N° 339 - Proposition de résolution de M. Yves Cochet tendant à créer une commission d'enquête relative à l'augmentation des suicides dans les établissements pénitenciaires français




N° 339
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 octobre 2002.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d'enquête relative
à l'
augmentation des suicides dans les établissements pénitentiaires français.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par MM. Yves COCHET, NoËl MAMÈRE
et Mme Martine BILLARD,
Députés.

Système pénitentiaire.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Depuis des années, l'Observatoire International des Prisons alerte les pouvoirs publics sur la situation dramatique des détenus dans la plupart des établissements pénitentiaires français.
Il est patent que la surpopulation carcérale et le sous-équipement des prisons pour tout ce qui touche à l'hygiène et à la santé ne permettent pas de garantir le respect des droits humains auxquels les détenus, comme tout autre citoyen, ont droit.
Si les établissements pénitentiaires doivent permettre l'application des peines décidées par les tribunaux, ils doivent garantir des conditions de vie qui permettent la réinsertion à la sortie et surtout qui soient supportables d'un point de vie humain.
La détérioration des conditions d'hygiène, de santé et de sécurité dans les prisons engendrent inévitablement une dégradation des relations entre les détenus, d'une part, et entre les détenus et les agents de l'administration pénitentiaire, d'autre part. Cela conduit à une augmentation des actes de violence mais aussi à de nombreuses tentatives de suicide de la part des prisonniers.
Plus de cent personnes avaient ainsi trouvé la mort durant l'année 1999 dans les établissements pénitentiaires français.
Il est à noter qu'en dix ans, le nombre de suicides chez les détenus a plus que doublé.
Le nombre des suicides est en constante augmentation. Ainsi, au mois d'octobre 2002, il est déjà supérieur au nombre de suicides survenus dans les prisons françaises durant toute l'année 2001.
En juin 2000, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les prisons françaises déplorait que « le taux de mort par suicide est de 22 pour 100 000 en milieu libre alors qu'il est près de 7 fois supérieur en milieu carcéral ».
L'enfermement ne peut être la seule explication. Ainsi, la France est l'un des pays d'Europe où le taux de suicide est le plus élevé.
Depuis dix ans les caractéristiques du suicide carcéral sont connues. En prison, on met fin à ses jours principalement dans sa cellule, la nuit et par pendaison. L'été et le mois de janvier, le lundi et le samedi sont les périodes où les suicides sont les plus nombreux. Certaines phases de détention sont plus propices au passage à l'acte : le moment de l'incarcération, celui de la condamnation et le temps qui précède la libération.
En mai 1998, une circulaire de l'administration pénitentiaire affirmait qu'une politique de prévention du suicide ne pouvait être «légitime et efficace que si elle cherche non à contraindre le détenu à ne pas mourir, mais à le restaurer dans sa dimension de sujet et d'acteur de sa vie».
L'un des rôles essentiels du Parlement est de contrôler l'action du gouvernement. Une commission d'enquête sur les raisons de l'augmentation des suicides en prison contribuerait à cet indispensable devoir de transparence.
Les parlementaires, en effet, ne peuvent rester insensibles à ces draines humains non démentis par les autorités pénitentiaires. Cette démarche n'a pas pour but d'accuser mais tout simplement de savoir. En effet, s'il y a un domaine sur lequel les commissions d'enquête parlementaires trouvent toute leur justification, c'est bien dans le contrôle du fonctionnement d'institutions aussi «fermées» que le monde carcéral. C'est aux parlementaires, toutes tendances confondues, qu'il revient de sensibiliser l'opinion sur ces dysfonctionnements et d'élaborer des solutions équilibrées pour prévenir les suicides en prison.
A la suite du livre de Véronique Vasseur il y a trois ans, des commissions d'enquête avaient été mises en place à l'Assemblée nationale et au Sénat. Les rapports avaient fait état des conditions de vie dramatiques. Aucune suite législative n'a été donnée. Il convient aujourd'hui de dresser un état des lieux plus précis.
C'est pourquoi nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, d'adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RESOLUTION
Article unique

Il est créé, en application de l'article 140 du Règlement, une commission d'enquête parlementaire de trente membres sur l'augmentation des suicides dans les établissements pénitentiaires français.

N° 0339 - Proposition de résolution  sur la création d'une commission d'enquête sur les suicides dans les établissements pénitentiaires français (M. Yves Cochet)


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