N° 210 - Proposition de loi de M. Georges Siffredi visant à accorder la reconnaissance de l'Etat à tous les orphelins de personnes déportées ou exécutées durant le Seconde Guerre mondiale pour des faits politiques, de résistance, en répression d'actes de résistance ou en raison de leur appartenance religieuse




N° 210
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 septembre 2002.
PROPOSITION DE LOI

visant à accorder la reconnaissance de l'Etat à tous les orphelins de personnes déportées ou exécutées durant la Seconde Guerre mondiale pour des faits politiques, de résistance, en répression d'actes de résistance ou en raison de leur appartenance religieuse.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Georges SIFFREDI, Jean-Claude ABRIOUX, Manuel AESCHLIMANN, Jean-Paul ANCIAUX, Jean AUCLAIR, Édouard BALLADUR, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Jean-Michel BERTRAND, Jean BESSON, Gabriel BIANCHERI, Étienne BLANC, Émile BLESSIG, Roland BLUM, Ghislain BRAY, Mme Maryvonne BRIOT, MM. Yves BUR, François CALVET, Pierre CARDO, Richard CAZENAVE, Roland CHASSAIN, Jean-Marc CHAVANNE, Gérard CHERPION, Mme GeneviÈve COLOT, MM. Louis COSYNS, René COUANAU, Jean-Yves COUSIN, Jean-Michel COUVE, Olivier DASSAULT, Jean-Claude DECAGNY, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Richard DELL'AGNOLA, Patrick DELNATTE, Léonce DEPREZ, Michel DIEFENBACHER, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Jean-Michel DUBERNARD, Philippe DUBOURG, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Jean-Michel FERRAND, Alain FERRY, Daniel FIDELIN, André FLAJOLET, Jean-Claude FLORY, Yves FROMION, Mme Cécile GALLEZ, MM. René GALY-DEJEAN, Daniel GARD, Daniel GARRIGUE, Claude GATIGNOL, Jean de GAULLE, Guy GEOFFROY, Maurice GIRO, Claude GOASGUEN, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Lucien GUICHON, François GUILLAUME, Jean-Jacques GUILLET, Michel HEINRICH, Pierre HELLIER, Laurent HÉNART, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Jean-Yves HUGON, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Édouard JACQUE, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Didier JULIA, Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, MM. Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Yvan LACHAUD, Édouard LANDRAIN, Pierre LASBORDES, Thierry LAZARO, Marc LE FUR, Jacques LE GUEN, Dominique LE MÈNER, Jean-Marc LEFRANC, Michel LEJEUNE, Gérard LÉONARD, Arnaud LEPERCQ, Jean-Pierre LE RIDANT, Mmes GeneviÈve LEVY, Muriel MARLAND-MILITELLO, MM. Franck MARLIN, Jean MARSAUDON, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Jacques MASDEU-ARUS, Denis MERVILLE, Damien MESLOT, Pierre MICAUX, Pierre MORANGE, Mme Nadine MORANO, MM. Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Hervé NOVELLI, Jean-Marc NUDANT, Jacques PÉLISSARD, Philippe PEMEZEC, Bernard PERRUT, Étienne PINTE, Michel PIRON, Mmes BérengÈre POLETTI, Josette PONS, MM. Daniel PREVOST, Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Éric RAOULT, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Marc REYMANN, Dominique RICHARD, Mme Juliana RIMANE, MM. Serge ROQUES, Jean-Marc ROUBAUB, Max ROUSTAN, André SAMITIER, François SCELLIER, Daniel SPAGNOU, Alain SUGUENOT, Mme HélÈne TANGUY, MM. Guy TEISSIER, Michel TERROT, André THIEN AH KOON, Jean-Claude THOMAS, Dominique TIAN, Alfred TRASSY-PAILLOGUES, Léon VACHET, Christian VANNESTE, François VANNSON, René-Paul VICTORIA, Philippe VITEL, Michel VOISIN, Gérard WEBER et M. Michel ZUMKELLER,

Additions de signatures :
MM. Claude Gaillard et Dino Cinieri

Députés.

Anciens combattants et victimes de guerre.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000, publié au Journal officiel du 14 juillet, stipule que : « Toute personne dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites durant l'Occupation et a trouvé la mort en déportation a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. »
Il est juste que les orphelins de déportés juifs n'ayant jamais été indemnisés reçoivent une telle reconnaissance du devoir que nous avons envers eux.
Il n'est pas question de nier la spécificité de la déportation juive, les souffrances et les risques subis par les enfants juifs, susceptibles, à tout moment, d'être arrêtés, déportés et exterminés, comme leurs parents.
Cependant, le caractère restrictif de ce décret crée une discrimination chez les orphelins de déportés, contraire à l'esprit qui doit présider à une telle mesure d'équité et d'expression de l'unité nationale.
Ainsi, comme l'a d'ailleurs souligné Mme Marie-José Chombart de Lauwe, présidente de la Fondation pour la mémoire de la déportation, le décret introduit même une différence de traitement entre les orphelins juifs du fait de persécutions antisémites, qui ont droit à l'indemnisation, et les orphelins de parents juifs résistants arrêtés en tant que tels, qui n'y auraient pas droit.
De plus, plus largement, il apparaît particulièrement regrettable que cette mesure d'indemnisation n'ait pas été la même pour tous les orphelins de tous les déportés, qu'ils l'aient été par persécution ou par mesure de répression (résistants, otages, raflés...), ainsi que pour ceux de fusillés ou massacrés par les nazis et leurs complices de Vichy.
L'Etat français porte une lourde responsabilité dans l'organisation de la déportation et des convois de la mort. Tous ceux qui ont été les victimes innocentes de cette infamie ont subi les mêmes atrocités, les mêmes humiliations, les mêmes souffrances, la même mort. Il serait juste que la République, la France reconnaissent les mêmes droits à tous les orphelins.
Un rapport d'octobre 1999 estimait que la population des orphelins de déportés juifs représentait, en 1941, environ 15000 personnes de moins de 21 ans. Les enfants orphelins de parents déportés « politiques », autres que « raciaux », âgés de moins de 21 ans en 1945, étaient environ 8000 à 9000. Le nombre d'orphelins de déportés résistants de moins de 21 ans a pu être estimé entre 14000 et 23000 en 1945. Ainsi, ce sont près de 50000 enfants mineurs qui, en 1945, avaient perdu un ou deux de leurs parents en déportation. Et l'on peut estimer que 24000 à 35000 d'entre eux sont encore vivants en 2002.
Il serait indigne d'attendre qu'ils aient tous disparu pour témoigner à leur égard de notre devoir de mémoire, de notre dette envers leurs parents et envers eux-mêmes.
La justice, l'équité et la raison commandent de traiter sur un pied d'égalité tous les orphelins de déportés et de leur accorder la juste reconnaissance de l'Etat, et c'est pourquoi nous vous proposons d'adopter dans le cadre de cette session la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Toute personne dont la mère ou le père a été exécuté durant la Seconde Guerre mondiale pour des faits politiques, de résistance, en répression d'actes de résistance, en raison de leur appartenance religieuse, ou dont la mère ou le père a été déporté pour ces mêmes motifs et est mort en déportation ou à la suite de cette déportation, a droit au titre de reconnaissance de la Nation et à des mesures de réparation, si cette personne était âgée de moins de vingt et un ans au moment des faits.

Article 2

Une commission nationale d'indemnisation des orphelins de personnes déportées ou exécutées pour des faits politiques, de résistance, en répression d'actes de résistance ou en raison de leur appartenance religieuse, placée sous l'autorité du Premier ministre, est créée en vue de recevoir et d'examiner les demandes formulées en ce sens. Cette commission est composée de cinq membres nommés par décret pour une durée de cinq ans. Un décret en Conseil d'Etat fixe la composition et les modalités de désignation des membres de la commission.

Article 3

La demande d'indemnisation doit comporter toutes les pièces justificatives nécessaires, et notamment les actes d'état civil attestant de la filiation avec le parent décédé ou disparu, ainsi que tous les documents prouvant que la mort ou la disparition est intervenue en déportation ou suite à la déportation.

Article 4

Un décret fixe les modalités d'application de la présente loi.

Article 5

Les charges résultant pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
N° 210 - Proposition de loi de M. Georges Siffredi sur la reconnaissance de l'Etat des orphelins de déportés durant la seconde guerre mondiale


© Assemblée nationale