N° 1401 - Proposition de loi de M. Robert Lecou visant à instaurer un service garanti destiné à maintenir la continuité des services publics en cas de grève




 

N° 1401

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 février 2004.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un service garanti
destiné à maintenir la continuité des services publics
en
cas de grève,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Robert LECOU

Député

Additions de signatures :
René André, Philippe Auberger, Jean Auclair, Patrick Balkany, Brigitte Barèges, Patrick Beaudouin, Jean-Claude Beaulieu, Jacques-Alain Bénisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Gabriel Biancheri, Jean-Marie Binetruy, Etienne Blanc, Emile Blessig, Jacques Bobe, Marcel Bonnot, Bruno Bourg-Broc, Chantal Bourragué, Loïc Bouvard, Victor Brial, Bernard Brochand, Yves Bur, François Calvet, Pierre Cardo, Jean-Yves Chamard, Roland Chassain, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Philippe Cochet, Louis Cosyns, Edouard Courtial, Jean-Michel Couve, Paul-Henri Cugnenc, Olivier Dassault, Marc Daubresse, Jean-Claude Decagny, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Jacques Domergue, Renaud DonnedieudeVabres, Jean-Pierre Door, Philippe Dubourg, Pierre-Louis Fagniez, Alain Ferry, Jean-Claude Flory, Arlette Franco, Cécile Gallez, Daniel Gard, Jean-Paul Garraud, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Maurice Giro, Jacques Godfrain, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Jean Grenet,  François Grosdidier, Arlette Grosskot, Jean-Claude Guibal, Gérard Hamel, Joël Hart, Michel Heinrich, Laurent Hénart, Pierre Hériaud, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Edouard Jacque, Christian Jeanjean, Nathalie Kosciusko-Morizet, Yvan Lachaud, Jacques Lafleur, Marguerite Lamour, Edouard Landrain, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Jean-Pierre Le Ridant, Pierre Lellouche, Jean Lemière, Jean-Louis Léonard, Jean Leonetti, Arnaud Lepercq, Céleste Lett, Gérard Lorgeoux, Gabrielle Louis-Carabin, Daniel Mach, Richard Mallié, Thierry Mariani, Muriel Marland-Militello Alain Marleix, Philippe-Armand Martin, Patrice Martin-Lalande, Henriette Martinez, Alain Marty, Christian Ménard, Alain Merly, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Pierre Morel-A-l’Huissier, Etienne Mourrut, Alain Moyne-Bressand, Jean-Claude Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Yves Nicolin, Philippe Pemezec, Bernard Perrut, Josette Pons, Daniel Poulou, Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Eric Raoult, Jean-François Régère, Frédéric Reiss, Jacques Remiller, Marc Reymann, Juliana Rimane, Jérôme Rivière, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Xavier De Roux, Francis Saint-Léger, Frédéric Saint-Sernin, cAndré Samitier, Joël Sarlot, François Scellier, Bernard Schreiner, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Hélène Tanguy, Irène Tharin, André Tien Ah Koon, Alfred Trassy-Paillogues, Christian Vanneste, Catherine Vautrin, Béatrice Vernaudon, Jean-Sébastien Vialatte, Philippe Vitel, Michel Voisin,
MM. Lucien Degauchy et Lionnel Luca
M. Francis Vercamer

 

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'instauration d'un service garanti dans les services publics est devenue depuis quelques années en France l'objet d'une forte demande de l'opinion publique et des responsables politiques. Ainsi, plusieurs sondages récents montrent qu'au moins trois quarts des Français y seraient favorables, toutes opinions politiques et situations professionnelles confondues. Le Président de la République s'est, à plusieurs reprises, prononcé personnellement en faveur de cette réforme : il l'a d'ailleurs rappelé au cours de la campagne de la dernière élection présidentielle. Le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, s'est lui-même exprimé dans ce sens lors de sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002. Et, du côté parlementaire, sept propositions de loi en faveur d'un service garanti ont été déposées à l'Assemblée nationale au cours de la seule législature actuelle.

Le sujet n'en est pas moins controversé. Certains syndicats ont manifesté jusqu'ici leur opposition. D'autres personnes ou organisations, tout en affirmant la nécessité d'un service garanti, suggèrent des solutions différentes, à l'image des multiples propositions de loi. Il est vrai que cette question touche à au moins trois principes essentiels, de valeur constitutionnelle.

Le droit de grève, d'abord, remontant à 1864, affirmé dans le préambule de la Constitution de 1946, et important symbole de conquête sociale et de progrès démocratique. La continuité des services publics, ensuite, principe général du droit de la République française, reconnu par le Conseil constitutionnel. Rappelons à cet égard que, au titre de l'article 5 de la Constitution, le Président de la République assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. Enfin, de façon plus ponctuelle, le principe de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens, consacré par le Conseil constitutionnel en 1980. On pourrait aussi évoquer le droit au travail ou la liberté d'aller et venir, qui sont également des principes constitutionnels...

Or, la France fait aujourd'hui figure d'exception parmi ses partenaires européens et industrialisés, comme le montre le rapport que je viens de rendre au nom de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale sur le sujet (1). Cette particularité tient à la combinaison de trois éléments principaux : un droit de grève large, une continuité des services publics très partiellement garantie et un dialogue social limité. Il en résulte une forte conflictualité des rapports sociaux dans les services publics, caractérisée par des grèves particulièrement nombreuses et paralysantes. Pour ne citer qu'un seul chiffre, on relève 1 115 331 jours de grève dans la seule fonction publique de l'Etat (avec la Poste) en 2001, soit 62 % du total des jours de grève pour à peine plus de 10 % de l'ensemble des salariés.

Cette situation ne satisfait personne. Ni les entreprises, qui subissent des pertes importantes. Ni les usagers, qui sont privés du service public : ce sont d'ailleurs souvent les plus démunis ou les plus modestes qui subissent en première ligne les inconvénients de la grève, leurs moyens ne leur permettant pas de trouver des solutions alternatives. Ni l'Etat, qui n'est pas en mesure d'assurer la continuité du service public. Ni les représentants syndicaux, les grèves ne leur permettant pas toujours, loin s'en faut, de satisfaire leurs revendications et entraînant pour eux des pertes importantes de salaires. C'est au fond l'intérêt général du pays dans son ensemble qui en pâtit.

Aussi, est-il nécessaire de mieux assurer la continuité du service public en France.

Le premier moyen d'y parvenir repose sur une meilleure prévention des conflits. Tel est l'objet du projet de loi que le ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, M. Gilles de Robien, s'est engagé à déposer en janvier 2004.

Mais cela impose également, dans les cas où les partenaires sociaux ne parviennent pas à éviter la grève, de prévoir un service garanti.

Or, une loi est nécessaire pour ce faire. D'abord, pour en instaurer le principe, ce que seul le législateur est, selon le préambule de la Constitution de 1946 et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, habilité à faire. Mais aussi pour fixer la liste des services publics essentiels auxquels le service garanti à vocation à s'appliquer et inciter les partenaires sociaux à en définir les modalités d'application. Enfin, la loi pourrait également prévoir, qu'à défaut d'accord entre les partenaires sociaux au bout d'un délai de six mois, il appartiendrait à une autorité indépendante, nommée par les plus hautes autorités politiques, de déterminer, après avis de ceux-ci, les règles du service garanti dans chaque secteur concerné. Le recours à une telle autorité semble apporter les meilleures conditions d'impartialité et de légitimité. D'autant que celle-ci pourrait jouer, en outre, un rôle de médiation, de conciliation et d'arbitrage pour éviter les conflits.

En cohérence avec la démarche de concertation promue par le ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, dans le domaine des transports terrestres, cette loi a l'utilité de fixer, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, un cadre général et une échéance précise pour l'instauration du service garanti.

En outre, par différence avec les propositions de loi déjà déposées sur le sujet, elle tend à garantir la continuité de l'ensemble des services publics essentiels, à définir ceux-ci et, par la création d'une autorité indépendante, à assurer l'équilibre entre l'exercice du droit de grève et la continuité des services publics. Enfin, elle donne toute sa place aux partenaires sociaux, dans l'ensemble du processus de définition et d'application du service garanti.

Cette réforme revêt un enjeu essentiel. Elle conditionne la promotion du service public, dont le rôle sera d'autant plus crucial dans un monde dominé par la logique du marché et de la concurrence internationale.

Elle conditionne aussi la crédibilité des dirigeants politiques - et, par voie de conséquence, de notre démocratie -, car il leur appartient de répondre de façon concrète et rapide à cette forte demande de l'opinion.

Elle conditionne, enfin, l'avenir de notre pays, qui dépend largement de notre capacité à réformer et moderniser l'Etat - modernisation que la paralysie des services publics ou les menaces de blocage ont trop souvent et trop longtemps différée.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l'article L. 521-4 du code du travail, il est inséré un article L. 521-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 521-4-1. - En cas de grève des personnels mentionnés à l'article L. 521-2, il est instauré un service garanti destiné à maintenir la continuité des services publics. »

« Ce service garanti est obligatoire dans l'ensemble des services publics essentiels, que sont la santé et la salubrité publiques, la sécurité des personnes et des biens, la justice, les transports, l'éducation, l'approvisionnement en eau et en énergie, la radio, la télévision, les douanes, la poste et les télécommunications. »

« Les conditions de ce service sont définies, secteur par secteur, par un accord entre la direction des services, entreprises ou organismes concernés, et les organisations syndicales. »

« Il est institué une Commission de garantie de la continuité des services publics, composée de neuf membres nommés par le Président de la République, sur proposition de l'Assemblée nationale et du Sénat, parmi des juristes et des spécialistes des relations du travail. Cette Commission valide chacun de ces accords en s'assurant de caractère adéquat et proportionné des mesures proposées au regard du nécessaire équilibre entre l'exercice du droit de grève et la continuité des services publics. Elle y apporte, au besoin, les modifications que cet équilibre appelle, en concertation avec les parties signataires. »

« A défaut d'accord entre les partenaires sociaux dans un délai de six mois suivant l'entrée en vigueur du présent article, la Commission de garantie arrête, en concertation avec eux, dans chaque secteur concerné, les modalités du service garanti. »

« En outre, la Commission de garantie peut, à la demande des partenaires sociaux, jouer entre eux un rôle de médiation, de conciliation ou d'arbitrage en vue d'éviter les conflits ou, lorsqu'ils sont survenus, de les résoudre dans les meilleurs délais. »

« Un décret en Conseil d'Etat détermine l'organisation et le fonctionnement de la Commission de garantie de la continuité des services publics. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118225-7
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1401 - Proposition de loi : service garanti pour maintenir la continuité des services publics en cas de grève (M. Robert Lecou)

1 () Rapport d'information no 1274, Le service minimum dans les services publics en Europe : comparer pour mieux réformer, décembre 2003.


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