N° 186 - Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense




Document
mis en distribution
le 9 août 2002
No  186
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 août 2002.
P R O J E T   D E   L O I

autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense,

présenté
au nom de M. Jean-Pierre RAFFARIN,
Premier ministre,
par M. Dominique de VILLEPIN,
ministre des affaires étrangères.

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
            Traités et conventions.

                    Mesdames, messieurs,
        L'accord intergouvernemental relatif à la coopération de défense, signé le 14 octobre 1998 lors de la visite officielle en France du Président Carlos Menem, s'inscrit dans le cadre des priorités d'action de la diplomatie française et du ministère de la défense en Amérique latine. En dépit du tropisme nord-américain, particulièrement en ces périodes de difficultés économiques, la France reste pour l'Argentine un interlocuteur apprécié et un partenaire politique et économique de premier plan. Les nombreuses visites croisées de personnalités attestent de la densité et de la viabilité de ces liens, rehaussés par la proximité culturelle.
        Sur le plan international, l'Argentine a rétabli l'harmonie dans ses relations historiques complexes avec son voisin chilien et a restauré avec lui des relations de coopération. Elle s'est affirmée sur la scène internationale en menant une active diplomatie multilatérale. Elle a multiplié ses engagements dans le cadre de l'ONU, notamment le maintien de la paix, pour lequel existe une école de formation de bon niveau. Les forces armées et la gendarmerie ont plus particulièrement participé à cette ouverture sur le monde, en dépit d'une conjoncture économique très défavorable. Malgré ces contraintes financières qui pèsent sur l'appareil de défense, la volonté des autorités argentines est marquée par le souci de préserver la qualité de la formation et un niveau significatif de participation à la scène internationale. De manière significative, les nouveaux axes de coopération avec l'Argentine ont trait à la restructuration des armées et au maitien de la paix.
        L'accord confère une bonne visibilité à nos relations bilatérales de défense et peut apparaître comme un modèle pour la conclusion d'accords de nouvelle génération avec de nombreux partenaires dans la région, en particulier au sein de Mercosur. Après la restauration et l'ancrage de la démocratie en Argentine depuis 1983, la nécessité d'établir un cadre institutionnel pour les relations bilatérales de défense s'est faite sentir. La création du comité mixte en matière d'armement et un arrangement technique en matière aérienne ne pouvaient suffire, ce qui a conduit à la négociation du présent Accord, destiné à couvrir l'ensemble de nos relations de coopération militaire avec l'Argentine.
        Un partenariat franco-argentin renforcé doit au demeurant être replacé dans le contexte dynamique de l'intégration au sein du MERCOSUR, dont l'Argentine est, avec son voisin brésilien, un des piliers. L'accord du 14 octobre 1990 doit permettre de donner une impulsion à nos relations bilatérales de défense, à tous les niveaux, tant dans le champ de la coopération industrielle que dans celui de la coopération militaire proprement dite.
        Dans l'esprit de cet accord, une première réunion d'état-major s'est tenue à Buenos Aires en avril 2000. Les relations bilatérales, même si elles demeurent encore modestes, sont particulièrement étroites avec la marine et l'armée de terre. Des relations d'armement anciennes expliquent la qualité de cette relation. Un arrangement technique est en vigueur pour l'armée de l'air. La coopération dans le domaine de la formation, ciblée sur les cadres de haut niveau, et les besoins de préparation au domaine du maintien de la paix, est menée dans un esprit de grande ouverture. Les actions de conseil et d'audit interarmées vont fournir de bonnes possibilités de coopération bilatérale.
        Le texte, qui s'applique aux personnels civils et militaires des ministères de la défense, reprend les dispositions classiques figurant dans les accords de coopération et de statut des forces armées auxquels la France est Partie et diffère donc des accords de défense avec des clauses imposant aux Parties de se porter secours en cas de conflit armé. Il s'articule autour des dispositions suivantes :
        Le préambule réaffirme l'attachement des deux pays au règlement pacifique des différends et rappelle l'existence du seul instrument de coopération bilatérale existant, à savoir le comité mixte pour la coopération scientifique et technique dans le domaine des armements créé le 12 mars 1986.
        La définition du champ de la coopération est précisée aux articles 1 à 4, où l'on relève particulièrement l'accent mis sur les coopérations industrielles diversifiées, la formation juridique et la relation Armées-Nation.
        La coopération est mise en œuvre dans le cadre d'une commission mixte définie à l'article 5.
        Le statut des membres des forces armées à l'occasion du séjour sur l'un ou l'autre territoire, les privilèges de juridiction pour les fautes commises en service, les dispositions logistiques ou administratives liées au personnel, aux exercices et aux entraînements sont définis dans les articles 7 à 11. L'immunité de juridiction de l'Etat d'accueil est accordée aux membres des forces armées de l'Etat d'envoi. A ce titre, les juridictions de Partie d'envoi sont compétentes pour juger les auteurs des infractions commises en service, les autres étant du ressort des juridictions de l'Etat d'accueil. De même, l'article 8 précise que chaque Partie renonce à tout recours contre l'autre pour les dommages causés dans le cadre du service et prend en charge la réparation des dommages causés par les membres de ses forces. Une règle de partage est instaurée en cas de responsabilité conjointe.
        Les règles régissant le financement des opérations de coopération sont indiquées à l'article 9.
        Dans le cadre des exercices et entraînements conjoints, différentes exonérations de droits et taxes sont prévues (art. 10).
        En l'absence d'accord spécifique de sécurité, l'article 12 prévoit les modalités d'échange et de protection des informations classifiées.
        Enfin, les dispositions finales prévoient le règlement des différends par la voie de la négociation (art. 13) et une durée de validité de l'accord de dix ans, période reconductible tacitement (art. 14).
        Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense, et qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumise au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
        Le Premier ministre,
        Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
        Vu l'article 39 de la Constitution,
                    Décrète :
        Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article  unique

        Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense, signé à Paris le 14 octobre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.
        Fait à Paris, le 6 août 2002.

Signé :  Jean-Pierre  Raffarin

            Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,
Signé :
  Dominique  de Villepin

    

A C C O R D
entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République d'Argentine
relatif à la coopération dans le domaine de la défense,

    Le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République d'Argentine, ci-après dénommés les « Parties »,
    Considérant les liens d'amitié qui existent entre la France et l'Argentine,
    Rappelant leur commun attachement au règlement pacifique des différends internationaux,
    Dans le but d'encourager la stabilité internationale et le maintien de la paix tels que définis par la Charte de l'Organisation des Nations-Unies,
    Considérant l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Argentine relatif à la création d'un comité mixte pour la coopération scientifique et technique dans le domaine des armements du 12 mars 1986,
    Désireux de développer leur coopération en matière de défense,
    Convaincus de la nécessité de préciser les domaines, les modalités et le cadre de cette coopération,
sont convenus de ce qui suit :

Article 1

    Le présent accord établit un cadre ayant pour objet le développement de la coopération, dans le domaine de défense.

Article 2

    2.1.  Dans le respect de leurs lois et règlements, les Parties décident de mettre en œuvre une coopération entre les forces armées et les services relevant dans les deux Etats du ministère de la Défense dans les domaines suivants :
    a)  L'entraînement et la formation des personnels militaires ;
    b)  Le renseignement à caractère militaire sur des domaines déterminés ;
    c)  La reconversion des personnels ;
    d)  La coopération industrielle entre industries de défense respectives dans le domaine de la recherche et du développement des matériels de défense ;
    e)  Les services de santé des armées ;
    f)  Les connaissances et la formation dans le domaine des opérations de maintien de la paix sous mandat des Nations-Unies ;
    g)  Le sport et la culture dans les forces armées ;
    h)  L'échange d'expériences et de connaissances sur la relation Armées-Nation et l'organisation des armées ;
    i)  L'échange d'information sur le Droit et les armées, ainsi que le droit des conflits armés et ses conséquences ;
    j)  Les méthodes de planification et de prospective ;
    k)  La protection de l'environnement ;
    l)  L'histoire militaire ;
    m)  La géographie militaire.
    2.2.  Les Parties se réservant la possibilité d'identifier d'autres domaines de coopération d'un commun accord.

Article 3

    La coopération des Parties prend les formes suivantes :
    a)  Exercices et entraînements militaires communs ;
    b)  Echanges d'informations sur des projets de développement et de modernisation ;
    c)  Echanges de personnels, notamment de stagiaires, d'instructeurs, d'observateurs, de chercheurs et d'ingénieurs ;
    d)  Etablissement de programmes communs ou coordonnés dans le domaine de la recherche de défense ;
    e)  Développements communs ou coordonnés de systèmes ou d'équipements de défense ;
    f)  Utilisation par une Partie, dans des conditions à préciser au cas par cas, des centres d'essais de l'autre Partie, pour des projets communs ou pour des services propres ;
    g)  Production ou coproduction, sous accord de licence, de systèmes ou d'équipements de défense ;
    h)  Possibilité d'exporter les systèmes et équipements de défense réalisés dans le cadre de programmes de développement communs ou de coproduction ;
    i)  Acquisition d'équipements, de systèmes ou de technologies de défense et du soutien logistique, du maintien en condition et de la formation correspondants.

Article 4

    Les modalités de mise en œuvre de la coopération dans les domaines et pour les formes définis aux articles 2 et 3 peuvent faire l'objet d'arrangements complémentaires entre les représentants des Parties.

Article 5

    Afin de coordonner et de contrôler la coopération entre les deux Parties, il est créé une Commission Mixte.
    a)  Cette Commission Mixte est co-présidée par les représentants de chaque Ministre de la Défense. Elle est, en outre, composée des attachés de défense de chacun des deux Etats et le cas échéant des attachés spécialisés, ainsi que d'experts et de représentants d'organismes compétents dans les questions à l'ordre du jour. Elle peut constituer des commissions spécialisées. Le règlement intérieur est établi lors de la première réunion.
    b)  Cette Commission Mixte se réunit alternativement en France ou en Argentine à la demande de l'une des Parties. L'ordre du jour est établi en commun.
    c)  La Commission Mixte dresse un bilan des travaux de la période écoulée et fixe les grandes orientations pour la période à venir. Un procès-verbal de séance consigne, dans les langues française et espagnole, les décisions prises. Il est signé par les deux co-présidents.

Article 6

    a)  La coopération entre les forces armées des Parties s'appuie sur des programmes détaillés.
    b)  Les deux Parties se transmettent, par la voie diplomatique, leurs objectifs respectifs au regard des programmes envisagés à l'article 2.
    c)  Les Parties peuvent être amenées à se fournir mutuellement un soutien logistique. Les modalités de mise en œuvre et de paiement de ce soutien sont fixées par arrangement entre les autorités compétentes des Parties.

Article 7

    a)  Pendant leur séjour sur le territoire de l'une des Parties, les membres des forces armées de l'autre Partie respectent les lois et règlements qui y sont en vigueur.
    b)  Lorsqu'il est amené à travailler ou se déplacer sur le territoire de l'autre Partie, le personnel demeure sous statut et commandement nationaux et sert avec l'uniforme, le grade et les insignes qu'il possède dans son armée d'appartenance.
    c)  Le pouvoir disciplinaire demeure réservé à la Partie d'origine.
    d)  Les infractions commises par des membres des forces armées de la Partie d'origine sur le territoire de l'autre Partie sont de la compétence des juridictions de la Partie d'accueil, à l'exception des infractions commises en service ou à l'occasion du service. Dans ce cas, les auteurs desdites infractions restent soumis à la juridiction des autorités de la Partie d'origine.

Article 8

    a)  Chaque Partie renonce à tout recours contre l'autre Partie ou membre de ses forces armées pour les dommages pouvant survenir à ses personnels ou ses biens propres à l'occasion de l'exécution du présent accord, sauf en cas de faute lourde d'un personnel de l'autre Partie.
    b)  Chaque Partie prend en charge l'indemnisation relative à tout dommage causé par des membres de ses forces armées à des tiers.
    c)  En cas de responsabilité conjointe, la réparation des dommages causés à des tiers est effectuée de façon paritaire.

Article 9

    a)  La Partie d'origine supporte les frais de déplacement vers l'entrée et à la sortie du territoire de la Partie d'accueil ainsi que les frais d'alimentation et d'hébergement du personnel militaire et civil.
    b)  La Partie d'accueil assure à tous les membres du personnel militaire et civil de la Partie d'origine une assistance médicale dans les mêmes conditions que son personnel.
    c)  Pour les stagiaires de longue durée dans les écoles militaires et unités des forces armées, les droits aux prestations du service de santé des armées et les principes de la prise en charge financière de ces prestations sont régis par la réglementation en vigueur sur le territoire de la Partie d'accueil.
    d)  Chaque Partie supporte les dépenses relatives à la prise en charge et à l'évacuation vers leur Etat d'origine des personnels malades, blessés ou décédés.
    e)  Les dépenses entraînées par les activités conduites en application du présent accord sont réglées dans des conditions définies lors d'arrangements techniques ultérieurs.

Article 10

    Dans le cas d'exercices ou d'entraînements militaires communs, les forces de la Partie d'origine sont exonérées du paiement de tout droit, impôt ou taxe pour l'importation sur le territoire de la Partie d'accueil des matériels et approvisionnements (y compris les munitions) nécessaires à leurs activités. Toutefois, les autorisations nécessaires doivent être obtenues auprès des autorités compétentes.
    Les aéronefs militaires des Parties sont dispensés des taxes aéroportuaires sur les aéroports militaires.

Article 11

    Les membres du personnel militaire et civil autorisés à conduire des véhicules militaires sur le territoire de l'Etat d'origine sont également autorisés à conduire des véhicules militaires de même catégorie sur le territoire de l'Etat d'accueil.

Article 12

    Avant et jusqu'à l'établissement d'un accord général de sécurité sur les informations et matériels classifiés entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Argentine, les règles suivantes sont appliquées :
    a)  Les Parties s'engagent à protéger les informations classifiées auxquelles elles pourraient avoir accès dans le cadre du présent accord, en conformité avec leurs lois et règlements nationaux ;
    b)  Les informations et matériels classifiés sont transmis uniquement par des voies officielles ou par des voies agréées par les autorités des Parties responsables de la sécurité. Ces informations et matériels portent indication de leur niveau de classification et de l'Etat d'origine ;
    c)  Tout équipement ou information reçu dans le cadre du présent accord ne doit être ni transféré, ni divulgué, directement ou indirectement, temporairement ou définitivement à des tiers, personnes ou entités, non autorisés, sans l'accord écrit préalable de la Partie d'origine.

Article 13

    Tout litige entre les Parties né de l'interprétation ou de l'application du présent accord est réglé à l'amiable par voie de consultation et de négociation entre les représentants des Parties, ou bien par convocation exceptionnelle de la Commission Mixte et, si nécessaire, par la voie diplomatique.

Article 14

    a)  Le présent accord est conclu pour une durée de dix (10) ans renouvelable par tacite reconduction.
    b)  Il entre en vigueur dès que les Parties se sont mutuellement notifiées l'accomplissement des formalités d'approbation requises par leur constitution et leur règlementation internes.
    c)  Il peut être amendé, à tout moment, par écrit, d'un commun accord des Parties.
    L'entrée en vigueur des amendements s'effectue dans les conditions prévues à l'alinéa b ci-dessus ;
    d)  L'accord peut être dénoncé, par notification écrite, par chacune des Parties, avec un préavis de six (6) mois.
    Il cesse d'être en vigueur quatre vingt-dix jours après réception de la dénonciation par l'autre Partie.
    Fait à Paris le 14 octobre 1998 en deux exemplaires, en langues française et espagnole, les deux textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement
de la République française :
Hubert  Védrine
ministre
des affaires étrangères

Pour le Gouvernement
de la République d'Argentine :
Guido  Di  Tella
ministre
des relations extérieures,
du commerce international
et du culte

N° 186 - Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense


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