N° 692 - Proposition de résolution de M. Yves Cochet tendant à créer une commission d'enquête relative aux conflits d'intérêt éventuels ayant présidé à la rédaction du rapport de l'Académie des sciences et du communiqué de l'Académie de médecine et de pharmacie établissant l'absence de risque des OGM pour la santé de l'être humain et son environnement




No 692

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 mars 2003.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d'enquête relative aux conflits d'intérêt éventuels ayant présidé à la rédaction du rapport de l'Académie des sciences et du communiqué de l'Académie de médecine et de pharmacie établissant l'absence de risque des OGM pour la santé de l'être humain et son environnement.

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Yves COCHET, Damien ALARY, Mme Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Claude BEAUCHAUD, Jean-Louis BIANCO, Gilbert BIESSY, Mme Martine BILLARD, MM. Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Gérard CHARASSE, Jean DELOBEL, Jacques DESALLANGRE, Julien DRAY, Marc DOLEZ, Jean-Pierre DUFAU, Frédéric DUTOIT, Pierre FORGUES, Maxime GREMETZ, JoËl GIRAUD, Alain GOURIOU, Georges HAGE, Armand JUNG, Jean-Pierre KUCHEIDA, Jean-Claude LEFORT, NoËl MAMÈRE, Arnaud MONTEBOURG, Christian PAUL, Jean-Claude PEREZ, Mmes GeneviÈve PERRIN-GAILLARD, Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, M. Simon RENUCI, Mmes Chantal ROBIN-RODRIGO, SégolÈne ROYAL, MM. Jean-Claude SANDRIER, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER et Alain VIDALIES,

Députés.

Santé.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le 24 juin 1999, une position de précaution a été prise au niveau européen pour interdire l'utilisation des OGM face aux risques qu'ils pouvaient faire courir à l'être humain et à son environnement.

Le moratoire de fait décidé par le Conseil des ministres de l'Environnement a pris la forme de deux déclarations faites par des groupes de pays :

- un premier groupe de pays (France, Grèce, Italie, Danemark, Luxembourg) a déclaré «qu'ils feront en sorte que les nouvelles autorisations de mise en culture et de mise sur le marché soient suspendues» ;

- un second groupe de pays (Autriche, Belgique, Finlande, Allemagne, Pays-Bas et Suède) a déclaré qu'ils ont «l'intention de ne pas autoriser la commercialisation d'OGM jusqu'à ce qu'il soit démontré qu'il n'a pas d'effet nocif sur l'environnement et la santé humaine».

Dans ce contexte d'opinion défavorable de la population et réservée des pouvoirs publics, il est envisageable d'imaginer que les lobbies de l'alimentaire aient souhaité démontrer l'innocuité des OGM.

Or, le 13 décembre 2002, un document et un rapport ont été rendus publics; l'un rédigé par les Académies de médecine et de pharmacie, l'autre par l'Académie des sciences alors que la veille un communiqué était publié par les Académies de médecine et de pharmacie.

Ce dernier affirme que «les deux Académies de médecine et de pharmacie ont conjointement procédé à une analyse approfondie des risques éventuels pour la santé pouvant résulter de l'utilisation d'OGM pour l'alimentation ou pour des soins». La composition du groupe de travail qui a mené à bien cette étude n'a cependant pas été rendue publique.

Le rapport Les plantes génétiquement modifiées (rapport Sciences et Technologies, numéro 13, décembre 2002) de l'Académie des sciences a, quant à lui, été rédigé par un groupe de travail dont certains éléments permettraient de penser qu'il existe un conflit d'intérêt.

Ce groupe de travail est composé dans sa majorité de personnalités semblant être acquises aux OGM, soit parce que leurs travaux scientifiques en témoignent, soit par leurs liens avec le complexe génético-industriel.

C'est ainsi que l'absence de pluralisme a conduit à ignorer des éléments qui pourraient plaider en faveur du principe de précaution :

- L'hebdomadaire médical britannique, The Lancet, a publié dans son édition du 19 octobre 1999 des travaux scientifiques concluant à la possible dangerosité de la consommation de végétaux au patrimoine génétique modifié.

- La revue Nature, dans son édition du 20 mai 1999, a publié une étude qui montre que le pollen du maïs transgénique, qui serait capable de se protéger contre un insecte ravageur appelé la pyrale, menacerait un papillon américain appelé le monarque (cf. Le Monde daté du 1er mars).

- Un autre article d'octobre 2001 publié dans cette même revue a montré que des chercheurs mexicains confirmaient la contamination du maïs local par des OGM.

- Des premiers cas d'allergie ont été déclarés en novembre 2000 aux Etats-Unis par des consommateurs d'aliments contenant du maïs OGM.

- Des prélèvements de pollen de vigne ont été prélevés dans l'atmosphère du pôle Nord. Dans le sang des ours de l'Arctique, les prélèvements ont révélé la présence de pesticides de manière importante.

- Le 23 juillet 2001, l'Agence française de la sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a remis un avis au gouvernement faisant état de la présence très large d'OGM «à l'état de trace dans des semences ou des récoltes conventionnelles » et alertant sur cette lente colonisation.

- Une commission d'enquête parlementaire sur «la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France »a remis un rapport, le 5 avril 2000, qui «estime prématurée la mise sur le marché de nouveaux produits issus d'organismes génétiquement modifiés ».Cette commission demande que «faute des éléments susceptibles d'établir pour l'instant leur innocuité, leur commercialisation ou leur mise en circulation sous quelque forme que ce soit clairement interdite ».C'est probablement pour ces raisons que de nombreuses entreprises annoncent qu'elles refusent de commercialiser des produits OGM :

- Des propriétaires, vignerons et négociants des plus grands terroirs bourguignons ont voulu mieux cerner l'impact des expérimentations de culture en plein champ de plants de vigne transgénique qui se développent en France. Ceci les a conduits à lancer «l'Appel de Beaune »qui réclame un moratoire car «de nombreuses questions demeurent sans réponse ».

Enfin, ce rapport va au-delà du rôle scientifique qui était celui de l'Académie des sciences en faisant des commentaires d'ordre politique et économique. Ainsi, il annonce que le «moratoire européen a déjà placé et placera de plus en plus d'agricultures française et européenne dans une position très difficile ces prochaines années. En ce mot, la France a-t-elle raison de se laisser distancer en imposant une interprétation maximaliste du principe de précaution».

Les opinions économiques sur la nécessité du développement des OGM dépassent par conséquence les compétences de cette académie. Les conséquences environnementales des OGM ne sont pas prises en compte, notamment dans leur dimension évolutive.

Des antécédents préoccupants en matière de rédaction de rapports par ces académies existent.

Ainsi, le rapport de l'Académie des sciences, publié en 1994, avait conclu à l'innocuité de la dioxine pour la santé. Un diagnostic qui n'est pas sans rapport avec la présence massive dans le groupe de travail de représentants des principaux producteurs industriels de dioxine.

Un rapport de l'Académie de médecine avait minimisé les risques et conforté les thèses du lobby de l'amiante en 1996.

Aujourd'hui, il est légitime de s'interroger sur l'objectivité de ces rapports.

La présente commission d'enquête aura pour objectif de mettre en lumière les conflits d'intérêts qui peuvent éventuellement exister entre les rapporteurs et le milieu des affaires.

Au bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé, en application de l'article 140 du Règlement, une commission d'enquête de trente membres relative aux conflits d'intérêt éventuels ayant présidé à la rédaction du rapport de l'Académie des sciences et au communiqué de l'Académie de sciences établissant l'absence de risque des OGM pour la santé de l'être humain et son environnement.

Cette commission devra notamment :

- vérifier que la nature des engagements professionnels des différents rapporteurs du rapport précité et du communiqué n'est pas incompatible avec la nécessité de rendre un rapport objectif sur ces questions ;

- faire le point sur la méthodologie et les conditions d'évaluation des risques par les Académies de médecine, de pharmacie et de sciences ;

- préciser le rôle et les compétences des trois Académies au regard des conclusions sociétales et économiques qui ont été présentées dans le rapport ;

- se prononcer sur la nécessité de reconsidérer les documents et d'engager à nouveau des études sur les Organismes génétiquement modifiés et leurs conséquences pour la santé humaine et l'environnement.

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N° 0692 - Proposition de résolution portant création d'une commission d'enquête sur les conflits d'intérêt éventuels dans la rédaction du rapport de l'Académie des sciences et du communiqué de l'Académie de médecine et de pharmacie établissant l'absence de risque des OGM (Yves Cochet)


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