N° 581 - Proposition de loi de M. Pierre Albertini tendant à introduire une dose de proportionnelle pour l'élection des députés




No 581

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 janvier 2003.

PROPOSITION DE LOI

tendant à introduire une dose de proportionnelle
pour
l'élection des députés.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Pierre ALBERTINI, Hervé MORIN

et les membres du groupe UDF (1) et apparentés (2),

(1) Ce groupe est composé de : MM. Jean-Pierre Abelin, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Olivier Jardé, Yvon Lachaud, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas, Francis Vercamer, Gérard Vignoble.

(2) MM. Pierre Albertini, Christian Blanc, Philippe Folliot.

 

Députés.

Élections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Conçues pour éviter l'instabilité ministérielle et politique du régime précédent, les institutions de la Ve République ont largement répondu aux souhaits de leurs créateurs, le général de Gaulle et Michel Debré. Cependant, subissant l'épreuve du temps, elles doivent désormais mieux tenir compte des mutations rapides de l'opinion publique et s'adapter au nouveau contexte politique. La nécessité de favoriser les majorités de gouvernement n'est pas exclusive d'un objectif de respect du pluralisme et de représentation plus complète de notre diversité politique.

Ainsi, le bipartisme à marche forcée, provoqué par la réforme constitutionnelle de 1962, n'exerce plus, sauf exception, le même effet de coagulation. Si un affrontement binaire prévaut encore lors des seconds tours de scrutin, les majorités comme les oppositions sont désormais plurielles, dans l'expression des électeurs si ce n'est dans leur représentation, traduisant la diversité du débat politique. Faut-il rappeler, pour s'en convaincre, l'extraordinaire dispersion des voix enregistrée lors du premier tour de l'élection présidentielle du 21 avril 2002 ?

Le pluralisme est une force, une richesse pour la démocratie. Le conformisme de la pensée est toujours un appauvrissement.

La question est donc clairement posée : est-il normal que des millions d'électeurs ne puissent, du fait de la loi, avoir des représentants à l'Assemblée nationale? Certainement pas d'un point de vue strictement arithmétique; encore moins s'agissant de la logique politique et des devoirs qu'impose la chose publique. En effet, est-il sain pour notre démocratie de la diviser ainsi, avec d'un côté des élus qui agissent, prennent des risques et exercent leurs responsabilités et, de l'autre, ceux qui protestent, se nourrissent des difficultés sociales sans pour autant assumer la moindre obligation? A l'évidence, la réponse est négative.

L'objet de cette proposition de loi est donc d'introduire une dose de proportionnelle pour les élections législatives dans une mesure raisonnable de 10 % n'interdisant pas la constitution de majorités gouvernementales stables, mais permettant à nos concitoyens de ne plus éprouver de frustrations propices au développement d'un sentiment d'indifférence, voire de révolte.

Cette proposition de loi est d'ailleurs conforme, dans son esprit, aux suggestions formulées en 1993 par la commission Vedel : «Les chances de voir naître une majorité stable et cohérente sont suspendues, semble-t-il, au maintien du scrutin majoritaire à deux tours. La correction, c'est-à-dire l'accès de toutes les forces politiques ayant un impact réel sur l'opinion, à la vie parlementaire, ne peut être obtenue que par la superposition à ce scrutin majoritaire d'une part convenablement calculée de scrutin proportionnel...» Dans sa grande majorité, la commission a «considéré qu'un mode de scrutin élaboré selon les principes ainsi définis pouvait constituer une amélioration acceptable du système actuel».

L'avantage du mode de scrutin proposé est donc double : conservant le principe majoritaire qui demeure prépondérant, il autorise l'expression parlementaire des principaux courants, y compris protestataires, et de leurs leaders. Il s'inscrit ainsi dans la perspective d'un renforcement du socle, aujourd'hui fragilisé, de notre démocratie.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L'article L. 123 du code électoral est ainsi rédigé :

«Cinq cent vingt députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

« Cinquante-sept députés sont élus à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur chaque liste. Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Les candidats inscrits sur les listes soumises à l'élection à la représentation proportionnelle nationale ne peuvent être candidats dans une des 520 circonscriptions. »

Article 2

L'article L. 124 du code électoral est ainsi rédigé :

«Pour les 520 élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, le vote a lieu par circonscription.

« Pour les 57 élus à la représentation proportionnelle, le territoire de la République forme une circonscription unique.»

Article 3

La délimitation des 520 circonscriptions sera opérée par la loi en fonction du dernier recensement général de la population. Cependant, aucun département ne pourra compter moins de deux députés.

Une révision législative de ces limites interviendra, en fonction de l'évolution démographique, après le deuxième recensement général suivant la dernière délimitation.

N° 0581 - Proposition de loi  tendant à introduire une dose de proportionnelle pour l'élection des députés M. Pierre Albertini)


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