N° 790 - Proposition de loi de M. Philippe Folliot relative à la régulation de la démographie médicale et à l'accessibilité des soins sur l'ensemble du territoire




No 790

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 avril 2003.

PROPOSITION DE LOI

relative à la régulation de la démographie médicale
et à l'accessibilité des soins sur l'ensemble du territoire.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Philippe FOLLIOT,

Additions de signatures :
MM. Jean-Claude Beaulieu, Jacques Bobe, Loïc Bouvard, Louis Cosyns, Jean-Pierre Decool, Léonce Deprez, Jean- Pierre Door, Gérard Dubrac, Marc Francina, Mme Arlette Grosskost, MM. Jean-Claude Guibal, Jean-Jacques Guillet, Emmanuel Hamelin, Francis Hillmeyer, Edouard Jacque, Olivier Jarde, Jean-Christophe Lagarde, Dominique Le Mener, Jacques Le Nay, Geneviève Levy, Thierry Mariani, Christian Ménard, Pierre Morel A L’huissier, Nicolas Perruchot, Bernard Perrut, Christophe Priou, Jean-Luc Reitzer, Mme Juliana Rimane, MM. Daniel Spagnou, Alfred Trassy-Paillogues, Francis Vercamer, Philippe Vitel et Michel Voisin

Députés.

Santé.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Aujourd'hui, les différences projections réalisées en matière de démographie médicale convergent vers un même constat : si le numerus clausus est maintenu à son niveau actuel, il y aura une diminution des effectifs globaux de médecins de l'ordre de - 15 % à - 20 % dans vingt ans. Les données disponibles montrent en outre que, parallèlement, les disparités géographiques iront en s'accroissant et que dans certaines zones du territoire l'accès aux soins deviendra difficile.

Si aucune action n'est menée pour contrecarrer cette tendance, les zones rurales en voie de dépeuplement risquent de présenter des carences graves en matière de desserte sanitaire. Dans une conjoncture de raréfaction de l'offre médicale, les jeunes médecins auront tendance à les délaisser pour s'implanter dans des zones qu'ils jugeront plus attractives.

Il est vrai que les médecins des zones rurales ne trouvent pas toujours des conditions d'exercice de leur profession satisfaisantes. Dans la suite de leur carrière, leur qualité de vie est souvent insuffisante. Mais comme le prouve la réussite de nombreuses initiatives locales qui essaient de pallier ces inconvénients en proposant des locaux ou en octroyant certains avantages aux jeunes médecins à la recherche d'une première installation, il existe des leviers d'action qui peuvent permettre d'améliorer à la fois les conditions de vie matérielles et les conditions d'exercice des médecins en milieu rural.

Les évolutions à venir, qui risquent d'être rapides à partir de 2005, doivent être anticipées, notamment dans leur dimension territoriale, si l'on considère que seul le maintient d'un réseau suffisamment dense de médecins généralistes sur le territoire est à même de garantir à tous un égal accès aux soins de premiers recours.

L'enjeu est donc d'assurer la proximité et la continuité des soins dans un contexte de décroissance démographique. Pour ce faire, la présente proposition de loi allie disposition contraignantes et mesures incitatives.

Tout d'abord, elle pose le principe selon lequel le nombre et la répartition des étudiants autorisés à poursuivre leurs études en médecine au-delà de la première année du premier cycle doivent être déterminés en fonction des évolutions prévisibles de la démographie médicale et des besoins de santé de la population sur l'ensemble du territoire.

Elle prévoit également la mise en place d'un numerus clausus à l'installation des médecins, à l'instar du dispositif en vigueur pour les officines de pharmacie, afin de réduire les écarts de densité que l'on constate aujourd'hui sur le territoire.

Elle crée parallèlement de nouvelles incitations à l'implantation des médecins généralistes en zones rurales en complément des dispositifs existants ; dans un souci d'équité, elles seront réservées aux médecins conventionnés. Il s'agit, premièrement, de l'instauration d'une aide dégressive de l'Etat au profit des médecins généralistes s'installant dans les zones rurales exigibles aux aides versées dans le cadre du Fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale (FORMMEL). Deuxièmement, une aide de l'Etat sera également versée de manière dégressive aux médecins généralistes désireux d'ouvrir un cabinet secondaire dans certaines zones certes très peu peuplées du territoire mais également déficitaires en terme de soins. La prise en charge par l'Etat de ces aides répond à un impératif de santé publique et doit constituer un signe fort à la fois en direction du monde rural et des médecins. Enfin, troisièmement, les collectivités locales seront désormais autorisées, par transposition du dispositif de l'article 1464D du code général des impôts relatifs à la taxe professionnelle, à exonérer de taxe foncière les médecins généralistes s'installant dans une commune de moins de 2 000 habitants.

Pour garantir l'égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire et mettre en œuvre à cet effet une meilleure régulation de la démographie médicale, il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

TITRE Ier

DE L'ÉVOLUTION DU NUMERUS CLAUSUS

Article 1er

Le nombre et la répartition des étudiants de première année du premier cycle des études médicales autorisés à poursuivre leurs études en médecine à la suite des épreuves terminales de l'années universitaire en cours sont fixés chaque année par arrêté du ministre chargé de la Santé compte tenu des perspectives d'évolution de la démographie médicale et des besoins de santé de la population sur l'ensemble du territoire.

TITRE II

DE L'INSTAURATION D'UN NUMERUS CLAUSUS
A L'INSTALLATION DES MÉDECINS GÉNÉRALISTES

Article 2

Après le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre I bis intitulé « Conditions d'installation des médecins généralistes » et comprenant quatre articles L. 4131-8 à L. 4131-11 ainsi rédigés :

« Art. L. 4131-8. - Les créations, les transferts et les regroupements de cabinets médicaux de médecins généralistes doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins sanitaires dans les zones d'accueil de ces cabinets.

« Art. L. 4131-9. - Toute création d'un nouveau cabinet médical conventionné, tout transfert d'une cabinet médical conventionné d'un lieu dans un autre et tout regroupement de cabinets médicaux sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le représentant de l'Etat dans le département selon des critères de population déterminés par le décret mentionné à l'article L. 4131-11.

« La licence fixe l'emplacement où le cabinet médical sera exploité.

« Lorsqu'il est saisi d'une demande de création, de transfert ou de regroupement, le représentant de l'Etat peut imposer une distance minimum entre l'emplacement prévu pour le futur cabinet et le cabinet existant le plus proche.

« Art. L. 4131-10. - Le cabinet médical dont la création, le transfert ou le regroupement a été autorisé doit être effectivement ouvert au public au plus tard à l'issue d'un délai d'un an, qui court à partir du jour de la notification de l'arrêté de licence, sauf prolongation en cas de force majeure.

« Art. L. 4131-11. - Pour l'application des dispositions du présent chapitre, un décret en Conseil d'Etat fixe :

« - les seuils de population retenus pour l'attribution des licences mentionnées à l'article L. 4131-9 ;

« - les conditions de délivrance de ces licences ;

« - les modalités de présentation et d'instruction des demandes de création, transfert et regroupement des cabinets médicaux ;

« - Les conditions minimales d'installation auxquelles doivent satisfaire les cabinets médicaux. »

TITRE III

DES AIDES À L'INSTALLATION DES MÉDECINS GÉNÉRALISTES CONVENTIONNÉS
EN ZONES RURALES

Article 3

Les médecins généralistes conventionnés éligibles aux aides prévues au 3° du II de l'article 4 de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins bénéficient, lors de leur première installation en zone rurale où est constaté un déficit en matière d'offre de soins, d'une aide de l'Etat de 15 250 ¤ la première année de leur implantation et de 7 625 ¤ les deux suivantes.

Article 4

Les médecins généralistes conventionnés qui ouvrent un cabinet secondaire en zones rurales très peu peuplées où est constaté un déficit en matière d'offre de soin bénéficient d'une aide de l'Etat de 10 000 ¤ la première année de leur implantation et de 5 000 ¤ des deux suivantes.

Un décret détermine les conditions dans lesquelles ces zones sont définies par le représentant de l'Etat dans la région après l'avis du conseil régional de santé et des conseils départementaux de l'ordre des médecins et précise les obligations auxquelles sont soumis les médecins bénéficiant de l'aide mentionné au premier alinéa.

Article 5

Par une délibération de portée générale prise dans les conditions prévues à l'article 1639 A bis du code général des impôts, les collectivités territoriales ou leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent exonérer de la taxe d'habitation et de la taxe foncière pendant les deux années qui suivent celle de leur établissement les médecins généralistes soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux qui, exerçant pour la première fois leur activité à titre libéral, s'établissent dans une commune de moins de deux mille habitants.

La délibération porte sur la totalité de la part revenant à chaque collectivité ou groupement.

Pour bénéficier de l'exonération, les médecins visés au premier alinéa doivent apporter les justifications nécessaires au service des impôts compétent avant le 1er janvier de l'année qui suit celle de leur établissement.

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 6

I. - Les pertes de recettes pour les collectivités locales ou leurs groupements dotés d'une fiscalité propre résultant de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation générale de fonctionnement.

II. - Les charges et pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

N° 0790 - Proposition de loi relative à la régulation de la démographie médicale et à l'accessibilité des soins sur l'ensemble du territoire (M. Philippe Folliot)


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