêtements, accompagnement dans l’accès aux droits selon les besoins...) sans prétention à engager un parcours d’insertion, que des personnes y viennent régulièrement depuis l’ouverture de l’établissement il y a treize ans. Nombre de personnes en situation d’exclusion vont aussi d’un accueil ou d’un hébergement à un autre sans jamais sortir de situations de prises en charge d’« urgence » sans contenu fort d’insertion, avec la bénédiction du « système » : comme l’observe l’Association des cités du Secours catholique dans une de ses plaquettes (4), la réorientation entre structures d’hébergement « ne fonctionne pas car l’ensemble du système dit "fluide" est bouché et tourne en circuit fermé : les personnes sont alors "réorientées vers la rue et le 115" et se maintiennent ainsi dans l’urgence en circulant de centre en centre, leur souci prioritaire pendant la journée restant de savoir où elles dormiront le soir – sans pouvoir entreprendre de démarches d’insertion ».

La présence importante de personnes ayant un emploi, d’une part, d’étrangers souvent en situation irrégulière, d’autre part, constitue une autre réalité. Le rapport sur l’hébergement d’urgence des travailleurs en situation de précarité en Ile-de-France et à Paris remis en avril 2006 par MM. Xavier Emmanuelli et Bertrand Landrieu chiffre à 16 % la proportion de travailleurs précaires dans la population des centres d’accueil d’urgence de la région. Selon l’enquête « une nuit donnée » précitée, les CHU d’Ile-de-France recevraient 21 % de personnes ayant un emploi et 30 % de personnes relevant des problématiques de l’asile. Ces dernières sont souvent accompagnées de leur famille, ce qui amène un autre changement de structure de la population prise en charge : selon la plaquette susmentionnée du Secours catholique, on comptait 400 familles, soit 800 enfants, hébergés dans les dispositifs du 115 parisien en 1999, plus de 2 600 familles, soit près de 4 500 enfants en 2004…

Dans les CHRS, où transitent 110 000 personnes par an, pour une durée de séjour de l’ordre de 3,5 mois en moyenne, un quart des personnes auraient un emploi d’après une enquête menée en 2004 (voir tableau ci-dessous), dont une majorité avec des contrats de droit commun, non aidés. Ces « travailleurs pauvres », que l’on retrouve aussi dans les autres types d’hébergement, devraient pourtant pouvoir obtenir un logement « ordinaire », puisqu’ils peuvent s’insérer dans l’emploi « ordinaire ».

Activité des personnes accueillies *

(en %)

Au 15 décembre 2004, hors personnes accueillies en section d’hébergement d’urgence

CHRS

Autres centres d’accueil

CPH

CADA

Maisons-relais

Ensemble

Salarié sous contrat non aidé (à durée déterminée ou indéterminée) ou travailleur indépendant

18

15

15

2

9

14

Salarié sous contrat aidé

6

3

5

-

4

4

Activité professionnelle sans précision connue

1

1

3

-

2

1

Activité d’insertion par l’activité économique ou d’adaptation à la vie active, ou stage de formation

13

4

13

3

5

8

Chômage (inscrit ou non à l’ANPE)

33

13

40

11

22

22

Dans l’impossibilité administrative ou médicale d’exercer une activité professionnelle

13

15

11

71

36

24

Retraité

1

8

-

-

10

4

Autres situations

12

13

13

11

10

15

Activité inconnue

3

18

-

2

2

8

* Tableau publié dans le n° 507 d’Etudes et résultats de la DREES, juillet 2006.

Le recours de plus en plus massif au financement public de chambres d’hôtel pour assurer l’hébergement d’urgence rend compte de l’insuffisance globale de l’offre dans les autres formules, mais aussi de son inadaptation. En l’absence de centres d’accueil qui leur soient adaptés, c’est ainsi que des familles de plus en plus nombreuses se retrouvent très souvent en hôtel. À Paris, la quasi-totalité des places d’hôtel financées sont attribuées à des demandeurs d’asile (en mai 2006, 2 988 sur un total de 10 006 selon une note de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, soit 30 %) ou des déboutés du droit d’asile (6 259, soit 63 %).

L’hôtel constitue une formule d’hébergement qui ne comporte pas en soi d’accompagnement, ne favorise donc pas l’insertion, et qui ne permet pas, dans le cas de familles, une vie familiale normale (on ne cuisine pas dans une chambre d’hôtel).

Le tableau ci-dessous propose une évaluation des coûts des différentes formules d’hébergement. Pour interpréter ces différents coûts, il faut être conscient qu’ils ne recouvrent pas la même chose : les coûts hôteliers correspondent à de l’hébergement « sec », hors restauration, accompagnement social, formation, etc., tandis que les structures type CADA, a fortiori CHRS, consacrent évidemment des moyens importants à l’accompagnement. Ainsi, les CADA, selon les données produites dans la projet annuel de performances, dédieraient-ils en moyenne, selon leur taille, 41 à 56 % de leurs ressources à l’hébergement, pour 36 à 42 % dédiées à l’accompagnement social et juridique (procédure d’asile). En tenant compte de cette différence de structure des coûts, on constate effectivement les limites de la formule « hôtel » : elle est effectivement relativement peu onéreuse par personne hébergée, mais pour des prestations moindres ; à prestation égale, en comparant donc les coûts d’hébergement « sec » sous-jacents, elle apparaît beaucoup moins intéressante.

Les coûts journaliers des différents types d’hébergement

(en euros)

CHRS en 2007 (source : projet annuel de performances-PAP)

41,72 (1)

CHU en Ile-de-France en 2006 (calcul de la DRASS)

25,41

CADA en 2007 (source : PAP)

25,11

Dispositifs hors-CADA pour les demandeurs d’asile en 2007 (source : PAP)

17,45

Hôtels à Paris (évaluation PAP)

16,5

Maisons-relais (tarif)

12

ALT en 2007 (source : PAP)

9,21 (2)

(1) Obtenu en divisant par 365 le coût moyen annuel de 15 227 euros affiché.

(2) Obtenu en divisant par 365 le coût moyen annuel de 3 360 euros affiché.

Même si l’administration et les grands opérateurs font en sorte de mieux maîtriser le recours aux chambres d’hôtel, notamment en mettant en place, en Ile-de-France, des mécanismes de négociation groupée assurée par des spécialistes qui obtiennent ainsi des rabais, ainsi que des exigences qualitatives (formalisées par une charte), ce mode d’hébergement n’est certainement pas le plus satisfaisant.

Certaines analyses mettent en avant l’inadaptation d’une offre d’accueil qui reste insuffisamment diversifiée, avec la prédominance des deux grandes catégories que sont les centres d’urgence et les CHRS. Il est certain que cette offre peut difficilement s’adapter en temps réel aux publics. Il est vraisemblable qu’il existe des pesanteurs liées au poids du passé des associations, aux idéologies qui inspirent encore certaines d’entre elles.

Il existe un large consensus sur le principe d’une diversification des formules d’accueil, afin de les adapter aux publics, et d’une offre plus orientée vers la prise en charge dans la durée et l’insertion. La limitation stricte de la durée des séjours dans les places d’urgence est l’une des règles la plus unanimement critiquée et d’ailleurs peu appliquée. Sur le terrain, les gestionnaires de centres revendiquent les exceptions qu’ils y ont fait, les dérogations arrachées pour ne pas remettre à la rue des personnes accueillies sur des places d’urgence. C’est à la fois une question d’humanité et une question d’efficacité si l’on veut obtenir des résultats de réinsertion.

Diversifier l’offre, c’est aussi faire des économies budgétaires en retenant la formule adaptée à chacun : au regard des coûts journaliers affichés supra, comment justifier le maintien en CHRS à plus de 40 euros par jour de personnes pour lesquelles un hébergement adapté moins accompagné, type maison-relais à 12 euros par jour, apparaît plus adéquat ?

Un dispositif d’hébergement pleinement efficace serait celui qui assurerait à chacun, en quelque sorte à la carte, les prestations d’accueil et d’accompagnement adaptées à sa situation personnelle.

La diversification et l’adaptation de l’offre d’hébergement constituent bien évidemment des moyens de s’approcher de cet objectif, mais on peut craindre que les résultats obtenus ne soient décevants si, par ailleurs, une plus grande fluidité n’est pas rendue à l’ensemble du dispositif : on peut offrir des formules d’accueil aussi diversifiées que possible, tant que de nombreuses personnes qui pourraient en sortir y resteront encalminées, tant qu’en conséquence l’attribution des rares places libérées restera plus dictée par des logiques d’urgence que de recherche de la personne la plus adéquate pour bénéficier de telle ou telle mesure, le fonctionnement d’ensemble restera défaillant.

Comme le montre, notamment, la présence abondante de « travailleurs pauvres » dans les CHRS, c’est en bout de chaîne, à la sortie du système d’urgence-insertion, que semble résider le problème principal. Les difficultés actuelles d’accès au logement, qui touchent évidemment tout particulièrement les publics plus précaires, plus fragiles, constituent sans doute l’un des facteurs les plus significatifs de blocage du système, en particulier en région parisienne.

Le tableau ci-après est assez significatif à cet égard : 24 % de l’ensemble des personnes hébergées dans les différentes structures – et plus précisément 29 % de celles hébergées en CHRS –, lorsqu’elles en sortent, accèdent au logement « normal » (en tant que locataires ou propriétaires), mais 32 % de ces personnes
– 25 % de celles hébergées en CHRS – redeviennent SDF ou sont perdues de vue.

Destination des personnes hébergées après leur sortie de l’établissement *

(en %)

 

CHRS

Autres centres d’accueil

CPH

CADA

Maisons-relais

Ensemble

Location, accession à la propriété ou propriété

29

14

83

43

37

24

Location d’un logement conventionné pour l’ALT

3

-

1

3

3

2

Logement gratuit ou hébergement par un proche

15

3

5

7

8

10

Etablissement d’hébergement à caractère social

19

33

1

22

12

25

Autre établissement (de santé, pour personnes âgées, pénitencier…)

9

4

5

3

13

7

Hébergement de fortune, mobile, sans abri, destination non précisée ou inconnue

25

46

5

22

27

32

Tableau publié dans le n° 507 d’Etudes et résultats de la DREES, juillet 2006 ; situation au 15 décembre 2004, hors personnes accueillies en section d’hébergement d’urgence.

La recherche de solutions facilitant l’accès au logement social « ordinaire », direct ou indirect en passant pas des formules transitoires qui s’en rapprochent de plus en plus, constitue clairement un impératif pour décongestionner l’ensemble du système.

 

2005

2006

2007

Cumul

Hébergement d’urgence (transformation de places)

- 500

   

- 500

CHRS

800 *

500

500

1 800

CADA

2 000

1 000

1 000

4 000

Maisons-relais

1 000

1 500

1 500

4 000

Total

3 300

3 000

3 000

9 300

* 300 places nouvelles + 500 places d’urgence transformées.

Pour ce qui est des résultats obtenus en 2005, l’objectif de créer 300 places nouvelles en CHRS a été largement respecté, puisqu’au 31 décembre 2005, on comptabilise 369 places créées. L’objectif de transformation de 500 places d’urgence n’a en revanche été que partiellement atteint : 379 places ont été transformées sur les 500 initialement prévues ; 80 transformations de places ont été reportées sur l’exercice 2006, en raison notamment de retards dans la procédure d’autorisation.

En conséquence, l’augmentation totale du parc CHRS au 31 décembre 2005 a été de 706 places pour 800 prévues. Toutefois, courant 2006, l’augmentation totale du parc par rapport à la situation 2004 devrait s’élever à 846 places, hors créations de places au titre de cet exercice (500). Pour 2007, la création de 500 nouvelles places, financées sur six mois, est prévue dans le cadre du plan de cohésion sociale.

S’agissant des maisons-relais, le plan de cohésion sociale prévoit le financement de 4 000 places supplémentaires par rapport au 1 981 qui existaient au 31 décembre 2004, réparties dans 111 maisons. En 2006, 1 575 places nouvelles sont programmées, portant l’effectif cumulé à 4 481. Pour l’année prochaine, 1 500 places seront encore créées et financées sur la base de trois mois de fonctionnement en 2007.

Le plan triennal de renforcement de l’hébergement d’urgence a été annoncé en avril 2006 lors de la « Conférence nationale de lutte contre les exclusions » et formalisé le 12 mai 2006 dans le cadre du Comité interministériel de lutte contre les exclusions (CILE). Ce plan apporte des réponses en matière de réorientation des places offertes vers la prise en charge dans la durée, de diversification et d’amélioration des modes de prise en charge. Venant en cumul des engagements du plan de cohésion sociale, il prévoit :

– la pérennisation des capacités du niveau 1 du plan hivernal. On rappelle que ce niveau comprend 5 000 places ouvertes du 1er novembre au 31 mars (les niveaux 2 et 3, déclenchés en cas de grands froids, correspondant à des capacités supplémentaires d’accueil). Il est proposé d’« annualiser » ces places de niveau 1, de les financer toute l’année, selon le calendrier suivant : 500 places en 2006, 2 000 en 2007, 2 000 en 2008 et 500 en 2009 ;

– des mesures d’humanisation des centres : élargissement des horaires d’ouverture des centres d’hébergement de nuit afin de mieux les articuler avec les dispositifs de jour ; prise en charge en continu sur le week-end ; accueil en chambre individuelle ou à quelques lits…

– un renforcement des moyens du premier accueil (la « veille sociale ») : ouverture élargie de certains accueils de jour, notamment le week-end ; fonctionnement à l’année de certaines équipes mobiles qui ne fonctionnent actuellement qu’en hiver ; plus grande efficacité des « 115 » par l’augmentation du nombre de permanenciers et des moyens des plateaux techniques de téléphonie ;

– une redéfinition des modes d’accueil : une expérimentation consacrée à l’accueil durable et renforcé des « grands exclus » sera conduite sur 300 places ; une partie du parc d’hébergement d’urgence sera réorienté en hébergement de « stabilisation » à vocation plus durable (à l’instar de l’expérimentation mise en œuvre à Paris sur 1 100 places à la suite du rapport rendu en avril 2006 par Mme Agnès de Fleurieu et le M. Laurent Chambaud), en particulier afin d’assurer un meilleur accompagnement pour les personnes atteintes de troubles psychiques ;

– la transformation de 3 000 places d’hébergement d’urgence en place de CHRS sur trois ans, à la fois dans une optique de prise en charge plus durable et plus complète des personnes et dans une optique statutaire. La reconnaissance de la qualité de CHRS aura pour effet de doter les structures d’hébergement concernées d’un véritable statut (financement pérennisé ; exigences et garanties de qualité ; cadre budgétaire et comptable ; intégration dans les systèmes de remontée d’informations…) ;

– la diversification des solutions de sortie pour recréer les conditions d’une fluidité dans l’hébergement. À côté du renforcement des maisons-relais, diverses formules de logement temporaire (résidences sociales, résidences hôtelières à vocation sociale) peuvent contribuer à diversifier les solutions. Au vu des recommandations du rapport précité de MM. Xavier Emmanuelli et Bertrand Landrieu, il a été retenu dans le plan triennal la création de 3 000 places financées au titre de l’ALT, en vue notamment de sortir de l’hébergement d’urgence les travailleurs pauvres.

Pour 2007, le plan triennal correspond à un effort budgétaire de 16 millions d’euros et à la création d’environ 80 postes en équivalent temps plein dans les structures d’hébergement (notamment pour l’élargissement des horaires de fonctionnement) et de veille. Sur toute sa durée, le plan triennal doit représenter un effort budgétaire de 50 millions d’euros, qui est décomposé dans le tableau ci-après. Par ailleurs, 50 millions d’euros devraient également être consacrés à des travaux de mise aux normes des centres.

Programmation du plan triennal

 

2006

2007

2008

2009

Cumul

Pérennisation des capacités d’hébergement du niveau 1 du plan hiver

2

5

5

5

17

Autres mesures sur l’hébergement (notamment transformation de 3 000 places d’urgence en places de CHRS et ouverture de 3 000 places d’ALT)

2

9

8

8

27

Renforcement de la veille sociale et des équipes mobiles

 

2

2

2

6

Total

4

16

15

15

50

Source : questionnaire budgétaire.

On doit signaler, par ailleurs, deux mesures inscrites dans le projet de loi de finances qui s’ajoutent à celles du plan triennal : d’une part, la création de 100 places de CHRS dans les départements d’outre-mer, qui ont un gros retard à rattraper (financement : 1 million d’euros en 2007, pour couvrir sept mois de fonctionnement de ces places) ; d’autre part, la transformation en places de CHRS de 128 places dans des structures d’accueil des prostituées (cette mesure ne change pas la destination spécifique des places en question, mais leur permettra de bénéficier du régime des CHRS).

Le tableau ci-après présente de manière cumulative les différents trains de mesures décidées. L’ensemble de ces mesures conduit à un nouveau renforcement très conséquent du dispositif d’hébergement (plus de 13 000 places sur la période 2005-2009), lequel, par ailleurs, avec la transformation de places d’urgence en places d’insertion, les expériences de places de « stabilisation » et de « pérennisation » ainsi que le développement des maisons-relais, connaît effectivement une profonde restructuration vers une prise en charge plus diversifiée, plus adaptée et plus durable des personnes. Il reste à espérer que cette évolution permettra effectivement d’insérer les personne et contribuera ainsi, un peu paradoxalement s’agissant de mesures de « stabilisation » et de « pérennisation », à la flexibilité et la fluidité…

Enfin, au regard de ce qui a été dit sur la difficulté d’accès au logement en sortie de l’hébergement d’insertion, il convient de rappeler l’ampleur de l’effort engagé en matière de logement social ou, plus généralement, populaire, à travers, notamment, le programme national de rénovation urbaine (PNRU), le plan de cohésion sociale et l’engagement national pour le logement (loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006). Le PNRU prévoit ainsi une offre nouvelle de 250 000 logements locatifs sociaux, la réhabilitation de 400 000 autres et enfin 250 000 démolitions pour la période 2004-2011. Mi-octobre 2006, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) avait validé pour plus de 24 milliards d’euros de travaux programmés sur les cinq années à venir, correspondant à la production de plus de 89 000 logements sociaux et à la réhabilitation de près de 193 000. S’y ajoutent, en particulier dans le cadre de la loi du 13 juillet 2006, des mesures destinées à faciliter les opérations de construction à l’initiative des collectivités locales et à augmenter l’offre de logements à loyers maîtrisés (inventaire des terrains disponibles de l’État et cession avec décote, mesures fiscales d’incitation à la remise sur le marché des logements vacants, majoration du prêt à taux zéro, instauration du régime fiscal dit « Borloo populaire » sous double condition de loyer et de ressources du locataire…).

Créations de places d’hébergement effectuées depuis 2005 et programmées

 

2005

2006

2007

2008

2009

Cumul

Hébergement d’urgence : transformation de places (en places de CHRS ou de stabilisation)

- 379

- 80

- 2 100

- 1 000

- 1 000

- 4 559

Hébergement d’urgence : places pérennisées (plan triennal)

 

500

2 000

2 000

500

5 000

Création de places de stabilisation (plan triennal)

   

1 100

   

1 100

Transformation de structures de lutte contre la prostitution en places de CHRS

   

- 128

   

- 128

CHRS, dont :

706

640

1 728

1 000

1 000

5 074

– plan de cohésion sociale

706

640

500

   

1 846

– plan triennal

   

1 000

1 000

1 000

3 000

– autres mesures

   

228

   

228

CADA

2 000

2 000

1 000

   

5 000

Maisons-relais

925

1 575

1 500

   

4 000

Total des places créées *

3 252

4 427

4 267

1 167

292

13 404

Pour ce calcul, les places pérennisées sont comptées comme valant 7/12ème de place, puisqu’il s’agit de financer sur l’année des places d’hébergement d’hiver ouvertes seulement cinq mois auparavant.

De manière générale, la mise en œuvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (LOLF) implique une évolution du mode de gestion de la dépense publique vers plus de programmation et plus d’évaluation pour plus d’efficacité ; une telle évolution est inévitable dans le domaine de l’urgence sociale aussi. La structuration progressive du dispositif, de plus en plus à l’initiative de l’État, et l’ampleur de l’effort financier qu’il consent justifient que l’État souhaite une meilleure coordination et un pilotage de ce dispositif, dans le respect des acteurs associatifs.

Des outils d’évaluation, de programmation et de coordination sont désormais à la disposition de l’État et des autres acteurs. Reste aux uns et aux autres à se les approprier, compte tenu des difficultés intrinsèques que ce genre de démarche peut rencontrer dans le domaine de l’urgence.

L’élaboration du « référentiel national des prestations du dispositif d’accueil, d’hébergement, insertion » (référentiel AHI), présenté en mars 2005, répond à un objectif de clarification : il s’agit de définir les différentes prestations, car cela constitue le préalable à une démarche d’harmonisation et de labellisation permettant des gains de qualité susceptibles d’être mesurés. Les acteurs reconnaissent tous l’intérêt de cette démarche, même s’ils soulignent que le modèle de prise en charge des personnes qui ressort implicitement du référentiel (à travers la définition des différentes prestations d’insertion possibles et leur enchaînement dans le document) reste un objectif à atteindre, un rêve selon certains, au regard des pratiques et des moyens actuels.

Le référentiel débute par la définition de principes généraux, dont les contradictions dans les termes illustrent les tensions qui habitent les politiques de prise en charge des personnes en grande difficulté : le dispositif AHI est « conçu comme un dispositif de prise en charge transitoire orienté vers la mise en place de solutions pérennes » ; il apporte « une aide immédiate, digne et respectueuse des droits des personnes » qui est aussi « une aide globale, qualifiée et adaptée, aussi longtemps que nécessaire aux personnes en situation d’exclusion ».

Le référentiel développe ensuite ces principes, celui d’adaptation de l’aide l’amenant à distinguer plusieurs types de prestations à accorder selon les publics, ce qui implique, lors de l’accueil des personnes, un diagnostic et l’élaboration d’une offre de prise en charge. La première distinction est donc à faire entre les prestations de premier accueil et celles d’insertion qui viendront ensuite et se décomposent ainsi :

– les « prestations de transition » pour les demandeurs d’asile ;

– les « prestations d’orientation », pour des personnes qui se retrouvent dans les dispositifs d’urgence faute de mieux, mais pourraient accéder à un logement autonome ou justifient plutôt d’une prise en charge autre que « sociale » (en établissement de santé, en maisons de retraite…) ;

– les « prestations d’accompagnement à la vie autonome », quand un objectif d’accès à court ou moyen terme à l’emploi et au logement ordinaires peut être retenu ;

– les « prestations de stabilisation » dans lesquelles on ne se fixe pas un tel objectif à échéance rapprochée et qui sont destinées à des personnes accueillies de façon récurrente dans les dispositifs d’urgence.

Il existe désormais un cadre légal et réglementaire pour les opérations de coopération et de rapprochement entre les organismes.

Le code de l’action sociale et des familles comprend un intitulé consacré à la « coordination des interventions » où figure notamment un article L. 312-7 qui invite les établissement médico-sociaux à s’engager dans des démarches coopératives « afin de favoriser leur coordination, leur complémentarité et garantir la continuité des prises en charge et de l’accompagnement, notamment dans le cadre de réseaux sociaux ou médico-sociaux coordonnés… ». À cette fin, ils peuvent conclure des conventions de coopération entre eux, avec des établissements de santé ou avec des établissements d’enseignement, créer différents types de groupements, voire procéder à des fusions.

Le décret n° 2006-413 du 6 avril 2006 relatif aux groupements assurant la coordination des interventions en matière d’action sociale et médico-sociale précise les conditions dans lesquelles les groupements précités sont constitués, leurs missions et leurs règles de fonctionnement. Il s’agit de groupements d’intérêt public, de groupements d’intérêt économique ou de groupements de coopération sociale ou médico-sociale selon les choix et la nature de leurs membres ; peuvent y adhérer toutes les catégories d’établissements médico-sociaux et de santé.

Les missions des groupements peuvent comporter la mise en commun d’activités, la création et la gestion d’équipements ou de services communs, des actions de formation des personnels, des actions d’évaluation et de diffusion de référentiels. On notera enfin qu’il est prévu une tarification commune des prestations du groupement.

La démarche des contrats d’objectifs et de moyens (COM) n’est assurément pas nouvelle pour régir les relations entre l’État et les organismes qu’il finance. Le secteur de la prise en charge de l’exclusion n’est cependant touché qu’après bien d’autres, sans doute parce que ses activités paraissent plus difficiles à programmer, à encadrer, que bien d’autres quand il s’agit de répondre à l’urgence en fonction des problèmes qui se posent sur le terrain. Le fonctionnement des CHRS, structures agissant dans le moyen terme, est cependant plus compatible avec cette démarche. Le plan d’action pour les CHRS arrêté le 10 mars 2005 par le gouvernement prévoit d’encourager la passation de COM dans ce secteur. Une circulaire de la direction générale de l’action sociale (DGAS) en date du 20 juillet 2006 met en musique cette volonté en posant quelques principes de base, dont les principaux sont :

– les COM doivent faire apparaître a minima une cohérence avec le dispositif « Accueil, hébergement, insertion » et, si possible, se référer au schéma départemental dans ce domaine s’il en existe un ;

– l’existence d’un projet d’établissement est un préalable à la signature d’un COM ;

– un COM doit contribuer à la promotion de la qualité, qui doit être évaluée ;

– un COM s’inscrit dans la durée : cinq ans au plus ; trois ans au moins si possible. Il prévoit un financement pluriannuel.

L’introduction d’objectifs de gestion assortis d’indicateurs chiffrés constitue l’une des grandes avancées de la réforme budgétaire.

Les « objectifs » afférents au programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » dans le projet annuel de performances « Solidarité et intégration » sont de plusieurs natures : certains sont très généraux (renforcer la cohésion sociale par une réduction de la pauvreté ; diminuer la pauvreté des enfants ; promouvoir l’insertion des jeunes…) ; d’autres visent surtout à la mobilisation des administrations (par exemple l’objectif n° 10 : promouvoir la prise en compte de la lutte contre l’exclusion par les différents acteurs concernés, développer l’évaluation des politiques mises en œuvre et favoriser le partenariat associatif) ; trois enfin concernent plus particulièrement les personnes en grande difficulté – les exclus – aidés à ce titre. Il s’agit des objectifs n° 7, 8 et 9 : renforcer l’accès aux droits des publics les plus défavorisés (…), accroître l’insertion des personnes les plus défavorisées relevant d’un dispositif d’accompagnement social adapté (…) et améliorer la qualité et l’efficience de l’offre de services pour les personnes les plus vulnérables.

Lors que l’on regarde des indicateurs chiffrés associés aux objectifs précités, on relève une prédominance de ceux qui concernent la gestion des politiques – portant notamment sur l’offre de services de domiciliation, la répartition territoriale des maisons-relais, la part des dépenses d’hébergement d’urgence absorbées par les prestations hôtelières ou les écarts de coûts entre places en CHRS – sur ceux relatifs à la satisfaction et au devenir des personnes concernées, donc à l’efficacité de ces politiques. S’agissant des dispositifs d’hébergement social, deux indicateurs seulement portant sur les usagers ont été mis en place, l’un sur la part des personnes sortant de CHRS qui bénéficient d’une insertion en matière de logement ou d’emploi, l’autre sur la durée de séjour des personnes hébergées à l’aide de l’ALT.

La construction et l’enrichissement des indicateurs de moyens et d’efficience des politiques (notamment en matière d’hébergement, qui constitue l’enjeu budgétaire principal) doivent certainement être poursuivis, mais il faut aussi aller vers des indicateurs plus nombreux sur les personnes accueillies, leur durée moyenne de séjour, la manière dont elles sortent du dispositif, pour quelle insertion, notamment dans l’emploi et le logement.

L’élaboration d’objectifs et d’indicateurs en matière d’insertion des personnes pose toutefois de vrais difficultés : il faut définir ce qu’est l’insertion. Celle-ci ne peut se mesurer uniquement en termes d’accès au logement et/ou à l’emploi (« ordinaires ») quand ces objectifs ne peuvent être que très lointains pour les « grands exclus ». S’insérer, pour beaucoup, c’est d’abord réapprendre à être debout, autonome, recréer des liens sociaux. Plus prosaïquement, pour des personnes en situation de grande exclusion, les enjeux essentiels de la réinsertion sont le retour à un état de santé acceptable et le rétablissement d’une capacité à vivre en communauté.

De la même façon, à côté des indicateurs relatifs à l’offre d’hébergement et d’accompagnement, il faut sans doute développer autant que possible les moyens d’évaluation de la « demande » en ces matières, mais jusqu’où le peut-on ? D’une certaine façon, l’offre de prise en charge a parfois tendance à entretenir une certaine forme de demande, parfois à la susciter. Et l’urgence, c’est aussi, par construction, la réponse inconditionnelle à l’imprévu, que l’on ne mesure pas…

Le rapporteur considère que l’on devrait pouvoir aller vers de véritables « plateformes de l’insertion », un peu à la manière des maisons de l’emploi et en lien avec celles-ci. Cela dit, le développement de pratiques de coopération et de coordination, ainsi d’ailleurs que de programmation afin d’obtenir un véritable pilotage du système d’urgence sociale par l’État, s’il est légitime et nécessaire, se heurte néanmoins à des difficultés intrinsèques, des contradictions qu’il conviendra de surmonter.

Ÿ Les opérateurs associatifs : une indépendance et des traditions profondément ancrées

Le rôle des organisations caritatives dans les interventions en direction des exclus est irremplaçable : elles apportent le lien humain, le dévouement constant, l’adaptation permanente des réponses ; leurs bénévoles et leurs donateurs compensent les blocages des financements publics ; leur multiplicité et leur attachement à l’humain sont sans doute la meilleure garantie, pour les exclus, d’une prise en charge personnalisée.

Cependant, les opérateurs caritatifs ont de solides traditions propres ; ils sont attachés à leur indépendance, au principe du bénévolat et à leurs conceptions propres. Tout cela, a priori, ne facilite ni une démarche de professionnalisation, ni l’adoption de référentiels communs, ni la coopération, surtout institutionnalisée. La plupart des associations qui interviennent déclarent entretenir de bonnes relations entre elles et soulignent la nécessité de travailler en réseau, par exemple pour envoyer les personnes accueillies vers l’établissement le plus adapté à leur profil, mais la formalisation de relations partenariales entre elles n’apparaît pas très fréquente.

Il est des situations qui sont vécues comme des formes de « concurrence » malsaine et de mauvaise organisation, notamment en matière d’organisation des « maraudes » en direction des personnes en difficulté, activité où une répartition territoriale claire entre intervenants paraît relever du bons sens, mais ne semble pour l’heure pas toujours assurée…

Ÿ L’urgence, ou le traitement généraliste de situations concrètes

L’urgence, par construction, c’est l’imprévu, ce sont des situations concrètes qu’il faut traiter vite, pragmatiquement, et en prenant en compte tous les aspects des problèmes qui se posent, en gardant un point de vue « généraliste ». Les responsable d’Emmaüs l’ont clairement indiqué au rapporteur : les pouvoirs publics les apprécient en particulier pour leur capacité à « monter » un centre d’hébergement de plusieurs centaines de lits en quelques heures avec les moyens du bord. L’urgence, pour les responsables de la sécurité publique, c’est aussi l’art de gérer les situations avec une certaine habileté, au cas par cas, pour éviter les crises (vraies ou médiatiques).

Par construction, il est donc pour le moins difficile de programmer l’urgence. Sa gestion n’est pas toujours compatible non plus avec les logiques d’exigence qualitative, de respect de référentiels, de professionnalisation (qui conduit souvent à la spécialisation aux dépens de la compétence « généraliste ») qui sont promues aujourd’hui. Et cela même si les gestionnaires des centres d’hébergement d’urgence regrettent eux-mêmes l’absence de garanties de financement sur la durée, le flou juridique dans lequel ils sont par rapport aux CHRS.

La domiciliation des personnes sans domicile fixe constitue pour ces personnes une condition impérative pour leur accès aux droits, notamment aux droits sociaux (RMI, CMU, sécurité sociale…). La mission de domiciliation ne consiste pas en un simple enregistrement mais s’accompagne d’une aide aux démarches, à la lecture et à la compréhension des documents. La charge est donc considérée comme très lourde par les centres communaux d’actions sociale (CCAS) et les associations agréées à cette fin, et cela est encore plus manifeste en matière de domiciliation postale. Un tiers seulement des CCAS l’assure.

La réglementation actuelle de la domiciliation n’est pas satisfaisante ; elle est complexe, hétérogène selon les droits sociaux et procédures concernés, laisse des zones d’ombre… Le CILE du 12 mai 2006 a défini la domiciliation comme un « droit », dont il a prévu que l’effectivité doit être assurée à la fin de l’année 2006. Un groupe de travail national a donc été mis en place. Des mesures concrètes sont attendues. À ce titre, aller vers un régime d’agrément unique, comme l’Union nationale des centres communaux d’actions sociale (UNCCAS) le propose, paraît effectivement une excellente initiative. Par ailleurs, la charge que représente la domiciliation et son caractère essentiel pour l’accès aux droits justifieraient que les associations qui acceptent de la pratiquer bénéficient à ce titre d’un financement spécifique.

Le dispositif d’urgence sociale et de réinsertion souffre, comme cela a été dit précédemment, de l’embolie de certains de ses échelons. Le plus marquant est la saturation actuelle des CHRS. Cette situation pose la problématique de la circulation des publics au sein de la gamme du logement, depuis le CHRS au logement intermédiaire en passant par le logement social.

Le rapport précité de MM. Xavier Emmanuelli et Bertrand Landrieu fait deux propositions dans ce domaine : développer une offre spécifique d’hébergement transitoire adaptée à la situation des travailleurs en situation de précarité ; instituer des passerelles entre logement transitoire et logement social, en mobilisant sur cet objectif les différents contingents de logements sociaux (État et collectivités territoriales). En s’appuyant sur ces préconisations, il est urgent de reconsidérer la fluidité des publics au sein du parc de logement. Pour désengorger l’hébergement de réinsertion, il est nécessaire de désengorger chacun des échelons du parc de logement. C’est donc un raisonnement en flux, et non plus en stock, qu’il faut adopter. Pour y répondre, une logique de contractualisation entre les communes et l’État est nécessaire. Donner le rôle d’arbitre au préfet permettrait de retrouver un partenariat équilibré entre pouvoir d’urbanisme des communes et politique du logement étatique, avec comme objectif d’optimiser le parc de logement afin d’y assurer une rotation permanente. C’est à cette seule condition de fluidité que l’on permettra aux grands exclus d’entrer dans le logement de droit commun.

Un autre avantage de la démarche contractuelle est qu’elle autorise l’expérimentation et la recherche de solutions innovantes. À cet égard, la rapporteur est persuadé de l’intérêt que peut représenter la technique des « baux glissants », qu’il conviendrait sans doute de développer.

Les étrangers en situation irrégulière, en particulier les personnes déboutées du droit d’asile (et leurs familles), constituent, on l’a dit, une part importante des occupants des places d’hébergement d’urgence ; ils sont en particulier les principaux bénéficiaires de la dizaine de milliers de lits d’hôtel financés à Paris. Les mesures de régularisation de cet été ont concerné certaines des personnes ainsi logées et ont contribué à soulager le système, mais nous savons que, par construction, elles ne pourront jamais concerner tout le monde, qu’il y aura toujours des critères.

Le rapporteur estime que la voie de l’aide au retour au pays, seule voie réaliste de retour à une situation de droit – donc aussi de droit commun –, doit être développée. Jusqu’à une période récente, selon les indications de responsables administratifs, certaines personnes qui acceptaient le principe de ce retour étaient amenées à le refuser faute que l’État soit en droit de leur accorder l’aide minime de réinstallation qu’elles revendiquaient. Cette politique a récemment évolué avec un très substantielle revalorisation des montants d’aide : comme on l’a indiqué en première partie du présent avis, au 31 août, 1 084 personnes étaient déjà reparties sur l’année en cours avec cette aide revalorisée et le budget 2007 programme environ 1 700 retours aidés en moyenne de 3 000 euros.

Une politique d’aide à la réinstallation implique aussi de se donner les moyens de suivre les personnes revenues dans leur pays d’origine, afin éventuellement de leur apporter une aide complémentaire. Ce suivi peut passer par des relais associatifs, voire par l’envoi de fonctionnaires. Il serait intéressant d’évaluer des expériences telles que celle de l’accord intergouvernemental franco-roumain du 4 octobre 2002 traitant des mineurs, qui a institué un groupe de liaison opérationnel entre les administrations judiciaires, policières et sociales des deux pays, avec divers projets communs comportant des échanges de fonctionnaires (policiers et magistrats ou agents de la protection judiciaire de la jeunesse) : ce type de coopération mérite sans doute d’être repris et développé.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Beaudouin, les crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2007, à l’exception des crédits du programme « Handicap et dépendance » qui font l’objet d’un rapport spécifique, au cours de sa séance du mardi 31 octobre 2006.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Georges Colombier, président, a salué la qualité du rapport et l’intérêt du choix du thème. Il convient de se féliciter de ce dispositif encore renforcé et diversifié, tout en insistant sur la nécessité d’une prise en charge dans la durée.

Mme Martine Billard a félicité le rapporteur pour la qualité de ses propositions. Les réflexions dans ce domaine avancent et l’idée absurde selon laquelle il suffirait de prendre en charge les personnes pendant l’hiver et pas l’été s’efface peu à peu.

Les personnes qui vivent en camping mériteraient une réflexion particulière car aujourd’hui elles ne sont pas dans le périmètre du dispositif d’insertion. Or il ne s’agit pas d’une solution de logement viable sur le long terme. En particulier, ces personnes ont des problèmes de domiciliation, donc d’accès aux droits.

M. Georges Colombier, président, a évoqué le problème des personnes qui vivent dans des campings qui ne sont ouverts que de manière saisonnière. Au mois d’octobre, ces personnes se retrouvent elles aussi à la rue.

Mme Martine Billard a indiqué qu’il conviendrait de disposer d’une étude exhaustive sur ce sujet, afin d’envisager des solutions de relogement. La proposition d’agrément unique de domiciliation, émise par le rapporteur, est une bonne proposition. Dans ce domaine, les personnes hébergées à titre gracieux constituent une autre catégorie de public concernée puisqu’elles ne peuvent pas toujours être domiciliées à leur adresse d’hébergement. Enfin, il convient également de souligner que, dans certaines régions, la domiciliation est problématique lorsque la seule association agréée est de nature religieuse, ce qui peut heurter certaines personnes.

S’agissant des jeunes à la rue, des mesures spécifiques devraient être mises en place. En effet, on sait que ce type de public est plus facilement « réinsérable », tout comme d’ailleurs les femmes qui se retrouvent à la rue après un divorce. Pour ces deux types de publics, qui rechignent à être hébergés dans des structures énormes d’hébergement, il conviendrait d’inventer des solutions novatrices.

Les places d’hôtel constituent un gâchis financier incroyable et ne sont d’ailleurs pas uniquement occupées par des personnes déboutées du droit d’asile. Des étrangers en situation régulière et des Français y vivent, dans des conditions souvent indignes. L’expérience anglaise des baux glissants mérite d’être étudiée et les éventuels blocages législatifs levés. Une expérience intéressante est en cours à Paris : la mise à disposition de bagageries pour les sans domicile fixe. Ce dispositif leur permet de poser leurs affaires avant d’aller effectuer des démarches administratives ou chercher du travail et leur évite ainsi une trop grande stigmatisation.

En réponse, le rapporteur a souligné que la difficulté pour le dispositif en place, c’est de gérer la contradiction d’une urgence devenue permanente. Cependant, il est incontestable que l’on assiste à la structuration et la coordination progressives d’une véritable politique publique. Dans ce cadre, les acteurs se découvrent mutuellement.

L’hébergement en hôtel constitue une réponse que tous critiquent, mais dont le seul mérite est d’être la plus rapide par rapport à des besoins massifs. L’objectif est certainement de trouver le moyen de transférer les crédits consommés en nuitées d’hôtel vers le financement de structures de prise en charge à moyen et long terme.

Le fait est que le public des sans domicile fixe est extrêmement divers. Il faut effectivement prendre en compte les personnes hébergées en camping, les jeunes, les femmes isolées… Cette diversité justifie que l’on procède par expérimentation, et c’est ce qui se fait, par exemple avec la mise en place de bagageries ou d’accueils pour les animaux de compagnie.

Il serait également intéressant de s’inspirer des expériences étrangères. A Londres, par exemple, des résultats intéressants sont obtenus grâce à une coopération importante avec les pays étrangers pour favoriser la réinstallation des personnes qui en sont originaires.

En conclusion, on ne saluera jamais assez le dévouement des associations. Mais il faut savoir sortir de l’urgence ; tout ce qui va vers « la sortie par le haut », vers l’accès au droit commun, doit être favorisé.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur sur les crédits des programmes « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », « Accueil des étrangers et intégration », « Actions en faveur des familles vulnérables », « Protection maladie », « Egalité entre les hommes et les femmes » et « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » et a donné un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2007 de la mission « Solidarité et intégration ».

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Auditions à l’Assemblée nationale (dans l’ordre chronologique) :

Ø M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l’action sociale, Mme Claire Descreux, sous-directrice des politiques d’insertion et de lutte contre l’exclusion, M. Ludovic Fourcroy, chargé de mission « centres d’hébergement et de réinsertion sociale », et M. Pascal Noblet, chargé de mission « urgence sociale »

Ø Mme Nicole Maestracci, présidente de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), et M. Didier Piard, responsable du secteur « publics et activités »

Ø M. Christian Verheyde, membre du bureau national de la Société de Saint-Vincent de Paul

Ø M. Jacques Descamps, président de l’Association des cités du secours catholique, M. Jo Héré, secrétaire général, et M. Luc Monti, directeur du centre d’urgence « Cité André Jacomet »

Ø Mme Maryvonne Le Gac, déléguée régionale Médecins du monde en Alsace, Mme Graciela Robert, responsable de la mission « sans domicile fixe » à Paris, et Mme Michèle Teule-Espié, membre du comité de pilotage et du comité de santé publique

Ø M. Julien Lauprêtre, président du Secours populaire

Ø M. Patrick Rouyer, directeur des missions sociales d’Emmaüs France, et M. Didier Cusserne, délégué général

Ø Mme Agnès de Fleurieu, présidente de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, et M. Laurent Chambaud, membre de l’Inspection générale des affaires sociales

Ø M. Olivier Berthe, président des Restos du cœur, et M. Michel Augry, trésorier

Ø M. Cédric de Torcy, directeur des opérations de solidarité de la Croix-Rouge, et Mme Sylvie Guichard, déléguée nationale aux actions sociales

Ø M. Charles Schweisguth, président de l’association « La raison du plus faible »

Ø Mme Dominique Versini, défenseure des enfants

Ø M. Bertrand Landrieu, préfet de la région Ile-de-France, et M. Michel Peltier, directeur régional des affaires sanitaires et sociales d’Ile-de-France

Ø M. Philippe Coste, directeur des affaires sanitaires et sociales de Paris

L’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), qui n’a pu être reçue pour des raisons de calendrier, a adressé une contribution écrite au rapporteur.

Déplacements :

Ø La Halte fontenaysienne, accueil de jour, où le rapporteur a été reçu par M. Jacques Grenet, président, et Mme Viviane Raffin, directrice

Ø Le centre d’hébergement et de réinsertion sociale « L’îlot » à Vincennes, où il a été reçu par Mme Texier-Millot, directrice, et M. Philippe Chéhet, travailleur social

Ø Le SAMU social de Paris, où il a été reçu par M. Xavier Emmanuelli, président, Mme Stefania Parigi, directrice générale, et Mme Suzanne Tartière, directrice médicale

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